Clause attributive de compétence : 24 janvier 2023 Cour d’appel d’Amiens RG n° 21/00631

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Clause attributive de compétence : 24 janvier 2023 Cour d’appel d’Amiens RG n° 21/00631
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ARRET

S.A. GENARD PERE ET FILS

S.A.R.L. GENARD PERE ET FILS TRAVAUX PUBLICS

C/

S.A.S. ENVIRO-CONSEIL ET TRAVAUX

CV

COUR D’APPEL D’AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 24 JANVIER 2023

F N° RG 21/00631 – N° Portalis DBV4-V-B7F-H7QM

JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE SOISSONS EN DATE DU 26 NOVEMBRE 2020

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTES

S.A. GENARD PERE ET FILS agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 1]

S.A.R.L. GENARD PERE ET FILS TRAVAUX PUBLICS agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentées par Me Bénédicte CHATELAIN substituant Me Franck DERBISE de la SCP LEBEGUE DERBISE, avocats au barreau d’AMIENS, vestiaire : 06

Ayant pour avocat plaidant, Me Pierre-Henri JUILLARD, avocat au barreau de PARIS

ET :

INTIMEE

S.A.S. ENVIRO-CONSEIL ET TRAVAUX agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représentée par Me Christophe DONNETTE, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN

DEBATS :

A l’audience publique du 08 Novembre 2022 devant Mme Cybèle VANNIER, entendue en son rapport, magistrat rapporteur siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l’article 786 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 24 Janvier 2023.

GREFFIER : Mme Charlotte RODRIGUES assistée de Mme Anne-Lise LEPLUMEY, greffier stagiaire

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Cybèle VANNIER en a rendu compte à la Cour composée en outre de :

Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre,

Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,

et Mme Cybèle VANNIER, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 24 Janvier 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, Présidente a signé la minute avec Mme Charlotte RODRIGUES, Greffier.

DECISION

Par actes d’huissier en date du 27 novembre 2018 la société Enviro-conseil et travaux ( ECT) a fait assigner les sociétés Sarl Génard père et fils travaux publics et Sa Génard père et fils devant le tribunal de commerce de Soissons afin de les voir condamner aux sommes demandées initialement à titre de provision en référé soit:

– une somme de 59914,81 euros au titre de factures impayées avec intérêts de retard au taux fixé par l’article L 441-6 du code de commerce à compter du 19 février 2016

– une somme de 6000 euros à titre de dommages et intérêts

– une somme de 3000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par jugement en date du 26 novembre 2020 le tribunal de commerce de Soissons a rejeté l’exception de nullité de l’assignation , rejeté l’exception d’incompétence soulevée et a condamné la Sarl Génard père et fils travaux publics à payer à la société ETC la somme de 59914,81 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 novembre 2018, la somme de 2000 euros à titre de dommages et intérêts et la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 1er février 2021 les sociétés Génard père et fils ont interjeté appel de cette décision expressément en toutes ses dispositions..

Aux termes de leurs conclusions notifiées le 28 avril 2021, les sociétés Génard père et fils demandent à la cour in limine litis de prononcer l’incompétence du tribunal de commerce de Soissons au profit du tribunal de commerce de Paris et de renvoyer la procédure devant la cour d’appel de Paris.

A titre subsidiaire elles demandent à la cour d’infirmer le jugement entrepris faute de preuve de l’existence et des conditions d’un contrat de stockage de déchets.

A titre très subsidiaire elles demandent à la cour de dire que le prix du contrat se limitait à la somme de 3,50 euros le m² et d’octroyer les plus larges délais à la Sarl Génard père et fils travaux publics et en tout état de cause elles demandent à la cour de rejeter la demande de dommages et intérêts et de condamner la société ETC au versement d’une somme de 2500 euros à la Sarl Génard père et fils au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’au paiement des entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 9 juillet 2021, la société ETC demande à la cour de confirmer le jugement entrepris sur la condamnation de la Sarl Génard père et fils travaux publics au prix du contrat mais de l’infirmer pour le surplus et statuant à nouveau de condamner les sociétés Génard père et fils au paiement de la somme de 6000 euros à titre de dommages et intérêts et la somme de 5000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 6 octobre 2022.

MOTIFS

Sur l’exception d’incompétence

Les appelantes font valoir que les conditions générales de service figurant au verso de l’une des factures précisent de manière très apparente à l’article 12.2 que tout litige lié à l’exécution , l’interprétation ou la fin des conditions générales de service sera de la compétence exclusive des juridictions du ressort de la cour d’appel de Paris et que ces conditions générales de service conclues entre deux sociétés commerciales commerçantes par la forme qui ont expressément accepté leur engagement quant à la compétence des juridictions du ressort de la cour d’appel de Paris devaient conduire le tribunal de commerce de Soissons à prononcer son incompétence au profit des juridictions ad hoc.

Elles ajoutent qu’il résulte des mentions du jugement du tribunal de commerce de Soissons rappelant les prétentions des parties que les sociétés Génard père et fils ont avant toute défense au fond soulevé in limine litis les exceptions de procédure et notamment celle relative à l’incompétence et que la procédure étant orale l’exception d’incompétence soulevée doit être déclarée recevable nonobstant les conclusions prises auparavant.

Par ailleurs elles font valoir qu’aucun élément autre que ceux figurant dans les conditions générales de service ne permet de contredire la présomption selon laquelle la clause attributive de compétence a été conclue dans l’intérêt commun des parties et qu’en conséquence la clause attributive de compétence n’ayant pas été prévue dans son intérêt exclusif la société ETC ne pouvait y renoncer unilatéralement.

La société ETC fait valoir pour sa part que les sociétés Génard père et fils ayant préalablement conclu au fond sans soulever l’exception d’incompétence elles sont dès lors irrecevables à la soulever ultérieurement.

Elle fait également valoir qu’elle a entendu renoncer à la clause attributive de compétence qui avait été rédigée dans son intérêt exclusif en fonction de son siège social.

En application de l’article 74 du code de procédure civile les exceptions de procédure doivent à peine d’irrecevabilité être soulevées avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir.

En matière de procédure orale les conclusions sur le fond parvenues avant l’audience dont la recevabilité est subordonnée à la comparution de leur auteur ne sont pas de nature à le priver de la faculté de soulever à l’audience une exception d’incompétence à la condition qu’elle le soit avant toute défense au fond.

Or en l’espèce tout en faisant référence au fait que les sociétés Génard père et fils ont soutenu à l’audience du 20 juin 2020 leurs conclusions du 26 novembre 2019 le tribunal de commerce précise qu’elles ont soulevé in limine litis l’incompétence du tribunal de commerce de Soissons.

Dès lors il convient de déclarer recevable l’exception d’incompétence soulevée.

En application de l’article 42 du code de procédure civile la juridiction compétente est sauf disposition contraire celle du lieu où demeure le défendeur et toute clause dérogeant directement ou indirectement aux règles de compétence est réputée non écrite à moins selon l’article 48 du même code qu’elle n’ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu’elle n’ait été spécifiée de façon très apparente dans l’engagement de la partie à qui elle est opposée.

Il peut être renoncé à cette clause par la partie au profit de laquelle elle a été établie.

En l’espèce la clause de compétence visant les juridictions du ressort de la cour d’appel de Paris a été établie dans l’intérêt exclusif de la société ETC dont le siège social est à [Adresse 5] dans le ressort de la cour d’appel de Paris et non pas dans un intérêt commun aux sociétés Génard père et fils dont le siège social est dans le ressort de la cour d’appel d’Amiens.

La société ETC pouvait donc légitimement renoncer à cette clause dérogatoire de compétence et saisir le tribunal de commerce de Soissons et la décision doit donc être confirmée en ce qu’elle a retenu la compétence du tribunal de commerce de Soissons.

Sur le fond

Les sociétés Génard père et fils soutiennent qu’aucun acte qualifiable de contrat n’a été signé entre les parties et que la société ETC ne s’appuie que sur des factures unilatéralement émises par elle-même ou des lettres de voiture qui ne constituent qu’un contrat de transport entre l’expéditeur la Sarl Génard père et fils et le voiturier la SA Génard père et fils avec la mention d’un destinataire la société ETC mais qui ne peuvent faire la preuve d’un contrat de stockage, ne comprenant au demeurant aucun prix quant aux prestations de stockage.

Elles font observer que la société ETC échoue dans l’administration de la preuve ne faisant pas la preuve d’un mesurage contradictoire de volumes ou de bons de livraison. Elles soutiennent que la demande d’acceptation préalable qui ne comprend aucun tarif ne constitue ainsi qu’un document interne à la société ETC et ne peut valoir contrat.

Elles font valoir que ni la grille tarifaire non acceptée ni la facture antérieure ni le protocole de sécurité non signé et ne portant pas la mention du contrat et du prix ne sont de nature à établir l’existence d’un accord sur la chose et le prix.

Enfin s’agissant des courriels échangés entre les salariées des deux sociétés, faute d’un aval des représentants légaux des sociétés elles estiment qu’ils ne peuvent engager celle-ci.

Elles considèrent que la société ETC se montre défaillante dans l’établissement de la preuve d’un contrat valablement formé entre les parties et faute d’établir un accord exprès de volontés sur la chose et le prix ne caractérise pas l’existence d’une relation contractuelle entre les parties.

La société ETC fait valoir qu’après avoir tenté de gagner du temps en jouant sur la similitude de leurs noms la société Génard père et fils travaux publics a reconnu être liée à la société ETC ce qui correspond à la demande d’acceptation préalable alors que les lettres de voiture ont été effectuées au nom de la Sa Génard père et fils.

Elle fait observer que les sociétés Génard ont attendu plus de deux ans après l’émission de la facture pour contester le prix facturé alors même qu’elles ont toutes deux reconnu être débitrices des sommes dues.

Elle soutient que l’accord sur le prix ne fait pas de doute dès lors qu’il est le même que celui retenu dans la première facture en date du 30 septembre 2015 qui a été réglée sans difficulté et sans contestation.

Elle rappelle que la société Génard était informée du prix qu’elle a accepté dès lors qu’elle a reçu une grille tarifaire applicable annuellement et a signé une demande d’ouverture de compte, une demande d’acceptation préalable et une fiche de renseignement client puis a approuvé un protocole de sécurité et demandé la prorogation du contrat.

En application de l’article L110-3 du code de commerce à l’égard des commerçants les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens à moins qu’il n’en soit disposé autrement par la loi.

Il sera en premier lieu observé qu’il est contradictoire pour les sociétés Génard père et fils de se prévaloir d’un accord des deux parties sur les conditions générales de service émises par la société ETC et figurant au dos d’une facture émise par celle-ci afin de justifier leur exception d’incompétence puis de prétendre ne pas être contractuellement liées à la société ETC.

En réalité il est justifié par la société ETC par une lettre de confirmation d’ouverture de compte que la société Génard père et fils est devenue cliente à compter du 7 septembre 2015 et qu’une ouverture de compte client est intervenue au profit de la société Génard père et fils qui a alors été informée de la grille tarifaire applicable annuellement et des différents services offerts .

Il lui était également précisé que pour chacun des chantiers concernés une demande d’acceptation préalable devait être transmise avant les premières livraisons.

Il est ainsi produit une demande d’acceptation préalable en date du 8 septembre 2015 émanant de la Sarl Génard père et fils travaux publics en qualité de client de la société ETC pour un chantier sur [Localité 4] pour une prestation envisagée de 6000 m3 acceptée par la société ETC.

Le règlement sans contestation d’une première facture en date du 30 septembre 2015 relative à ce chantier de [Localité 4] au prix de 8,25 euros ou de 3,50 euros le m3 en fonction du site de déchargement, après explications sur les différents tarifs pratiqués et la demande de prorogation d’un mois du contrat confirment également l’existence des relations contractuelles entre les parties la société Génard père et fils travaux publics et la société ETC et leur accord quant aux prix pratiqués.

Il sera relevé de surcroît qu’après l’émission des factures du 31 octobre 2015 et du 30 novembre 2015 relatives à ce même chantier et faisant application du même tarif mais qui sont également corroborées quant aux volumes traités par les lettres de voiture de la SA Génard père et fils non contestées par la SARL Génard père et fils travaux publics, cette dernière n’a aucunement entendu contester son obligation au règlement de ces factures ni même contesté les éléments les constituant, volumes et prix mais s’est prévalue de l’absence de règlement de son propre client propriétaire du chantier ainsi qu’il résulte d’un courrier recommandé par elle adressé le 12 mai 2016.

La société ETC rapporte par l’ensemble des éléments qu’elle produit la preuve de sa créance à l’égard de la société Génard père et fils travaux publics et le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu’il a condamné la société Génard père et fils travaux publics au paiement du montant des deux factures soit la somme de 59914,81 euros.

En effet il résulte des tarifs de la société ETC que seul le déchargement sur [Localité 7] est fixé à un montant de 3,50 euros le m3 et non pas le déchargement sur [Localité 2] correspondant aux factures litigieuses ainsi que le confirment les lettres de voiture.

S’agissant des intérêts sollicités, la société ETC demande que les intérêts soient calculés au taux fixé par l’article L 446-1 du code de commerce.

Les sociétés Génard père et fils font valoir que les factures ne font état que d’intérêts de retard calculés à trois fois le taux de l’intérêt légal soit 3,03 % pour le premier semestre 2016 et 2,79 % pour le second. Elles soutiennent que le point de départ des intérêts sollicité en référence au transport routier de marchandise est également erroné.

Il résulte des conditions générales de service que les factures sont payables dans un délai maximum de 45 jours et que tout défaut de paiement rendra exigible une pénalité de retard au taux égal à trois fois le taux de l’intérêt légal conformément à l’article L 441-6 du code de commerce.

Il convient en conséquence de dire que la condamnation sera assortie des intérêts contractuellement prévus dus à compter de l’assignation du 27 novembre 2018.

Sur la demande de délais

La société Génard père et fils travaux publics ne justifie pas de la situation difficile qu’elle allègue et par ailleurs a déjà de fait bénéficié de larges délais de paiement, les factures litigieuses étant en date du mois d’octobre et de novembre 2015.

Il convient de la débouter de sa demande de délais.

Sur les dommages et intérêts pour résistance abusive

La société ETC sollicite que les dommages et intérêts alloués en première instance soient portés à la somme de 6000 euros en conséquence de la résistance abusive et de l’évident retard de paiement.

Les appelantes font observer que la société ETC ne justifie pas avoir engagé de démarches amiables pour résoudre leur différend. Elles soutiennent qu’elles exercent simplement leur droit d’appel.

La société Génard père et fils travaux publics s’est opposée au travers de l’audience de référé, de l’audience de première instance puis d’appel à l’exécution de ses obligations à l’égard de la société ETC les dommages et intérêts alloués en première instance doivent donc être confirmés mais non majorés dès lors que le retard de paiement est indemnisé grâce aux intérêts de retard.

Sur les frais irrépétibles et les dépens.

Il convient de condamner la société Génard père et fils travaux publics aux entiers dépens de première instance et d’appel et de la condamner à payer à la société ETC la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais non compris dans les dépens exposés en première instance et en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement contradictoirement et par mise à disposition de la décision au greffe,

Confirme la décision entreprise excepté sur la condamnation relative aux frais irrépétibles ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la Sarl Génard père et fils travaux publics à payer à la société Enviro-conseils et travaux la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais non compris dans les dépens exposés en première instance et à hauteur d’appel ;

Condamne la Sarl Génard père et fils travaux publics au paiement des entiers dépens de première instance et d’appel

Le Greffier, La Présidente,

 


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