Votre panier est actuellement vide !
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-4
ARRÊT AU FOND
DU 19 JANVIER 2023
N° 2023/ 9
N° RG 19/17814 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BFF7Q
[X] [C] épouse [S]
[N] [S]
C/
[E] [Z]-[T] épouse [Z]
[M] [Z]
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me Raphaëlle MAHE DES PORTES
Me Sylvain PONTIER
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de MANOSQUE en date du 24 Septembre 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 2019000454.
APPELANTS
Madame [X] [C] épouse [S]
née le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 12] (34), demeurant [Adresse 7]
représentée par Me Raphaëlle MAHE DES PORTES de la SCP CHABAS ET ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Frédéric DABIENS, avocat au barreau de MONTPELLIER
Monsieur [N] [S]
né le [Date naissance 3] 1965 à [Localité 12] (34), demeurant [Adresse 7]
représenté par Me Raphaëlle MAHE DES PORTES de la SCP CHABAS ET ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Frédéric DABIENS, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMES
Madame [E] [T] épouse [Z]
née le [Date naissance 6] 1976 à [Localité 11] (13), demeurant [Adresse 4] / SUISSE
représentée par Me Sylvain PONTIER de la SELARL ABEILLE & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Mathilde CHADEYRON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
Monsieur [M] [Z]
né le [Date naissance 2] 1970 à [Localité 11] (13), demeurant [Adresse 5] / SUISSE
représenté par Me Sylvain PONTIER de la SELARL ABEILLE & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Mathilde CHADEYRON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 22 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Laure BOURREL, Président
Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président
Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller, magistrat rapporteur
Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Janvier 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Janvier 2023
Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président pour le président empêché et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Faits, prétentions, procédure :
Madame [T] épouse [Z] [E] et Monsieur [Z] [M] étaient associés dans la SARL Immogliss.
Le 9 avril 2014, les époux [Z] ont signé avec Monsieur [N] [S] et Madame [X] [C] épouse [S] une promesse de vente de la totalité de leurs parts sociales détenues dans la SARL Immogliss.
Le 21 mai 2014, un acte définitif a été signé aux termes duquel la vente était faite au prix de 1euros, les cessionnaires s’engageant à régler aux cédants la somme de 67 604euros selon un échéancier soit 11 312euros le 30 septembre 2014, le 31 mars 2015, le 30 septembre 2015, le 30 31 mars 2016, le 30 septembre 2016 et le solde à la date fixée par la convention de garantie d’actif et de passif, dans la mesure où la garantie de passif n’aurait pas été mise en oeuvre et les cédants à abandonner leur créance en compte courant d’associés avec une clause en cas de retour à meilleure fortune.
Le 3 mai 2018, Monsieur etMadame [Z] ont adressé une mise en demeure aux époux [S] d’avoir à leur régler la somme de 67 604euros.
Par acte du 7 mars 2019, Monsieur et Madame [Z] ont fait citer devant le tribunal de commerce de Manosque Monsieur et Madame [S] afin de les voir condamner à leur verser la somme de 67 604euros, 5 000euros à titre de dommages et intérêts et 3 000euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 24 septembre 2019, le tribunal de commerce de Manosque a rejeté les exceptions d’incompétence soulevées par les époux [S] en raison de la matière et du lieu, les a condamnés à payer à Monsieur et Madame [Z] la somme de 67 604euros augmentée des intérêts au taux légal et 1 500euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et a débouté les parties du surplus de leur demande.
La juridiction a retenu que la juridiction commerciale était compétente pour connaître des litiges relatifs à une société commerciale et donc à l’occasion d’une cession de parts sociales, que le caractère commercial d’une telle acquisition est établi.
Elle a estimé que la clause attributive de compétence est imprécise.
Elle a également estimé que le délai pour mettre en oeuvre la garantie de passif avait expiré le 15 mai 2018 de sorte que les époux [S] ne pouvaient s’en prévaloir.
Le 21 novembre 2019,les époux [S] ont interjeté appel de cette décision.
Par conclusions déposées et notifiées le 3 août 2020,les époux [S] demandent à la Cour de :
INFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a :
– ‘DEBOUTE les époux [S] de leur demande quant à l’incompétence du tribunal de
commerce de Manosque, au profit du Tribunal Judiciaire de Dignes les Bains
– CONDAMNE les époux [S] à payer à Monsieur [Z] et Madame [Z]-[T] la somme de 67 604€, majoré des intérêts au taux légal à compter du 07.03.2019 ainsi que 1 500€ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.
– DEBOUTE les époux [S] de leur demande faite au titre de l’article 700 du CPC.
– CONDAMNE les époux [S] à payer à Monsieur [Z] et Madame [Z]-[T] la somme de 106,69€ au titre des entiers dépens’
LE CONFIRMER pour le surplus
In limine litis :
– se déclarer incompétent au profit du Tribunal judiciaire de Dignes les Bains,
Subsidiairement :
– dire et juger que l’action des époux [S] est bien fondée et non prescrite,
– prendre acte du versement par monsieur et madame [S] à madame et monsieur [Z] pour un montant de 47 000 €,
– dire et juger que toutes sommes versées par monsieur et madame [S] le sont au titre de la garantie de passif, et s’imputent sur le prix de la cession,
– débouter monsieur [Z] et madame [Z]-[T] de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,
– condamner monsieur [Z] et madame [Z]-[T] à payer à la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, et aux entiers dépens y compris ceux d’appel.
SUR L’APPEL INCIDENT,
– Débouter les époux [Z] de leur demande tendant à la réformation du juge du tribunal de commerce de Manosque en date du 24 septembre 2019 en ce qu’il a débouté monsieur et Madame [Z] de leur demande de dommages et intérêts.
Ils font valoir que l’acte comprend une clause attributive de compétence en faveur des tribunaux de Digne les Bains, que le tribunal de commerce de Manosque aurait dû se déclarer incompétent, qu’en application des dispositions de l’article L 721-1 du code de commerce, les tribunaux de commerce connaissent des litiges entre commerçants ou relatifs à des sociétés commerciales ou des actes de commerce, que la garantie de passif n’est pas un acte de commerce entre commerçants, que le tribunal de commerce n’est pas compétent pour en connaître, que le demandeur doit saisir la juridiction du lieu où demeure le défendeur où le lieu de signature du contrat soit en l’espèce Barcelonnette que le tribunal judiciaire de Dignes les Bains est seul compétent.
Ils font valoir que l’article 6-2 de la garantie de passif du 21 mai 2014 impose une obligation d’information de la part des cessionnaires envers les cédants qu’ils ont parfaitement respecté, que les cédants avaient parfaitement connaissance des dettes contractées avant la cession des parts, de sorte que la garantie de passif doit s’appliquer.
Ils soutiennent également que la date du 15 mai 2018 est celle à laquelle doivent être apparus les préjudices et non pas la date à laquelle les cessionnaires doivent avoir notifié l’existence des préjudices, que les préjudices identifiés sont bien apparus au cours de la période couverte pas la garantie de passif et qu’ils sont fondés à l’invoquer.
Ils sollicitent le remboursement de divers frais pour un montant 20 556,49euros et qu’ils ne contestent pas devoir 47 047,51euros.
Par conclusions déposées et notifiées le 15 mai 2020,Monsieur et Madame [Z] demandent à la Cour de :
Vu l’article L721-3 du code de commerce,
Vu les articles 1103 et suivants du Code Civil,
Vu l’article 1353 du Code Civile,
CONFIRMER le Jugement du Tribunal de Commerce de Manosque en date du 24 septembre 2019 en ce qu’il a :
‘a rejeté les exceptions d’incompétence en raison de la matière et du lieu soulevées par les époux [S], les a condamnés à payer à Monsieur et madame [Z] la somme de 67 604euros augmentée des intérêts au taux légal et 1 500euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et a débouté les parties du surplus de leur demande’.
REFORMER le Jugement du Tribunal de Commerce de Manosque en date du 24
septembre 2019 en ce qu’il a :
‘Débouté Monsieur et Madame [Z] de leur demande de dommages et intérêts’
REJUGER ET :
‘ CONDAMNER les consorts [S] à verser la somme de 5.000 € en réparation du préjudice moral subi par les consorts [Z] de fait de la résistance abusive
‘ CONDAMNER les consorts [S] à verser la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile, outre les entiers dépens.
Sur la compétence de la juridiction, ils soutiennent que l’article 17 de l’acte de cession précise qu’en cas de litige relatif à la validité, l’interprétation ou l’exécution des présentes, seuls les tribunaux de DIGNE LES BAINS seront compétents pour statuer, que l’action engagée par les consorts [Z] concerne l’absence de versement des fonds prévus par l’acte de cession, que l’article L 721-3 du code de commerce précise que les tribunaux de commerce connaissent des contestations relatives aux sociétés commerciales et que la Cour de cassation en a déduit que les litiges nés à l’occasion d’une cession de parts ou d’actions d’une société commerciale relèvent de la compétence des tribunaux commerciaux, que la ville de [Localité 9] est dépourvue de juridictions commerciales.
Ils soutiennent que l’article 6 de la garantie de passif indique que les réclamations doivent être présentées avant le 15 mai 2018, que les consorts [S] n’ont pas notifié les événements dans le délai imparti, que les sommes demandées ne se fondent sur aucun justificatif.
De surcroît, ils indiquent que si la convention ne prévoit pas la déchéance en cas de non-respect de l’obligation d’information et que cette obligation d’information n’est pas remplie, le bénéficiaire ne pourra pas normalement demander l’application de la garantie, que les requis n’ont pas notifié aux concluants les éléments listés dans leur courrier du 28 mai 2018 en temps et en heure et qu’ils ne peuvent donc pas s’en prévaloir.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 25 octobre 2022.
Motifs
Sur la compétence :
Les époux [S] soulèvent l’incompétence du tribunal de commerce de Manosque au motif que la compétence rationae materia appartient en la matière aux juridictions civiles puisque le litige porte sur la mise en oeuvre de la garantie de passif qui constitue un contrat autonome indépendant de la cession de parts sociales.
Toutefois, l’article L721-3 dans sa rédaction applicable au présent litige du code de commerce Les tribunaux de commerce connaissent :
1° Des contestations relatives aux engagements entre commerçants, entre artisans, entre établissements de crédit, entre sociétés de financement ou entre eux ;
2° De celles relatives aux sociétés commerciales ;
3° De celles relatives aux actes de commerce entre toutes personnes.
L’acte de cession des parts sociales composant le capital de la SARL Immogliss indique en son article 6 une garantie de passif dont se prévalent les cessionnaires pour s’opposer au paiement du prix. Il en résulte que le litige relatif à cette cession de parts sociales et à la mise en oeuvre éventuelle de la garantie de passif, qui oppose les parties à l’acte de cession, porte sur une stipulation insérée dans ledit acte et est né à l’occasion de la cession des titres d’une société commerciale et ressort à ce titre à la compétence du tribunal de commerce.
Concernant la compétence rationae territoriae, les consorts [S] soutiennent qu’en application de l’article 46 du code de procédure civile, le demandeur peut saisir outre la juridiction où demeure le défendeur, celle du lieu de livraison de la chose ou de l’exécution de la prestation de service soit le tribunal judiciaire de Dignes les Bains.
Il n’est pas contesté que les défendeurs demeurent à Barcelonnette, lieu de signature du contrat et qui dépend du ressort du tribunal judiciaire de Dignes les Bains. Toutefois, la ville de [Localité 8] est dépourvue de juridiction commerciale attachée à cette ville et seule la juridiction commerciale de [Localité 10] est compétente pour en connaître.
Il convient de confirmer la décision de première instance.
Sur le fond :
Les parties sont en l’état d’un acte de cession de parts sociales qui stipule en son article 4 le versement d’une somme de 67 604euros au bénéfice des cédants par les cessionnaires représentant le remboursement de leur compte courant d’associés et ce avant le 30 septembre 2016, sauf mise en oeuvre de la garantie de passif prévue à l’article 6, alinéa 3 précisant ‘ les parties conviennent expressément que la garantie à une durée qui prendra fin le 15 mai 2018, les réclamations au titre de la garantie pourront être présentées pendant une période expirant le 15 mai 2018″.
Pour s’opposer à la demande en paiement de la somme de 67 604euros réclamée par les cédants, les cessionnaires arguent de la mise en oeuvre de la garantie de passif.
Compte tenu de la rédaction de la clause relative à la durée de la garantie, il apparaît que les réclamations au titre de la garantie doivent être présentées par le bénéficiaire au garant dans un délai expirant le 15 mai 2018.
En l’espèce, les époux [S] n’ont pas révélé aux époux [Z] les événements susceptibles de provoquer l’application de la garantie dans le délai imparti. Toutefois, il ne résulte pas de l’accord contractuel contenu dans la cession de parts sociales que ce délai s’imposait à peine de déchéance du bénéfice de la garantie sur laquelle ils fondent leur demande d’indemnisation.
Les époux [S] affirment que plusieurs sommes leur sont dues au titre de la garantie de passif dont notamment des frais d’avocat pour 8 326euros, des frais de formation pour 1794euros, un complément de salaire pour 1 538euros, des honoraires pour 4 938euros, 2 045euros et 1 915,49euros.
Toutefois, les époux [S] ne fournissent aucune pièce à l’appui de leurs allégations et ne justifient ni de la date d’apparition des dettes éventuelles ni de leur origine. Dés lors, il convient de les débouter de leur demande et de confirmer le jugement de première instance.
Sur les dommages et intérêts :
Le droit d’agir en justice est ouvert à tout plaideur qui s’estime lésé dans ses droits, son exercice ne dégénérant en abus qu’autant que les moyens qui ont été invoqués à l’appui de la demande sont d’une évidence telle qu’un plaideur, même profane, ne pourra pas ignorer le caractère abusif de sa démarche ou qu’il n’a exercé son action qu’à dessein de nuire en faisant un usage préjudiciable à autrui. En l’espèce, l’appréciation inexacte de leurs droits par les époux [S] n’est pas constitutive d’une faute. S’estimant lésés dans leurs droits, ils ont pu, sans abus, demander à ce qu’il soit statué sur leurs demandes. La demande de dommages et intérêts pour procédure abusive doit être rejetée.
Sur l’article 700 du code de procédure civile :
Monsieur et Madame [S], succombant, devront supporter les dépens de l’appel. L’équité commande de faire droit à la demande des époux [Z] au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs, la Cour statuant par arrêt contradictoire :
Confirme le jugement rendu le 24 septembre 2009 par le tribunal de commerce de Manosque en toutes ses dispositions,
Y ajoutant :
Condamne Monsieur [N] [S] et Madame [X] [S] au paiement d’une somme de 3 000euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au profit de Monsieur et Madame [Z] [M] et [E],
Condamne Monsieur [N] [S] et Madame [X] [S] aux entiers dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT