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02/02/2023
ARRÊT N° 96/2023
N° RG 21/04199 – N° Portalis DBVI-V-B7F-ONKI
CBB/MB
Décision déférée du 30 Septembre 2021 – Président du TC de TOULOUSE ( 2021R330)
[D] [K]
S.A.S. SAGESSE ASSURANCES GESTION SERVICES
C/
[L] [O]
[C] [E]
S.A.R.L. CONSEIL [O] [L]
INFIRMATION
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
3ème chambre
***
ARRÊT DU DEUX FEVRIER DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANTE
S.A.S. SAGESSE ASSURANCES GESTION SERVICES
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentée par Me Yvan DE COURREGES D’AGNOS, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMÉS
Madame [L] [O]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Vincent REMAURY de la SCP D’AVOCATS REMAURY-FONTAN-REMAURY, avocat au barreau de TOULOUSE
Madame [C] [E] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société CONSEIL [O] [L], anciennement CONSEIL ASSURANCE PLACEMENT MEDITERRANEE (CAPM) par jugement du Tribunal de Commerce de NARBONNE du 23 mars 2022
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentée par Me Vincent REMAURY de la SCP D’AVOCATS REMAURY-FONTAN-REMAURY, avocat au barreau de TOULOUSE
S.A.R.L. CONSEIL B [L]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Vincent REMAURY de la SCP D’AVOCATS REMAURY-FONTAN-REMAURY, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 Décembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant C. BENEIX-BACHER, Présidente, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C. BENEIX-BACHER, président
E.VET, conseiller
A. MAFFRE, conseiller
Greffier, lors des débats : M. BUTEL
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par C. BENEIX-BACHER, président, et par M. BUTEL, greffier de chambre
FAITS
Par acte sous seing privé en date du 30 avril 2021, la SAS Sagesse Assurances Gestion Services cédait à la SARL TPPL un fonds de commerce de courtage en assurance sis [Adresse 9], au prix de 400.000 €.
Les 2 et 4 juin 2021, Mme [O] et la SARL Conseil B [L] faisaient signifier au cessionnaire à l’adresse de Me [G] avocat à [Localité 4] désigné en qualité de séquestre, une opposition au prix de vente.
PROCEDURE
Par acte en date du 28 juin 2021, la SAS Sagesse Assurances Gestion Services a fait assigner la SARL Conseil B [L] et Mme [O] devant le juge des référés du tribunal de commerce de Toulouse pour obtenir’:
– la nullité des deux oppositions des 2 et 4 juin 2021 à la libération du prix de cession par la SAS Sagesse à la SARL TPPL du fonds de commerce sis à [Adresse 9],
– l’autorisation de percevoir le prix de vente séquestré entre les mains de Me [G] avocat à [Localité 4],
– le paiement des sommes de 30 000€ à titre de provision à valoir sur dommages et intérêts pour abus de procédure et 3000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par ordonnance en date du 30 septembre 2021, le juge :
– s’est déclaré incompétent à connaître des demandes à l’encontre de Mme [L] [O] au profit du juge des référés du tribunal judiciaire de Narbonne ;
– a dit que le greffier devra notifier la présente décision par LRAR aux parties;
– a dit qu’à défaut d’appel et sur l’obtention d’un certificat de non-appel auprès du greffe de la cour d’appel de Toulouse, le greffier de ce tribunal transmettra cette affaire au greffier du tribunal judiciaire de Narbonne en vue de la reprise des débats au fond ;
– a débouté de l’ensemble de ses autres demandes fins et moyens la SAS Assurances Gestion Service-Sagesse ;
– a condamné la SAS Assurances Gestion Service-Sagesse à payer à la SARL Conseil B [L] la somme de 1000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– a réservé les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile relative à Mme [L] [O]’;
– a condamné la SAS Assurances Gestion Service-Sagesse aux entiers dépens.
Par déclaration en date du 11 octobre 2021, la SAS Sagesse Assurances Gestion Services a interjeté appel de la décision. L’ordonnance est critiquée en ce que’:
– le juge s’est déclaré incompétent à connaître des demandes à l’encontre de Mme [L] [O] au profit du juge des référés du tribunal judiciaire de Narbonne ;
– le juge a débouté de l’ensemble de ses autres demandes, fins et moyens la SAS Assurances Gestion Service-Sagesse ;
– le juge a condamné la SAS Assurances Gestion Service-Sagesse à payer à la SARL Conseil B [L] la somme de 1000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Par acte en date du 20 mai 2022, la SAS Assurances Gestion Service-Sagesse a appelé en cause et en intervention forcée Me [C] [E] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Conseil [O] [L], désignée comme tel par jugement du 23 mars 2022 du Tribunal de Commerce de Narbonne.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
La SAS Sagesse Assurances Gestion Services, dans ses dernières écritures en date du 30 novembre 2022, demande à la cour, au visa de l’article L 141-14 du code de commerce de’:
– dire et juger l’appel de la SAS Sagesse Assurances Gestion Services recevable et bien fondé ;
– constater le placement en liquidation judiciaire de la SARL Conseil B [L] ;
vu l’appel en cause dans l’instance de Me [C] [E], en sa qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de la SARL Conseil B [L];
– constater que cette dernière ne peut plus se prévoir d’aucune créance, même à titre provisionnel, à l’encontre de la SAS Sagesse Assurances Gestion Services, et que l’instance les opposant a été clôturée par l’arrêt, exécutoire, rendu par la Cour d’appel de Montpellier ;
– rejeter purement et simplement l’exception d’irrecevabilité et la demande de caducité partielle formulées par les intimées ;
– dire et juger que la Cour de céans est bien compétente territorialement pour connaître du litige entre les parties ;
– réformer intégralement l’ordonnance entreprise ;
– se déclarer compétent tant ratione loci que ratione materiae ;
– prononcer la nullité pure et simple des deux oppositions des 02 et 04 juin 2021, notifiées par Mme [O] et la SARL Conseil B [L], à la libération du prix de la vente, par la SAS Sagesse Assurances Gestion Services à la SARL. TPPL, du fonds de commerce sis à [Adresse 9] ;
– autoriser en conséquence la requérante à percevoir le prix de la vente du fonds de commerce sis à [Adresse 9], payé par la SARL TPPL à la SAS Sagesse Assurances Gestion Services et séquestré entre les mains de Me Valérie Nouvel, avocat à Toulouse, [Adresse 7] ;
– condamner Mme [L] [O] à payer et ordonner qu’il soit inscrit au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Conseil B [L], au bénéfice de la requérante, les sommes de :
*30 000€ à titre de provision sur dommages-intérêts pour les raisons ci-avant exposées;
*3000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner les intimées aux entiers frais et dépens de première instance et d’appel, dont distraction pour ces derniers, sur le fondement des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, au profit de Me Yvan de Courreges, avocat constitué devant la cour.
Me [C] [E], en sa qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de la SARL Conseil B [L] et Mme [L] [O], dans leurs dernières écritures en date du 18 novembre 2022, demandent à la cour au visa des articles L 141-14, L 141-16 et L 721-3 du code de commerce, 15, 42 et suivants, 83 et suivants, 114, 132 alinéa 1, 135 et 649, 700 du code de procédure civile, et L 211-3 du code de l’organisation judiciaire, de’:
in limine litis’:
– infirmer l’ordonnance rendue par le président du Tribunal de Commerce de Toulouse le 30 septembre 2021 en ce qu’il s’y est déclaré compétent pour statuer sur les demandes formulées par la SAS Sagesse Assurances Gestion Services à l’encontre de la SARL Conseil B [L],
et, statuant à nouveau,
– se déclarer incompétente pour trancher les demandes formulées par la SAS Sagesse Assurances Gestion Services à l’encontre de Maître [C] [E] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Conseil B [L] au profit du président du Tribunal de Commerce de Narbonne ; en conséquence, ordonner que le juge des référés du Tribunal de Commerce de Narbonne soit saisi de ces demandes,
en toute hypothèse,
– écarter des débats, dans le cadre de l’examen des demandes formulées par la SAS Sagesse Assurances Gestion Services à l’encontre de Me [C] [E] ès-qualité, les pièces n°1 à 23 invoquées par la SAS Sagesse Assurances Gestion Services,
– dire caduc et irrecevable l’appel interjeté par la SAS Sagesse Assurances Gestion Services à l’encontre du chef de l’ordonnance du 30 septembre 2021 aux termes duquel le président du Tribunal de Commerce de Toulouse s’est déclaré incompétent pour trancher les demandes formulées par la SAS Sagesse Assurances Gestion Services à l’encontre de Mme [L] [O] au profit du juge des référés du Tribunal Judiciaire de Narbonne,
– débouter en toute hypothèse la SAS Sagesse Assurances Gestion Services de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, et ainsi confirmer l’ordonnance rendue par le Président du Tribunal de Commerce de Toulouse le 30 septembre 2021 en ce que :
*le président s’y est déclaré incompétent pour trancher les demandes formulées par la SAS Sagesse Assurances Gestion Services à l’encontre de Mme [L] [O] au profit du président du Tribunal Judiciaire de Narbonne, et y a ordonné la transmission de ces demandes au Président du Tribunal Judiciaire de Narbonne,
*le président a débouté la SAS Sagesse Assurances Gestion Services de l’ensemble de ses autres demandes, fins et moyens,
*le président a condamné la SAS Sagesse Assurances Gestion Services à payer à la SARL Conseil B [L] la somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens de première instance,
– condamner la SAS Sagesse Assurances Gestion Services à verser Mme [L] [O] la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la SAS Sagesse Assurances Gestion Services à verser à Me [C] [E] ès-qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Conseil [O] [L] et à Mme [L] [O] la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la SAS Sagesse Assurances Gestion Services aux entiers dépens d’appel, distraits au profit de Me Vincent Remaury.
Les parties ont été invitées à conclure sur la recevabilité de l’appel de la décision statuant sur la compétence de la juridiction consulaire.
L’ordonnance de clôture a été reportée au 5 décembre 2022.
La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fera expressément référence au jugement entrepris ainsi qu’aux dernières conclusions déposées.
MOTIVATION
Sur la recevabilité de l’appel
Le dispositif d’une décision s’interprète par les motifs auxquels il s’unit et dont il est la conséquence.
Aux termes de son dispositif, le juge des référés du tribunal de commerce a tranché la question de la compétence concernant le litige opposant la SAS Sagesse Assurances Gestion Services à Mme [O] en se déclarant incompétent au profit du juge des référés du tribunal judiciaire de Narbonne, considérant que Mme [O] fait état de créances de nature personnelle et non professionnelle liées à son activité de gérante de la SARL Conseil B [L] et, que les oppositions au prix de vente sont des actes civils et non des actes de commerce.
Concernant la SARL Conseil B [L], le juge des référés a retenu sa compétence matérielle et territoriale au regard de la domiciliation dans cette ville du séquestre Me [G].
Et ce faisant il a débouté de «’l’ensemble de ses autres demandes, fins et moyens la SAS Sagesse Assurances Gestion Services’». Il s’induit de cette formulation malgré son manque de précision que le juge des référés a débouté la SAS Sagesse Assurances Gestion Services de ses demandes formées à l’encontre de la SARL Conseil B [L] pour lesquelles elle a avait retenu sa compétence.
Dans ces conditions, s’agissant d’une décision portant des dispositions relatives à la compétence et d’autres relatives au fond, en application de l’article 90 du code de procédure civile, il n’y a pas lieu d’imposer la procédure d’assignation à jour fixe.
La déclaration d’appel sera en conséquence validée.
Sur la compétence du tribunal de commerce de Toulouse
La SAS Sagesse Assurances Gestion Services soutient la compétence du tribunal de commerce de Toulouse’:
– en ce qui concerne les demandes de Mme [O], considérant que la réforme de 2015 a donné compétence au président du tribunal de commerce et non du tribunal judiciaire pour statuer sur la mainlevée d’une opposition au prix de cession d’un fonds de commerce. Et en l’espèce, dès lors que les fonds sont séquestrés à Toulouse la compétence est dévolue au tribunal de commerce de Toulouse, d’autant qu’il n’a pas été fait élection de domicile à Castres lieu de la situation du fonds de commerce et alors que l’acte de cession du 30 avril 2021 prévoit en son article 15 une élection de domicile au lieu du séquestre,
– et en ce qui concerne la SARL Conseil B [L] aujourd’hui en liquidation judiciaire, le même raisonnement doit être adopté dès lors qu’il n’a pas été fait élection de domicile contraire à la convention.
Les intimés soutiennent la compétence du tribunal de commerce de Narbonne en ce que tant la SARL Conseil B [L] que Mme [O] sont domiciliées à [Localité 2] dans le ressort de ce tribunal :
– en vertu des articles 42 et 46 du code de procédure civile, le tribunal territorialement compétent est celui dans le ressort duquel est situé le domicile des défendeurs et dès lors qu’aucun des intimés ne sont parties à l’acte de cession, la clause de compétence ne leur est pas opposable,
– les demandes de la SAS Sagesse Assurances Gestion Services ne relèvent pas de la matière contractuelle, de sorte que l’article 46 du code de procédure civile qui donne compétence à la juridiction du lieu de livraison n’est pas applicable, d’autant que le fonds de commerce est situé à [Localité 8].
Depuis la réforme de 2015, le juge des référés compétent pour statuer sur la mainlevée de l’opposition au prix de cession d’un fonds de commerce n’est plus celui du tribunal de grande instance. Le nouveau texte ne visant que la compétence du président du tribunal sans précision, le tribunal de commerce ou le tribunal judiciaire seront compétents suivant que la cause de l’opposition sera une créance commerciale ou civile.
L’article L721-3 3ème du code de commerce dispose que les actions relatives aux actes de commerce entre toute personne relèvent de la compétence du tribunal de commerce.
La cession d’un fonds de commerce est un acte de commerce. Donc l’opposition au prix de cession d’un acte de commerce relève de la compétence d’un tribunal de commerce. Dès lors, seul le juge des référés du tribunal de commerce est compétent pour statuer sur la mainlevée de l’opposition au prix de cession d’un fonds de commerce.
Mais dans un litige entre un commerçant et un non commerçant ou à propos d’un acte qui n’est commercial qu’à l’égard d’une seule partie, celui qui n’est pas commerçant peut solliciter la compétence du tribunal judiciaire compétent à son égard. Mme [O] qui n’est pas commerçante sollicite en conséquence la compétence du tribunal judiciaire de Narbonne.
Toutefois, au regard de la nature du litige portant sur la mainlevée d’une opposition au prix de cession d’un fonds de commerce, de la complexité de l’affaire, de la qualité de commerçant du vendeur du fonds de commerce et d’un des deux opposants, alors que Mme [O] n’est pas néophyte en matière commerciale dès lors qu’elle était la gérante de la SARL Conseil B [L], et eu égard à la connexité entre les deux oppositions portant sur le même prix de vente, il convient pour une bonne administration de la Justice de regrouper l’examen de l’affaire dans le même tribunal et de retenir la seule compétence du tribunal de commerce.
Par ailleurs, il résulte de l’article 42 du code de procédure civile que le tribunal compétent est celui du défendeur. La SARL Conseil B [L] comme Mme [O] étant domiciliées à [Localité 2], le litige entre elles et la SAS Sagesse Assurances Gestion Services relève donc de la compétence du tribunal de commerce de Narbonne à qui il convient de renvoyer l’examen de l’entier dossier.
En effet, d’une part, nul texte ne donne compétence au tribunal du siège du séquestre du prix de cession et les opposants n’étant pas parties à l’acte de cession, la clause attributive de compétence au tribunal de commerce de Castres ne leur est pas opposable.
La décision sera donc infirmée en toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS
La cour
– Déclare l’appel recevable.
– Infirme l’ordonnance du juge des référés du tribunal de commerce de Toulouse en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau
-Déclare le tribunal de commerce de Toulouse incompétent au profit du tribunal de commerce de Narbonne à qui il convient de renvoyer l’examen de l’affaire suivant les dispositions de l’article 82 du code de procédure civile.
– Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la SAS Sagesse Assurances Gestion Services à verser à Me [C] [E], en sa qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de la SARL Conseil [O] [L] et à Mme [O] ensemble la somme de 1500€ au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel.
– Condamne la SAS Sagesse Assurances Gestion Services aux dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
M. BUTEL C. BENEIX-BACHER