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COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 56B
12e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 20 OCTOBRE 2022
N° RG 22/03604 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VHFR
AFFAIRE :
Association OEUVRES AUGUSTINES [6]
C/
S.A.S. APOGEA
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Mai 2022 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
N° Chambre : 4
N° RG : 2021F02114
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Martine DUPUIS
Me Pierre BORDESSOULE DE BELLEFEUILLE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Association OEUVRES AUGUSTINES [6]
RNA n° W 353 001 556
SIREN n° 302 819 784
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 – N° du dossier 2268886
Représentant : Me Marie-Caroline CLAEYS de la SELARL HSA, Plaidant, avocat au barreau de RENNES, vestiaire : 19
APPELANTE
****************
S.A.S. APOGEA
RCS Nanterre n° 428 851 463
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Pierre BORDESSOULE DE BELLEFEUILLE, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 392 – N° du dossier APOGEA22
Représentant : Me Michel HARROCH, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0311
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 20 Septembre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Bérangère MEURANT, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur François THOMAS, Président,
Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,
Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,
Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,
EXPOSE DU LITIGE
Le 25 juillet 2016, l’association Oeuvres des Augustines de [6], ci-après dénommée l’association, gérante de l’établissement de santé la Clinique [6], et la société Apogea, ayant pour activité le conseil en systèmes et logiciels informatiques, ont conclu un contrat de fourniture et maintenance d’équipements informatiques destinés à la Clinique [6]. La convention prévoyait l’intervention d’un technicien à raison de huit demi-journées par mois pour la somme de 1.580 € HT.
Le 11 septembre 2020, l’association a informé la société Apogea de sa volonté de réduire le nombre d’interventions, pour un coût total annuel de 7.500 € HT.
Le 18 février 2021, un nouveau contrat a été signé entre les parties prévoyant qu’un dédommagement de 20% du prix HT serait versé à la société Apogea pour tout achat de matériel informatique réalisé par l’association auprès d’un autre fournisseur que la société Apogea.
Le 6 septembre 2021, l’association a procédé à la résiliation du contrat, reprochant à la société Apogea de ne pas avoir effectué les visites de maintenance, tandis que cette dernière a fait grief à l’association d’avoir violé la clause de dédommagement susvisée.
Par acte du 4 novembre 2021, la société Apogea a fait assigner l’association devant le tribunal de commerce de Nanterre afin de voir cette dernière condamnée à lui verser diverses sommes.
Dans le cadre de cette instance, l’association a soulevé l’incompétence du tribunal de commerce de Nanterre au profit du tribunal judiciaire de Rennes.
Par jugement du 20 mai 2022, le tribunal de commerce de Nanterre a :
– Dit recevable mais mal fondée l’exception d’incompétence, et s’est déclaré compétent matériellement et territorialement ;
– Renvoyé l’association prise en qualité de représentante de la Clinique [6] établissement de santé privé à but non lucratif, à conclure sur le fond à l’audience du 30 juin 2022 ;
– Dit n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamné l’association aux entiers dépens de l’incident.
Par déclaration du 31 mai 2022, l’association Oeuvres des Augustines de [6] a interjeté appel du jugement.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 1er septembre 2022, l’association Oeuvres des Augustines de [6] demande à la cour de :
– Réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre le 20 mai 2022 en toutes ses dispositions ;
Et statuant à nouveau,
– Déclarer non écrite la clause attributive de compétence du contrat ;
– Déclarer le tribunal de commerce de Nanterre incompétent pour statuer sur les demandes formées à l’encontre de l’association Oeuvres des Augustines de [6], association à objet statutaire de nature civil et représentant la Clinique [6], établissement de santé privé à but non lucratif ;
En conséquence,
Et à titre principal,
– Déclarer le tribunal de commerce de Nanterre incompétent au profit du tribunal judiciaire de Rennes ;
– Renvoyer l’affaire devant le tribunal judiciaire de Rennes compte tenu de la nature mixte du contrat conclu entre l’association représentant et administrant la Clinique [6] et la société Apogea ;
A titre subsidiaire,
– Déclarer le tribunal de commerce de Nanterre incompétent au profit du tribunal de commerce de Rennes ;
– Renvoyer l’affaire devant le tribunal de commerce de Rennes par application des règles de compétence territoriale prévues aux articles 42 et 46 du code de procédure civile ;
En tout état de cause,
– Débouter la société Apogea de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
– Condamner la société Apogea à verser à l’association représentant et administrant la Clinique [6], établissement de santé privé à but non lucratif, la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code procédure civile ;
– Condamner la société Apogea aux entiers dépens.
Par dernières conclusions notifiées le 18 juillet 2022, la société Apogea demande à la cour de :
– Débouter la Clinique [6] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
– Confirmer le jugement du 20 mai 2022 ;
– Dire et juger bien fondée la clause attributive de compétence du contrat ;
– Déclarer le tribunal de commerce de Nanterre compétent ;
– Déclarer irrecevable la demande additionnelle d’incompétence du tribunal de commerce de Nanterre au profit du tribunal de commerce de Rennes de la Clinique [6] ;
– Condamner la Clinique [6] à régler à la société Apogea la somme de 1.500 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi et procédure abusive ;
– Condamner la Clinique [6] à régler à la société Apogea la somme de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, lesquels seront en tant que de besoin recouvrés par le conseil en appel de la concluante dans le cadre de l’article 699 du code de procédure civile.
Par ordonnance du 23 juin 2022, le Président de la 12e chambre de la cour d’appel de Versailles a autorisé l’association Oeuvres des Augustines de [6] à assigner à jour fixe la société Apogeo pour l’audience du 20 septembre 2022 à 14h00.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
L’association Oeuvres des Augustines de [6] considère que la compétence du tribunal de commerce de Nanterre ne peut se justifier, ni par la clause attributive de compétence stipulée dans le contrat litigieux, ni par les règles de compétence légale prévues dans le code de commerce.
Elle estime que la clause attributive de compétence stipulée à l’article 17 du contrat n’est pas applicable, dès lors qu’elle n’est pas insérée dans un contrat conclu entre deux commerçants et que son formalisme ne se démarque nullement des autres stipulations du contrat.
Elle explique qu’elle ne réalise aucun acte de commerce à titre de profession habituelle et qu’elle a un objet statutaire non lucratif s’inscrivant dans le cadre du service public hospitalier. Elle précise que la mention de l’« offre de soins » sur le site internet de la clinique est générique et ne confère pas de caractère commercial à ses activités, tout comme la dispense de formation au sein de l’établissement qui revêt un caractère civil et s’avère totalement étrangère au contrat litigieux. Elle soutient que la conclusion du contrat litigieux ne constitue pas un acte de commerce, puisqu’il n’a pas été conclu dans un but de profits pécuniaires et qu’en tout état de cause, un acte de commerce isolé ne suffit pas à lui conférer la qualité de commerçant. Par ailleurs, l’association Oeuvres des Augustines de [6] considère que la clause ne se distingue pas des autres clauses du contrat et qu’elle figure au sein des douze pages du contrat, plus précisément au sein des quatre pages de conditions générales, sans signe distinctif spécifique, de sorte qu’elle ne revêt pas le caractère très apparent requis par l’article 48 du code de procédure civile.
L’association Oeuvres des Augustines de [6] demande donc à la cour de déclarer le tribunal de commerce de Nanterre incompétent au profit du tribunal judiciaire de Rennes et subsidiairement du tribunal de commerce de Rennes, sur le fondement des articles 42 et 46 du code de procédure civile. L’appelante affirme que sa demande, ayant pour objet la désignation du tribunal de commerce de Rennes, est recevable dès lors qu’elle tend aux mêmes fins que la demande présentée en première instance, à savoir voire déclarer le tribunal de commerce de Nanterre incompétent.
La société Apogea répond que sur le site de la Clinique [6] sont proposées des offres de soins et de formation, qui caractérisent des actes de commerce. Elle souligne que le système informatique mis en place est destiné aux formations payantes proposées par la clinique. Elle estime que les statuts de la clinique n’excluent pas la possibilité d’exercer des actes de commerce. La société Apogea souligne que la Clinique [6] a signé le contrat comportant la clause d’attribution de compétence en ajoutant la mention « lu et approuvé », reflétant ainsi la volonté des parties. L’intimée considère que la demande tendant au renvoi devant le tribunal de commerce de Rennes est irrecevable, s’agissant d’une demande nouvelle formulée en appel.
*****
Sur l’application de la clause attributive de compétence
L’article 48 du code de procédure civile dispose que « Toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu’elle n’ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu’elle n’ait été spécifiée de façon très apparente dans l’engagement de la partie à qui elle est opposée ».
En l’espèce, le contrat conclu par les parties comporte en son article 17, une clause attributive de compétence ainsi rédigée :
« ARTICLE 17 ‘ ATTRIBUTION DE COMPÉTENCE
Toute difficulté relative à l’interprétation ou à l’exécution du présent contrat relèvera exclusivement de la compétence exclusive des Tribunaux de Nanterre ».
L’association Oeuvres des Augustines de [6] communique en pièce n°20 un extrait du Journal Officiel du 11 mai 2002 démontrant qu’elle a pour objet déclaré auprès de la Préfecture d’Ille-et-Vilaine : « promouvoir, gérer, soutenir matériellement et moralement la clinique [6], ainsi que toutes ‘uvres sanitaires, sociales ou médico-sociales existantes ou à créer ».
Par ailleurs, il ressort de la plaquette de présentation de la clinique qu’il s’agit d’un « établissement de santé privé à but non lucratif ‘ d’intérêt collectif » constitué sous forme d'[4] (établissement de santé privé d’intérêt collectif) et géré par l’association Oeuvres des Augustines de [6] depuis 2003.
Si la société Apogea soutient que l’association accomplit des actes de commerce par le biais de son offre de soins et de formation, elle ne communique aucun élément de preuve permettant de corroborer ses dires. Le fait que le site internet de la clinique [6] évoque l’offre de soins de l’établissement et présente ainsi les pathologies prises en charge, ne permet pas de déduire que l’association réalise des actes de commerce, en l’absence d’élément probant démontrant que l’association tire des profits pécuniaires des soins prodigués aux patients.
Par ailleurs, s’il est effectivement indiqué sur la plaquette de présentation de la clinique qu’à compter de 2011, un centre de formation continue a été créé, l’association démontre par la production des bilans pédagogiques et financiers destinés à l’administration fiscale que cette activité n’a généré aucun profit en 2016 et 2017, que le bénéfice s’est limité à 129 euros en 2018 et 490 euros en 2018 et 2019 et qu’elle a cessé toute action de formation à compter du 31 décembre 2019. Dans ces conditions, il ne peut être considéré que l’appelante a eu une activité spéculative, qui en tout état de cause avait pris fin lors de la conclusion du contrat litigieux le 18 février 2021. L’intimée affirme en outre, que le contrat conclu avec l’association portant sur la fourniture et la maintenance d’équipements informatiques était destiné à l’activité de formation, sans toutefois le démontrer.
Dès lors qu’il n’est pas établi que l’association réalise à titre professionnel et personnel des actes de commerce, la conclusion du contrat litigieux avec la société Apogea doit être considérée comme étant l’accessoire de son activité civile et ne permet pas de lui attribuer la qualité de commerçant.
En conséquence, la clause attributive de compétence qui, en application des dispositions précitées de l’article 48 ne peut être conclue qu’entre commerçants, doit être déclarée inopposable à l’association, sans qu’il soit nécessaire d’examiner son caractère très apparent.
Sur la compétence du tribunal judiciaire de Rennes
L’article L.721-3 du code de commerce dispose que :
« Les tribunaux de commerce connaissent :
1° Des contestations relatives aux engagements entre commerçants, entre artisans, entre établissements de crédit, entre sociétés de financement ou entre eux ;
2° De celles relatives aux sociétés commerciales ;
3° De celles relatives aux actes de commerce entre toutes personnes.
Toutefois, les parties peuvent, au moment où elles contractent, convenir de soumettre à l’arbitrage les contestations ci-dessus énumérées. Par exception, lorsque le cautionnement d’une dette commerciale n’a pas été souscrit dans le cadre de l’activité professionnelle de la caution, la clause compromissoire ne peut être opposée à celle-ci ».
Par ailleurs, selon l’article L.211-3 du code de l’organisation judiciaire, « Le tribunal judiciaire connaît de toutes les affaires civiles et commerciales pour lesquelles compétence n’est pas attribuée, en raison de la nature de la demande, à une autre juridiction ».
L’article 42 du code de procédure civile prévoit que : « La juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur ».
Enfin, un acte de commerce accompli par une association en vue de réaliser son objet social désintéressé revêt un caractère civil.
En l’espèce, l’association a commandé auprès de la société Apogea des équipements informatiques et une prestation de maintenance des systèmes informatiques destinés au fonctionnement de la clinique [6]. Si l’intimée soutient que ce contrat était destiné à l’activité de formation développée au sein de la clinique, aucun élément de preuve ne permet de corroborer cette affirmation. Au regard de l’objet statutaire de l’association, à savoir : « promouvoir, gérer, soutenir matériellement et moralement la clinique [6] », il doit être considéré que le contrat litigieux a été conclu pour permettre à l’association à but non lucratif de réaliser son objet social. En conséquence, cet acte revêt un caractère civil.
En application des dispositions précitées de l’article L.211-3 du code de l’organisation judiciaire, la juridiction matériellement compétente pour statuer sur le litige portant sur l’exécution de ce contrat est le tribunal judiciaire. S’agissant de la compétence territoriale, l’article 42 du code de procédure civile susvisé impose de désigner la juridiction rennaise au regard du domicile de l’association à [Localité 5].
En conséquence, le jugement déféré doit être infirmé en ce qu’il a déclaré mal fondée l’exception d’incompétence soulevée par l’association et l’affaire doit être renvoyée devant le tribunal judiciaire de Rennes.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Compte tenu de la décision, les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile seront infirmées.
En application de l’article 696 du code de procédure civile, la société Apogea, qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel. Elle sera en outre condamnée à verser à l’association Oeuvres Augustines de [6] une indemnité de 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Déclare le tribunal de commerce de Nanterre incompétent pour connaître du litige opposant la société Apogea à l’association Oeuvres des Augustines de [6];
Renvoie l’affaire au tribunal judiciaire de Rennes ;
Condamne la société Apogea aux dépens de première instance et d’appel ;
Condamne la société Apogea à payer à l’association Oeuvres des Augustines de [6] la somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par M. François THOMAS, Président et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,