Clause attributive de compétence : 21 juin 2022 Cour d’appel de Riom RG n° 21/02174

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Clause attributive de compétence : 21 juin 2022 Cour d’appel de Riom RG n° 21/02174
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COUR D’APPEL

DE RIOM

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

Du 21 juin 2022

N° RG 21/02174 – N° Portalis DBVU-V-B7F-FWDG

-PV- Arrêt n° 324

S.A.S. BCC / E.A.R.L. FOL’AVOINE

Ordonnance, origine Conseiller de la mise en état du tribunal judiciaire du PUY EN VELAY, décision attaquée en date du 12 Octobre 2021, enregistrée sous le n° 21/00161

Arrêt rendu le MARDI VINGT ET UN JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

M. Philippe VALLEIX, Président

M. Daniel ACQUARONE, Conseiller

Mme Laurence BEDOS, Conseiller

En présence de :

Mme Marlène BERTHET, greffier lors de l’appel des causes et du prononcé

ENTRE :

S.A.S. BCC

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Maître Laura DANJOUX, avocat au barreau de HAUTE-LOIRE

et par Maître Julien SABOS de l’AARPI BELVAL & SABOS, avocat au barreau de DUNKERQUE

Timbre fiscal acquitté

APPELANTE

ET :

E.A.R.L. FOL’AVOINE

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Maître Ladislas MAZUR CHAMPANHAC, avocat au barreau de HAUTE-LOIRE

Timbre fiscal acquitté

INTIMEE

DÉBATS :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 05 mai 2022, en application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. VALLEIX, rapporteur.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 21 juin 2022 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. VALLEIX, président et par  Mme BERTHET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Conformément à un bon de commande établi le 2 juillet 2018, le GAEC FOL’AVOINE a fait l’acquisition auprès de la SAS BCC d’un camion-magasin panoramique Peugeot Boxer immatriculé [Immatriculation 3] et ayant fait l’objet d’une première mise en circulation le 15 octobre 2019, moyennant le prix total de 172.800,00 € TTC. Conformément à une facture émise le 12 septembre 2019, cette vente du véhicule équipé pour la vente de boucherie-charcuterie et fromages a été finalisée moyennant le prix total de 144.921,60 € TTC. Le bon de livraison de ce véhicule a été formalisé le 28 octobre 2019.

L’EARL FOL’AVOINE, venant aux droits du GAEC FOL’AVOINE, a fait constater par acte d’huissier de justice du 12 mars 2020 un certain nombre de désordres portant à la fois sur des éléments de fonctionnement du véhicule et sur des aspects de l’agencement du magasin. Elle a par ailleurs argué que le bon de commande avait renseigné un Poids total autorisé en charge (PTAC) de 3,5 tonnes alors que le véhicule livré avait été de 4 tonnes, dès lors équipé d’un chronotachygraphe limitant la vitesse à 90 km/h et nécessitant l’obtention d’un permis de catégorie C (poids-lourds). Elle a enfin indiqué avoir fait peser le camion à vide, révélant ainsi un poids de 3,480 tonnes alors que le poids officiel du camion est de 3,334 tonnes.

La société BCC a amiablement donné suite à ces reproches en proposant d’effectuer gratuitement l’ensemble des travaux de reprise, de réparations et de mises en conformité nécessaires et en mettant à disposition de l’EARL FOL’AVOINE un véhicule de remplacement à compter du 2 juillet 2020, également à titre gratuit. Elle affirme avoir ainsi fait peser le véhicule sur une balance réglementaire étalonnée et avoir effectué sur celui-ci tous les travaux relatifs aux griefs listés dans ce constat d’huissier de justice, à l’exception du débridage de la vitesse nécessitant le changement du calculateur moteur du bloc commande ainsi que sa mise à jour. Elle déclare avoir ainsi passé commande de cette pièce moyennant le coût de 2.124,85 € TTC mais que cette dernière opération de conformité n’avait pu intervenir en raison du fait que l’EARL FOL’AVOINE avait récupéré prématurément le camion litigieux.

La SAS BCC et l’EARL FOL’AVOINE en effet ont conclu le 16 octobre 2020 un protocole d’accord transactionnel au visa des articles 2044 et suivants du Code civil dans lequel les parties conviennent que tous les griefs listés dans le constat d’huissier de justice du 12 mars 2020 ont donné lieu de la part du vendeur à l’ensemble des travaux de reprise, de réparations ou de mises en conformité nécessaires, que des travaux supplémentaires ont été effectués dans le cadre de la garantie contractuelle et que seule subsiste la question du débridage du moteur nécessitant la pose de la pièce susmentionnée moyennant le coût précité de 2.124,85 € TTC à la charge du vendeur. Cet accord transactionnel est conclu avec reproduction en dernière clause des dispositions de l’article 2052 du Code civil, suivant lesquelles « La transaction fait obstacle à l’introduction ou à la poursuite entre les parties d’une action en justice ayant le même objet. » (article 5).

Toutefois, l’EARL FOL’AVOINE a, par acte d’huissier de justice signifié le 19 février 2021, assigné la SAS BCC devant le tribunal judiciaire du Puy-en-Velay afin de :

– au visa des articles 12 et 16 du code de procédure civile et des articles 1178 et 1352-6 ainsi que 1604, 1641 et 1648 du Code civil ;

– prononcer la résolution de la vente susmentionnée du 12 septembre 2019 ;

– condamner la société BBC à lui payer :

* la somme de 141.144,76 € TTC, en tenant compte de la déduction d’avoirs, au titre du remboursement du prix de vente du véhicule, avec intérêts sur le coût du véhicule depuis le 12 septembre 2019 au titre de l’article 1352-6 du Code civil (mémoire) ;

* une indemnité de 5.000,00 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

* soit au total sauf mémoire, la somme de 146.144,76 € à régler dans un délai de 15 jours à compter de la signification de la décision à intervenir ;

– condamner la société BCC à récupérer le véhicule litigieux dans un délai ne devant pas être inférieur à 13 mois à compter du remboursement de la somme précitée de 141.144,76 €, avec intérêts au titre de l’article 1352-6 du Code civil ;

– assortir les deux condamnations qui précèdent de l’exécution provisoire ;

– assortir les deux condamnations qui précèdent d’une astreinte de 500,00 € par jour de retard, devant commencer à courir 15 jours après la signification de la décision à intervenir ;

– condamner la société BCC à lui rembourser le coût de trois constats d’huissier de justice effectués le 12 février 2020, le 12 mars 2020 et le 20 août 2020.

Suivant une ordonnance n° RG-21/00161 rendue le 12 octobre 2021, Juge de la mise en état du tribunal judiciaire du Puy-en-Velay a notamment :

– rejeté une exception d’incompétence (à la fois d’attribution et) territoriale soutenue par la société BBC, celle-ci ayant soutenu que le tribunal de commerce de Dunkerque était compétent pour trancher le litige opposant les parties au regard d’une clause attributive de compétence stipulée dans le contrat et dans le protocole d’accord transactionnel ;

– sursis à statuer sur une fin de non recevoir tirée du défaut de droit d’agir ;

– ordonné une mesure d’expertise judiciaire sur le véhicule litigieux, confiée à M. [C] [E], expert-automobile près la cour d’appel de Riom ;

– réservé toutes les autres demandes.

Par déclaration formalisée par le RPVA le 19 octobre 2021, le conseil de la SAS BCC a interjeté appel de l’ordonnance d’incidents contentieux de mise en état du 12 octobre 2021, l’appel portant sur le sursis à statuer prononcé en ce qui concerne la fin de non recevoir tirée d’un éventuel défaut de droit d’agir et en ce qui concerne le recours à la mesure d’expertise judiciaire.

‘ Par dernières conclusions d’appelant notifiées par le RPVA le 20 novembre 2021, la SAS BBC a demandé de :

‘ infirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance d’incidents contentieux de mise en état du 12 octobre 2021 ;

‘ à titre principal, déclarer irrecevable les demandes formées par l’EARL FOL’AVOINE en ce qu’elles se heurtent à la transaction susmentionnée du 16 octobre 2020 ;

‘ à titre subsidiaire, limiter la mission de l’expert judiciaire à la question de la détermination de la conformité du poids du véhicule vendu dépourvu de tous les équipements ajoutés par l’EARL FOL’AVOINE ;

‘ en tout état de cause, condamner l’EARL FOL’AVOINE à payer au profit de la SAS BCC une indemnité de 3.000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’instance.

‘ Par dernières conclusions d’intimé et d’appel incident notifiées par le RPVA le 21 avril 2022, l’EARL FOL’AVOINE a demandé de :

‘ réformer la décision entreprise en ce qu’elle a ordonné le sursis à statuer quant à la fin de non-recevoir tirée d’un éventuel défaut de droit d’agir ;

‘ débouter la société BCC de sa fin de non-recevoir ;

‘ confirmer la décision entreprise pour le surplus ;

‘ condamner la société BCC à lui payer une indemnité de 3.600,00 € en application de l’article 700 du code procédure civil et aux entiers dépens de l’appel.

Par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, les moyens développés par chacune des parties à l’appui de leurs prétentions respectives sont directement énoncés dans la partie MOTIFS DE LA DÉCISION.

Après évocation de cette affaire et clôture des débats lors de l’audience civile en conseiller-rapporteur du 5 mai 2022 à 14h00, au cours de laquelle chacun des conseils des parties a réitéré ses précédentes écritures, la décision suivante a été mise en délibéré au 21 juin 2022, par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Dans le dispositif de ses conclusions, la société BBC demande, par ce qui s’apparente à une simple clause de style, d’infirmer la décision de première instance « (‘) en toutes ses dispositions, » alors que la déclaration d’appel ne porte pas sur le chef de décision portant sur la compétence matérielle et territoriale du tribunal judiciaire du Puy-en-Velay et qu’elle ne formule aucune critique à l’encontre de ce même chef de décision dans ses conclusions d’appelant. Il convient donc préalablement de rappeler que l’appel n’est que partiel, ne portant que sur la décision de sursis à statuer relative à la fin de non-recevoir soulevée par la société BCCpour défaut de droit d’agir de l’EARL FOL’AVOINE et sur la décision de recours à une expertise judiciaire concernant d’éventuels désordres ou non-conformités affectant le véhicule litigieux ainsi que la question de son classement en poids-lourd ou en véhicule léger avec incidence du débridage de sa limite actuelle de vitesse à 90 km.h.

Il résulte des dispositions de l’article 378 du code de procédure civile que « La décision de sursis [à statuer] suspend le cours de l’instance pour le temps ou jusqu’à la survenance de l’événement qu’elle détermine. » et des dispositions de l’article 379 du code de procédure civile que « Le sursis à statuer ne dessaisit pas le juge. A l’expiration du sursis, l’instance est poursuivie à l’initiative des parties ou à la diligence du juge, sauf la faculté d’ordonner, s’il y a lieu, un nouveau sursis. / Le juge peut, suivant les circonstances, révoquer le sursis ou en abréger le délai. ». Concernant le premier chef d’appel, il convient également de rappeler que cette voie de recours ne porte que sur la décision de sursis à statuer concernant la fin de non recevoir soulevée en allégation de défaut de droit d’agir et non sur cette fin de non-recevoir en elle-même. Cette fin de non recevoir n’a par définition pas été tranchée par le premier juge qui a estimé que l’appréciation de cette demande d’irrecevabilité était conditionnée notamment par les résultats d’une pesée contradictoire du véhicule litigieux dans le cadre de la mesure d’expertise judiciaire qu’il a concomitamment ordonnée.

L’article 2044 du Code civil dispose que « La transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître. / Ce contrat doit être rédigé par écrit. » tandis que l’article 2048 du Code civil dispose que « Les transactions se renferment dans leur objet : la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions, ne s’entend que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu. » et que l’article 2049 du Code civil dispose que « Les transactions ne règlent que les différends qui s’y trouvent compris, soit que les parties aient manifesté leur intention par des expressions spéciales ou générales, soit que l’on reconnaisse cette intention par une suite nécessaire de ce qui est exprimé. ». Enfin, l’article 2052 du Code civil dispose que « La transaction fait obstacle à l’introduction ou à la poursuite entre les parties d’une action en justice ayant le même objet. ».

En application des dispositions législatives qui précèdent, la SAS BCC soulève l’irrecevabilité du droit d’agir de l’EARL FOL’AVOINE en ce que l’ensemble des demandes de cette dernière est contenu dans cette transaction du 16 octobre 2020, rendant dès lors selon elle impossible toute action en justice pour des demandes d’objet identique. Elle estime en conséquence que cette assignation en justice ne tend qu’à remettre en cause ce protocole transactionnel. Ainsi que cela a été précédemment énoncé, la Cour n’est saisie qu’au sujet de la mesure de sursis à statuer sur cette fin de non-recevoir et non sur cette fin de non recevoir en elle-même qui par définition n’a pas encore été statuée en première instance.

Il y a lieu en l’espèce de relever que le bon de commande du 2 juillet 2018 fait mention d’un PTAC de 3,500 tonnes, que la transaction du 16 octobre 2020 reproduit deux tickets identiques de pesée délivrés le 15 octobre 2020 par la société Rea-Lys, faisant mention pour ce véhicule d’un poids total de 3,282 tonnes, que L’EARL FOL’AVOINE ne conteste pas qu’il s’agit là d’un pesage effectué sur une balance réglementaire étalonnée et que c’est sur cette base d’un poids total de 3,282 tonnes que l’EARL FOL’AVOINE a formulé dans la transaction du 16 octobre 2020 la concession ci-après libellée : « [L’EARL FOL’AVOINE] renonce à exiger [de] la part de la SAS BCC (‘) le débridage du véhicule. ».

L’EARL FOL’AVOINE affirme actuellement que cette concession de transaction sur la base de cette pesée de 3,282 tonnes ne portait pas sur le poids à vide du véhicule. Ce point n’est effectivement pas précisé dans la transaction du 16 octobre 2020. Elle dit ne pouvoir disposer en réalité d’un véhicule d’un PTAC allant jusqu’à 3,500 tonnes au maximum, faisant état d’un poids à vide qui serait en réalité de 3,460 tonnes alors que le poids officiel de ce véhicule est de 3,334 tonnes. Elle allègue ainsi une double non-conformité à la commande contractuelle et au certificat d’immatriculation et une interdiction de rouler autrement qu’avec un PTAC allant jusqu’à 4 tonnes, imposant la pose d’un chronotachygraphe et un bridage de vitesse à 90 km.

En l’occurrence, il paraît effectivement important de vérifier cette question préalable du véritable poids à vide de ce véhicule pouvant en effet constituer un fait nouveau postérieur à la conclusion de la transaction du 16 octobre 2020, ce qui amène à confirmer la décision de première instance en ce qu’elle a sursis à statuer sur la fin de non-recevoir pour défaut de droit d’agir ayant été invoqué au visa de l’article 2052 du Code civil et en ce que qu’elle a ordonné une mesure d’expertise judiciaire, dont développements et conclusions sont effectivement susceptible d’influer sur la solution judiciaire de cette fin de non-recevoir.

La décision de première instance sera en conséquence confirmée dans sa décision de sursis à statuer au sujet de cette fin de non-recevoir ainsi que d’organisation d’une mesure d’expertise judiciaire sur le véhicule litigieux.

La demande formée en cause d’appel par la SAS BCC afin de faire déclarer irrecevables les demandes au fond de L’EARL FOL’AVOINE en ce qu’elles heurteraient la transaction du 16 octobre 2020 devient de ce fait prématurée et sans objet en cause d’appel, cette demande ayant encore vocation à être tranchée en première instance après dépôt du rapport d’expertise judiciaire et en lecture de celui-ci, alors que le dépôt de ce rapport d’expertise judiciaire constitue précisément l’événement prédéterminé en première instance permettant de mettre un terme à cette mesure de sursis à statuer.

En l’état actuel de la procédure, exclusive de toute anticipation de débats de fond sur les responsabilités le cas échéant encourues, il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’une ou l’autre des parties.

Enfin, succombant à l’instance, la SAS BBC en supportera les entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRME l’ordonnance n° RG-21/00161 rendue le 12 octobre 2021 par le Juge de la mise en état du tribunal judiciaire du Puy-en-Velay en ce qui concerne la décision de sursis à statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par la SAS BCC en allégation de défaut de droit d’agir à l’encontre de l’EARL FOL’AVOINE et en ce qui concerne l’intégralité du dispositif de la décision ordonnant une expertise judiciaire concernant le véhicule Peugeot Boxer immatriculé [Immatriculation 3] acheté par l’EARL FOL’AVOINE à la SAS BCC.

Y ajoutant.

REJETTE les demandes de défraiement formées par chacune des parties au visa de l’article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE la SAS aux entiers dépens de l’instance en cause d’appel.

Le greffier Le président

 


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