Clause attributive de compétence : 19 octobre 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 16/22664

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Clause attributive de compétence : 19 octobre 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 16/22664
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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-2

ARRÊT AU FOND

DU 19 OCTOBRE 2023

N° 2023/301

Rôle N° RG 16/22664 – N° Portalis DBVB-V-B7A-7XQB

SCP [B] [O]

C/

[Y] [F] épouse [N]

[E] [C]

Société [O] ET ASSOCIES

SARL MIRABEAU

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Sébastien BADIE

Me Vanessa MARTINEZ

Me Isabelle FICI

Me Paul LE GALL

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce d’AIX-EN-PROVENCE en date du 05 Décembre 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 2016003010.

APPELANTE

SCP [B] [O]

prise en la personne de Me [T] [B], agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL EROS,

dont le siège social est sis Mandataires Judiciaires – [Adresse 6] – [Localité 2]

représentée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

assistée de Me Frédéric ROMETTI, avocat au barreau de NICE substitué par Me Charlène ROPA, avocat au barreau de NICE, plaidant

INTIMES

Madame [Y] [F] épouse [N]

née le [Date naissance 1] 1948 à [Localité 10],

demeurant [Adresse 7] – [Localité 3] (BELGIQUE)

représentée par Me Vanessa MARTINEZ, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, plaidant

SCP PELLIER, représentée par Maître Georges-André PELLIER

agissant en sa qualité de mandataire ad hoc de la SARL MIRABEAU, Mandataire judiciaire,

dont le siège social est sis [Adresse 5] ‘ [Localité 2]

représenté par Me Isabelle FICI, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Magatte DIOP, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

Société MIRABEAU,

société unipersonnelle à responsabilité limitée au capital de 7.622,45 € immatriculée au RCS d’Aix en Provence sous le n° B 395 040 389

dont le siège social est sis Lieudit [Localité 8], – [Adresse 9] – [Localité 4], prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualité audit siège

représentée par Me Paul LE GALL, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, plaidant

PARTIE INTERVENANTE VOLONTAIRE

SELARL [O] ET ASSOCIES

Prise en la personne de Maître [I] [O], agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SARL EROS, intervenant au droit de la SCP [B] [O] selon ordonnance de remplacement de mandataire judiciaire du 19 décembre 2019,

dont le siège social est sis [Adresse 6] – [Localité 2]

représentée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

assistée de Me Frédéric ROMETTI, avocat au barreau de NICE substitué par Me Charlène ROPA, avocat au barreau de NICE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 14 Juin 2023 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Madame Muriel VASSAIL, Conseillère, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Gwenael KEROMES, Présidente de chambre

Madame Muriel VASSAIL, Conseillère rapporteur

Madame Agnès VADROT, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Chantal DESSI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe, après prorogation, le 19 Octobre 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Octobre 2023,

Signé par Madame Gwenael KEROMES, Présidente de chambre, et Madame Laure METGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par jugement du 16 septembre 1999, le tribunal de commerce de NICE a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la société MIRABEAU dont l’associé unique est la société DHF INDUSTRIES et désigné :

– M. [W] [H] en qualité d’administrateur judiciaire,

– M. [E] [C] en qualité de représentant des créanciers.

Par jugement du 14 mai 2001, confirmé par arrêt de la cour de céans du 27 février 2002 et devenu définitif suite au rejet du pourvoi formé, le tribunal de commerce de NICE a :

– arrêté un plan de redressement par voie de continuation,

– désigné M. [C] commissaire à l’exécution du plan,

– évincé la gérante de droit de la société MIRABEAU, Mme [Y] [F], de ses fonctions,

– confié à M. [H] la mission d’administrer provisoirement la société pendant la durée du plan.

Parallèlement, le 7 janvier 2000, M. [B], agissant en qualité de liquidateur de la société EROS et par voie oblique, a déclaré au passif de la procédure collective de la société MIRABEAU une créance de Mme [F] d’un montant de 70 000 000 F.

Il prétendait que Mme [F], par ailleurs dirigeante ou associée de plusieurs autres sociétés avec son époux, M. [G] [N], avait orchestré une série de man’uvres dans le but de faire payer à la société EROS une condamnation dont le règlement incombait à la société MIRABEAU.

La déclaration de créance de M. [B] ayant été rejetée par M. [C] pour dépassement des délais prévus par les articles 53 de la loi du 25 janvier 1985 et 66 du décret du 27 décembre 1985, par ordonnance du 21 mars 2001, le juge commissaire au redressement judiciaire de la société MIRABEAU a rejeté la requête en relevé de forclusion présentée par M. [B].

Par arrêt du 8 septembre 2004, la cour de ce siège a infirmé l’ordonnance du 21 mars 2001 et relevé M. [B] de la forclusion.

Le pourvoi formé par M. [H] en qualité d’administrateur provisoire de la société MIRABEAU contre cet arrêt a été rejeté par la Cour de Cassation le 14 février 2006.

Par courrier du 16 septembre 2004, la SCP [B] [O], venant aux droits de M. [B], a déclaré à nouveau la créance de la société EROS au passif de la société MIRABEAU pour la somme de 30 000 000 de F, soit de 4 573 470, 50 euros.

Par ordonnance du 30 janvier 2007 rendue sur contestation de M. [C] et de M. [H], le juge commissaire au redressement judiciaire de la société MIRABEAU rejetait cette créance déclarée pour le compte de Mme [F] aux motifs que :

– la déclaration de créance du 7 janvier 2000 avait été effectuée à titre provisionnel,

– en application de l’article L621-46 du code de commerce, les déclarations de créance des 19 février 2001 et 16 septembre 2004 étaient éteintes par l’effet de la prescription.

Par jugement du 19 octobre 2007, le tribunal de commerce de NICE a :

– constaté que le passif était apuré, la dernière échéance prévue au plan, exigible le 14 juin 2007, ayant été réglée,

– mis fin à la mission de M. [H],

– mis fin à la mission de M. [C],

– homologué la convention de séquestre signée le 11 juillet 2007 par la société DHF INDUSTRIES, associée unique de la société MIRABEAU, et par M. [H], «’par laquelle M. [H] détient une somme de 3 063 205, 38 euros destinée à pourvoir au règlement de la créance de la société COLAS MEDITERRANNEE pour le montant pour lequel elle sera admise à la procédure collective suite à l’instance au fond pendante devant le TGI d’Aix-en-Provence’»,

– nommé M. [C] mandataire ad hoc jusqu’à l’issue des procédures de contestation de créances.

Par arrêt rendu le 15 janvier 2009 sur appel de la SCP [B] [O], la cour de ce siège a :

– mis M. [H] hors de cause,

– déclaré recevables la déclaration de créance par voie oblique de la SCP [B] [O] ès qualités en date du 7 janvier 2000 et les déclarations de créance rectificatives des 19 février 2001 et 16 septembre 2004,

– constaté que la créance de Mme [F] sur la société MIRABEAU avait été cédée à deux reprises,

– dit que la contestation relative à l’opposabilité des cessions de créances ne relevait pas du pouvoir juridictionnel du juge commissaire et invité les parties à saisir le juge sur le fond.

Par arrêt du 19 octobre 2010, la Cour de Cassation a cassé partiellement l’arrêt du 15 janvier 2009 sauf en ce qu’il a :

– déclaré les déclarations de créance recevables,

– mis hors de cause M. [H].

Par arrêt du 22 novembre 2012, la cour de ce siège autrement composée a :

– rejeté la demande en nullité de la déclaration de créance,

– sursis à statuer sur la demande d’admission de la créance au motif que le juge commissaire n’avait pas le pouvoir juridictionnel de trancher les contestations opposées à la recevabilité de l’action oblique, à l’extinction prétendue de la créance du liquidateur judiciaire de la société EROS sur Mme [F], à la validité de la cession de créance de Mme [F] sur la société MIRABEAU et à l’opposabilité de cette cession,

– invité les parties à saisir le juge compétent dans le délai de deux mois,

– invité les parties à présenter des observations sur le moyen de droit relevé d’office tiré d’un défaut de pouvoir juridictionnel du juge statuant dans la procédure de vérification des créances pour se prononcer sur la demande de la SCP [B] [O] ès qualités tendant à la condamnation de la société MIRABEAU à lui payer des dividendes,

– ordonné le retrait de l’affaire du rôle.

Les pourvois formés contre cet arrêt ont été rejetés par la Cour de Cassation le 11 juin 2014.

Par jugement rendu le 5 décembre 2016 sur assignation délivrée par M. [B] ès qualités le 17 janvier 2013, le tribunal de commerce d’Aix-en-Provence a :

– déclaré prescrite l’action engagée,

– dit n’y avoir lieu à condamnation au visa de l’article 700 du code de procédure civile.

Les premiers juges ont relevé que :

– il n’était pas possible de statuer sur la validité de la créance de Mme [F] sur la société MIRABEAU et l’opposabilité de cette cession sans la présence de la société DHF INDUSTRIES comme cela avait été demandé par la cour d’appel dans son arrêt,

– la décision de la cour d’appel accordait deux mois aux parties pour saisir la juridiction compétente,

– la SCP [B]-[O] ès qualités n’a pas assigné dans le délai de deux mois toutes les parties à la procédure de sorte que l’instance ne peut être engagée à défaut de régularisation et de mise en cause des parties qui n’ont pas été assignées,

– la régularisation est impossible du fait de la forclusion intervenue en application de l’arrêt du 22 novembre 2012 de la cour d’appel d’Aix-en-Provence.

La SCP [B] [O] ès qualités a fait appel de cette décision le 20 décembre 2016.

Par arrêt mixte du 5 décembre 2019, la cour de ce siège a :

– infirmé en toutes ses dispositions le jugement déféré,

– déclaré recevable la demande de la SCP TADDEI-FUNEL,

– invité les parties à conclure au fond,

– renvoyé l’affaire à la mise en état.

Le 4 février 2020, la société MIRABEAU a déposé une requête en omission de statuer à l’encontre de l’arrêt rendu le 5 décembre 2019.

Par arrêt du 19 novembre 2020, la cour de ce siège a :

– déclaré recevable l’intervention volontaire de la SELARL [B] [O] et associés prise en la personne M. [T] [B], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société EROS,

– rejeté la requête en omission de statuer présentée par la société MIRABEAU,

– condamné la société MIRABEAU aux dépens et à payer à la SELARL [B] [O] ès qualités la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt du 5 octobre 2022 la Cour de Cassation a déclaré irrecevables les pourvois formés contre les arrêts du 5 décembre 2019 et 19 novembre 2020.

Par ordonnance du 6 juillet 2021, le conseiller de la mise en état a :

– débouté Mme [F] et la société MIRABEAU de leurs demandes

– tendant à déclarer irrecevable l’intervention volontaire de la SELARL [O] ET ASSOCIES,

– de sursis à statuer,

– ordonné la réouverture des débats à l’audience d’incident du 16 septembre 2021 et invité les parties à s’expliquer sur l’incompétence soulevée d’office du conseiller de la mise en état pour connaître des exceptions de procédure et des incidents relatifs à la première instance et aux fins de non-recevoir,

– réservé les dépens.

Par arrêt de déféré du 26 janvier 2023 la cour de ce siège a :

– confirmé l’ordonnance déférée,

– condamné la société MIRABEAU aux dépens et à payer à la SELARL [O] ET ASSOCIES ès qualités 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions, déposées au RPVA le 24 mai 2023, la SELARL [O] ET ASSOCIES, prise en la personne de M. [I] [O], venant aux droits de la SCP [B] [O] demande à la cour de :

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré son action prescrite et sa demande irrecevable,

– déclarer recevable et valide la créance déclarée par voie oblique au passif du redressement judiciaire de la société MIRABEAU,

Et

A titre principal, de condamner la société MIRABEAU à payer à la société EROS, prise en la personne de son liquidateur, à savoir la SELARL [O] & ASSOCIES, la somme de 4 573 470 euros,

A titre subsidiaire, d’ordonner l’admission de la créance déclarée par voie oblique par M. [B] ès qualités de liquidateur de la société EROS au passif du redressement judiciaire de la société MIRABEAU à titre chirographaire pour un montant de 4 573 470 euros,

– ordonner le paiement par la société MIRABEAU à la société EROS prise en la personne de son liquidateur des dividendes à intervenir en règlement de la créance de Mme [F] à due concurrence,

En tout état de cause, de condamner la société MIRABEAU et Mme [F] aux dépens avec distraction et à lui payer 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions, notifiées au RPVA le 24 mai 2023, la société MIRABEAU demande à la cour de juger un certain nombre de choses qui sont autant de moyens et :

In limine litis, à titre principal, de :

– se déclarer incompétente au profit du tribunal de première instance de BRUXELLES pour trancher le litige sur l’extinction de la créance du liquidateur judiciaire sur Mme [F],

– se déclarer incompétente au profit des tribunaux de GENEVE pour statuer sur la validité et l’opposabilité de la cession de créance entre Mme [F] et la société DHF INDUSTRIES,

– se déclarer incompétente pour statuer sur l’action oblique sur la créance alléguée et sur les dividendes au profit du tribunal de commerce de NICE,

– déclarer irrecevables les demandes du liquidateur au vu des limites de l’appel telles que mentionnées dans la déclaration d’appel,

In limine litis, à titre subsidiaire, de :

– déclarer irrecevable l’action oblique du liquidateur judiciaire et l’ensemble de ses demandes comme se heurtant à l’autorité de la chose jugée de la décision de la commission de probation de BRUXELLES du 31 mars 2009,

– déclarer irrecevables les demandes du liquidateur judiciaire par l’effet de la prescription,

A titre subsidiaire, sur le fond de débouter le liquidateur judiciaire de son action oblique :

– en raison de la décision rendue le 31 mars 2009 par la commission de probation de BRUXELLES qui a constaté le règlement de la créance invoquée,

– en ce que Mme [F] n’est pas créancière de la société MIRABEAU,

– en ce que Mme [F] a accompli des diligences pour recouvrer sa créance de sorte qu’aucune carence ne peut lui être reprochée,

– en ce que le liquidateur judiciaire se contredit en sollicitant l’admission de la créance tout en affirmant qu’elle est fictive,

En tout état de cause, de condamner la SCP [B] [O] et la SELARL [O] & ASSOCIES aux entiers dépens et à lui payer 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions, signifiées au RPVA le 24 mai 2023, Mme [F] demande à la cour de juger un certain nombre de choses qui sont autant de moyens et :

A titre principal, in limine litis, de :

– se déclarer incompétente au profit du tribunal de première instance de BRUXELLES pour trancher la contestation relative à l’extinction de la créance de la liquidation judiciaire de la société EROS à son égard,

– se déclarer incompétente pour trancher sur la contestation relative à la validité et à l’opposabilité de sa cession de créance au profit du tribunal de GENEVE,

– se déclarer incompétente sur l’action oblique et la distribution de dividendes au profit du tribunal de commerce de NICE,

– déclarer irrecevable car prescrite l’action oblique de la SCP [B] [O],

– déclarer irrecevable car forclose l’action oblique de la SCP [B] [O] pour dépassement du délai de deux mois pour saisir la juridiction compétente,

A titre subsidiaire, sur le fond, de débouter la SCP [B] [O] de sa demande en ce que :

– elle n’est pas sa créancière,

– les conditions de l’action oblique ne sont pas réunies en l’espèce,

Condamner la SCP [B] [O] aux dépens et à lui payer 4 000 euros du chef de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions, communiquées au RPVA le 27 septembre 2019, la SCP [C], représentée par M. [C], ès qualités de mandataire ad hoc de la société MIRABEAU demande à la cour de constater, dire et juger un certain nombre de choses qui sont autant de moyens et de confirmer le jugement frappé d’appel en raison de l’acquisition de la forclusion pour défaut d’assignation de toutes les parties concernées devant le juge compétent dans le délai de deux mois.

Le 15 février 2023, les parties ont été avisées de la fixation du dossier à l’audience du 14 juin 2023.

La procédure a été clôturée le 25 mai 2023 avec rappel de la date de fixation.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il conviendra de se référer aux écritures des parties pour l’exposé de leurs moyens de fait et de droit.

MOTIFS DE LA DECISION

1) Les intimés invoquent toujours l’irrecevabilité de l’action de la SELARL [O] ET ASSOCIES pour défaut d’appel en cause de la société DFH INDUSTRIES.

Or, dans son arrêt mixte du 5 décembre 2019, la cour a déjà tranché cette question qui faisait l’objet de la décision des premiers juges.

Il n’y a donc plus lieu de statuer de ce chef.

2) Les intimés excipent de l’incompétence du tribunal de commerce d’AIX-EN-PROVENCE pour trancher le litige relatif à l’existence de la créance au profit de la justice BELGE.

Rappelant que les époux [N]/[F] résident en BELGIQUE, ils exposent, en effet, que par décision du :

– 23 janvier 2008 le tribunal de première instance de BRUXELLES a décidé de refuser l’exécution d’un mandat d’arrêt européen émis par l’Etat français et décidé que l’exécution des condamnations prononcées à l’encontre des époux [N]/[F] serait réalisée en BELGIQUE,

– 31 mars 2009, la commission de probation de BRUXELLES a décidé que la créance alléguée par la SELARL [O] ET ASSOCIES avait été réglée par les époux [N]/ [F].

Il n’est pas remis en cause que la créance revendiquée par la SELARL [O] ET ASSOCIES a été consacrée par un arrêt correctionnel rendu par la cour de céans le 30 novembre 2005.

Toutefois, les décisions prises par la justice BELGE en exécution d’une sanction pénale ne sauraient priver le tribunal de commerce d’AIX-EN-PROVENCE de sa compétence territoriale et matérielle relative à l’examen de l’existence d’une créance et à la recevabilité et au bien fondé d’une action oblique.

Ce moyen sera, en conséquence, écarté.

3) Les intimés excipent également de l’incompétence du tribunal de commerce d’AIX-EN-PROVENCE au profit du tribunal de GENEVE en s’appuyant sur la clause attributive de compétence insérée dans l’acte de cession de créance conclu le 22 décembre 1995 entre Mme [F] et la société DHF INDUSTRIES.

Toutefois, la cour relève, ainsi que le fait valoir la SELARL [O] ET ASSOCIES, que, conformément à l’article 1690 du code civil, cet acte de cession ne lui est pas opposable à défaut d’avoir été enregistré et surtout de lui avoir été signifié.

Ce moyen sera, en conséquence écarté.

4) Mme [F] se prévaut encore de l’incompétence matérielle du juge commissaire et du tribunal de commerce d’AIX-EN-PROVENCE au profit du tribunal de commerce de NICE.

La cour relève qu’elle a répondu à son argumentaire dans son arrêt mixte du 5 décembre 2019 (page 6) en retenant que :

– ce n’est pas le juge commissaire, effectivement incompétent pour connaître de la validité de l’action oblique, mais le tribunal de commerce qui a rendu la décision frappée d’appel,

– le tribunal de commerce d’AIX-EN-PROVENCE a régulièrement été saisi par assignation du 17 janvier 2013, soit dans le délai de deux mois conformément à l’arrêt de la cour de ce siège du 22 février 2012,

– le tribunal de commerce d’AIX-EN-PROVENCE était compétent en ce que :

– le domicile de la société MIRABEAU, l’un des défendeurs, se situait dans son ressort,

– l’action oblique exercée par la société EROS, qui aurait pu être intentée en l’absence de toute procédure collective, ne relève pas du tribunal de la faillite de la société EROS ni de la société MIRABEAU.

Ce moyen sera, en conséquence, écarté.

5) Il s’ensuit que les exceptions d’incompétence opposées par les intimés à l’action de l’appelante doivent être rejetées.

6) Mme [F] soulève la prescription de l’action oblique de la SELARL [O] ET ASSOCIES.

Elle se prévaut de la prescription quinquennale de l’article 2224 du code civil.

Dans ses dernières écritures, la SELARL [O] ET ASSOCIES n’oppose aucun argument de ce chef, se contentant de suggérer que la cour a déjà tranché cette question dans son arrêt mixte du 5 décembre 2019.

Or, contrairement à ce qu’elle prétend, la cour n’a pas statué sur ce point dans son arrêt mixte du 5 décembre 2019 puisqu’elle a tranché la question de la forclusion de son action pour défaut d’assignation de l’ensemble des parties dans le délai légal de deux mois et, incidemment, celle de la compétence matérielle de la juridiction de première instance.

La SCP [C] et la société MIRABEAU n’évoquent pas la prescription de l’action oblique, la dernière soulevant uniquement la prescription de l’exécution du titre, en l’espèce l’arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence du 30 novembre 2005.

Ainsi que le fait valoir Mme [F], s’agissant d’une action mobilière (en l’espèce d’un action en paiement d’une somme d’argent), l’action de la SELARL [O] ET ASSOCIES est soumise à la prescription quinquennale de l’article 2224 du code civil issu de la loi du 17 juin 2008.

Ce texte pose pour principe que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait connu les faits lui permettant de l’exercer.

Dans le cas présent, il n’est pas remis en cause que la créance déclarée par voie oblique le 7 janvier 2000 par M. [B], aux droits duquel vient aujourd’hui la SELARL [O] ET ASSOCIES, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société EROS, au passif de la procédure collective de la société MIRABEAU a été consacrée par l’arrêt rendu sur intérêts civils le 28 février 2007 par la Cour de Cassation à l’occasion du pourvoi formé contre l’arrêt de la cour de ce siège du 30 novembre 2005.

Il est donc patent que c’est seulement à compter de ce jour que M. [B], aux droits duquel vient aujourd’hui la SELARL [O] ET ASSOCIES avait connaissance des faits lui permettant d’exercer son droit.

En effet, Mme [F] ne saurait valablement prétendre que le point de départ de la prescription extinctive de l’action oblique de la SELARL [O] ET ASSOCIES se situe au jour de la première déclaration de créance, soit le 7 janvier 2000, dans la mesure où cette déclaration de créance, comme les suivantes, était provisionnelle de sorte que la créance n’était ni certaine ni liquide ni exigible pour ne pas avoir été définitivement consacrée en son principe et en son quantum.

Par l’effet de l’article 26 de la loi du 17 juin 2008, la prescription de l’action oblique de la SELARL [O] ET ASSOCIES, qui était précédemment décennale, était acquise le 20 juin 2013.

Son assignation dans le cadre de la présente instance ayant été délivrée le 17 janvier 2013, son action n’est pas prescrite.

Dès lors, la fin de non recevoir tirée de la prescription de l’action oblique opposée par Mme [F] sera rejetée.

7) La société MIRABEAU estime que l’action oblique exercée par la SELARL [O] ET ASSOCIES est prescrite par l’effet de la prescription du titre qui la fonde et qui ne pourrait, de ce fait, plus recevoir exécution.

Elle rappelle que le délai d’exécution d’un titre est passé de 30 ans à 10 ans par l’effet de la loi du 17 juin 2008.

Il ressort de ses écritures mêmes que ce moyen n’est pas sérieux puisqu’elle affirme que la prescription du titre était acquise le 18 juin 2018 (page 34 de ses écritures) alors que l’assignation a été délivrée le 17 janvier 2013.

8) De fait, par l’effet de l’article 26 de la loi du 17 juin 2008, la cour relève que la prescription du titre de la SELARL [O] ET ASSOCIES, qui était précédemment trentenaire, était acquise le 1er mars 2017.

Il en résulte que la fin de non recevoir tirée de la prescription du titre doit, elle-aussi, être rejetée.

9) La société MIRABEAU soulève encore la prescription du titre de la SELARL [O] ET ASSOCIES en excipant du droit européen.

Là encore son moyen n’est pas sérieux puisqu’elle affirme que c’est la règle de prescription française qui s’applique en BELGIQUE.

Or, il s’évince des développements précédents que le titre de la SELARL [O] ET ASSOCIES n’est pas prescrit en FRANCE.

10) En s’appuyant sur les mêmes décisions qu’évoquées dans les développement précédents et rendues par la justice BELGE le 23 janvier 2008 et le 31 mars 2009, les intimés soutiennent encore que Mme [F] à payé sa dette à la SELARL [O] ET ASSOCIES.

Ils précisent que ces décisions s’imposent à tous. Cela est exact mais, comme la section civile du tribunal de première instance francophone de BRUXELLES le leur a rappelé dans son jugement du 10 mars 2017, les conséquences qu’ils prétendent tirer de ces décisions sont juridiquement erronées (pièce 42 de l’appelante) et ne sauraient leur permettre de rapporter la preuve qui leur incombe du paiement de la créance objet du litige.

En effet, le juge BELGE a relevé à juste titre que :

– la créance était de nature civile et la décision d’exécution du 23 janvier 2008 ne valait que pour le volet pénal de la condamnation,

– pour prendre sa décision du 31 mars 2009 la commission de probation s’est fondée uniquement sur les déclarations faites par M. [N] à l’assistante de justice,

– dans la mesure où les époux [F]/[N] ne soumettent aucun justificatif de paiement, il ne rapportent pas la preuve qu’ils se sont libérés de leur dette envers les parties civiles.

La cour relève que devant elle Mme [F] est encore défaillante pour justifier du paiement qu’elle allègue et cela malgré la sommation qui a été faite à son époux de communiquer le dossier de la commission de probation de BRUXELLES.

Contrairement à ce que prétend la société MIRABEAU, il s’évince de sa pièce 43 que, par arrêt du 12 mai 2020, la cour d’appel de BRUXELLES a confirmé le jugement rendu le 10 mars 2017 et que le recours qui demeure pendant est une tierce opposition qu’elle a elle-même engagée contre l’arrêt du 12 mai 2020.

Dans ces conditions, les juridictions Belges ayant jusqu’ici refusé de consacrer le principe selon lequel la décision de la commission de probation de BRUXELLES du 31 mars 2009 valait preuve du paiement de la créance alléguée par la SELARL [O] ET ASSOCIES, il convient de considérer que l’appelante peut s’en prévaloir à bon droit.

11) Cette analyse s’impose d’autant que les intimées ne sauraient valablement se fonder sur l’avis du juge de l’application des peines de NICE qui, le 25 novembre 2010, a simplement constaté qu’il n’était pas en mesure de délivrer à Mme [F] une attestation d’exécution d’indemniser les victimes et qu’elle devait réclamer un tel document à la commission de probation de BRUXELLES puisque c’était elle qui avait suivi l’exécution de sa condamnation (pièce 37 de l’appelante).

12) Pour contester sur le fond la recevabilité de son action oblique les intimées soutiennent encore que la SELARL [O] ET ASSOCIES ne dispose d’aucune créance dans la mesure où :

– cette créance a été cédée,

– les ordonnances de référé rendues en 1996 et 1995 qui l’ont consacrée ne leur sont pas opposables.

13) La société MIRABEAU ne saurait valablement soutenir que les ordonnances de référé de 1995 et 1996 ne lui sont pas opposables dans la mesure où il n’est pas allégué qu’elles ont été contestées et infirmées.

Par ailleurs, la cour tient à souligner que dans ses développements précédents elle a déjà indiqué que les déclarations de créance de la SELARL [O] ET ASSOCIES à partir de janvier 2000 étaient provisionnelles et que sa créance avait été consacrée par l’arrêt de cassation partielle rendu le 28 février 2007.

Il en résulte que la créance objet du litige n’est pas fondée sur les ordonnances de référés de 1995 et 1996 de sorte que ce moyen doit être écarté.

14) Ainsi que la SELARL [O] ET ASSOCIES le fait valoir, la société MIRABEAU n’est pas fondée à se prévaloir de la cession de créance des 20 et 22 décembre 1995, prétendument intervenue entre Mme [F] et la société DHF INDUSTRIES, dans la mesure où il s’agit d’un acte sous seing privé qui n’a pas été publié ni enregistré et dont il n’est établi qu’il lui a été dénoncé.

Il en résulte, conformément à l’article 1690 du code civil, que cette cession de créance est inopposable à la SELARL [O] ET ASSOCIES ès qualités de liquidateur judiciaire de la société EROS.

En tout état de cause, la cour relève que la société MIRABEAU ne rapporte pas la preuve qui lui incombe d’un paiement effectif et qu’elle s’est abstenue de déférer à une sommation de communiquer les bilans des exercices 1994 et 1995 qui lui auraient permis de justifier du paiement.

15) La cession de créance du 20 janvier 1998, intervenue entre la société DHF INDUSTRIES et la société ATLANTIC CHEMPHARM, ne peut concerner, comme le soutient M. [C], la créance de Mme [F] sur la société MIRABEAU, la société ALTLANTIC CHEMPHARM ayant été intégralement réglée de sa créance par l’effet de la caution et ne détenant plus aucun titre vis-à-vis de qui que ce soit.

Cette solution s’impose d’autant que :

– l’acte de cession ne précise à aucun moment que la cession porte sur la créance que Mme [F] détient sur la société MIRABEAU,

– il se déduit de la pièce 41 annexe 2 de la SELARL [O] ET ASSOCIES que les comptes de résultat de la société ATLANTIC CHEMPHARM pour les années 1995 à 1998 ne font apparaître aucune créance de 34 628 224 F (montant de la cession) à l’actif de ses bilans.

16) La preuve du paiement n’étant pas rapportée par les intimés, la cour estime que la créance alléguée par la SELARL [O] ET ASSOCIES est certaine, liquide et exigible.

17) Mme [F] considère que les conditions de recevabilité de l’action oblique ne sont pas remplies en ce qu’elle n’est ni négligente ni insolvable et reproche à la SELARL [O] ET ASSOCIES de s’être abstenue de lui avoir fait délivrer la moindre mise en demeure.

Cependant, il ressort de l’ensemble des procédures qui ont opposé les parties, y compris celles qui ont mis en évidence les agissements frauduleux pour lesquels elle a été condamnée, que depuis de longues années Mme [F] n’a revendiqué ni accompli aucune diligence pour recouvrer sa créance aux détriments de la société EROS et de ses créanciers.

Bien au contraire, la condamnation pénale dont elle a fait l’objet avec son époux en 2004, devenue définitive en 2007, et l’absence de paiement de la condamnation civile qui en a résulté établissement tant son insolvabilité que la mise en péril de la créance revendiquée par la SELARL [O] ET ASSOCIES.

18) Dans ces conditions, seul le juge commissaire ou la cour investie de ses pouvoirs ayant la faculté d’admettre la créance au passif de la liquidation judiciaire de la société EROS, la société MIRABEAU sera condamnée, au titre de l’action oblique, à payer à la SELARL [O] ET ASSOCIES, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société EROS la somme de 4 573 470 euros dont le quantum n’est pas contesté.

19) Le jugement frappé d’appel sera infirmé en ce qu’il a condamné la SCP [B] [O], aux droits de laquelle vient la SELARL [O] ET ASSOCIES, ès qualités aux dépens mais confirmé en ce qu’il a débouté les parties de leurs demandes au visa de l’article 700 du code de procédure civile.

La société MIRABEAU et Mme [F] seront condamnées in solidum aux dépens de première instance et d’appel.

Elles se trouvent, ainsi, infondées en leurs prétentions au titre des frais irrépétibles.

Eu égard aux circonstances de l’espèce, il serait inéquitable de laisser supporter à la SELARL [O] ET ASSOCIES ès qualités l’intégralité des frais qu’elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens.

La société MIRABEAU et Mme [F] seront condamnées in solidum à lui payer 6 000 euros du chef de l’article 700 du code de procédure civile.

La distraction des dépens sera autorisée pour le conseil de la SELARL [O] ET ASSOCIES.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, après débats publics, dans les limites de sa saisine, par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe’;

Rappelle que dans son arrêt mixte du 5 décembre 2019 la cour de ce siège a infirmé le jugement frappé d’appel en ce qu’il avait déclaré forclose l’action de la SCP [B] [O] aux droits de laquelle vient la SELARL [O] ET ASSOCIES ès qualités ;

Confirme le jugement frappé d’appel en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles ;

Infirme le jugement frappé d’appel pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Rejette les exceptions d’incompétence opposées par les intimées à l’action de l’appelante ;

Rejette les fins de non recevoir tirées de la prescription opposées par les intimées à l’action de l’appelante ;

Déclare recevable l’action oblique initiée par la SELARL [O] ET ASSOCIES ès qualités de liquidateur judiciaire de la société EROS ;

Condamne la société MIRABEAU à payer à la SELARL [O] ET ASSOCIES la somme de 4 573 470 euros ;

Déclare Mme [F] et la société MIRABEAU infondées en leurs prétentions au titre des frais irrépétibles ;

Condamne in solidum Mme [F] et la société MIRABEAU à payer à la SELARL [O] ET ASSOCIES ès qualités la somme de 6 000 euros au visa de l’article 700 du code de procédure civile ;

Autorise l’application de l’article 699 du code de procédure civile au bénéfice du conseil de la SELARL [O] ET ASSOCIES ès qualités pour ce qui concerne les dépens d’appel ;

Condamne in solidum Mme [F] et la société MIRABEAU aux dépens de première instance et d’appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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