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ARRÊT N°494
N° RG 23/01169
N° Portalis DBV5-V-B7H-GZRX
L’EHPAD « [6]
[6]
C/
[T]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 21 NOVEMBRE 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 mai 2023 rendu par le Tribunal de Commerce de NIORT
APPELANTE :
L’EHPAD « [Adresse 8]
[Adresse 7]
[Localité 3]
ayant pour avocat Me Alexandre BRUGIERE de la SCP TEN FRANCE, et pour avocat plaidant Me Hadrien NICAISE, avocat au barreau de POITIERS,
avocats au barreau de POITIERS
INTIMÉE :
Madame [D] [T]
née le 16 Février 1965 à [Localité 5]
[Adresse 1]
[Localité 2]
ayant pour avocat Me Jean-Aurélien LIAUZUN, avocat au barreau de DEUX-SEVRES et pour avocat plaidant Me Maxime HARDOUIN, avocat au barreau de POITIERS
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 19 Octobre 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre
Madame Anne VERRIER, Conseiller qui a présenté son rapport
Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller
qui en ont délibéré
GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lilian ROBELOT,
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– Signé par Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre et par Monsieur Lilian ROBELOT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE, DES PRÉTENTIONS
Mme [T], psychologue, a conclu le 31 décembre 2020 une convention de prestation de service pour l’année 2021 avec l’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, [Adresse 8] (l’ehpad), situé à [Localité 4].
La convention prévoyait notamment ‘ Pour toute contestation résultant de l’interprétation, l’exécution ou la résiliation par l’une des parties signataires, le règlement des contestations se fera en premier lieu sous forme d’une conciliation amiable.
En cas de désaccord après la phase amiable, il sera fait expressément attribution de compétences au tribunal de commerce de Niort.’
Par lettre recommandée du 22 avril 2021, l’ehpad a résilié le contrat avec effet au 31 mai 2021.
Par courrier recommandé du 11 mai 2021,Mme [T] a contesté la résiliation.
Par acte du 18 janvier 2022 , elle a assigné l’ehpad devant le tribunal de commerce de Niort aux fins de condamnation à lui payer les sommes de :
-16 520 euros au titre des prestations pour l’année 2021
– 5000 euros au titre du préjudice moral
L’ehpad a conclu in limine litis à l’incompétence du tribunal saisi au profit de la juridiction administrative, soit le tribunal administratif de Poitiers.
Par jugement du 2 mai 2023, le tribunal de commerce de Niort a statué comme suit :
– juge l’existence d’une règle de compétence d’attribution d’ordre public au profit du tribunal judiciaire ;
-juge la nullité de la clause attributive de compétence insérée dans le contrat de prestation de service
-juge la compétence de la juridiction judiciaire pour traiter des demandes formulées par Madame [T],
En conséquence,
-se déclare incompétent au profit du tribunal judiciaire de Niort.
-rejette l’ensemble des demandes formées par les parties
-condamne Mme [T] aux dépens de l’instance
Le premier juge a notamment retenu que :
Ni la demanderesse, ni l’ehpad n’ont la qualité de commerçant.
Le tribunal se déclarera incompétent.
Tous les contrats passés par un établissement public tel l’ehpad ne sont pas automatiquement des contrats administratifs.
L’ehpad représenté par le centre communal de l’action sociale de [Localité 4] est une personne publique.
Le contrat est en lien avec une mission d’intérêt général et non de service public. Le contrat ne contient pas de clause caractérisant un rapport de droit public.
La compétence de la juridiction administrative n’est pas probante.
La nullité de la clause attributive de compétence insérée au contrat est avérée.
Le tribunal renverra l’affaire au tribunal judiciaire de Niort.
LA COUR
Vu l’appel en date du 17 mai 2023 interjeté par l’ehpad [Adresse 8]
Vu l’ordonnance du 23 mai 2023 autorisant l’ehpad à assigner à jour fixe
Vu l’article 954 du code de procédure civile
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 11 octobre 2023, l’ ehpad a présenté les demandes suivantes :
Vu les articles 41 et suivants du code de procédure civile,
Vu les articles L.1 et suivants du code de la commande publique,
Vu l’article R.312-11 du code de justice administrative,
Vu l’article L.123-6 du code de l’action sociale et des familles
Il est sollicité de la Cour :
Statuant sur l’appel du jugement rendu le 02 mai 2023 par le tribunal de commerce de Niort statuant sur son incompétence au profit du tribunal judiciaire de Niort,
-INFIRMER le jugement rendu le 02 mai 2023 par le tribunal de commerce de Niort en ce qu’il, in limine litis :
– Juge l’existence d’une règle de compétence d’attribution d’ordre public au profit du tribunal judiciaire ;
-Juge la compétence de la juridiction judiciaire pour traiter des demandes formulées par Madame [T],
En conséquence, s’est déclaré incompétent au profit du tribunal judiciaire de Niort.
STATUANT A NOUVEAU,
-DEBOUTER Madame [T] de toutes ses conclusions, fins et demandes tant présentes qu’à venir,
JUGER que le litige relève de la compétence d’une juridiction administrative,
-RENVOYER l’affaire devant le tribunal administratif de Poitiers,
-CONDAMNER Madame [T] aux entiers dépens de la procédure d’appel.
A l’appui de ses prétentions, l’ehpad soutient en substance que :
-Mme [T] a saisi le tribunal de commerce de Niort conformément à la clause de la convention.
-Le tribunal a désigné à tort le tribunal judiciaire de Niort comme compétent.
-Les critères légaux de qualification du contrat administratif étaient réunis.
-Le tribunal a appliqué des critères organiques et matériels jurisprudentiels autant subsidiaires que désuets.
-Les marchés publics sont des contrats administratifs, font l’objet d’une définition légale.
-Le contrat litigieux est un contrat administratif par détermination de la loi.
-Parmi les contrats de la commande publique figurent les marchés publics.
-Pour être qualifié de marché public, le contrat doit avoir été conclu par une personne publique, avec un opérateur économique pour répondre à son besoin, en contrepartie d’un prix.
-Le centre communal d’action sociale (CCAS) qui gère l’ehpad est une personne publique.
-L’ établissement n’a pas de personnalité juridique propre.
Il est représenté par le président du CCAS. Le CCAS est aussi une personne publique par détermination de la loi.
-Mme [T] peut être regardée comme un opérateur économique répondant par ses prestations à un besoin de l’ehpad moyennant rémunération.
-Le tribunal administratif compétent est celui dans le ressort duquel se trouve le lieu prévu pour l’exécution du contrat, en l’espèce le tribunal administratif de Poitiers.
-Il résulte de l’article 41 du code de procédure civile qu’aucune clause ne peut prévoir de règles contraires aux règles de désignation relatives aux ordres de juridiction.
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 10 octobre 2023, Mme [T] a présenté les demandes suivantes :
-confirmer le jugement du tribunal de commerce de Niort qui désigne le tribunal judiciaire de Niort comme juridiction compétente
-dire et juger que l’ehpad la [Adresse 8] sera condamné aux entiers dépens de l’appel y compris ceux exposés par Mme [T]
-Subsidiairement, dire que chaque partie conservera la charge de ses dépens
A l’appui de ses prétentions, Mme [T] soutient en substance que :
-La convention avait pour objet d’apporter un temps psychologique aux résidents, prévoyait une rémunération globale de 25 760 euros TTC pour l’année 2021.
-La résiliation du 22 avril 2021 fait état de manquement aux obligations contractuelles.
-Une résolution amiable du litige a été tentée par courrier recommandé du 11 mai 2021 adressé à [6] et au maire le 11 mai 2021.
-Elle ne pouvait saisir un autre tribunal que le tribunal de commerce de Niort compte tenu de la clause attributive de compétence.
-Si l’ehpad est une personne de droit public, la convention ne comporte pas de clause exorbitante du droit commun.
-Une mission d’intérêt général n’est pas une mission de service public.
-Elle demande la confirmation du jugement, avait accepté la décision.
Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.
SUR CE
– sur la juridiction compétente
L’ehpad soutient que le juge administratif est seul compétent.
Il estime que la compétence du tribunal administratif s’impose dans la mesure où le contrat litigieux est un contrat de commande publique conclu par une personne morale de droit public, qu’il a été conclu avec un opérateur économique pour répondre aux besoins d’une personne morale de droit public en contrepartie d’un prix.
Mme [T] demande en appel la confirmation du jugement qui a désigné le tribunal judiciaire de Niort comme compétent.
Le litige porte sur la résiliation de la ‘convention de prestation de service ‘ à l’initiative de l’ehpad.
Il résulte du jugement que Mme [T] qui intervient dans l’établissement depuis janvier 2014 conteste tout manquement, estime que l’intégralité des sommes convenues au titre de l’année 2021 lui sont dues.
Elle demande la condamnation de l’ehpad à lui verser les sommes de
-16 520 euros TTC au titre des prestations de l’année 2021
– 5000 euros en réparation du préjudice moral subi.
Il est de droit constant que les personnels non statutaires des personnes morales de droit public travaillant pour le compte d’un service public administratif sont des agents de droit public quel que soit leur emploi.
En l’espèce, Mme [T], psychologue a travaillé pour le compte d’un établissement public administratif exerçant une mission de service public.
Le contentieux relatif à l’indemnisation éventuelle des préjudices subis du fait de la résiliation du contrat relève de la compétence exclusive du tribunal administratif.
La clause stipulée à la convention ne peut déroger à ce principe.
Il convient donc d’infirmer le jugement en ce qu’il a déclaré compétent le tribunal judiciaire de Niort et de renvoyer les parties à mieux se pourvoir conformément à l’article 81 du code de procédure civile.
– sur les autres demandes
Il résulte de l’article 696 du code de procédure civile que ‘ La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. (…).’
Compte tenu de la solution apportée au présent litige, les dépens d’appel seront fixés à la charge de Mme [T].
Il est équitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles exposés .
PAR CES MOTIFS :
statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort
dans les limites de l’appel interjeté
-infirme le jugement entrepris
Statuant de nouveau
-dit que les juridictions de l’ordre judiciaire ne sont pas compétentes pour connaître du litige
-renvoie les parties à mieux se pourvoir
Y ajoutant :
-déboute les parties de leurs autres demandes
-condamne Mme [T] aux dépens d’appel
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,