Clause attributive de compétence : 21 janvier 2021 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 18/02781

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Clause attributive de compétence : 21 janvier 2021 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 18/02781
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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-4

ARRÊT AU FOND

DU 21 JANVIER 2021

N° 2021/

MNA/FP-D

Rôle N° RG 18/02781 – N° Portalis DBVB-V-B7C-BB6ZO

SAS CENTRALEASE

C/

[Z] [J]

SA MAGELLAN MANAGEMENT & CONSULTING

Copie exécutoire délivrée

le :

21 JANVIER 2021

à :

Me Layla TEBIEL, avocat au barreau d’AIX-EN-

PROVENCE

Me Romain CHERFILS, avocat au barreau d’AIX-EN-

PROVENCE

Me Jean-michel RENUCCI, avocat au barreau de NICE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de GRASSE en date du 15 Janvier 2018 enregistré au répertoire général sous le n° F 16/01066.

APPELANTE

SAS CENTRALEASE SAS prise en la personne de son représentant légal, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Layla TEBIEL, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, et par Me Dikmen YOZGAT, avocat au barreau de LYON

INTIMEES

Madame [Z] [J], demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Romain CHERFILS, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE

et par Me Lionel BUDIEU, avocat au barreau de NICE,

SA MAGELLAN MANAGEMENT & CONSULTING prise en la personne de son représentant légal, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Jean-michel RENUCCI, avocat au barreau de NICE substitué par Me Lise KLINGUER, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 05 Octobre 2020 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Madame Marie-Noëlle ABBA, Présidente de chambre, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Marie-Noëlle ABBA, Présidente de chambre

Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller

Madame Catherine MAILHES, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Décembre 2020 prorogé au 17 décembre 2020 puis au 21 janvier 2021.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 janvier 2021,

Signé par Madame Marie-Noëlle ABBA, Présidente de chambre et Madame Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

La société CENTRALEASE SAS est propriétaire d’un navire OVERSIDE II, battant pavillon luxembourgeois, amarré en permanence au port de [5] . M. [S] en est le président

La société MAGELLAN Management &Consulting SA ayant son siège au Luxembourg, aide ses mandants à recruter leur personnel d’équipage.

C’est dans ce cadre qu’elle a été en charge du recrutement et de la gestion complète de l’équipage du navire OVERSIDE II.

Selon contrat en date du 1er janvier 2016, signé entre la société MAGELLAN, la société CENTRALEASE et Mme [J], cette dernière a été recrutée en qualité de ‘chief stewardess’, chef hôtesse, pour un salaire net de 5 500 euros par mois, avec durée hebdomadaire de travail de 40 h.

Son contrat de travail contient une clause attributive de compétence au profit des tribunaux luxembourgeois.

La société AQUILA CHARTER est spécialiste de la location de yachts de luxe et propose des services ‘clés en main’ d’organisation d’événements à bord et de conseils d’intinéraires pour des vacanciers qui louent le navire.

Mme [Z] [J] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de la société CENTRALEASE pour faits de travail dissimulé, non paiement d’heures supplémentaires, dépassement des durées maximales de travail, non prise de congés hebdomadaires, harcèlement moral, par lettre RAR et par courriel du 7 octobre 2016.

Elle a obtenu du juge de l’exécution l’autorisation de saisir le navire à titre conservatoire, en garantie d’une créance de 120 000 euros par ordonnance du 28 octobre 2016.

Elle a saisi le conseil de prud’hommes de Grasse le 20 décembre 2016 de demandes dirigées contre CENTRALEASE à titre prinicipal, subsidiairement contre MAGELLAN, et plus subsidiairement contre AQUILA CHARTER.

Par jugement du 15 janvier 2018, reçue par la société CENTRALEASE le 26 janvier 2018, le conseil de prudhommes a retenu sa compétence matérielle et territoriale, dit la loi française applicable, mis hors de cause les sociétés MAGELLAN et AQUILA CHARTER, dit que la société CENTRALEASE est l’employeur de Mme [J] , dit que la prise d’acte produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et condamné la société à payer à Mme [J] les sommes suivantes :

-11 656 euros à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires

-1165,60 euros au titre des congés payés afférents,

-40 260 à titre d’indemnité pour travail dissimulé,

-5 500 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

-550 euros au titre des congés payés afférents,

-1789,34 euros à titre d’indemnité de licenciement,

-13 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sériéuse,

a condamné la société CENTRALEASE au paiement des charges et cotisations sociales afférentes à l’emploi salarié du demandeur depuis l’embauche auprès des caisses compétentes, et à remettre à Mme [J] les documents sociaux , a ordonné la transmission de la décision au Procureur de la République, dit que ces condamnations seront assorties d’une astreinte comminatoire de 30 euros par jour de retard et que le bureau de jugement se réservera le droit de liquider ladite astreinte, ordonné l’exécution provisoire, condamné la société CERNTRALEASE à payer la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, débouté les parties de leurs autres demandes.

La société CENTRALEASE a interjeté appel de cette décision le 16 février 2018.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 16 novembre 2018, la société CENTRALEASE demande à la cour de réformer le jugement, de dire que le conseil de prud’hommes de Grasse est incompétent et que les tribunaux luxembourgeois sont compétents, à titre subsidiaire que le tribunal d’instance de [Localité 4] était matérielement et territorialement compétent, à titre infiniment subsidiaire que le conseil de prud’hommes de [Localité 4] était compétent.

Sur le fond, à titre subsidiaire :

de dire que la société CENTRALEASE n’est pas l’employeur ni le co-employeur de Mme [J], que la société MAGELLAN est l’employeur, de rejeter les demandes de la société MAGELLAN en partage de responsabilité.

En tout état de cause de dire que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail n’est pas établie et que le comportement de Mme [J] est constitutif d’une démission, de dire que les cotisations et déclarations légales ont été effectuées conformément à la législation en matière de droit social de l’Union Européenne, qu’il n’y a pas de travail dissimulé, de rejeter l’intégralité des demandes indemnitaires de Mme [J], dire qu’il n’y pas lieu à transmission au procureur de la République , de rejeter l’intégralité des demandes au titre de l’appel incident de Mme [J] sur les rappels de salaire et les demandes d’indemnités et dommages-intérêts, condamner Mme [J] au paiement de la somme de 4000 euros au titre de l’article 700.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 24 janvier 2020, la société MAGELLAN MANAGEMENT & CONSULTING, intimée à titre principal et appelante à titre incident, demande à la cour de réformer le jugement, de se déclarer incompétent au profit des tribunaux luxembourgeois, à titre subsidiaire de dire que le conseil de prud’hommes de Grasse est incompétent au profit du tribunal d’instance de [Localité 4] ou d’Antibes,

Sur le fond:

A titre principal, de confirmer le jugement en ce qu’il a mis hors de cause la société MAGELLAN,

à titre subsidiaire, de constater que Mme [J] reconnait elle-même aux termes de ses conclusions d’appel que la société MAGELLAN n’exerce pas les pouvoirs d’employeur et que seule la société CENTRALEASE doit se voir reconnaitre cette qualité, dire irrecevables les nouvelles prétentions de Mme [J] qui sollicite que la société MAGELLAN soit jugée comme co employeur et à titre infiniment subsidaire comme employeur,

A titre infiniment subsidiaire,

Dire que Mme [J] a été remplie de ses droits au titre des heures supplémentaires

A titre très infiniment subsidiaire, de dire que la sociétéCENTRALEASE est responsable à hauteur de 90 % minimum des condamnations prononcées , la seule société CENTRALEASE étant responsable de la rupture du contrat de travail,

de condamner la partie succombante au paiement de la somme de 2500 euros.

Aux termes de ses écritures notifiées le 17 janvier 2020, Mme [J] demande à la cour de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a retenu sa compétence matérielle et territoriale, dire qu’il y a lieu d’évoquer le fond du litige, de confirmer le jugement en ce qu’il a retenu l’application du droit français , confirmer le jugement en ce qu’il a retenu la qualité d’employeur de la société CENTRALEASE,

A titre subsidiaire, de dire que les sociétés CENTRALEASE et MAGELLAN sont les co-employeurs de Mme [J],

A titre infiniment subsidiaire de dire que la société MAGELLAN a la qualité d’employeur de Mme [J].

Sur les heures supplémentaires :

Confirmer le jugement en ce qu’il a condamné l’employeur à verser à Mme [J] la somme de 11 656 euros à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires outre elle de 1165,60 euros au titre des congés payés afférents,

Y ajoutant,

Condamner l’employeur à verser à Mme [J] les sommes de 2500 euros à titre de dommages-intérêts pour dépassement de la durée légale autorisée, et 2500 euros pour violation du droit au repos hebdomadaire,

Dire que le salaire mensuel moyen s’élève à 13 131 euros brut.

Sur le travail dissimulé :

Confirmer le jugement et le réformer sur le quantum, condamner l’employeur à verser à Mme [J] la somme de 78 878 euros au titre du travail dissimulé, confirmer la décision en ce qu’elle a condamné l’employeur à régulariser sous astreinte le paiement des charges sociales afférentes à lemploi salarié de Mme [J] depuis l’embauche.

Sur la prise d’acte de la rupture du contrat de travail :

Confirmer le jugement en ce qu’il a dit que la prise d’acte était fondée, la réformer sur le quantum , et condamner l’employeur à verser à Mme [J] les sommes suivantes :

-26 626 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et 2662,60 euros pour les congés payés afférents,

-3 993,90 euros au titre de l’indemnité de licenciement,

-53 252 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Confirmer le jugement en ce qu’il a ordonné la transmission du dossier au procureur de la République,

Condamner la société CENTRALEASE à verser à Mme [J] la somme de 1000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens, ceux d’appels distraits au profit de Maître Romain Cherfils, membre de la SELARL LEXAVOUE AIX EN PROVENCE.

Il est référé aux écritures des parties, soutenues oralement, pour plus ample exposé du litige.

Il est précisé que tous les montants sont indiqués en brut.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 27 janvier 2020 et la cause renvoyée au 10 février, puis 5 octobre 2020 pour être plaidée.

MOTIFS DE LA DECISION

1- Sur la compétence juridictionnelle

Il est constant que le contrat de travail conclu entre la société MAGELLAN MANAGEMENT &CONSULTING , immatriculée au Luxembourg , la société CENTRALEASE immatriculée en France et Mme [Z] [J], prévoyant l’embauche de cette dernière en qualité de ‘Chief stewardess’ (hôtesse principale) à bord du navire OVERSIDE II battant pavillon luxembourgeois , est un contrat international.

Ce contrat de travail comporte une clause attributive de compétence en son article 28 ainsi rédigé :

‘Tout litige survenant en relation avec le présent contrat ou concernant l’interprétation et l’exécution du présent contrat relèvera de la compétence des tribunaux du Luxembourg.’

Les sociétés CENTRALEASE et MAGELLAN se prévalent de cette clause pour soutenir que les juridictions françaises seraient incompétentes pour connaître du présent litige au profit des tribunaux du Luxembourg.

Cependant, s’agissant d’un contrat international, sont applicables au litige, ainsi que le soutient à juste titre la salariée, les dispositions du Règlement UE 1215/2012 du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l”exécution des décisions en matière civile et commerciale, applicable aux actions intentées à compter du 10 janvier 2015, aux termes desquelles (section 5 ,article 21) :

‘Un employeur domicilié sur le territoire d’un Etat membre peut être attrait :

a) devant les juridictions de l’Etat membre où il a son domicile, ou

b), dans un autre Etat membre :

i)devant la juridiction du lieu où à partir duquel le travailleur accomplit habituellement son travail ou devant la juridiction du dernier lieu où il a accompli habituellement son travail, ou

ii)lorsque le travailleur n’accomplit pas ou n’a pas accompli habituellement son travail dans un même pays, devant la juridiction du lieu où il se trouve ou se trouvait l’établissement qui a embauché le travailleur’

En outre, l’article 23 du même Règlement UE 1215/2012 dispose que :

‘Il ne peut être dérogé aux dispositions de la présente section que par des conventions postérieures à la naissance du différend.(…)’

Mme [J] est donc fondée à se prévaloir des dispositions de l’article 21 susmentionné pour déterminer la juridiction compétente.

Or Mme [J] produit aux débats le journal de bord pour la période de mars à juin 2016 lequel mentionne des déplacements du navire sur la partie française de la Méditerranée ([Localité 6]-[Localité 9]-[Localité 4]-[Localité 7]) (pièce 4), un document ‘ liste d’équipage et information sur le M/Y OVERSIDE 2 mentionnant un personnel français et indiquant que le navire est amarré au port de [5] à la place 33 (pièce 6), les bulletins de salaire qui portent mention de l’adresse de Mme [J] au [Localité 4] (pièce 14) .

Elle démontre ainsi avoir accompli son travail habituellement en France, sans être utilement contredite par les appelantes.

Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu’il a retenu la compétence des juridictions françaises.

S’agissant de la compétence du conseil de prud’hommes de Grasse

La société CENTRALEASE et la société MAGELLAN soutiennent que c’est le tribunal d’instance, et non le conseil de prud’hommes, qui est compétent pour connaître du présent litige en vertu de l’article R 221-13 du Code de l’Organisation Judiciaire qui affirme la compétence du tribunal d’instance en matière de contrat de travail maritime international, et en vertu de l’article L 5542-48 du Code des Transports lequel dispose que ‘Tout différend qui peut s’élever à l’occasion de la formation, de l’exécution ou de la rupture d’un contrat de travail entre l’employeur et le marin est porté devant le juge judiciaire’.

En outre, la société CENTRALEASE expose qu’en tout état de cause le conseil de prud’hommes de Grasse aurait dû se déclarer incompétent au profit de celui de [Localité 4], le port d’attache du navire [8] étant situé sur le ressort du conseil de prud’hommes de [Localité 4].

Toutefois, si l’article R 221-13 du code de l’organisation judiciaire donne compétence au tribunal d’instance pour connaître des contestations relatives au contrat d’engagement entre armateurs et marins dans les conditions prévues par le livre V de la cinquième partie du code des transports, cette attribution de compétence suppose l’absence d’élément d’extradeité pouvant donner au litige une dimension inernationale qui exclut l’application des dispositions maritimes du code des transports .

En l’espèce il est constant que le contrat de Mme [Z] [J] est un contrat maritime international , de sorte que la relation de travail n’est pas soumise au code des transports, et que l’application de l’article R 221-3 du code de l’organisation judiciaire doit être exclue.

Le contrat ayant été signé à Golf Juan, soit sur le ressort du conseil de prud’hommes de Grasse, ce dernier est matériellement et territorialement compétent pour juger du présent litige, en application du dernier alinéa de l’article R 1412-1 du code du travail.

2- Sur le droit applicable

La société CENTRALEASE soutient que le droit luxembougeois doit s’appliquer dès lors que le contrat signé par les parties a prévu l’application de la loi luxembourgeoise , et qu’en outre, par référence à l’article 8 du Règlement (CE) n°593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 dit Rome I, Mme [J] ne démontre pas que le droit du travail luxembourgeois soit moins protecteur que le droit français.

Il ressort des mêmes dispositions de l’article 8 du Règlement (CE) n°593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 dit Rome I, que :

I.Le contrat individuel de travail est régi par la loi choisie par les parties conformément à l’article 3 .Ce choix ne peut toutefois avoir pour résultat de priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions auxquelles il ne peut être dérogé par accord en vertu de la loi qui, à défaut de choix, aurait été applicable selon les paragraphes 2,3et 4 du présent article.

2.A défaut de choix exercé par les parties, le contrat individuel de travail est régi par la loi du pays dans lequel,ou, à défaut, à partir duquel le travailleur, en exécution du contrat, accomplit habituellement son travail.Le pays dans lequel le travail est habituellement accompli n’est pas réputé changer lorque le travailleur accomplit son travail de façon temporaire dans un autre pays.

3.Si la loi applicale ne peut être déterminée sur la base du paragraphe 2, le contrat est régi par la loi du pays dans lequel est situé l’établissement qui a embauché le travailleur.

4.S’il résulte de l’ensemble des circonstances que le contrat présente des liens plus étroits avec un autre pays que celui visé au paragraphe 2 ou 3, la loi de cet autre pays s’applique.

En l’espèce, Mme [J] fait valoir, sans être utilement contredite, qu’elle réside à [Localité 4], que le navire OVERSIDE II est amarré en permanence à [Localité 6], que son embauche a été faite à Golf Juan et ses salaires payés à [Localité 4], et que la navigation s’est effectuée sur la Côte d’Azur .

Il est ainsi suffisamment démontré que la France est le pays dans lequel Mme [J] a accompli habituellement son travail et que le contrat ne présente pas de liens plus étroits avec un autre pays.

Par ailleurs , Mme [J] justifie que les dispositions du droit du travail français sont plus favorables au salarié que celles du droit luxembourgeois, en ce qui concerne notamment les modalités du licenciement, et notamment le droit à l’indemnité de licenciement, ainsi que la durée hebdomadaire légale du travail, fixée à 40 heures au Luxembourg (extrait du site Internet Guichet .public.lu , pièce 19), alors que les appelants ne versent aucun élément permettant de démontrer le contraire.

Par conséquent le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a dit que la loi française était applicable.

3- Sur la détermination de l’employeur

La société MAGELLAN MANAGEMENT & CONSULTING sollicite sa mise hors de cause.

Elle fait valoir que Mme [J] a été placée sous la seule autorité de la société CENTRALEASE, propriétaire du navire, laquelle doit être considérée comme le véritable employeur.

La société CENTRALEASE soutient que l’employeur de Mme [J] est la société MAGELLAN, au motif que le recrutement, l’activité , la rémunération et les directives données l’ont été par cette dernière société,et que la salariée a d’ailleurs écrit au gérant de cette société, M. [C], lorsqu’elle s’est plainte par lettre de septembre 2016, du comportement du capitaine.(Pièce 3 intimée)

Mme [J] expose que son employeur était la société CENTRALEASE, au motif qu’elle est, en sa qualité d’armateur et propriétaire du navire, la personne pour le compte de laquelle la salariée accomplit, en sa faveur et sous sa direction, des prestations en contrepartie desquelles elle verse une rémunération, en l’espèce par l’intérmédiaire d’une société tierce.

La cour observe que la société MAGELLAN est une société de recrutement de marins, ayant vocation, ainsi qu’il est précisé sur le site Internet de la société, à assister ‘ les propriétaires de yachts et leurs capitaines dans la procédure de recrutement des personnel de qualité avec des références reconnues'( pièce 20)

Il apparaît également que c’est la société CENTRALEASE, à laquelle appartient le navire OVERSIDE II, qui perçoit le produit des locations du navire, que c’est elle qui règle la société MAGELLAN pour que cette dernière reverse le salaire des membres d’équipage, que c’est le Président de la société CENTRALEASE, M. [S], qui donne à Mme [J] ses instructions et auquel celle-ci s’adresse pour solliciter ses directives, ainsi qu’il ressort de la lecture des échanges électroniques en pièce 21.

Il y a lieu en outre de noter qu’avant l’intervention de la société MAGELLAN, la société CENTRALEASE avait recruté la salariée via la société DOMINION CREW SOLUTION, de sorte qu’il est confirmé que la société MAGELLAN n’était qu’un intermédiaire chargé strictement du recutement de la salariée. (pièce 8)

Dès lors, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a mis hors de cause la société MAGELLAN MANAGEMENT &CONSULTING et a dit que la société CENTRALEASE est l’employeur de Mme [Z] [J].

4- Sur la demande d’heures supplémentaires

L’article L 3171-4 du code du travail dispose qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Il résulte de ce texte que la preuve des heures de travail effectuées n’incombe spécialement à aucune des parties et qu’il appartient au salarié de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande mais il incombe aussi à l’employeur de fournir les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

En l’espèce, Mme [J] expose avoir effectué des heures de travail au-delà de la durée légale de 35 heures supplémentaires , non récupérées et non réglées, entre le mois d’avril et le mois d’août 2016 pour un total de 136 heures devant être rémunérées ave une majoration de 25 % et 241 heures avec une majoration de 50 %.

Elle verse aux débats le décompte de son temps de travail signé par le capitaine du navire et par la salariée chaque mois sur lequel sont cochées les heures de travail pour chaque journée avec l’indication des périodes de congés .

Ces documents officiels comportent des éléments vérifiables quant aux heures de travail alléguées.Ils permettent donc à l’employeur d’apporter une réponse .

La société CENTRALEASE se borne à exposer que Mme [J] était rémunérée sur la base de 40 heures par semaine, conformément aux stipulations de son contrat de travail, par référence au droit luxembourgeois.

Dès lors la cour dispose d’éléments suffisants pour faire droit à la demande de Mme [J], en adoptant le mode de calcul présenté par cette dernière, soit un total de 19 271,51 euros , outre la somme de 1 927,15 euros au titre des congés payés afférents.

La somme de 9 542 euros ayant été versée dans le cadre du solde de tout compte, il restera due à la salariée la somme de 11 656 euros au titre du rappel de salaire pour heures supplémentaires, et de 1165, 60 euros au titre des congés payés afférents.

Mme [J] sollicite en outre paiement de dommages-intérêts pour dépassement de la durée légale autorisée, et pour violation du droit au repos habdomadaire.

Toutefois, en l’absence de démonstration d’un préjudice, la cour, confirmant le jugement, ne fera pas droit à ces demandes.

5- Sur le travail dissimulé

Mme [J] reproche à son employeur de ne pas l’avoir déclarée aux organismes sociaux français.

La société CENTRALEASE soutient, sans en rapporter la preuve, que Mme [J] a été déclarée auprès des organismes sociaux luxembourgois.

Toutefois, il résulte des débats que la société CENTRALEASE, immatriculée en France, propriétaire d’un navire battant pavillon luxembourgeois, naviguant dans les eaux françaises, a recruté Mme [J] par l’intermédiaire d’une société immatriculée au Luxembourg.

Il s’en induit un élément intentionnel de dissimulation d’emploi salarié, qui emporte condamnation de la société à paiement de dommages-intérêts.

Mme [J] se réfère à un salaire mensuel moyen incluant les heures supplémentaires, de juillet à septembre 2016, d’un montant de 13 313 euros bruts, mais ne justifie pas de son mode de calcul.

Le salaire mensuel moyen sera évalué sur la base des trois derniers mois précédant la rupture du contrat de travail, soit la somme mensuelle de 6 795 euros bruts.

L’indemnité pour travail dissimulé sera fixée à la somme de 40 770,72 euros, soit six mois de salaire.

6- Sur la prise d’acte

Mme [J] a, le 7 octobre 2016, par l’intermédiaire de son avocat, pris acte de la rupture de son contrat de travail en invoquant des faits de travail dissimulé, d’heures suppémentaires non payées, de harcèlement moral de la part de son capitaine.

Si les faits de harcèlement moral ne sont pas suffisamment étayés, Mme [J] ne produisant qu’un arrêt de travail, les griefs tirés des faits de travail dissimulé, développés plus haut, sont suffisamment établis pour fonder l’existence d’un grief justifiant la rupture, aux torts de l’employeur, du contrat de travail, ayant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La cour dès lors confirmera la décision déférée qui a fait droit à la demande de Mme [J].

Mme [J] justifie d’une ancienneté de quinze mois dans l’entreprise, soit le versement d’une indemnité compensatrice de préavis équivalente à un mois de salaire soit la somme de 6 795 euros, outre la somme de 679,50 euros au titre des congés payés afférents .

La cour confirmera la décision ayant fixé l’indemnité de licenciement à la somme de 1789,34 euros .

Compte tenu de l’ancienneté de Mme [J], et des éléments du dossier, la cour dispose d’éléments suffisants pour fixer à la somme de 27 180 euros (soit 4 mois de salaire) l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

7- Sur les autres demandes

La cour confirmera le jugement qui a condamné la société CENTRALEASE au paiement des charges et cotisations sociales afférentes à l’emploi salarié de Mme [J] depuis l’embauche auprès des caisses compétentes, et à remettre à Mme [Z] [J] les documents sociaux (certificat de travail, attestation Pôle emploi, bulletins de salaire depuis l’embauche), mais sans astreinte.

Elle confirmera le jugement en ce qu’il a ordonné la communication de la décision au Procureur de la République.

Il n’est pas inéquitable de condamner la société CENTRALEASE à verser à Mme [Z] [J] la somme de 3000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l’article 450 du code de procédure civile :

Donne acte à Mme [J] de ce qu’elle renonce à verser aux débats la pièce n°25 et à voir ordonner la révocation de l’ordonnance de clôture.

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud’hmmes de Grasse du 15 janvier 2018, sauf en ce qui concerne le montant de l’indemnité compensatrice de préavis, de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de l’indemnité pour travail dissimulé et de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et qu’il a assorti ses condamnations d’une astreinte,

et, statuant à nouveau sur ces points,

Condamne la société CENTRALEASE à verser à Mme [J] les sommes suivantes :

-6 795 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, et 679,50 euros au titre des congés payés afférents,

-1 789,34 euros au titre de l’indemnité de licenciement

-27 180 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse .

-40 770,72 euros au titre de l’indemnité pour travail dissimulé,

Dit n’y avoir lieu à prononcé d’une astreinte,

Condamne la société CENTRALEASE à verser à à Mme [Z] [J] la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société CENTRALEASE aux dépens.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

 


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