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COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 56B
14e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 19 MAI 2022
N° RG 21/04653 – N° Portalis DBV3-V-B7F-UU4O
AFFAIRE :
S.A. ONEPARTS
C/
SociétéACCURACY HONG KONG LIMITED
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendu le 04 Juin 2021 par le Président du TC de Nanterre
N° RG : 2021R00199
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 19.05.2022
à :
Me Anne-sophie REVERS, avocat au barreau de VERSAILLES
Me Bertrand LISSARRAGUE, avocat au barreau de VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX NEUF MAI DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
S.A. ONEPARTS
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
N° 0561.887.940
[Adresse 2]
[Adresse 3]
Représentant : Me Anne-sophie REVERS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES
Assistée de Me Pierre FRANC, avocat plaidant au barreau de Paris
APPELANTE ET INTIMEE A TITRE INCIDENT
****************
Société ACCURACY HONG KONG LIMITED
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 1]
Représentant : Me Bertrand LISSARRAGUE de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 – N° du dossier 2166772
Assistée de Me Frédéric FOURNIER, avocat plaidant au barreau de Paris
INTIMEE ET APPELANTE A TITRE INCIDENT
***************
Composition de la cour :
L’affaire a été débattue à l’audience publique du 23 Mars 2022, Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, conseiller ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Nicolette GUILLAUME, Président,
Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller,
Madame Marina IGELMAN, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Mme Elisabeth TODINI
EXPOSE DU LITIGE
La société Accuracy Hong Kong Limited est un cabinet de conseil en matière financière, de gestion et de risques financiers ayant son siège à Hong Kong.
La société One Parts est une société belge dont le siège social est établi à [Adresse 3], exerçant une activité de centrale d’achat de pièces détachées dans le secteur automobile.
Les sociétés Accuracy et One Parts ont conclu -ou envisagé de conclure – les conventions suivantes :
– engagement Letter du 24 avril 2019 (ci-après la convention n°1), ayant pour objet le recrutement de partenaires indépendants sur le marché des pièces de rechange en Chine, laquelle constitue la mission principale confiée à la société Accuracy,
– engagement Letter du 16 octobre 2019 (ci-après la convention n°2), ayant pour objet l’évaluation d’actifs incorporels de la société One Parts,
– engagement Letter du 18 novembre 2019 (ci-après la convention n°3), ayant pour objet l’accompagnement des dirigeants de la société One Parts au salon de l’automobile de Shanghai.
La société Accuracy a adressé 12 factures à la société One Parts au titre de ses prestations fournies au titre des conventions n°1, 2 et 3, pour un montant total de 328 799,84 euros.
La société One Parts a réglé les 7 premières factures, relatives à la convention n°1, pour un montant de 165 897,78 euros.
En revanche, la société One Parts ne s’est pas acquittée des 5 autres factures, pour un montant de 162 902,06 euros.
La société Accuracy a réclamé le paiement de prestations relatives à la convention n°1 devant le centre d’arbitrage international de Hong Kong, en application de la clause d’attribution de compétence incluse dans cette convention. La sentence a été rendue le 19 novembre 2021 et le tribunal arbitral a ordonné que la société One Parts verse à la société Accuracy la somme de 97 161, 21 euros, outre les frais de justice et de procédure.
La société Accuracy a parallèlement fait assigner en référé la société One Parts aux fins d’obtenir principalement de :
– condamner la société One Parts à lui payer une provision de 75 423,92 euros TTC, au titre des conventions n°2 et n°3, augmentée des intérêts à compter de la date de mise en demeure du 9 septembre 2020 et de la pénalité de quarante euros par facture impayée, soit la somme de 120 euros,
– condamner la société One Parts à lui payer une somme de 3 000 euros, au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société One Parts aux entiers dépens.
Par ordonnance contradictoire rendue le 4 juin 2021, le juge des référés du tribunal de commerce de Nanterre a :
– condamné la société One Parts à payer à la société Accuracy la somme provisionnelle de 56 437,50 euros, augmentée des intérêts au taux de la banque centrale européenne majoré de 10 points de pourcentage à compter de la date de chaque facture et de l’indemnité forfaitaire de recouvrement de 80 euros,
– dit n’y avoir lieu à référé pour le surplus,
– débouté la société One Parts de toutes ses autres demandes,
– condamné la société One Parts à payer à la société Accuracy la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société One Parts aux entiers dépens,
– rappelé que l’exécution provisoire est de droit,
– liquidé les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 40,66 euros.
Par déclaration reçue au greffe le 20 juillet 2021, la société One Parts a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition.
Dans ses dernières conclusions déposées le 17 janvier 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société One Parts demande à la cour de :
– infirmer l’ordonnance entreprise ;
à titre principal :
– faire droit à l’exception d’incompétence qu’elle soulève ;
– renvoyer en conséquence la société Accuracy à mieux se pourvoir devant le tribunal de l’entreprise de Louvain (sic) ;
à titre subsidiaire :
– dire ne pas avoir lieu à référé ;
– débouter la partie intimée ;
– condamner la société Accuracy à lui payer une somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– la condamner aux dépens ;
en toute hypothèse :
– déclarer l’appel incident non recevable et à tout le moins mal fondé et débouter la société Accuracy de ses demandes ;
– condamner la société Accuracy à lui payer une somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– la condamner aux dépens.
Dans ses dernières conclusions déposées le 4 février 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Accuracy demande à la cour, au visa de l’article 873 alinéa 2 du code de procédure civile, de :
– la déclarer recevable et bien fondé l’appel incident formé ;
– déclarer les clauses attributives de juridiction des lettres d’engagement n°2 et 3 applicables et confirmer la compétence du tribunal de commerce de Nanterre ;
– déclarer la société One Parts débitrice d’une somme de 65 740,85 euros TTC à son égard, au titre des conventions n°2 et n°3 ;
en conséquence,
– confirmer l’ordonnance du juge des référés du tribunal de commerce de Nanterre du 4 juin 2021, en ce qu’elle a débouté la société One Parts de son exception d’incompétence ;
– confirmer l’ordonnance du juge des référés du tribunal de commerce de Nanterre, en ce qu’elle a condamné la société One Parts à lui payer une provision de 56 437,50 euros TTC, au titre des conventions n°2 et n°3, augmentée des intérêts à compter de la date de chaque facture et de l’indemnité forfaitaire de recouvrement de 80 euros ;
– infirmer l’ordonnance du juge des référés du tribunal de commerce de Nanterre, en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à référé pour le surplus de la demande ;
statuant à nouveau,
– condamner la société One Parts à lui payer une provision de 9 303,35 euros TTC, correspondant au reliquat de la facture F191230 dû au titre de la convention n°3, augmentée des intérêts à compter de la date de la facture et de l’indemnité forfaitaire de recouvrement de 40 euros ;
en tout état de cause,
– débouter la société One Parts de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;
– condamner la société One Parts à lui payer une somme de 8 000 euros, au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société One Parts aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Bertrand Lissarrague, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 1er mars 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur l’exception d’incompétence
La société One Parts soulève in limine litis une exception d’incompétence, faisant valoir que le litige relève de la juridiction du tribunal de Louvain où est situé le siège social de l’entreprise.
Elle fait valoir que les lettres d’engagement dont se prévaut la société Accuracy pour justifier la compétence du tribunal de Nanterre n’ont pas été signées et qu’il n’existe qu’un seul contrat liant les parties.
Sur la validité de la clause attributive de compétence, l’appelante expose que les conditions de l’article 25 du règlement Bruxelles I bis ne sont pas remplies en l’espèce puisque les parties n’avaient pas d’habitude établie entre elles sur ce point et qu’aucun usage largement connu ne prévoit la compétence du tribunal de Nanterre pour statuer en matière de contrat de services pour des prestations en Chine.
Elle en conclut qu’en application de l’article 4 du règlement Bruxelles I bis, elle doit être assignée devant les juridictions belges puisqu’elle a son siège en Belgique.
Faisant valoir que l’intimée poursuit d’ailleurs le règlement de la créance qu’elle allègue devant les tribunaux de différents pays, la société One Parts en déduit la faiblesse de son argumentation.
La société Accuracy expose en réponse que les conventions n°2 et n°3 stipulent, en leur article 13, que le tribunal de commerce de Nanterre dispose d’une compétence exclusive pour connaître de tous différends s’y rapportant, y compris en cas de procédure de référés.
Elle soutient que les lettres d’engagement 2 et 3 ont fait l’objet d’un accord et d’une exécution, la circonstance que ces lettres n’aient pas été signées étant sans incidence sur la qualification de contrat desdits documents.
Elle fait valoir que les parties étaient en étroite et constante relation pendant la réalisation du projet et que la société One Parts a valablement consenti à la clause d’élection de for, conformément à l’article 25 du règlement Bruxelles I bis.
La société Accuracy affirme qu’en application de l’article 25, §2 du règlement Bruxelles I bis, les parties peuvent prévoir une clause attributive de juridiction dans le cas où un usage existe que les parties connaissaient ou auraient dû connaître, l’acceptation de la clause pouvant être tacite, ce qui est le cas en l’espèce.
Elle soutient qu’en outre, la société One Parts a soulevé l’incompétence arbitrale devant la cour d’arbitrage internationale de Hong-Kong.
L’intimée fait valoir que les trois contrats conclus entre les parties sont indépendants.
Sur ce,
En vertu des dispositions de l’article 8 du règlement Bruxelles I Bis : ‘Une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut aussi être attraite :
1) s’il y a plusieurs défendeurs, devant la juridiction du domicile de l’un d’eux, à condition que les demandes soient liées entre elles par un rapport si étroit qu’il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d’éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément ;
2) s’il s’agit d’une demande en garantie ou d’une demande en intervention, devant la juridiction saisie de la demande originaire, à moins qu’elle n’ait été formée que pour traduire celui qui a été appelé hors du ressort de la juridiction compétente ;
3) s’il s’agit d’une demande reconventionnelle qui dérive du contrat ou du fait sur lequel est fondée la demande originaire, devant la juridiction saisie de celle-ci ;
4) en matière contractuelle, si l’action peut être jointe à une action en matière de droits réels immobiliers dirigée contre le même défendeur, devant la juridiction de l’État membre sur le territoire duquel l’immeuble est situé’.
L’article 25 du même règlement dispose que ‘Si les parties, sans considération de leur domicile, sont convenues d’une juridiction ou de juridictions d’un État membre pour connaître des différends nés ou à naître à l’occasion d’un rapport de droit déterminé, ces juridictions sont compétentes, sauf si la validité de la convention attributive de juridiction est entachée de nullité quant au fond selon le droit de cet État membre. Cette compétence est exclusive, sauf convention contraire des parties. La convention attributive de juridiction est conclue:
a) par écrit ou verbalement avec confirmation écrite;
b) sous une forme qui soit conforme aux habitudes que les parties ont établies entre elles; ou
c) dans le commerce international, sous une forme qui soit conforme à un usage dont les parties ont connaissance ou étaient censées avoir connaissance et qui est largement connu et régulièrement observé dans ce type de commerce par les parties à des contrats du même type dans la branche commerciale considérée’.
Il résulte de ces deux articles qu’une clause attributive de juridiction valable au regard du second et qui désigne un tribunal d’un État contractant prime la compétence spéciale prévue au premier (Civ 1e, 14 mars 2018, 16-28.302).
La validité de la clause attributive de juridiction entre les parties initiales est essentiellement soumise à des conditions de forme qui sont appréciées exclusivement dans ce litige au regard de l’article 25 du règlement Bruxelles I bis sans tenir compte des exigences particulières des dispositions nationales.
Une convention attributive de juridiction doit, afin d’être valide, être conclue soit par écrit, soit verbalement avec une confirmation écrite, soit enfin sous une forme conforme aux habitudes établies entre les parties ou, dans le commerce international, à un usage dont les parties avaient connaissance ou étaient censées avoir connaissance.
En vertu du paragraphe 2 de l’article 25, «toute transmission par voie électronique qui permet de consigner durablement la convention » doit être regardée comme « revêtant une forme écrite » (CJUE 21 mai 2015 El Majdoub rendu sur le fondement de l’article 23 du règlement Bruxelles I qui est équivalent à l’article 25 précité).
Il est établi en l’espèce qu’au moins une des parties signataires du contrat était domiciliée dans un Etat signataire, que la situation régie par la clause est internationale et que la juridiction désignée est celle d’un Etat contractant.
La lettre d’engagement du 16 octobre 2019 ayant pour objet l’évaluation d’actifs incorporels de la société One Parts ainsi que celle du 18 novembre 2019 relative à l’accompagnement des dirigeants de la société One Parts au salon de l’automobile de Shangaï comprennent en leur article 13 une clause attributive de compétence ainsi rédigée :
‘Les Parties conviennent que tous les litiges relatifs à la lettre de mission et concernant sa validité, son interprétation, son exécution ou son inexécution qui ne seraient pas réglés à l’amiable entre les Parties dans un délai d’un mois à compter de la réception d’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception seront soumis à la compétence exclusive du Tribunal de commerce de Nanterre, même en cas d’appel en garantie ou de pluralité de défendeurs. Cette attribution de compétence s’applique également aux procédures de référé.’
Alors que l”engagement letter’ du 24 avril 2019 ayant pour objet le recrutement de partenaires indépendants sur le marché des pièces de rechange en Chine était signée par les représentants de la société One Parts, il n’en est pas de même pour les deux conventions ultérieures.
Cependant, la société Accuracy justifie avoir envoyé par courriel ces conventions au directeur général de la société One Parts :
– le 16 octobre 2019 : ‘Comme discuté ces derniers jours, je te prie de trouver la lettre d’engagement d’Accuracy pour la mission de valorisation des actifs immatériels. Ce travail sera réalisé par notre bureau de Hong-Kong qui travaille actuellement sur le business plan de la JV. Je te communiquerai rapidement le modèle que nous avons construit sur la base des informations que Harson nous a communiqué vendredi.’
– le 19 novembre 2019 : ‘Je te prie de trouver notre lettre d’engagement pour le Shangaï Auto Show pour t’assister dans les meetings avec Heqi, Harson, Apbenben et d’autres prospects que nous pourrions aborder (…) Par ailleurs, je t’organiserai et t’accompagnerai sans forcément participer au meeting avec le chasseur de tête en centre-ville de Shangaï (…) L’équipe sera composée de [F] et moi.’
La clause attributive de compétence contenue dans ces lettres d’engagement a donc été transmise par écrit à la société One Parts, qui ne l’a pas contestée.
La société Accuracy verse aux débats de nombreuses pièces établissant que ces deux conventions ont été exécutées au moins partiellement.
Ainsi, concernant la convention n°2, sont produits : les nombreux échanges de courriels entre M. [V] et M. [U] entre le 18 octobre et le 12 novembre 2019 qui démontrent une collaboration entre les parties dans l’élaboration de leur projet, le mémo du 13 novembre 2019 (pièce 31) et le projet de novembre 2019 (pièce 45).
De même, la société Accuracy démontre par la production des échanges de courriels entre le 31 octobre 2019 et le 6 décembre 2019, des photographies du groupe à Shangaï (pièces 35 à 38) et d’un courriel de remerciements de M. [I], employé de la société One Parts, pour le soutien apporté à Shangaï (pièce 43) que l’accompagnement des dirigeants de la société One Parts au salon de l’automobile de Shangaï, objet de la convention n°3, a été effectif.
Il résulte de l’ensemble de ces constatations que c’est à juste titre que le premier juge a indiqué que les parties étaient soumises aux effets de la clause attributive de juridiction conclue sous une forme qui répond aux exigences de l’article 25 du règlement précité. Il n’y a pas lieu de faire droit à l’exception d’incompétence soulevée et l’ordonnance sera confirmée en ce qu’elle a jugé à ce titre.
Sur la demande de provision
La société One Parts expose qu’il existe une contestation sérieuse sur la créance dont se prévaut la société Accuracy puisqu’elle n’a pas signé les conventions 2 et 3 et qu’il appartient donc à l’intimée de démontrer la réalité et le prix des prestations réalisées, ce qu’elle ne fait pas en l’espèce.
Elle soutient que les montants réclamés dans les factures du 31 août 2019 et du 30 septembre 2019 ont été réglés et que, ces sommes étant supérieures au montant prévu contractuellement, elles incluent les travaux supplémentaires dont se prévaut la société Accuracy, aucune autre somme ne pouvant lui être réclamée.
Elle affirme qu’en tout état de cause, le tribunal arbitral l’ayant condamnée à verser la somme de 9 493, 21 euros, la société Accuracy est mal fondée à en réclamer de nouveau le paiement.
La société Accuracy expose en réponse que sa créance est incontestable, les prestations et factures n’ayant jamais fait l’objet de la moindre contestation ni réserve de la part de la société One Parts.
Elle sollicite en conséquence la condamnation de l’appelante à lui régler les sommes provisionnelles de 33 862, 50 euros au titre de la convention n°2, ainsi que de 9 303, 35 euros et de 22 575 euros sur le fondement de la lettre d’engagement n°3.
Elle affirme avoir réalisé un travail important, qui a donné toute satisfaction à la société One Parts et soutient avoir facturé les honoraires contractuellement prévus.
sur ce,
Selon l’alinéa 2 de l’article 873 du code de procédure civile :’Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le président du tribunal de commerce peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire’.
Ce texte impose donc au juge une condition essentielle avant de pouvoir accorder une provision : celle de rechercher si l’obligation n’est pas sérieusement contestable. Doivent être précisés les éléments de la contestation qui rendent celle-ci sérieuse.
Il sera retenu qu’une contestation sérieuse survient lorsque l’un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n’apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.
À l’inverse, sera écartée une contestation qui serait à l’évidence superficielle ou artificielle et la cour est tenue d’appliquer les clauses claires du contrat qui lui est soumis, si aucune interprétation n’en est nécessaire. Le montant de la provision allouée n’a alors d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée.
En vertu de l’article L. 110-3 du code de commerce, la preuve en matière commerciale peut se faire par tous moyens.
Il revient à la société Accuracy d’apporter la preuve d’une créance incontestable de 65 740, 85 euros.
Celle-ci verse aux débats les factures dont elle réclame le paiement au moins partiel :
– facture n°F191108 du 08/11/2019 de 33 862,50 euros correspondant aux travaux prévus par la convention n°2,
– facture n°F191230 du 30/12/2019 de 36 684,38 euros dont 22 575 euros au titre de l’accompagnement des dirigeants de la société One Parts au salon de l’automobile de Shangaï du 2 au 6 décembre 2019 (convention n°3),
– facture n°F191230 du 30/12/2019 de 18 986, 42 euros correspondant au remboursement de frais exposés, pour partie lors de l’exécution de la convention n°1 (9 683, 07 euros) et pour partie lors du salon automobile de Shangaï (9 303,35 euros).
Ainsi qu’indiqué, la société Accuracy justifie avoir envoyé par courriel les conventions n°2 et 3 au directeur général de la société One Parts respectivement le 16 octobre 2019 et le 19 novembre 2019 et de nombreuses pièces démontrent que ces deux conventions ont été exécutées au moins partiellement.
Il est donc établi avec l’évidence requise en référé que la lettre d’engagement du 16 octobre 2019 ayant pour objet l’évaluation d’actifs incorporels de la société One Parts ainsi que celle du 18 novembre 2019 relative à l’accompagnement des dirigeants de la société One Parts au salon de l’automobile de Shangaï constituent des conventions régulièrement formées entre la société Accuracy et la société One Parts et l’intimée est bien fondée à réclamer un paiement à ce titre.
sur la lettre d’engagement du 16 octobre 2019
La lettre d’engagement du 16 octobre 2019 prévoyait :
– en son article 1 : ‘Sur la base de nos discussions, nous comprenons que, dans le cadre de votre préparation globale du Projet, vous souhaitez que nous fassions un travail d’évaluation concernant l’apport par 1parts de plusieurs actifs incorporels à une société nouvellement créée (la « Newco ») qui prendra en charge le Projet’.
– en son article 4 :
‘Nos honoraires pour la Mission définie ci-dessus sont calculés sur la base des niveaux de qualification de nos salariés et du temps nécessaire à la réalisation de ladite Mission (hors taxes, frais et dépenses diverses qui sont fixés à 5 % plus les dépenses directes). Pour cette mission, nous proposons une commission fixe de 30 000 euros.
Nous vous tiendrons informés du montant des frais engagés pendant toute la durée de la mission et nous vous informerons dans l’hypothèse où ces frais pourraient dépasser cette estimation.
Nous vous facturerons en fin de mois. Nos factures sont payables à réception’.
La société Accuracy verse aux débats des échanges de courriels entre le 16 octobre et le 12 novembre 2019 qui démontrent l’existence de discussions entre M. [H] [V], ‘chief exécutive officer’ de la société One Parts, des salariés de la société Grup Eina et des employés de la société Accuracy dans le cadre de ce projet dont notamment le courriel du 5 novembre 2019 adressé à M. [V] lui indiquant notamment : ‘nous obtenons une évaluation allant de 5 à 8 millions d’euros’.
Elle produit le ‘Projet 1Parts’ de novembre 2019 qui présente en 25 pages l’évaluation des actifs incorporels apportés par la société One Parts, ainsi que la facture F191108 d’un montant de 30 000 euros, outre 1500 euros de frais administratifs et 2 362, 50 euros de TVA.
Pour contester ces factures, la société One Parts verse aux débats un courriel de M. [V] du 17 février 2020 mentionnant notamment : ‘D’une proposition contractuelle initiale à 95 000 euros acceptée, avec ensuite un coup de main sur une valorisation où sincèrement le travail effectué a été très léger, et un support sur le show de Shangaï, on passe à plus de 300 000 euros. Il y a là un dérapage qui ne correspond pas du tout à l’esprit de notre collaboration initiale.’
Cet élément n’est pas de nature à démontrer le sérieux de la contestation, à savoir que le travail réalisé par la société Accuracy ne correspondait pas à la prestation convenue dans le contrat, alors que les documents produits par l’intimée sont suffisants pour justifier avec l’évidence requise en référé que la mission prévue par la lettre d’engagement du 16 octobre 2019 a été effectuée.
La décision attaquée sera confirmée en ce qu’elle a condamné la société One Parts à verser à la société Accuracy une provision de 33 682, 50 euros à ce titre.
Sur la lettre d’engagement du 19 novembre 2019
La lettre d’engagement du 19 novembre 2019 prévoyait :
– Article 1 : ‘Sur la base de nos discussions, nous comprenons que, dans le cadre de votre préparation globale du Projet, vous sollicitez notre aide pendant le Salon de l’Automobile de Shangaï’.
1.2 : ‘Vous nous avez demandé d’exécuter les services suivants pendant le Salon de l’Automobile de Shangaï :
– soutenir 1parts dans ses réunions avec des grossistes affiliés ou des réseaux de détaillants tels que Heqi Auto ou Harson Group, dans la définition de la stratégie de mise en ‘uvre de leur partenariat
– soutenir 1parts dans ses réunions avec les prospects comme Apbenben, Autozi afin de les convaincre d’adhérer à l’Alliance 1parts ;
– soutenir les réunions de support entre les grossistes affiliés (Heqi Auto) et les fournisseurs internationaux de pièces de rechange ;
– présenter des intervenants tels que Lincoln, un chasseur de tête spécialisé dans le B2B et les pièces de rechange automobiles ;
– soutenir la première rencontre avec d’autres grossistes ou réseaux de détaillants chinois tels que Kailu, Baturu ou Tuhu qu’Accuracy a déjà contactés ou tenté de contacter’.
– Article 4 : ‘Nos honoraires pour la Mission définie ci-dessus sont calculés sur la base des niveaux de qualification de nos salariés et du temps nécessaire à la réalisation de ladite Mission (hors taxes, frais et dépenses diverses qui sont fixés à 5 % plus les dépenses directes).
Pour cette mission, nous proposons une commission fixe de 20 000 euros.
Nous vous tiendrons informés du montant des frais engagés pendant toute la durée de la mission et nous vous informerons dans l’hypothèse où ces frais pourraient dépasser cette estimation.
Nous vous facturerons en fin de mois. Nos factures sont payables à réception’.
La société Accuracy produit des échanges de courriels du 8 novembre 2019 au 1er décembre 2019 entre M. [H] [V] et des employés de la société Accuracy visant à préparer le salon automobile de Shangaï et notamment le courriel du 19 novembre 2019 adressé à M. [H] [V] par M. [E] [U] qui indique : ‘Je te prie de trouver notre lettre d’engagement pour le Shangaï Auto Show pour t’assister dans les meetings avec Heqi, Harson, Apbenben et d’autres prospects que nous pourrions aborder (…) Par ailleurs, je t’organiserai et t’accompagnerai sans forcément participer au meeting avec le chasseur de tête en centre-ville de Shangaï (…) L’équipe sera composée de [F] et moi.’
Elle verse aux débats un mémo qu’elle a réalisé intitulé ‘Projet Chine – premières étapes du mémo de coopération’ du 13 novembre 2019 qui comprend 6 parties : Salon de l’automobile de Shangaï du 2 au 6 décembre 2019, partenariat Harson, partenariat Heqi, partenariat Apbenben, projet Autozi et autres cibles.
L’intimée produit également des photographies de son équipe à Shangaï en présence des membres de la société One Parts ainsi qu’un courriel de M. [I], employé de la société One Parts, du 6 décembre 2019 mentionnant : ‘Bonjour Gong, [E]. Un grand merci pour votre support efficace. Et votre bienveillance durant ce séjour.’
La facture F 191230 1Parts d’un montant de 36 684, 38 euros correspond pour une part à la convention n°1, qui n’est pas concernée par le présent litige, et pour 20 000 euros aux honoraires lors du salon automobile de Shangaï, soit 22 575 euros avec les frais et la TVA.
Cette somme correspond au montant prévu contractuellement, la société Accuracy justifiant avec une évidence suffisante avoir réalisé la prestation prévue et il y a donc lieu de condamner la société One Parts à lui verser une provision de 22 575 euros à ce titre. L’ordonnance querellée sera confirmée à ce titre.
La société Accuracy sollicite en outre le paiement partiel de la facture ‘F 191230 1Parts Charges’ d’un montant total de 18 986, 42 euros relative à des remboursements de frais engagés entre octobre et décembre 2019 : frais d’avion, d’hôtel, de restaurant et de transport correspondant à des séjours à Shenzen (11 octobre), Guangzhou (12 novembre) et Shangaï (2 au 6 décembre).
Elle expose que seul le voyage à Shangaï est concerné par la lettre d’engagement n°3, soit les postes suivants de la facture :
– vol et train lors d’un voyage à Shangaï les 2 au 6 déc. ¥ 4 183,
– hôtel à Shangaï les 2 au 6 déc. ¥ 33 017,
– repas à Shangaï les 2 au 6 déc. ¥ 16 515,
– service de réunion à Shangaï ¥ 5 000,
– transport à Shangaï les 2 au 6 déc. ¥ 3 814,
soit 62 529 ¥ correspondant, selon le taux de change mentionné en haut de la facture, à 8 021, 06 euros hors taxes et 8 622, 64 euros avec la TVA.
L’intimée produit les factures d’hôtel correspondant à ce montant. La créance de la société Accuracy n’apparaît donc pas sérieusement contestable et il y a lieu de condamner la société One Parts à lui verser la somme provisionnelle de 8 622, 64 euros à ce titre. L’ordonnance querellée sera infirmée de ce chef.
Il sera dit n’y avoir lieu à référé sur le surplus de la demande formée dans le cadre de l’appel incident.
Sur les demandes accessoires
Au vu de ce qui précède, l’ordonnance sera confirmée en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles de première instance.
Il convient de condamner la société One Parts, partie perdante, aux dépens d’appel, qui seront recouvrés avec distraction au bénéfice des avocats qui en ont fait la demande.
En équité, il y lieu de la condamner à verser à la société Accuracy la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, sa propre demande à ce titre étant rejetée.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant par arrêt contradictoire,
CONFIRME l’ordonnance de référé du 4 juin 2021, sauf en ce qu’elle a débouté la société Accuracy de sa demande de provision au titre de la facture ‘F 191230 1Parts Charges’;
Statuant à nouveau de ce chef,
Condamne la société One Parts à verser à la société Accuracy la somme provisionnelle de 8 622, 64 euros au titre de la facture ‘F 191230 1Parts Charges’ et dit n’y avoir lieu à référé sur le surplus ;
Condamne la société One Parts à verser à la société Accuracy la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société One Parts aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés avec distraction au bénéfice des avocats qui en ont fait la demande.
– Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Nicolette GUILLAUME, Président et par Madame Elisabeth TODINI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le président,