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3ème Chambre Commerciale
ARRÊT N°572
N° RG 22/03979 – N° Portalis DBVL-V-B7G-S4N6
M. [G] [H]
M. [W] [Z]
Mme [X] [Z] épouse [H]
M. [B] [H]
C/
S.A. FINANCO
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me LEYER
Me FAGE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 22 NOVEMBRE 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,
Assesseur : Madame Fabienne CLEMENT, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère, rapporteur,
GREFFIER :
Madame Julie ROUET, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 04 Octobre 2022
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 22 Novembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANTS :
Monsieur [G] [H]
né le [Date naissance 5] 1975 à [Localité 16]
[Adresse 6]
[Localité 1]
Monsieur [W] [Z]
né le [Date naissance 3] 1948 à [Localité 14] (Algérie)
[Adresse 12]
[Localité 2]
Madame [X] [Z] épouse [H]
née le [Date naissance 7] 1945 à [Localité 14] (Algérie)
[Adresse 10]
[Localité 2]
Monsieur [B] [H]
né le [Date naissance 4] 1942 à [Localité 13] (Algérie)
[Adresse 11]
[Localité 2]
Représentés par Me Dominique LEYER, Postulant, avocat au barreau de BREST
Représentés par Me Henri-Charles LAMBERT, Plaidant, avocat au barreau de NICE
INTIMÉE :
S.A. FINANCO inscrite au RCS de BREST sous le numéro 338 138 795 agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés es-qualités au siège
[Adresse 9]
[Localité 8]
Représentée par Me Julie FAGE de la SCP AVOCATS DU PONANT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST
La société FINANCO, dont le siège social est situé à [Localité 15] a accordé des crédits aux sociétés SAS AUTOMOTIV, ELLIPSE, AUTOLIPSE, ADM.
En vertu de clauses attributives de compétence insérées dans chaque contrat de prêt, elle a fait assigner devant le tribunal de commerce de Brest, en introduisant quatre instances distinctes, Messieurs [G] [H], [B] [H], [W] [Z] et [X] [Z] [H]:
– en leurs qualités de cautions de la société AUTOMOTIV contre M. [W] [Z], Mme [X] [H] [Z], M. [B] [H],
– en leurs qualités de cautions de la société ELLIPSE contre Messieurs [G] et [B] [H], M. [Z] et Mme [X] [H] [Z],
– en leurs qualités de cautions de la société AUTOLIPSE contre M. [W] [Z], Mme [X] [H] [Z], Messieurs [G] et [B] [H],
– en leurs qualités de cautions de la société ADM contre M. [W] [Z], Mme [X] [H] [Z], Messieurs [G] et [B] [H].
Les défendeurs ont soulevé l’incompétence du tribunal de commerce de Brest dans les quatre instances, au profit du tribunal judiciaire de Nice.
La société FINANCO a fait valoir que la compétence du tribunal de commerce devait être maintenue mais qu’elle n’avait pas de moyen opposant à la demande de transfert des dossiers à la juridiction niçoise; elle a demandé en conséquence au tribunal de commerce de Brest de renvoyer le dossier devant le tribunal de commerce de Nice.
Le tribunal de commerce de BREST a rendu quatre jugements datés du 03 juin 2022 statuant uniquement sur la compétence:
RG 2021 001719 (AUTOMOTIV)
RG 2021 001720 (ELLIPSE)
RG 2021 001721 (AUTOLIPSE)
RG 2021 001722 (ADM)
et dans chacun des jugements:
– a débouté les consortS [H]-[Z] de leur exception d’incompétence,
– a déclaré régulière la clause d’attribution de compétence stipulée aux actes de cautionnement,
– s’est déclaré compétent,
– a renvoyé l’affaire à une audience au fond.
Messieurs [G] [H], [B] [H], [W] [Z] et [X] [Z] [H] ont fait appel de ces quatre jugements selon déclaration unique du 27 juin 2022.
La société FINANCO a constitué avocat le 19 juillet 2022 devant la Cour.
Autorisés à cette fin par une ordonnance du 1er août 2022, les consorts [H]-[Z] ont fait assigner à jour fixe la société FINANCO par acte du 13 septembre 2022.
Dans leur assignation, les consorts [H]-[Z] demandent à la Cour:
– d’annuler les quatre jugements du 03 juin 2022,
– subsidiairemement de les infirmer,
– en tous les cas, de renvoyer la cause devant le tribunal judiciaire de Nice,
– de condamner la société FINANCO au paiement de la somme de 6.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
La société FINANCO a conclu en soulevant par incident:
– la nullité de l’appel pour absence d’effet dévolutif, en ce que les chefs du jugement critiqués ne sont pas correctement définis,
– l’irrecevabilité de la déclaration d’appel, qui ne pouvait déférer plusieurs jugements.
Ensuite, aux termes de ses conclusions du 23 septembre 2022, la société FINANCO a demandé que la Cour:
– prononce la nullité de la déclaration d’appel,
– constate qu’en tout état de cause, la Cour d’appel de Rennes n’est pas valablement saisie du litige faute pour la déclaration d’avoir opéré son effet dévolutif,
– subsidiairement, déclare recevable la fin de non recevoir soulevée par la société FINANCO et déclare l’appel irrecevable,
– subsidiairement, renvoie l’affaire pour conclusions au fond,
– condamne solidairement les appelants au paiement de la somme de 2.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– de les condamner aux dépens.
Par conclusions d’incident du 03 octobre 2022, les consorts [H]-[Z] ont demandé que la Cour:
– déclare irrecevable l’exception présentée sur les dispositions de l’article 920 du code de procédure civile comme n’ayant pas été présentée simultanément ,et subsidiairement la déclare infondée,
– déclare irrecevable et subsidiairement infondé l’incident de nullité de la déclaration d’appel et subsidiairement d’irrecevabilité de celui-ci,
– dit n’y avoir lieu à renvoyer l’affaire pour les conclusions au fond de l’intimée, ce délai étant expiré,
– condamne la société FINANCO à leur payer la somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION:
En vertu des dispositions des articles 83 et 84 du code de procédure civile, il est fait appel d’un jugement statuant uniquement sur la compétence selon la procédure à jour fixe.
La procédure est définie par les articles 917 et suivants du code de procédure civile et les dispositions des articles 905 et suivants du même code sont inapplicables au cas d’espèce, ainsi que celles de l’article 910-4.
Il en résulte que l’intimé peut constituer avocat et conclure jusqu’à la date de l’audience.
La déclaration d’appel est formée contre quatre jugements, qui sont énumérés avec leurs numéros respectifs de RG de première instance afin de les distinguer.
Elle précise pour chacun des jugements: ‘objet/portée de l’appel: appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués. Appel en annulation des quatre jugements dont la motivation et le dispositif sont identiques, porte sur des décisions statuant sur compétence (article 85 du code de procédure civile); les conclusions d’appel sont jointes à la présente déclaration’.
Contrairement à ce qu’affirme la société FINANCO, l’objet du litige dévolu à la cour est clairement défini, s’agissant de quatre jugements ayant uniquement statué sur la compétence et dont les dispositions sont indivisibles (pour chacun d’eux).
Se pose en revanche la question de l’unicité de la déclaration d’appel, s’agissant de quatre jugements distincts.
La recevabilité de cet appel doit être examinée au regard des principes généraux régissant l’appel énoncés notamment à l’article 542 du code de procédure civile’: «’l’appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d’appel’».
Il en résulte que l’appel est une voie de recours ouverte contre une décision juridictionnelle de première instance permettant que l’affaire soit jugée à nouveau. Dans son principe et en matière contentieuse, l’appel n’est donc ouvert qu’à l’encontre d’une décision rendue dans un litige opposant telle(s) partie(s) à telle(s) autre(s). Mais l’appel visant, dans un même acte, plusieurs décisions concernant des litiges distincts tendrait à soumettre à la cour un litige différent de celui examiné par les premiers juges dans chacune des décisions ainsi visées. Un tel appel formé dans un acte unique est donc irrégulier.
Le fait qu’aucun texte n’exclut expressément la possibilité d’interjeter appel de plusieurs jugements simultanément dans le même acte ne permet pas de conclure que pour autant, il soit permis d’introduire plusieurs recours dans une même déclaration, le législateur n’ayant évidemment pas envisagé cette hypothèse qui est contraire au but de l’appel en ce qu’il ne s’agit pas de juger un litige différent de celui soumis au premier juge.
Il a certes été admis que dans des hypothèses particulières, l’appel puisse concerner plusieurs décisions, mais ces hypothèses sont strictement limitées qu’elles soient prévues par la loi (articles 544 et 545 du code de procédure civile’: le jugement avant dire droit ne peut être frappé d’appel indépendamment du jugement sur le fond ce qui suppose qu’ils soient déférés à la cour simultanément et par un même acte de saisine) ou la jurisprudence (décisions distinctes rendues dans la même instance, jugement et décision rectificative, décisions indissociables et inconciliables).
La décision citée par les appelants (2e Civ., 2 décembre 2021, n° 20-17668) s’inscrit dans cette logique, la Cour de cassation ayant pris soin de relever que la déclaration d’appel unique portait sur des ordonnances certes distinctes. Mais ces ordonnances avaient été rendues par le juge commissaire dans le cadre d’une procédure collective unique, et statuaient chacune sur une créance différente mais déclarée, au passif du débiteur, par le même créancier. Au final, toutes ces décisions opposaient donc les mêmes parties dans le même litige.
Les quatre jugements dont la Cour est saisie concernent pour trois d’entre eux exactement les mêmes parties et pour le quatrième, concernent partiellement les mêmes parties.
Ainsi, M. [G] [H] n’était pas partie au jugement 2021 00719, ce qui rend immédiatement irrecevable l’appel qu’il a formé contre ce jugement au même titre que les trois autres.
Les jugements concernent quatre contrats de prêt distincts accordés à des sociétés différentes, ayant conduit à des actes de cautionnement distincts contenant chacun une clause attributive de compétence.
Ces clauses doivent être examinées distinctement, une clause pouvant être valablement opposable pour un contrat et non pour un autre, en raison par exemple de la différence de fonction ou de qualité de chaque caution dans telle ou telle société.
Il ne peut être soutenu qu’il s’agisse d’une instance unique.
L’appel est irrecevable.
Les appelants, qui succombent, sont condamnés solidairement aux dépens d’appel.
Les demandes formées sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile sont rejetées.
PAR CES MOTIFS:
La Cour,
Déclare irrecevable l’appel formé selon déclaration du 27 juin 2022 par M. [G] [H], M. [W] [Z], Mme [X] [H]-[Z], M. [B] [H], contre les jugements rendus par le tribunal de commerce de St-Malo sous les RG 20211001719- 20211001720- 20211001721 – 20211001722.
Condamne solidairement les appelants aux dépens d’appel.
Rejette les demandes formées sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT