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Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 2
ARRET DU 19 MAI 2022
(n° , 15 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/18703 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CER4S
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 15 Septembre 2021 -Président du TC de CRETEIL – RG n° 2021R00138
APPELANTE
COOPERATIVE VEILING ROESELARE CVBA-REO VEILING, société de droit étranger, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 8]
[Adresse 1]
(BELGIQUE)
Représentée par Me Sandra OHANA de l’AARPI OHANA ZERHAT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050
Assistée par Me Romain GUILLOT, avocat au barreau de PARIS
INTIMEES
S.A.S. FRUIDOR, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Marie-catherine VIGNES de la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010
Assistée par Me Olivier-Henri DELATTRE, avocat au barreau de PARIS
S.A.S.U. LES MARAICHERS DU [Localité 7], agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 6]
[Localité 4]
Représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS – AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055
Assistée de Me Grégory DE MOULINS BEAUFORT, avocat au barreau de PARIS
S.A.S.U. LES MARAICHERS DE NORMANDIE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 6]
[Localité 4]
Représentée et assistée par Me Corinne FRAPPIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C1704
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 31 Mars 2022, en audience publique, Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre, ayant été entendue en son rapport dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile, devant la cour composée de :
Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre
Thomas RONDEAU, Conseiller,
Michèle CHOPIN, Conseillère,
Qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
*****
EXPOSE DU LITIGE
La société Coopérative Veiling Roeselare CVBA (la société Reo Veiling ou Reo) est une société coopérative de droit belge spécialisée dans le commerce de fruits et légumes frais.
La société BUFL, aux droits de laquelle vient la société Fruidor, exerce une activité de mise en marché : elle collecte et commercialise des fruits et légumes frais à destination de la distribution.
La société Les Maraîchers du [Localité 7] (la société LMMSM) est une société productrice de fruits et légumes, et notamment de tomates, dont le site de production est situé à [Localité 4] (Manche).
Ces sociétés ont conclu entre elles :
– d’une part, un contrat commercial tripartite signé le 19 novembre 2018, aux termes duquel la société LMMSM s’engage à fournir à la société Reo Veiling l’intégralité de sa production de tomates, la société Reo Veiling s’engage à acheter la totalité des volumes de tomates produites et à fournir à la société BUFL une partie du volume de tomates acquis ;
– d’autre part, une convention d’avance de campagne signée le 23 novembre 2018 par les sociétés BUFL et LMMSM, par laquelle la première consent à la seconde une avance d’un montant de 1.250.000 € pour la campagne 2018/2019, pour une durée de 8 ans et remboursable selon un échéancier contractuellement convenu ; cette convention a été remplacée par une autre convention d’avance de campagne, cette fois-ci tripartite en associant la société Reo Veiling, signée le 24 juin 2019, par laquelle l’avance versée par la société BUFL est désormais consentie à la société Reo Veiling, laquelle consent elle-même l’avance à la société LMMSM, cette seconde convention prévoyant un nouveau calendrier de remboursement.
Reprochant à la société Reo Veiling de ne pas respecter le contrat commercial, le 17 décembre 2020 la société LMMSM a notifié à aux sociétés Reo Veiling et BUFL la résiliation de ce contrat commercial.
Par acte du 1er avril 2021, les sociétés Fruidor et Reo Veiling ont fait assigner les sociétés LMMSM et les Maraîchers de Normandie devant le juge des référés du tribunal de commerce de Créteil aux fins d’obtenir par provision le remboursement de la somme de 1.250.000 euros versées au titre de la convention d’avance de campagne du 24 juin 2019, avec intérêts à compter du 18 mars 2021.
Par actes du 26 avril 2021, elles ont fait assigner la société Les Maraîchers de Normandie aux fins de lui rendre commune l’ordonnance à intervenir à l’encontre de la société LMMSM.
Les deux instances ont été jointes.
Par ordonnance du 15 septembre 2021, le tribunal de commerce a rejeté la demande de sursis à statuer et l’exception d’incompétence soulevée par la société LMMSM, dit n’y avoir lieu à référé sur l’ensemble des demandes des parties, dit n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile et mis les dépens à la charge des parties demanderesses.
Par déclaration du 26 octobre 2021, la société Reo Veiling a relevé appel de cette décision.
Par dernières conclusions remises et notifiées le 14 mars 2022, elle demande à la cour de :
– infirmer l’ordonnance du 15 septembre 2021 en ce qu’elle a :
* dit n’y avoir lieu à référé sur les demandes des parties ;
* dit n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile ;
* mis les dépens à la charge des parties demanderesses ;
Statuant à nouveau :
– condamner la société Les Maraîchers du [Localité 7] à lui payer la somme de 1.100.000 euros en principal, par provision, au titre de l’avance remboursable en application de la convention d’avance de campagne du 24 juin 2019, outre les intérêts sur cette somme à compter du 18 mars 2021 ;
– dire que la société Reo Veiling reversera à la société BUFL la somme au paiement de laquelle la société Les Maraîchers du [Localité 7] aura été condamnée ;
– juger que la décision rendue à l’égard de la société les Maraîchers du [Localité 7] sera opposable à la société Les Maraîchers de Normandie, partie à l’instance ;
– condamner la société Les Maraîchers du [Localité 7] à payer la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens.
Par dernières conclusions remises et notifiées le 14 mars 2022, la société Fruidor demande à la cour de :
– infirmer l’ordonnance du 15 septembre 2021 en ce qu’elle a :
* dit n’y avoir lieu à référé sur les demandes des sociétés demanderesses BUFL et Reo Veiling ;
* dit n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile ;
* mis les dépens à la charge des parties demanderesses.
Statuant à nouveau :
– condamner la société Les Maraîchers du [Localité 7] à payer à la société Reo Veiling la somme de 1.100.000,00 euros (un million cent mille euros) en principal, par provision, au titre de l’avance remboursable en application de la convention d’avance de campagne du 24 juin 2019 ;
– condamner la société Les Maraîchers du [Localité 7] au paiement des intérêts légaux sur cette somme à compter du 18 mars 2021 ;
– dire que la société Reo Veiling lui reversera la somme au paiement de laquelle la société Les Maraîchers du [Localité 7] aura été condamnée ;
– juger que la décision rendue à l’égard de la société Les Maraîchers du [Localité 7] sera opposable à la société Les Maraîchers de Normandie, partie à l’instance ;
– condamner la société Les Maraîchers du [Localité 7] à lui verser la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société Les Maraîchers du [Localité 7] aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Par dernières conclusions remises et notifiées le 15 mars 2022, la société les Maraîchers du [Localité 7] demande à la cour de :
A titre principal (et à titre d’appel incident),
– infirmer l’ordonnance du 15 septembre 2021 en ce que le juge des référés du tribunal de commerce de Créteil s’est jugé compétent pour connaître de ce litige.
Statuant à nouveau,
– juger le tribunal de commerce de Créteil incompétent et inviter les demandeurs à saisir le juge des référés de Coutances.
A titre subsidiaire (et à titre d’appel incident),
– infirmer l’ordonnance du 15 septembre 2021 en ce que le juge des référés du tribunal de commerce de Créteil n’a pas jugé nulle l’assignation du 1 er avril 2021 et irrecevable la société Fruidor.
Statuant à nouveau,
– juger nulle l’assignation du 1er avril 2021 signifiée par la Société Coopérative Veiling Roeselare CVBA REO et la société BUFL ;
– juger Fruidor irrecevable en ses demandes ;
– en conséquence, débouter Reo et Fruidor de toutes leurs demandes.
A titre plus subsidiaire,
– écarter des débats les annexes 3 et 10 de la Pièce REO 16, les Pièces REO 51, 52, 55 à 59 et les pièces Fruidor 57, 66, 67, 72 et 90 à 96 ;
– juger que la demande en remboursement de l’avance de 1.100.000 euros se heurte à plusieurs contestations sérieuses ;
– juger que la société Coopérative Veiling Roeselare CVBA REO n’a subi aucun trouble manifestement illicite du fait de la société les Maraîchers du [Localité 7] ;
– en conséquence, confirmer l’ordonnance du 15 septembre 2021 en ce que le juge des référés du tribunal de commerce de Créteil a jugé n’y avoir lieu à référé sur l’ensemble des demandes de REO et Fruidor ;
– en conséquence, débouter REO et Fruidor de toutes leurs demandes.
A titre encore plus subsidiaire (et à titre d’appel incident),
– juger que les créances réciproques de la Société Coopérative Veiling Roeselare CVBA REO et de la société les Maraîchers du [Localité 7] doivent se compenser, et condamner la Société Coopérative Veiling Roeselare CVBA REO à payer le solde restant dû.
A titre infiniment subsidiaire (et à titre d’appel incident),
– juger qu’il disposera d’un délai de paiement de vingt-quatre mois pour payer la Société Coopérative Veiling Roeselare CVBA REO.
Sur les demandes reconventionnelles de LMMSM (et à titre d’appel incident),
– infirmer l’ordonnance du 15 septembre 2021 en ce que le juge des référés du tribunal de commerce de Créteil a jugé n’y avoir lieu à référé sur ses demandes.
Statuant à nouveau,
– condamner la Société Coopérative Veiling Roeselare CVBA REO à lui payer la somme de 1.123.814,01 euros.
En tout etat de cause,
– confirmer l’ordonnance du 15 septembre 2021 en ce qu’elle a jugé n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de REO et Fruidor ;
– débouter la Société Coopérative Veiling Roeselare CVBA REO et Fruidor de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– infirmer l’ordonnance du 15 septembre 2021 en ce que le juge des référés du tribunal de commerce de Créteil a jugé n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en sa faveur.
Par dernières conclusions remises et notifiées le 6 janvier 2022, la société les Maraîchers de Normandie demande à la cour de :
A titre principal, sur la compétence,
– réformer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a rejeté l’exception d’incompétence et statuant à nouveau ;
– se déclarer incompétent rationae loci au profit du président du tribunal de commerce de Coutances statuant en qualité de juge des référés.
A titre subsidiaire, sur les fins de non-recevoir,
– réformer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à référé sur les fins de non-recevoir tirées :
* du défaut de qualité et d’intérêt à agir de la La société Bureau unique Fruits et Légumes et/ou la SAS Fruidor,
* de l’absence de lien suffisant justifiant de son intervention et statuant à nouveau,
– dire irrecevable faute de qualité et d’intérêt à agir la société Bureau unique Fruits et Légumes et/ou la SAS Fruidor ;
– dire irrecevable en l’absence de lien suffisant, l’action dirigée à son encontre ;
subsidiairement,
– confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à référé sur l’ensemble
des demandes des parties.
A titre très subsidiaire,
– confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à référé sur les demandes présentées par les SAS Bureau unique Fruits et Légumes (BUFL) (et/ou Fruidor) et société coopérative de droit belge Veiling Roselare CBVA (REO Veiling).
En toutes hypothèses,
– condamner in solidum les SAS Bureau unique Fruits et Légumes (BUFL) (et/ou Fruidor) et société coopérative de droit belge Veiling Roselare CBVA (REO Veiling) à payer la somme de 4.000,00 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner solidairement les SAS Bureau unique Fruits et Légumes (BUFL) (et/ou Fruidor) et société coopérative de droit coopérative Veiling Roselare CBVA (REO Veiling) aux entiers dépens.
Pour l’exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions susvisées conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR
Sur les exceptions de procédure et les fins de non-recevoir
La société LMMSM soulève :
– l’incompétence du tribunal de commerce de Créteil au profit du tribunal de commerce de Coutances,
– la nullité de l’assignation faute de pouvoir de représentation de la société Reo Veiling pour agir en justice,
– l’irrecevabilité de l’action de la société Reo Veiling faute de conciliation préalable,
– l’irrecevabilité de l’action de la société BUFL (devenue Fruidor) faute d’intérêt à agir.
Sur la compétence territoriale
Les sociétés Reo Veiling et Fruidor agissent à l’encontre de la société LMMSM sur le fondement de la convention d’avance de campagne signée le 24 juin 2019, qui contient une clause attributive de compétence dont la société Reo Veiling soutient qu’elle ne lui est pas opposable, car non conforme aux dispositions de l’article 48 du code de procédure civile faute d’être suffisamment apparente et de désigner clairement la juridiction compétente, contenant notamment le terme “ratione materiae” inconnu des néophytes et le signataire de contrat, M. [E] [K], étant néerlandophone de naissance.
Selon l’article 48 du code de procédure civile, “Toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale, est réputée non écrite à moins qu’elle n’ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu’elle n’ait été spécifiée de façon très apparente dans l’engagement de la partie à qui elle est opposée.”
En l’espèce, la convention d’avance de campagne contient un article 15 aux termes duquel “Tous les litiges auxquels le présent contrat pourrait donner lieu, concernant tant sa validité, son interprétation, son exécution, sa résiliation, leurs conséquences et leurs suites seront soumis aux tribunaux compétents rationae matériae du siège du CLIENT.”
Si cet article 15, intitulé “Litiges”de manière explicite, ne se détache pas du texte de l’article 14 qui le précède du fait d’une présentation maladroite (retrait de ligne omis), néanmoins, il se distingue bien de l’article 14 par les caractères gras de son titre “litiges”.
Par ailleurs, “Le CLIENT”, dont le siège détermine la compétence, est à plusieurs reprises désigné dans la convention comme étant la société BUFL, dont le siège social est mentionné : [Localité 9].
Enfin, quand bien même le terme “ratione materiae”, relatif à la compétence matérielle, serait mal compris du représentant de la société LMMSM, ce dont il peut d’ailleurs être douté s’agissant d’un homme d’affaires avisé et qui maîtrise la langue française ainsi qu’il résulte de la correspondance qu’il a échangée avec la société BUFL et notamment d’une lettre qu’il a signée le 17 décembre 2020, ce terme juridique en latin ne retire rien à la bonne compréhension de la règle de compétence territoriale énoncée à l’article 15, qui énonce très clairement que les tribunaux compétents sont ceux du siège du client, lequel est situé à Rungis (94), ce qui d’évidence désigne la tribunal de commerce de Créteil, s’agissant d’un litige entre commerçants.
L’appelante est ainsi mal fondée à soutenir que la clause attributive de compétence lui est inopposable. L’ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu’elle a écarté cette exception d’incompétence.
Sur la nullité de l’assignation faute de pouvoir de représentation de la société Reo Veiling pour agir en justice
La société LMMSM soutient que l’assignation est nulle en application de l’article 117 du code de procédure civile, faute de pouvoir des demandeurs qui, aux termes des articles 25 à 27 des statuts de la société Reo Veiling, ne pouvaient agir en justice que si le conseil d’administration de la société avait mandaté deux administrateurs, ce dont il n’est pas justifié en l’espèce.
Les statuts stipulent :
« Article 25 :
Le conseil d’administration possède la compétence la plus étendue pour toutes les actions, tant de gestion que d’organisation, dans toutes les affaires de la société (‘).
Article 26 :
Le conseil d’administration peut déléguer ses pouvoirs à un ou plusieurs de ses membres, ou à d’autres personnes pour certaines actions (‘).
Article 27 :
Dans tous les actes et rapports de la société avec des associés ou avec d’autres institutions, juridictionnelles ou non, elle est valablement représentée par deux administrateurs, qui peuvent signer tous les actes ou contrats devant alors justifier une décision ou un mandat du conseil d’administration, qui peuvent apparaître devant tous les tribunaux ou arbitres et légitimer les extraits de tous rapports de la société ; tout cela sans préjudice de la compétence qui, selon les dispositions de l’article précédent, est chargée [/déléguée] à un ou plus d’administrateurs ou à des tiers ».
Il résulte de ces articles que le conseil d’administration peut charger toute personne d’agir en justice au nom de la coopérative et de la représenter devant les tribunaux.
A ce titre, par décision du 23 décembre 2020 le conseil d’administration a donné tous pouvoirs à M. [P] [B] d’engager au nom de la société Reo Veiling la présente action en justice à l’encontre de la société LMMSM, ainsi qu’il résulte de l’attestation sur l’honneur de Mme [H] [V], présidente du Conseil d’administration de la coopérative Reo Veiling.
Si, comme le souligne la société ReoVeiling, cette attestation n’est pas conforme aux dispositions du code de procédure civile et qu’il n’est pas justifié matériellement de la décision du 23 décembre 2020 du conseil d’administration mentionnée par Mme [V] dans son attestation, ce qui amoindrit sa valeur probante, il y a lieu toutefois de relever que les dispositions statutaires n’imposent pas de forme particulière à la délégation de pouvoirs donnée par le conseil d’administration à l’un de ses membres et surtout, qu’il est justifié par les sociétés Reo Veiling et Fruidor de ce que M. [P] [B] a la qualité de directeur chargé de la gestion journalière, ce que ne conteste par la société Reo Veiling.
Or, l’article 34 des statuts stipule que le directeur nommé pour la gestion journalière jouit de la délégation du conseil d’administration et peut, sans devoir présenter un mandat spécial pour ceci, entre autres : signer la correspondance, recevoir des fonds et des valeurs, donner reçu et quittance, au besoin inscrire les mentions dans le registre des actionnaires, signer pour la poste, le transport, le péage et pour d’autres institutions identiques ; et selon l’exposé des motifs de la loi belge (article 7:121 du code des sociétés et associations), relèvent de la gestion journalière les actes et les décisions qui, soit n’excèdent pas les besoins de la vie quotidienne de la société, soit représentent un intérêt mineur soit ont un caractère urgent, ces trois critères n’étant pas cumulatifs, l’acte ou la décision relevant de la gestion journalière dès lors que l’un des trois critères est rempli, en sorte que la décision de soumissionner à un marché public ou d’intenter une procédure d’annulation devant la Cour constitutionnelle ou le Conseil d’Etat peuvent relever de la gestion journalière.
Aussi il apparaît, avec l’évidence requise en référé, qu’il entrait bien dans les pouvoirs de M. [P] [B], directeur général de la société Reo Veiling, d’engager une action en référé au nom de ladite société à l’encontre de la société LMMSM pour voir obtenir le remboursement d’une somme de 1.100.000 euros au titre de la convention d’avance de campagne conclue avec cette dernière.
L’exception de nullité de l’assignation sera donc rejetée et l’ordonnance entreprise infirmée en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à référé de ce chef.
Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de conciliation préalable
La société LMMSM soutient que le contrat commercial, qui est interdépendant de la convention d’avance de campagne, contient une clause de conciliation préalable, qui n’a pas été respectée en l’espèce, son article 6 alinéa 3 stipulant : “Un bilan commercial annuel sera effectué à chaque fin de campagne. En cas de non respect des termes du contrat ou d’arrêt de l’activité de production des serres, BUFL, REO et les Maraîchers du [Localité 7] engageront des négociations, pour déterminer les modalités d’annulation du contrat et de remboursement, total ou partiel, de l’avance de la récolte consentie.”.
Toutefois, outre que cette clause ne stipule pas d’obligation de conciliation préalable à une action en justice, elle est issue du contrat commercial et non de la convention d’avance de campagne, laquelle fonde la présente action en référé. Ces deux contrats sont distincts et ont vocation à s’appliquer selon le litige, quand bien même il existerait entre eux un lien d’interdépendance.
Or le contrat d’avance de campagne, sur lequel est fondée la demande en paiement provisionnel formée par les sociétés Reo Veiling et Fruidor, ne contient pas de clause de conciliation obligatoire.
La fin de non-recevoir est donc à l’évidence mal fondée et sera rejetée, l’ordonnance étant infirmée en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à référé de ce chef.
Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir de la société Fruidor
Même si elle ne forme pas à l’encontre de la société LMMSM de prétentions à son profit, la société Fruidor a un intérêt évident à agir à l’encontre de cette dernière.
En effet, si aux termes de la convention de campagne du 24 juin 2019 l’avance de campagne litigieuse est due par LMMSM à Reo Veiling, cette dernière doit la reverser à Fruidor, cette avance provenant de la trésorerie et du patrimoine propre de Fruidor.
Aussi, la société Fruidor a intérêt à solliciter aux côtés de la société Reo Veiling la condamnation de LMMSM à rembourser l’avance de campagne à Reo Veiling, afin que cette dernière puisse la lui reverser. C’est en ce sens qu’elle forme ses prétentions.
La fin de non-recevoir sera donc également rejetée et l’ordonnance infirmée pour avoir dit n’y avoir lieu à référé de ce chef.
Sur le fond du référé
Au soutien de sa demande en paiement d’une provision de 1.100.000 euros à l’encontre de la société LMMSM, la société Reo Veiling, suivie en sa demande par la société Fruidor, expose que la société LMMSM ne lui a pas remboursé à l’échéance du 30 août 2019 l’avance de campagne 2018/2019 versée en novembre 2018 à hauteur de 1.250.000 euros, que Reo Veiling a accepté de reporter le remboursement de cette avance en la compensant avec le versement de l’avance de montant égal pour la campagne suivante 2019/2020, que toutefois cette avance 2019/2020 n’a pas plus été remboursée à l’échéance du 30 août 2020, qu’elle l’a de nouveau compensée, d’une part à hauteur de 150.000 euros avec le prix de tomates dû par elle à LMMSM, d’autre part à hauteur de 1.100.000 euros au titre de l’avance due pour la campagne suivante 2020/2021, laquelle n’a pas plus été remboursée, si bien qu’il est demandé le paiement, par application de l’article 8 de la convention d’avance de campagne relatif à l’exigibilité anticipée de la créance du fournisseur, d’une somme provisionnelle de 1.100.000 euros au titre de l’avance de campagne jamais remboursée.
Les sociétés Reo Veiling et Fruidor soutiennent pour l’essentiel que la société LMMSM est mal fondée à retenir le paiement de cette somme suite à la résiliation du contrat commercial, alors que les créances qu’elle revendique à l’encontre de Reo Veiling, pour le paiement desquelles elle a agi au fond, ne sont pas certaines, liquides et exigibles contrairement à l’avance de campagne de 1.100.000 euros jamais remboursée.
Pour s’opposer au paiement de cette somme, la société LMMSM soutient en substance que Reo Veiling et Fruidor ne justifient d’aucun trouble manifestement illicite et que leur demande se heurte à des contestations sérieuses en ce que :
– le montant dont il est sollicité le paiement est incertain : après avoir demandé le paiement d’une somme de 1.250.000 euros en première instance Reo demande paiement d’une somme de 1.100.000 euros en appel, cela de manière incohérente ;
– la convention d’avance de campagne est caduque et la demande provisionnelle privée de tout fondement : la convention d’avance de campagne tripartite est interdépendante et indivisible du contrat commercial et ce contrat commercial ayant été résilié, le contrat d’avance de campagne est caduc par l’effet de l’indivisibilité en application de l’article 1186 du code civil, si bien que la créance de Reo se trouve privée de tout fondement contractuel ;
– les motifs de la déchéance et de l’exigibilité immédiate ne sont pas fondés en ce que :
* la résiliation du contrat commercial ne constitue pas un manquement de LMMSM dès lors que celle-ci a dû résilier le contrat commercial en raison du manquement fautif de Reo à l’exécution de ce contrat ;
* la convention d’avance de campagne n’a pas été violée par LMMSM car les avances 2018/2019 et 2019/2020 ont été remboursées par compensation avec les avances suivantes et qu’il ne peut être reproché à LMMSM de ne pas avoir remboursé l’avance de campagne 2019/2020 en août 2021 conformément à la convention dès lors que cette convention est caduque depuis décembre 2020 suite à la résiliation du contrat commercial ; et LMMSM n’a jamais prétendu conserver à son profit les sommes prêtées au titre de la convention d’avance de campagne, sa lettre de résiliation du contrat commercial du 17 décembre 2020 ne faisant qu’indiquer qu’elle est fondée à suspendre le paiement des sommes pouvant être dues, alors que la résiliation du contrat a été prononcée aux torts exclusifs de Reo qui ne l’a pas contestée en justice ;
– la créance de Reo Veiling doit être compensée avec les créances détenues par LMMSM sur Reo au titre du contrat commercial, lesquelles sont bien certaines, liquides et exigibles et en tout état de cause connexes avec celle de Reo : la somme de 449.851,95 euros au titre de la cagnotte 2019, la somme de 457.829,98 euros au titre de la cagnotte 2020, la somme de 240.000 euros illicitement déduite par Reo en 2020 au titre des “intérêts sur avances”;
– la demande est fondée sur un contrat nul pour atteinte au monopole bancaire : les avances de campagne consenties par Reo constituent des opérations de crédit habituelles prohibées par l’article L 511-5 alinéa 1er du code monétaire et financier.
L’action est formée au visa, général, des articles 872 et 873 du code de procédure civile. S’agissant d’une demande en paiement d’une provision, lui sont précisément applicables les dispositions de l’article 873 alinéa 2 aux termes desquelles le juge des référés peut accorder une provision au créancier dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable. Il y a donc lieu seulement pour cette cour d’apprécier si la demande formée par les sociétés Reo et Fruidor à l’encontre de la société LMMSM en paiement d’une provision de 1.100.000 euros, en application de la convention d’avance campagne conclue entre les parties, se heurte ou non à contestations sérieuses.
En réponse au premier moyen soulevé par l’intimée, il échet de constater que le montant de 1.100.000 euros dont il est demandé le paiement à l’intimée en exécution de la convention d’avance de campagne du 24 juin 2019 est clairement déterminé, comme il est développé plus haut au titre de l’exposé de la demande de la société Reo Veiling auquel il convient de se reporter.
La convention d’avance de campagne tripartite signée le 24 juin 2019 (remplaçant la première convention bipartite du 23 novembre 2018), prévoit en effet le versement par Reo à LMMSM d’avances pour chaque campagne à compter de celle de 2018/2019 jusqu’à celle de 2025/2026, dont les montants sont dégressifs : 1.250.000 euros pour la campagne 2018/2019, versée le 23 novembre 2018 et remboursable le 31 août 2019, 1.250.000 euros également pour la campagne 2019/2020, versée le 1er novembre 2019 et remboursable le 31 août 2020, puis 1.100.000 euros pour la campagne 2020/2021, versée le 1er novembre 2020 et remboursable le 31 août 2021, et ainsi de suite, la dégressivité des avances se poursuivant pour les campagnes suivantes.
L’article 5 de la convention prévoit la possibilité pour Reo Veiling, en cas de non respect par LMMSM des modalités de remboursement des avances consenties, de déduire les sommes à rembourser au titre des avances des autres sommes qu’elle sera amenée à devoir à LMMSM. C’est en application de cette clause que Reo Veiling, du fait du non respect par LMMSM des avances de remboursement des avances, a opéré compensation avec le montant des avances suivantes et avec la somme de 150.000 euros due au titre de la vente de tomates.
Le contrat commercial tripartite ayant été unilatéralement résilié par la société LMMSM le 17 décembre 2020, et cela sans l’accord des sociétés Reo et Fruidor qui ont dénoncé cette résiliation dans une longue lettre en réponse le 22 janvier 2021, la société Reo Veiling, par lettre du 12 mars 2021 et comme elle l’avait annoncé dans sa lettre précédente du 22 janvier 2021, s’est prévalue de la déchéance du terme prévue par l’article 8 de la convention d’avance de campagne et de l’exigibilité immédiate des avances de campagne consenties, réclamant ainsi à la société LMMSM le paiement immédiat de la somme de 1.250.000 euros.
L’article 8 de la convention d’avance de campagne, relatif à l’exigibilité anticipée de la créance du fournisseur sur le producteur, stipule que toutes les sommes dues au fournisseur deviendront immédiatement exigibles dans l’un ou l’autre des cas suivants :
8-1 Non paiement : Non paiement, à son échéance, de l’une quelconque des sommes dues au fournisseur en vertu de la présente convention ;
8-2. Non respect des engagements : Non respect par le producteur de l’un quelconque des engagements souscrits aux termes de la présente convention, et notamment ceux visés à l’article 6 ci-dessus ;
8-3. Non respect du contrat commercial : Non respect par le producteur du contrat commercial conclu avec le fournisseur et le client le 19 novembre 2018 sur la vente des tomates, contrat annexé à cette convention ;
8-4. Fausses déclarations : […]
8-5 Insolvabilité ou cessation des paiements : […]
8-6 Cession de la convention : […]
8-7 Comportement fautif : comportement gravement répréhensible du producteur.
En l’espèce, il n’est pas contesté qu’au jour où elle a résilié unilatéralement le contrat commercial le 17 décembre 2020, la société LMMSM n’avait pas remboursé la somme de 1.250.000 euros versée par Reo au titre de la campagne 2018/2019, exigible au 31 août 2019, pas plus que la somme du même montant versée au titre de la campagne 2019/2020 exigible au 31 août 2020, ni à fortiori celle de 1.100.000 euros versée le 1er novembre 2020 au titre de la campagne 2020/2021, exigible au 31 août 2021, puisqu’elle a résilié le contrat commercial le 17 décembre 2020 en se considérant créancière de sommes à l’encontre de Reo Veiling.
Il s’ensuit que d’évidence, la somme de 1.100.000 euros restant due par la société LMMSM se trouve exigible en application de l’article 8-1 de la convention d’avance de campagne, faute de paiement à l’échéance contractuellement prévue, et cela quand bien même la société Reo avait accepté de reporter le paiement de cette avance par compensation avec les avances suivantes, l’article 8-1 ne posant pas de réserve à l’exigibilité anticipée en cas de non respect de l’échéance de remboursement, la contestation soulevée à ce titre par l’intimée n’étant donc pas sérieuse.
En outre, alors que le contrat commercial a été conclu pour une durée allant du 1er avril 2019 au 31 mars 2017 et sans prévoir de résiliation anticipée, et que la société LMMSM s’est engagée à fournir à ReoVeiling la totalité de ses récoltes de tomates pendant la durée de ce contrat, l’exigibilité anticipée de la créance de Reo au titre de l’avance de campagne impayée se trouve également acquise, avec la même évidence, à tout le moins sur le fondement de la clause 8-3 relative au non respect du contrat commercial.
Le moyen tiré de la caducité de la convention d’avance de campagne par suite de la résiliation du contrat commercial en raison du lien d’indivisibilité entre ces deux conventions ne constitue pas une contestation sérieuse. En effet, la caducité de la convention d’avance de campagne ne peut être considérée comme étant acquise sans décision de justice, la résiliation du contrat commercial ayant été unilatéralement notifiée par LMMSM sans l’accord de ses cocontractants qui l’ont contestée, et cela en dehors de toute clause contractuelle, en sorte que le bien fondé et les effets de cette résiliation unilatérale ne peuvent être consacrés que par une décision de justice, inexistante à ce jour. En tout état de cause, la convention d’avance de campagne serait-elle jugée caduque en conséquence de la résiliation du contrat commercial aux torts de Reo Veiling, que cette caducité devrait donner lieu à des restitutions réciproques, la société LMMSM étant alors tenue de rembourser à son cocontractant l’avance de campagne de 1.250.000 euros.
S’agissant des compensations invoquées par la société LMMSM au titre de créances qu’elle détiendrait à l’encontre de Reo Veiling en application du contrat commercial, dont il convient de préciser qu’elle en demande le paiement dans le cadre d’une action au fond qu’elle a engagée devant le tribunal de commerce de Coutances, leur caractère certain et exigible est subordonné à l’appréciation du juge du fond dès lors que ces créances sont contestées par les sociétés Reo et Fruidor et qu’elles mettent en jeu les obligations réciproques des parties dans le cadre de l’exécution du contrat commercial, dont il revient au juge du fond d’apprécier le respect.
Or, en application de l’article 1347-1 du code civil, la compensation n’a lieu qu’entre des obligations fongibles, certaines, liquides et exigibles, et en l’état, seule la créance de la société Reo au titre de l’avance de campagne non remboursée est certaine et exigible.
S’agissant enfin du moyen tiré de la nullité du contrat d’avance de campagne pour atteinte au monopole bancaire , il ne constitue pas non plus une contestation sérieuse alors que d’évidence, il ne peut être considéré que la société Reo se livre à des opérations de crédit à titre habituel en consentant des avances de trésorerie dans le cadre d’une seule convention de campagne, qu’en outre et comme le souligne la société Reo, l’article L 511-7-1 du code monétaire et financier précise que les interdictions définies à l’article L 511-5 ne font pas obstacle à ce qu’une entreprise, quelle que soit sa nature, puisse dans l’exercice de son activité professionnelle consentir à ses cocontractants des délais ou avances de paiement, ce qui apparaît bien être le cas en l’espèce. Enfin, et comme l’indique à raison la société Fruidor, la convention d’avance de campagne serait-elle nulle pour le motif invoqué que cette nullité devrait donner lieu à restitution des obligations réciproques, notamment celle de la société LMMSM de rembourser l’avance de campagne à la société Reo.
Ainsi, aucune des contestations opposées par la société intimée n’étant sérieuse, il y a lieu de la condamner à payer à la société Reo Veiling la somme provisionnelle de 1.100.000 euros due au titre de la convention d’avance de campagne du 24 juin 2019.
Conformément à l’article 7 de la convention, cette somme produira intérêts de retard au taux légal à compter du 18 mars 2021, date de réception par LMMSM de la lette recommandée de mise en demeure qui lui a été adressée.
La société LMMSM sera déboutée de sa demande de délais de paiement, un très long délai de fait lui ayant déjà été consenti depuis les dates d’exigibilité de l’avance de campagne, et en outre elle ne justifie pas de sa capacité à régler sa dette de 1.100.000 euros dans le délai légal de 24 mois.
Il sera dit n’y avoir lieu à référé sur la demande reconventionnelle de la société LMMSM au titre des créances qu’elle revendique à l’encontre de la société Reo en application du contrat commercial, demande qu’elle ne forme d’ailleurs pas à titre provisionnel, cette demande relevant de l’appréciation du juge du fond et non du juge de l’évidence dès lors qu’elle exige d’apprécier les obligations et les manquements des parties au titre du contrat commercial ainsi que précédemment développé, alors au surplus que ce contrat commercial contient une clause attributive de compétence au profit du juge de Coutances.
Dans le cadre de cette demande reconventionnelle, la société LMMSM forme une demande de rejet de certaines pièces produites par la société Reo qui seraient mensongères. Cette demande sera rejetée, le caractère éventuellement mensonger de pièces relevant du débat de fond et ne constituant pas un motif légitime de voir écarter ces pièces des débats.
Sur la demande de la société Fruidor
Alors qu’il n’est pas discuté et qu’il résulte de la convention d’avance de campagne que la société Reo est tenue de reverser le montant des avances de campagne à la société Fruidor, il sera fait droit à la demande de cette dernière de voir juger que la société Reo lui reversera la somme de 1.100.000 euros qui lui est allouée à titre provisionnel.
Sur l’intervention forcée de la société Les Maraîchers de Normandie et la demande de déclaration de jugement commun à l’égard de cette société
La société Les Maraîchers de Normandie, assignée en intervention forcée par les sociétés Fruidor et Reo Veiling, soulève l’irrecevabilité de l’action à son égard faute de lien suffisant.
L’article 325 du code de procédure civile énonce que l’intervention n’est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant.
En l’espèce, il n’est pas discuté et il résulte des pièces produites par l’appelante (notamment
l’extrait Kbis des sociétés Les Maraîchers de Normandie et Les Maraîchers de France, le procès-verbal de constat d’huissier du 1er avril 2021, le certificat HVE de la société Les Maraîchers de Normandie, les photographies des cagettes de tomates produites par la société Les Maraîchers de Normandie sur le site du marché national de Lommes), que la société Les Maraîchers de Normandie a été créée en fin d’année 2020, concomitamment à la rupture des relations contractuelles par la société LMMSM, que cette nouvelle société a le même siège social que la société LMMSM, le même dirigeant et le même associé unique (la société Les Maraîchers de France), qu’elle exerce la même activité que la société LMMSM et qu’elle est agréée HVE (haute valeur environnementale) aux fins d’exploitation des serres de [Localité 4].
Il s’ensuit que c’est légitimement que les sociétés Reo Veiling et Fruidor suspectent un transfert de l’activité et des actifs de la société LMMSM à la société Les Maraîchers de Normandie, ce transfert étant susceptible de compromettre le recouvrement de leurs créances envers la société LMMSM.
L’intervention forcée de la société LMMSM est donc bien fondée sur un lien suffisant avec le présent litige ; elle est recevable.
La société LMMSM étant partie à la présente instance, la décision rendue lui est nécessairement opposable, ce qui sera rappelé au dispositif ci-après.
Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile
Partie perdante, la société LMMSM sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d’appel, déboutée de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamnée à payer sur ce fondement aux sociétés Reo Veiling et Fruidor la somme de 10.000 euros à chacune au titre de leurs frais irrépétibles de première instance et d’appel.
La société Les Maraîchers de Normandie conservera la charge de ses frais irrépétibles de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS
Infirme l’ordonnance entreprise, sauf en ce qu’elle a prononcé la jonction des deux instances, rejeté la demande de sursis à statuer et rejeté l’exception d’incompétence,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare recevable l’intervention forcée de la société Les Maraîchers de Normandie,
Rejette l’exception de nullité de l’assignation et les fins de non-recevoir tirées du défaut de conciliation préalable et du défaut d’intérêt à agir de la société Fruidor,
Condamne la société Les Maraîchers du [Localité 7] à payer à la société Coopérative Veiling Roeselare CVBA-Reo Veiling la somme provisionnelle de 1.100.000 euros au titre de la convention d’avance de campagne du 24 juin 2019, avec intérêts au taux légal à compter du 18 mars 2021,
Dit que la société Coopérative Veiling Roeselare CVBA-Reo Veiling devra reverser cette somme à la société Fruidor,
Déboute la société Les Maraîchers du [Localité 7] de sa demande de délais de paiement,
Dit n’y avoir lieu à référé sur la demande reconventionnelle de la société Les Maraîchers du [Localité 7],
Rejette la demande de la société Les Maraîchers du [Localité 7] tendant au rejet de pièces,
Condamne la société Les Maraîchers du [Localité 7] aux entiers dépens de première instance et d’appel, et la déboute de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Les Maraîchers du [Localité 7] à payer à chacune des sociétés Coopérative Veiling Roeselare CVBA-Reo Veiling et Fruidor la somme de 10.000 euros au titre de leurs frais irrépétibles de première instance et d’appel,
Dit que la société Les Maraîchers de Normandie conservera la charge de ses frais irrépétibles de première instance et d’appel,
Rappelle que la société Les Maraîchers de Normandie étant partie à instance, le présent arrêt lui est nécessairement opposable,
Rejette toutes demandes plus amples ou contraires.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE