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COMM.
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 20 octobre 2021
Cassation partielle
M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 727 F-B
Pourvoi n° E 20-14.275
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 20 OCTOBRE 2021
La société Helvetia assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 20-14.275 contre l’arrêt rendu le 6 février 2020 par la cour d’appel de Rouen (chambre civile et commerciale), dans le litige l’opposant :
1°/ à la société Damco France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],
2°/ à la société Damco Chile, société de droit chilien, dont le siège est [Adresse 4] (Chili),
3°/ à la société Mediterranean Shipping Company MSC, société de droit étranger, dont le siège est [Adresse 1] (Suisse),
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Kass-Danno, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Helvetia assurances, de Me Balat, avocat des sociétés Damco France et Damco Chile, de la SCP Delvolvé et Trichet, avocat de la société Mediterranean Shipping Company MSC, après débats en l’audience publique du 7 septembre 2021 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Kass-Danno, conseiller référendaire rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Rouen, 6 février 2020), la société chilienne ST Andrews Smoky Delicacies (la société Andrews) a confié à la société Damco Chile, commissionnaire de transport, l’organisation du transport, de Coronel (Chili) au Havre (France), d’un lot de moules congelées vendues à la société française Miti, selon un connaissement du 17 avril 2014, à ordre de la société Crédit agricole, mentionnant la société Andrews en qualité de chargeur et la société Miti en qualité de « notify ». Par un « sea waybill » de la même date, mentionnant la société Damco Chile en qualité de chargeur, cette dernière s’est substituée la société Mediterranean Shipping Company – MSC (la société MSC) pour effectuer le transport maritime de la marchandise, la société Damco France apparaissant en qualité de « notify » et destinataire. Sur les instructions de la société Miti, la société Crédit agricole a obtenu la remise de la marchandise par la société MSC à la société Seafrigo, transitaire, qui a fait assurer la marchandise auprès de la société Helvetia assurances (la société Helvetia). Des avaries ayant été constatées à la livraison, la société Helvetia a indemnisé la société Seafrigo et, par un acte du 18 juin 2015, saisi le tribunal de commerce du Havre d’une action dirigée contre les sociétés Damco Chile et Damco France ainsi que la société MSC, laquelle a décliné la compétence de la juridiction saisie en opposant une clause de son « sea waybill » attribuant compétence à la High Court de Londres.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
2. La société Helvetia fait grief à l’arrêt de dire que le tribunal de commerce du Havre est incompétent pour connaître de son action principale engagée à l’encontre de la société MSC, alors « que le destinataire réel de la marchandise ou son mandataire qui ne figure en aucune qualité sur une lettre de transport maritime ne peut être considéré comme tiers porteur de cette lettre, de sorte que la clause attributive de juridiction y figurant ne lui est pas opposable ; qu’ayant constaté que la société Seafrigo n’était pas partie à la lettre de transport maritime (sea waybill) la cour d’appel ne pouvait pas lui opposer la clause attributive de juridiction figurant dans cette lettre, sauf à relever, ce qu’elle n’a pas fait, que la société Seafrigo s’était vu céder cette lettre ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 25 du Règlement (UE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012. »
Réponse de la Cour
Vu l’article 25 du Règlement (UE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale :
3. Il résulte de ce texte qu’une clause attributive de juridiction convenue entre un transporteur et un chargeur et insérée dans une lettre de transport maritime, produit ses effets à l’égard du tiers porteur de la lettre de transport maritime pour autant que, en l’acquérant, il ait succédé aux droits et obligations du chargeur en vertu du droit national applicable. Dans le cas contraire, il convient de vérifier son consentement à la clause, au regard des exigences de ce texte.
4. Pour déclarer le tribunal de commerce du Havre incompétent pour connaître de l’action principale engagée par la société Helvetia contre la société MSC, l’arrêt retient que la société Seafrigo n’était pas initialement partie au « sea waybill » émis par la société MSC. Puis il relève que la société Crédit agricole, agissant sur les instructions de la société Miti, a autorisé la société Damco Chile à relâcher la marchandise en faveur de la société Seafrigo, transitaire de la société Miti, et que la société Damco France a demandé à la société MSC de relâcher le conteneur en faveur de la société Seafrigo. Il en déduit que celle-ci s’est ainsi trouvée substituée dans les droits et obligations de la société Damco France, en qualité de destinataire, et que l’action de la société Helvetia, subrogée dans les droits de la société Seafrigo, relève de la compétence de la High Court de Londres.
5. En statuant ainsi, alors que le destinataire réel de la marchandise ou son mandataire, qui ne figure en aucune qualité sur une lettre de transport maritime, ne peut être considéré comme un tiers porteur de ce document, de sorte que la clause attributive de juridiction y figurant ne lui est pas opposable, la cour d’appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
En application de l’article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée sur le premier moyen du chef de la déclaration d’incompétence pour connaître de l’action principale de la société Helvetia contre la société MSC entraîne la cassation de la disposition critiquée par le second qui, constatant le lien de connexité entre cette action et celle dirigée par la société Helvetia contre les sociétés Damco France et Damco Chile et renvoyant les parties à mieux se pourvoir, s’y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il dit que le tribunal de commerce du Havre est incompétent pour connaître de l’action principale de la société Helvetia assurances engagée à l’encontre de la société Mediterranean Shipping Company – MSC, constate le lien de connexité entre cette action et l’action dirigée par la société Helvetia assurances à l’encontre des sociétés Damco France et Damco Chile et renvoie en conséquence les parties à mieux se pourvoir, l’arrêt rendu le 6 février 2020, entre les parties, par la cour d’appel de Rouen ;
Remet, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Caen ;
Condamne les sociétés Mediterranean Shipping Company – MSC, Damco Chile et Damco France aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par les sociétés Mediterranean Shipping Company – MSC, Damco Chile et Damco France et les condamne à payer à la société Helvetia assurances la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille vingt et un.