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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 4
ARRET DU 18 JANVIER 2023
(n° 9 , 9 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/11474 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CF7UE
Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Avril 2022 -Tribunal de Commerce de MARSEILLE – RG n° 20/00444
APPELANTE
SOCIÉTÉ OLAPLEXagissant poursuites et diligences en la personne de son représentant légal ou statutaire domicilié en cette qualité audit siège.
Société de droit Californien
[Adresse 1]
[Adresse 4]
CALIFORNIE – ETATS-UNIS
Représentée par Me Florence GUERRE de la SELARL PELLERIN – DE MARIA – GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque L0018, avocat postulant
Assistée de Me Sylvie RUEDA-SAMAT de la SELARL RINGLE-ROY ET ASSOCIES, substituée par Me Margaux PEREIRA de la SELARL RINGLE ROY ET ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant
INTIMEE
S.A.S. CSP LOGISTICS OBJECTIF COIFFURE agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
immatriculée au RCS de NIMES sous le numéro 411 350 481
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Stéphane FERTIER de l’AARPI JRF AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque L0075, avocat postulant
Assistée de Me Vanessa BENICHOU du PARTNERSHIPS KING & SPALDING INTERNATIONAL LLP, avocat au barreau de PARIS, toque A0305, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 Décembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Madame Sophie DEPELLEY, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-Laure DALLERY, Présidente de chambre,
Madame Brigitte BRUN-LALLEMAND, Première Présidente de chambre
Madame Sophie DEPELLEY, Conseillère
Greffière, lors des débats : Madame Claudia CHRISTOPHE
ARRÊT :
– Contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Marie-Laure DALLERY, Présidente de chambre et par Claudia CHRISTOPHE, Greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
La société Olaplex LLC (ci-après ‘la société Olaplex’) est une société de droit californien commercialisant des produits capillaires à destinations des coiffeurs professionnels.
La société CSP Logistics exerçant sous l’enseigne Objectif Coiffure (ci-après ‘la société Objectif Coiffure’) est une société spécialisée dans la distribution de produits professionnels capillaires et esthétiques. La société gère une centrale d’achat et une activité de grossiste destinée à alimenter une plateforme de e-commerce et un réseau de magasins en propre et en franchise « Bleu Libellule ».
Par contrat du 1er mai 2015, rédigé en langue anglaise, la société Olaplex a confié la distribution exclusive de ses produits capillaires à la société Objectif Coiffure sur le territoire de la France.
Le chiffre d’affaires réalisé par la société Objectif Coiffure pour la distribution des produits Olaplex est passé de 754 704 euros en 2015, à 1 257 754 euros en 2018 puis à 1 714 718 euros en septembre 2019.
Par courriel du 8 octobre 2019, la société Olaplex a informé la société Objectif Coiffure qu’elle ne serait plus le seul distributeur direct de ses produits en France en ces termes : ‘Nous avons décidé de poursuivre un modèle de distribution différent en France, car il a fait ses preuves dans d’autres pays, et je ne suis pas satisfait de la qualité et de la profondeur de la distribution. Vous ne serez plus le seul distributeur direct d’Olaplex, mais sous sommes ouverts à l’idée d’une codistribution, avec bien sûr des conditions différentes’.
Constatant la cessation de tout approvisionnement de la part de la société Olaplex, la société Objectif Coiffure a, par courrier du 18 octobre 2019, reproché à celle-ci d’avoir fautivement résilié le contrat de distribution, tout en lui indiquant que son refus d’honorer les commandes lui causait un important dommage, justifiant l’allocation de dommages-intérêts.
Par lettre du 23 octobre 2019, la société Olaplex a répliqué que la rupture de la relation contractuelle était justifiée par le fait que la société Objectif Coiffure n’avait pas respecté ses objectifs d’achat minimum et avait commercialisé ses produits en dehors du territoire contractuel.
Après divers échanges entre les parties, la société Olaplex a informé la société Objectif Coiffure par courriel du 24 décembre 2019 qu’elle avait pris la décision de ne pas conclure de contrat de distribution avec elle pour le moment.
Par lettre du 10 janvier 2020, la société Objectif Coiffure a notamment fait observer à la société Olaplex que la rupture de la relation contractuelle était intervenue de mauvaise foi et sans respecter les clauses contractuelles les liant. Dans ces conditions la société Objectif Coiffure a mis en demeure la société Olaplex de lui verser une somme de 1 271 372,48 dollars en réparation du préjudice causé par les coûts de déplacement et de négociation, les produits commandés et réglés mais non livrés, le stock des produits Olaplex.
Constatant que peu de temps après cette rupture des concurrents commercialisaient déjà des produits de la société Olaplex, la société Objectif Coiffure a assigné cette dernière devant le tribunal de commerce de Marseille afin d’obtenir sa condamnation à lui payer :
– des dommages-intérêts en réparation de son préjudice financier et d’image résultant de la rupture brutale de la relation commerciale établie sur le fondement des dispositions de l’article L.442-1, II du code de commerce,
– des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par les actes de concurrence déloyale et parasitaire commis par la société Olaplex sur le fondement de l’article 1240 du code de procédure civile,
In limine litis, la société Olaplex a soulevé l’incompétence du tribunal de commerce de Marseille au profit des juridictions de Californie en application de la clause attributive de compétence prévue au contrat de distribution.
Par jugement du 28 avril 2022, le tribunal de commerce de Marseille a pris la décision suivante :
Vu les articles 46 et 48 du code de procédure civile,
Vu l ‘article L. 442-1 Idu code de commerce,
Vu l’article 1240 du code civil,
Vu le contrat liant les parties,
Se déclare compétent ;
Vu les dispositions des articles 16,84, 85, 444, 643 et 899 du code de procédure civile,
Dit et juge qu’en cas de recours à l’encontre du présent jugement, celui-ci devra être
exercé auprès de la cour d’appel de Paris, dans le délai de 15 jours à compter de la date de réception de la notification faite par le greffe du tribunal de commerce de céans, ce délai étant augmenté de deux mois pour les personnes demeurant à l’étranger et d’un mois pour les personnes demeurant dans un département ou une collectivité d’outre-mer, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques française ;
A défaut d’appel de la présente décision, dans les 15 jours à compter de la notification du présent jugement :
o Ordonne la réouverture des débats et renvoie l’affaire à la plus prochaine audience utile, en enjoignant préalablement les parties de conclure sur le fond par écrit, en application des dispositions de l’article 78 du code de procédure civile;
o Dit qu’i1 appartient à la partie la plus diligente de procéder, à ses frais, à la remise au rôle de la présente affaire ;
o Dit que le défaut de remise au rôle emporte absence de saisine de notre juridiction ;
Conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile,
Laisse à la charge de la Société OBJECTIF COIFFURE S.A.S les dépens toutes taxes comprises de la présente instance tels qu’énoncés par l’article 695 du code de procédure civile, étant précisé que les droits, taxes et émoluments perçus par le secrétariat-greffe de la présente juridiction sont liquidés à la somme de 74,18 € (soixante-quatorze euros et dix-huit centimes TTC) ;
Par déclaration reçue au greffe le 1er juillet 2022, la société Olaplex a interjeté appel de ce jugement devant la cour d’appel de Paris.
Autorisée par ordonnance du 1er septembre 2022, la société Olaplex a assigné la société Objectif Coiffure à l’audience du 13 décembre 2022.
Vu les dernières conclusions de la société Olaplex, déposées et notifiées le 13 décembre 2022 par lesquelles il est demandé à la Cour de :
Vu l’article 48 du Code de procédure civile,
Vu les articles 75 à 99 du Code de procédure civile
Vu les articles 13.1 et 13.3 du Contrat de distribution exclusif,
Vu l’article 1103 du Code civil,
Vu le principe constant selon lequel on ne peut interpréter les clauses claires et précises à peine de dénaturation
Vu la jurisprudence constante de la Cour de cassation et de la chambre internationale de la Cour d’appel de Paris,
A titre liminaire,
Déclarer irrecevables les conclusions récapitulatives sur le fond d’intimée n°2 de la société CSP Logistics signifiées le 13 décembre 2022 à deux heures des plaidoiries à jour fixe ainsi que l’ensemble des six pièces communiquées,
Juger parfaitement recevables les conclusions de la société Olpalex notifiées le 9 décembre 2022,
Juger également parfaitement recevables les présentes conclusions du 13 décembre 2022 de la société Olaplex puisqu’elles ne viennent que répondre procéduralement à la demande de rejet des écritures d’Olaplex,
Statuant sur l’appel formé par la société Olaplex LLC à l’encontre le jugement rendu le 28 avril 2022 par le Tribunal de commerce de Marseille,
Juger que le Tribunal de commerce de Marseille a dénaturé, sous prétexte de l’interpréter, le sens clair et précis de la clause attributive de juridiction stipulée au contrat,
Juger que le Tribunal de commerce de Marseille a violé la jurisprudence désormais constante de la Cour de cassation selon laquelle la nature de l’action, qu’elle soit délictuelle, d’ordre public ou découlant d’une loi de police, est sans conséquence sur l’application de la clause attributive de juridiction dans le cadre d’un litige international.
En conséquence,
Réformer le jugement du tribunal de commerce de Marseille en toutes ses dispositions, à savoir en ce qu’il :
– Se déclare compétent,
– Laisse à la charge de la société Objectif Coiffure SAS les dépens toutes taxes comprises de la présente instance tels qu’énoncés par l’article 695 du code de procédure civile, étant précisé que les droits, taxes et émoluments perçus par le secrétariat-greffe du Tribunal de commerce de Marseille sont liquidés à la somme de 74,18€ TTC ;
En statuant à nouveau,
Juger que la clause attributive de juridiction prévue au contrat est claire, précise et rédigée dans des termes suffisamment larges,
En conséquence,
Juger que la clause attributive de juridiction s’applique à l’action engagée par la société Objectif Coiffure,
Juger que les juridictions françaises sont incompétentes pour connaître de l’entier litige au profit du tribunal du comté de Santa Barbara en Californie ou du tribunal de district des États-Unis pour le district sud de la Californie
A titre subsidiaire et si par extraordinaire la Cour venait à se déclarer compétente pour connaître de l’entier litige,
Inviter préalablement les parties à conclure sur le fond par écrit, en application des dispositions de l’article 78 du Code de procédure civile,
En toute hypothèse,
Condamner la société Objectif Coiffure à verser à la société Olaplex une somme de 25 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
La condamner aux entiers dépens en ce compris les dépens de première instance.
Vu les dernières conclusions de la société Objectif coiffure, déposées et notifiées le 13 décembre 2022 par lesquelles il est demandé à la Cour de :
Vu l’article 46 du Code de procédure civile,
Vu l’article D-442-3 du Code de commerce,
Vu l’article 1240 du Code civil,
Vu le jugement du Tribunal de commerce de Marseille du 28 avril 2022,
A titre liminaire,
Déclarer irrecevables les conclusions et pièces régularisées par la société Olpalex le vendredi 9 décembre 2022 à 17 heures alors que l’audience de jour fixe était fixée le mardi 13 décembre à 14 heures et que la société Objectif Coiffure avait régularisé ses conclusions et pièces dès le 10 novembre 2022 ;
A titre principal,
Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Marseille du 28 avril 2022 dans l’ensemble de ses dispositions ;
En tout état de cause,
Condamner la société Olaplex à verser à la société Objectif coiffure une somme de 30 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
La condamner aux entiers dépens de l’instance, dont distraction au profit de Maître Stéphane Fertier, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
MOTIVATION
Sur la recevabilité des conclusions
Lorsque le juge s’est prononcé sur la compétence sans statuer sur le fond du litige, sa décision peut faire l’objet d’un appel dans les conditions prévues par les articles 83 et suivants du code de procédure civile. En application de l’article 85 du même code, l’appel est instruit et jugé comme en matière de procédure à jour fixe si les règles applicables à l’appel des décisions rendues par la juridiction dont émane le jugement frappé d’appel impose la constitution d’avocat. Dans le cadre de la procédure à jour fixe, l’appelant assigne la partie adverse pour le jour fixé par l’ordonnance du premier président et le jour de l’audience, le président s’assure qu’il s’est écoulé un temps suffisant depuis l’assignation pour que la partie assignée ait pu préparer sa défense.
L’assignation à jour fixe a été délivrée à la société Objectif Coiffure le 9 septembre 2022 pour l’audience du 13 décembre suivant. La société Objectif Coiffure a déposé et notifié ses premières conclusions d’intimée le 10 novembre 2022 auxquelles la société Olaplex n’a répliqué que le 9 décembre 2022. Si la société Objectif Coiffure n’a pu répliquer à ces conclusions que par conclusions d’intimée n°2 du 13 décembre quelques heures avant l’audience, la société Olaplex a pu elle-même y répondre par conclusions déposées et notifiées avant l’audience.
Dans ces conditions, la Cour déclare recevable l’ensemble des conclusions des parties déposées et notifiées par voie électronique les 9 et 13 décembre 2022.
Sur l’exception d’incompétence
L’article 13 du contrat de distribution conclu entre les parties, intitulé ‘Disputes and governing Law’, stipule :
13.1 Mandatory Forum Selection For Claims. Each party hereto, in case of any controversy or dispute arising out of or relating to this Agreement, forsaking any other jurisdiction, shall submit to the sole, proper and exclusive jurisdiction and the venue of court of Santa Barbara County California or the United States District Court for the Southern District of California.
13.3 Governing Law : This Agreement has been made and shall be governed by, and interpreted and construed in accordance with, the internal laws of the State of California, regardless of the place of execution and intended performance and independent of the forum where it may come up for enforcement or construction. All instruments executed pursuant to the terms hereof shall likewise be governed by the laws of the State of California, and all provisions of this Agreement an all instruments pursuant to the termes hereof shall be construed in acordance with standards and customs of the industry as practiced in California.
La société Olaplex, fait valoir pour l’essentiel que :
-l’application d’une clause attributive de juridiction ne dépend pas de la nature contractuelle ou délictuelle de l’action engagée et peu importe que celle-ci soit d’ordre public ou sur le fondement d’une loi de police, mais dépend de la portée que les parties ont voulu lui donner,
– la clause attributive de juridiction doit se traduire de la manière suivante : ‘Chaque partie aux présentes, en cas de toute polémique ou de tout conflit découlant du présent Accord ou s’y rapportant, renonçant à toute autre juridiction, se soumettra à la juridiction unique, appropriée et exclusive et au lieu du tribunal du comté de Santa Barbara en Californie ou du tribunal de district des États-Unis pour le district sud de la Californie. »
– la portée de cette clause est très large et englobe tout litige en relation avec l’accord : la rupture brutale découle incontestablement du contrat puisqu’elle constitue une fin du contrat. Et l’action en concurrence déloyale se rapporte indéniablement au contrat puisqu’elle concerne la sous-distribution en France du produit dont la distribution est organisée par le contrat.
– en application de l’article 13.3 du contrat, c’est la loi et la jurisprudence californienne qui gouverne l’interprétation de la clause attributive de juridiction et selon lesquelles cette clause englobe les demandes de la société Objectif Coiffure, quand bien même elles trouveraient leur fondement dans la responsabilité délictuelle de son cocontractant.
La société Objectif Coiffure réplique pour l’essentiel que :
– la clause doit se traduire de la manière suivante : « Chaque partie aux présentes, en cas de controverse ou de litige découlant du présent Accord ou s’y rapportant, renonçant à toute autre juridiction, se soumettra à la juridiction unique et exclusive de la Cour du comté de Santa Barbara, Californie », et que contrairement à ce qu’avance la société Olaplex le terme ‘any’ ne se traduit pas forcément textuellement par le terme ‘tout’,
– l’applicabilité d’une telle clause attributive de juridiction doit être appréciée de manière stricte dès lors qu’elle a été imposée dans un contrat rédigé par la société Olaplex et s’analysant comme un contrat d’adhésion,
-que l’action de la société Objectif Coiffure est spécifique, en ce qu’elle vise non pas à incriminer la fin du contrat mais uniquement sa brutalité,
– dès lors que l’action en rupture brutale des relations commerciales établies n’est pas rattachée au contrat, l’application de clauses attributives de juridiction à une telle action n’est pas systématique,
– il ressort de la rédaction de cette clause et de son interprétation au regard des autres clauses du contrat que l’intention des parties a été de limiter son champ d’application aux seuls litiges relatifs à leur accord, et non tous litiges, notamment ceux relatifs à une rupture brutale des relations commerciales établies et des actes de concurrences déloyales postérieures à la rupture du contrat, la loi californienne étant, à cet égard indifférente pour interpréter une telle clause,
-la clause attributive n’est pas applicable dès lors que le présent litige ne concerne pas le point de savoir si l’une des parties a manqué à ses obligations contractuelles.
Réponse de la Cour,
Il convient de rappeler que l’application d’une clause attributive de juridiction ne dépend pas de la nature contractuelle ou délictuelle de l’action en responsabilité diligentée mais de la seule portée que les parties ont voulu donner à cette clause, des dispositions constitutives de lois de police fussent-elles applicables au fond du litige.
Les éléments de loi et de jurisprudence californiennes produits par les parties, et sous l’égide desquelles les parties ont bien soumis l’interprétation des clauses du contrat de distribution signé le 1er mai 2015 (article 13.3 ), n’édictent pas de principe autre que celui de rechercher la commune intention des parties pour apprécier la portée de cette clause de juridiction.
A la lecture de cette clause de juridiction et des traductions proposées par les parties, la Cour constate que les parties ont entendu porter devant les juridictions de Californie les litiges susceptibles de les opposer dès lors qu’ils découlent ou se rapportent au contrat de distribution signé le 1er mai 2015.
L’action de la société Objectif Coiffure introduite devant le tribunal de commerce de Marseille vise en premier lieu à obtenir des dommages-intérêts en réparation d’un préjudice financier et d’image subi à la suite de la rupture brutale de la relation commerciale établie avec la société Olaplex. Si la société Objectif Coiffure n’entend pas se prévaloir de manquements contractuels à l’appui de ses demandes de dommages-intérêts, elle invoque néanmoins une relation commerciale nouée avec la société Olaplex dans le cadre du contrat de distribution exclusive signé le 1er mai 2015 et qui aurait été brutalement rompue aux dires de celle-ci par ‘l’envoi d’un email lapidaire et vexatoire de 2 lignes le 8 octobre 2019″ lui notifiant la fin de la distribution exclusive de ses produits et par la-même la fin de la relation commerciale établie. Quand bien même le fondement juridique de la demande de dommages-intérêts ne serait pas contractuel, le litige opposant la société Objectif Coiffure à la société Olaplex est néanmoins directement en lien avec la rupture du contrat de distribution et vise à la réparation de préjudices s’y rapportant, et doit ainsi s’analyser comme ‘une controverse ou un litige découlant ou se rapportant’ à l’accord de distribution. Il s’ensuit que cette demande en paiement de dommages-intérêts entre dans le champ d’application de la clause de juridiction au profit de l’Etat de Californie insérée au contrat de distribution et dont la validité n’est pas contestée par la société Objectif Coiffure.
Le tribunal de commerce de Marseille n’est donc pas compétent pour statuer sur ces demandes de dommages-intérêts fondées sur la rupture brutale de la relation commerciale établie dans le cadre du contrat de distribution.
L’action de la société Objectif Coiffure vise en second lieu à obtenir des dommages-intérêts pour réparer un préjudice subi pour des faits allégués de concurrence déloyale et parasitaire de la part de la société Olaplex postérieurement à la rupture de leurs relations, en ce que cette dernière aurait sciemment démarché les anciens clients d’Objectif Coiffure pour nouer directement des accords avec eux, s’appropriant ainsi, sans bourse délier, l’ensemble de sa stratégie commerciale et l’empêchant de se réorganiser. Ce litige, reposant sur des faits et des allégations de comportement déloyal de la société Olaplex après la rupture du contrat de distribution, ne présente pas de lien suffisant avec celui-ci pour considérer ‘en découler ou s’y rapporter’ et entrer dans le champ d’application de la clause attributive de juridiction.
Dès lors, le tribunal de commerce de Marseille est compétent pour statuer sur la demande de dommages-intérêts en réparation d’un préjudice subi par la société Objectif Coiffure pour des faits allégués de concurrence déloyale et parasitaire de la société Olaplex postérieurs à la rupture du contrat de distribution.
Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a laissé les dépens de première instance à la charge de la société Objectif Coiffure.
La société Objectif Coiffure, succombant partiellement en appel, sera condamnée aux dépens d’appel.
En application de l’article 700 du code de procédure civile, la société Objectif Coiffure sera déboutée de sa demande et condamnée à verser à la société Olaplex la somme de 5 000 euros.
PAR CES MOTIFS
Déclare recevables l’ensemble des conclusions des parties déposées et notifiées les 9 et 13 décembre 2022 par voie électronique ;
Infirme le jugement en ce qu’il s’est déclaré compétent ;
Statuant de nouveau sur l’exception d’incompétence et y ajoutant,
Déclare le tribunal de commerce de Marseille incompétent pour statuer sur les demandes de dommages-intérêts en réparation de préjudices financier et d’image de la société Objectif Coiffure formulées à l’encontre de la société Olaplex et fondées sur une rupture brutale de la relation commerciale établie ;
Renvoi la société Objectif Coiffure à mieux se pourvoir pour ces demandes ;
Déclare le tribunal de commerce de Marseille compétent pour statuer sur la demande de dommages-intérêts de la société Objectif Coiffure formulée à l’encontre de la société Olaplex et fondée sur des actes de concurrence déloyale et parasitaire de la société Olaplex postérieurs à la rupture du contrat de distribution ;
Renvoi les parties devant le tribunal de commerce de Marseille pour qu’il soit statué sur cette demande ;
Condamne la société Objectif Coiffure aux dépens d’appel ;
Condamne la société Objectif Coiffure à payer à la société Olaplex la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rejette toute autre demande.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE