Clause attributive de compétence : 18 novembre 2020 Cour de cassation Pourvoi n° 19-17.788

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Clause attributive de compétence : 18 novembre 2020 Cour de cassation Pourvoi n° 19-17.788
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SOC.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 18 novembre 2020

Rejet

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1064 F-D

Pourvoi n° C 19-17.788

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 NOVEMBRE 2020

M. S… V…, domicilié […] , a formé le pourvoi n° C 19-17.788 contre l’arrêt rendu le 11 avril 2019 par la cour d’appel de Pau (chambre sociale), dans le litige l’opposant :

1°/ à la société Naphta Services, société anonyme, dont le siège est […] ), venant aux droits de la société Geoservices international,

2°/ à la société […], dont le siège est […] ,

3°/ à la société […], dont le siège est […] (États-Unis),

4°/ à la société […], société anonyme, dont le siège est […] ,

défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. V…, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat des sociétés Naphta Services, […], […] et […], après débats en l’audience publique du 30 septembre 2020 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire rapporteur, Mme Pécaut-Rivolier, conseiller, Mme Laulom, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Pau, 11 avril 2019) M. V…, ressortissant français, a été engagé, le 5 décembre 1989, en qualité de technicien diagraphiste, par la société britannique de services à l’exploration et à l’exploitation pétrolière Geoservices Overseas Limited.

2. Le contrat de travail a été transféré à la société de droit suisse Geoservices International SA, le 1er septembre 1991.

3. Était stipulée, au contrat de travail, une clause soumettant, tout litige relatif à l’exécution ou à la rupture du contrat à la juridiction du domicile de la partie défenderesse.

4. Par avenant en date du 21 septembre 2015, le contrat de travail a été transféré à la société […], établie aux Bermudes, à compter du 1er janvier 2016.

5. Cet avenant prévoyait la compétence des juridictions de cet État pour connaître des litiges nés du contrat de travail.

6. Le salarié a été licencié par la société […] par lettre du 23 juin 2016.

7. Le salarié a attrait, devant la juridiction prud’homale, la société de droit français, […], la société Naphta Services, venant aux droits de la société Geoservices International, la société […] et la société de droit américain […] en nullité de son licenciement et en paiement de diverses sommes.

Examen du moyen

Sur le moyen unique en ce qu’il fait grief à l’arrêt de se déclarer incompétent pour trancher le litige opposant le salarié à la société […]

Enoncé du moyen

8. Le salarié fait grief à l’arrêt de se déclarer incompétent pour connaître du litige l’opposant à la société […], alors :

« 1°/ que selon l’article 21, § 2, du règlement (UE) n° 1215/2012, du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, applicable à partir du 10 janvier 2015, un employeur qui n’est pas domicilié sur le territoire d’un État membre peut être attrait, dans un État membre, devant la juridiction du lieu où, ou à partir duquel, le travailleur accomplit habituellement son travail ; que dans ses écritures délaissées, le salarié faisait valoir qu’il recevait ses ordres de mission et ses instructions de voyage à son domicile en France, lequel était la base à partir de laquelle il débutait et terminait ses prestations de travail et où les bulletins de salaire, libellés en francs français, puis en euros, et la lettre de licenciement lui étaient adressés ; que dès lors, en déclarant la juridiction prud’homale française incompétente pour trancher le litige opposant le salarié à la société de droit suisse Naphta Services venant aux droits de la société de droit suisse Goeservices International SA et à la société de droit des […], la cour d’appel qui n’a pas recherché, ainsi qu’elle y était invitée, si la France n’était pas le lieu à partir duquel le salarié organisait ses activités pour le compte de son employeur et le centre effectif de ses activités professionnelles, a privé sa décision de base au regard de l’article 21, § 2, du règlement (UE) n° 1215/2012, ensemble de l’article 23 du même règlement ;

2°/ qu’une clause attributive de compétence incluse dans un contrat de travail international ne peut faire échec aux dispositions impératives de l’article R. 1412-1 du code du travail, applicables dans l’ordre international, dont l’alinéa 2 dispose que le conseil de prud’hommes territorialement compétent est, lorsque le travail est accompli à domicile ou en dehors de toute entreprise ou établissement, celui dans le ressort duquel est situé le domicile du salarié ; qu’en déclarant la juridiction prud’homale française incompétente pour trancher le litige opposant le salarié à la société de droit suisse Naphta Services venant aux droits de la société de droit suisse Goeservices International SA et à la société de droit des […], la cour d’appel qui n’a pas recherché, ainsi qu’elle y était invitée, si le salarié n’accomplissait pas son travail en dehors de toute entreprise ou établissement, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-5, R. 1412-1 et R. 1412-4 du code du travail ;

3°/ qu’une clause attributive de compétence incluse dans un contrat de travail international ne peut faire échec aux dispositions impératives de l’article R. 1412-1 du code du travail, applicables dans l’ordre international, dont l’alinéa 3 dispose que le salarié peut également saisir les conseils de prud’hommes du lieu où l’engagement a été contracté ; que si le contrat est conclu par correspondance, le lieu d’engagement est celui où le salarié a reçu le contrat et d’où il l’a renvoyé après signature ; que dans ses écritures délaissées, le salarié faisait valoir que le contrat de travail le liant à la société de droit des […] avait été conclu en France, où ce dernier avait son domicile, lieu où il avait reçu l’offre de transfert de son contrat de travail et la lettre d’embauche du 21 septembre 2015 et d’où il a envoyé son acceptation ; qu’en s’abstenant de rechercher le lieu de réception et d’acceptation par le salarié de cette offre de transfert du contrat de travail et de la lettre d’embauche, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-5, R. 1412-1 et R. 1412-4 du code du travail ;

4°/ qu’en tout cas, s’il y a plusieurs défendeurs, le demandeur peut assigner tous les défendeurs devant la juridiction du lieu où demeure l’un d’eux, malgré la clause attribuant, au profit de certains d’entre eux, compétence à une juridiction étrangère, à la condition qu’il y ait indivisibilité entre les demandes formées contre les divers défendeurs ; que le salarié avait formé contre les sociétés défenderesses des demandes en réparation pour le même comportement fautif, ce dont il se déduisait que toutes les conditions d’application de l’article 42, alinéa 2 du code de procédure civile, considéré comme règle ordinaire de compétence internationale étaient réunies et que le tribunal français du domicile de l’une des sociétés défenderesses était dès lors compétent à l’égard des trois autres sociétés ; qu’en décidant le contraire, la cour d’appel a violé les articles 42, alinéa 2, et 48 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

9. D’abord, il résulte de l’article 288, alinéa 2, du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne que les règles de droit interne ne sont pas applicables pour la détermination de la compétence internationale du juge saisi d’un litige d’ordre international, soumis aux dispositions du règlement (UE) n° 1215/2012, du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale.

10. Ensuite, selon l’article 21, § 2, de ce règlement, un employeur qui n’est pas domicilié sur le territoire d’un État membre peut être attrait, dans un État membre, devant la juridiction du lieu où ou à partir duquel le travailleur accomplit habituellement son travail.

11. Pour se déclarer incompétent pour connaître du litige en matière de contrats individuels de travail, opposant le salarié à la société de droit américain […], la cour d’appel a retenu que la société […] n’était pas l’employeur du salarié.

12. La cour d’appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision.

Sur le moyen unique, pris en sa première branche, en ce qu’il fait grief à l’arrêt de se déclarer incompétent pour trancher le litige opposant le salarié aux sociétés Naphta Services et […]

Enoncé du moyen

13. Le salarié fait grief à l’arrêt de se déclarer incompétent pour connaître du litige l’opposant à la société Naphta Services et à la société […], alors « que selon l’article 21, § 2, du règlement (UE) n° 1215/2012, du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, applicable à partir du 10 janvier 2015, un employeur qui n’est pas domicilié sur le territoire d’un État membre peut être attrait, dans un État membre, devant la juridiction du lieu où, ou à partir duquel, le travailleur accomplit habituellement son travail ; que dans ses écritures délaissées, le salarié faisait valoir qu’il recevait ses ordres de mission et ses instructions de voyage à son domicile en France, lequel était la base à partir de laquelle il débutait et terminait ses prestations de travail et où les bulletins de salaire, libellés en francs français, puis en euros, et la lettre de licenciement lui étaient adressés ; que dès lors, en déclarant la juridiction prud’homale française incompétente pour trancher le litige opposant le salarié à la société de droit suisse Naphta Services venant aux droits de la société de droit suisse Goeservices International SA et à la société de droit des […], la cour d’appel qui n’a pas recherché, ainsi qu’elle y était invitée, si la France n’était pas le lieu à partir duquel le salarié organisait ses activités pour le compte de son employeur et le centre effectif de ses activités professionnelles, a privé sa décision de base au regard de l’article 21, § 2, du règlement (UE) n° 1215/2012, ensemble de l’article 23 du même règlement. »

 


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