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N° RG 22/00699 – N° Portalis DBV2-V-B7G-JAOT
COUR D’APPEL DE ROUEN
CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRET DU 17 NOVEMBRE 2022
DÉCISION DÉFÉRÉE :
2019J00134
TRIBUNAL DE COMMERCE DU HAVRE du 28 Janvier 2022
APPELANTE :
Société THUNDERBOLT GLOBAL LOGISTIC LLC
[Adresse 1]
[Localité 2] – USA
représentée par Me Yves GUERARD de la SCP GUERARD BERQUER, avocat au barreau du HAVRE et assistée de Me Sébastien LOOTGIETER de la SCP VILLENEAU ROHART SIMON ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, plaidant
INTIMEES :
S.A.S. PILLET
[Adresse 4]
[Localité 5]
représentée et assistée de Me Fabrice LEMARIE de la SELARL MARGUET LEMARIE COURBON, avocat au barreau du HAVRE
Société IMPACT TRANSPORTATION LLC
[Adresse 3]
[Localité 6] – USA
représentée et assistée de Me Agathe LOEVENBRUCK de la SCP SAGON LOEVENBRUCK LESIEUR LEJEUNE, avocat au barreau du HAVRE substituée par Me Bérangère DELAUNAY, avocat au barreau du HAVRE
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats et du délibéré :
Mme FOUCHER-GROS, Présidente
M. URBANO, Conseiller
Mme MENARD-GOGIBU, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme DEVELET, Greffière
DEBATS :
A l’audience publique du 20 Septembre 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 17 Novembre 2022
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Rendu publiquement le 17 Novembre 2022, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
signé par Mme Foucher-Gros, Présidente et par Mme Chevalier, Greffière présente lors de la mise à disposition.
*
* *
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE :
Le 2 mai 2018 la société Serap Industries a vendu 19 des cuves vinicoles à la société OPUS ONE située en Californie (USA) pour un montant total de 759.460,00 euros.
Elle a confié l’organisation du transport de cette cargaison entre [Localité 8] (France) et [Localité 9] (Californie), via [Localité 7] (Colombie) au commissionnaire de transport Pillet. La société Pillet s’est substitué, la société CMA-CGM qui, le 11 mai 2018, a pris en charge la marchandise au [Localité 5], à bord du navire CMA CGM NIAGARA
Après un transbordement à [Localité 7], Colombie, les conteneurs ont été déchargés du navire CAP PALMERSTON à [Localité 6] le 15 juin 2018.
Pour l’acheminement final depuis [Localité 6] jusqu’à [Localité 9], la société Pillet a chargé à la société Thunderbolt Global Logistic de dépoter les marchandises à [Localité 6] et de les entreposer dans les locaux du transporteur routier Impact Transpotation.
La livraison a eu lieu entre les 21 et 26 juin 2018. Des dommages ont été constatés sur 14 citernes.
La société Serap et son assureur ont fait assigner la société Pillet et la société CMA-CGM devant le tribunal de commerce du Havre le 14 juin 2019 et la société Pillet a fait mettre en cause les sociétés Thunderbolt Global Logistic LLC et Impact Transportation LLC le 18 juin 2019.
Les sociétés Thunderbolt Global Logistic LLC et Impact Transportation LLC ont contesté la compétence du tribunal du Havre.
Par jugement du 28 janvier 2022, le tribunal de commerce de terre et de mer du [Localité 5] a :
-reçu les sociétés Thunderbolt Global Logistic LLC et Impact Transportation LLC en leur exception d’incompétence territoriale, l’a déclaré mal fondée,
-déclaré le tribunal de commerce du Havre compétent,
-enjoint aux sociétés Thunderbolt Global Logistic LLC et Impact Transportation LLC de conclure sur le fond pour l’audience fixée devant M. Kerfriden au jeudi 10 février 2022 à 09h30,
-condamné chacune des sociétés Thunderbolt Global Logistic LLC et Impact Transportation LLC par moitié aux dépens de l’incident, ceux visés à l’article 700 du code de procédure civile étant liquides à la somme de 133,04 euros et à payer chacune à la société Pillet la somme de 2.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.
La société Thunderbolt Global Logistic LLC a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 25 février 2022.
EXPOSE DES PRETENTIONS :
Vu les conclusions du 30 mars 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et arguments de la société Thunderbolt Global Logistics qui demande à la cour de :
-recevoir la société Thunderbolt Global Logistics en son appel, l’y déclarer bien fondée,
-infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce du Havre le 28 janvier 2022,
-rejuger l’affaire à nouveau,
-faire droit à l’exception d’incompétence soulevée par la société Thunderbolt Global Logistics,
-juger que les juridictions françaises sont incompétentes pour connaître de l’action de la SAS Pillet contre la société Thunderbolt Global Logistics au titre du contrat litigieux,
-débouter la SAS Pillet de toutes ses prétentions,
-condamner la SAS Pillet à régler à la société Thunderbolt Global Logistics la somme de 10.000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de première instance et d’appel.
La société Thunderbolt Global Logistic LLC soutient que :
– une clause attributive de compétence figure dans ses conditions générales contractuelles donnant compétence exclusive aux juridictions de l’Etat du Maryland ;
– cette clause, insérée dans un contrat international qui n’est soumis à aucun traité, est licite entre professionnels ;
– les articles 48 et 333 du code de procédure civile et 14 du code civil ne sont pas applicables en matière de litige international lorsqu’une clause attributive de compétence est stipulée;
– il est expressément fait référence aux conditions générales de la société Thunderbolt Global Logistic LLC dans ses devis, dans ses courriers électroniques et dans ses factures, ces dernières reproduisant au verso l’intégralité de ces conditions;
– la société Pillet, qui est en affaires depuis des années avec la société Thunderbolt Global Logistic LLC, connaissait l’existence de ses conditions générales auxquelles font référence tous les courriers électroniques échangés avec la société Thunderbolt Global Logistic LLC mentionnant le site internet sur lequel elles peuvent être consultées depuis le 28 juin 2017 ;
– une stipulation d’une clause de compétence est valablement faite par référence ;
– une clause attributive peut être considérée comme tacitement acceptée en cas de silence de l’autre partie ;
– en toute hypothèse, l’article 42 du code de procédure civile donne également compétence au tribunal du siège social du défendeur.
Vu les conclusions du 13 avril 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et arguments de la SAS Pillet qui demande à la cour de :
-juger qu’aucun instrument international n’est applicable au cas d’espèce,
-juger que la référence à un usage, au demeurant non prouvé, ne fait pas présumer le consentement de la SAS Pillet à une clause attributive de compétence,
-juger que la SAS Pillet n’a pas expressément consenti à l’application d’une clause attributive de compétence dans ses rapports avec la société Thunderbolt Global Logistics,
-juger que la société Thunderbolt Global Logistics ne prouve pas que ses conditions générales applicables en mars 2018 contenaient une clause attributive de compétence,
-juger que les factures produites par la société Thunderbolt Global Logistics ne sont pas des copies loyales de celles effectivement envoyées à la SAS Pillet,
-juger que la société Thunderbolt Global Logistics ne prouve pas avoir informé la SAS Pillet de façon très apparente que ses conditions générales, qu’elle n’a pas communiquées, aurait contenu une clause attributive de compétence,
-juger que la SAS Pillet n’a pas implicitement consenti par un comportement sans équivoque à l’application d’une clause attributive de compétence dans ses rapports avec la société Thunderbolt Global Logistics,
-juger non écrite et inopposable à la SAS Pillet la clause attributive de compétence vantée par la société Thunderbolt Global Logistics,
-juger que le Tribunal de Commerce du Havre est territorialement compétent pour connaître de l’action en garantie de la SAS Pillet contre la société Thunderbolt Global Logistics,
-débouter la société Thunderbolt Global Logistics de son appel et confirmer le jugement entrepris en toute ses dispositions,
-condamner la société Thunderbolt Global Logistics à payer à la SAS Pillet la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
-condamner la même aux entiers dépens.
La société Pillet soutient que :
– dès lors qu’aucun traité international n’est applicable en l’espèce, ce qui est le cas, la compétence internationale se détermine par extension des règles de compétence interne ;
– l’article 333 du code de procédure civile est applicable à la mise en cause de la société Thunderbolt Global Logistic LLC dès lors que le litige principal est de la compétence des juridictions françaises et a donné lieu à une instance pendante ;
– l’article 42 du code de procédure civile donne également compétence au tribunal du siège social de l’un des défendeurs lorsqu’il y en a plusieurs, ce qui est le cas en l’espèce, l’un des défendeurs étant implanté au [Localité 5];
– la société Pillet peut revendiquer le privilège de juridiction de l’article 14 du code civil ;
– la clause attributive de compétence vantée par la société Thunderbolt Global Logistic LLC est inefficace dès lors :
– qu’elle n’a jamais été apparente conformément aux dispositions de l’article 48 du code de procédure civile qui s’applique en matière internationale ;
– qu’elle n’a jamais été acceptée y compris implicitement par la société Pillet qui n’en a jamais eu connaissance contrairement à ce que soutient l’appelante en versant aux débats des pièces reproduisant ses conditions générales mais qui ne sont pas celles qui ont été échangées lors des relations commerciales avec la société Pillet et qui ne les reproduisent pas.
Vu les conclusions du 21 avril 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et arguments de la société Impact Transportation LLC qui s’en remet à justice et qui réclame la condamnation de la société Thunderbolt Global Logistic LLC à lui payer 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
MOTIFS DE LA DECISION :
Aux termes de l’article 333 du code de procédure civile : « Le tiers mis en cause est tenu de procéder devant la juridiction saisie de la demande originaire, sans qu’il puisse décliner la compétence territoriale de cette juridiction, même en invoquant une clause attributive de compétence. »
Ces dispositions peuvent être mises en échec par l’attribution conventionnelle de compétence à une juridiction étrangère.
Aux termes de l’article 48 du code de procédure civile : « Toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu’elle n’ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu’elle n’ait été spécifiée de façon très apparente dans l’engagement de la partie à qui elle est opposée »
Toutefois, les clauses attributives de compétence insérées dans les contrats internationaux sont licites dès lors que les juridictions françaises ne bénéficient pas d’une compétence territoriale impérative
En l’absence de convention internationale régissant les relations entre la société Thunderbolt Global Logistic LLC et la société Pillet, les dispositions de l’article 48 du code de procédure civile sont applicables.
Il s’ensuit qu’il appartient à la société Thunderbolt Global Logistic LLC de démontrer que la clause qu’elle oppose à la société Pillet a été connue de cette dernière ou, à tout le moins, qu’elle a été portée à sa connaissance et qu’il peut se déduire notamment de leurs relations d’affaires que le silence gardé par la société Pillet sur ce point peut être considéré comme valant acceptation de cette clause.
A cet égard, la cour constate que :
– les devis adressés par courrier électronique par la société Thunderbolt Global Logistic LLC à la société Pillet ne mentionnent pas l’existence d’une clause attributive de compétence mais se bornent à renvoyer la société Pillet à consulter les conditions générales de la société Thunderbolt Global Logistic LLC sur le site internet de cette dernière dont l’adresse n’est pas indiquée ;
– certaines factures produites renvoient le client à la consultation des conditions générales de la société Thunderbolt Global Logistic LLC sur son site internet dont l’adresse est indiquée mais, là non plus, la clause n’est pas spécifiée sur les documents produits ;
– d’autres factures mentionnent que les conditions générales sont reproduites au recto mais la société Pillet démontre que ces factures lui ont été adressées par courrier électronique dans un fichier ne comportant aucun recto ;
– la société Pillet verse aux débats divers courriers électroniques qui lui ont été adressés par la société Thunderbolt Global Logistic LLC dont certains mentionnent l’existence des conditions générales de cette dernière tandis que d’autres n’en font pas mention mais aucun courrier ne comprend la clause attributive de compétence litigieuse ;
– les conditions générales de la société Thunderbolt Global Logistic LLC comportent un espace spécialement destiné à la signature du client à qui elles sont adressées et la société Pillet justifie que le 25 novembre 2019, la société Thunderbolt Global Logistic LLC a expressément demandé à la société Pillet de signer ces conditions qui n’avaient jamais été signées antérieurement (pièce n° 4 de la société Pillet).
Il ressort de ces éléments que la clause litigieuse n’a jamais été portée expressément à la connaissance de la société Pillet, que les conditions générales de la société Thunderbolt Global Logistic LLC n’ont jamais été signées par la société Pillet malgré leur formulation incluant un emplacement réservé à cette signature, que les courriers électroniques qui ont été adressés à la société Pillet ne comportaient pas tous une référence à ces conditions générales.
Il en résulte que la société Thunderbold Global Logistic LLC ne démontre pas que la société Pillet a eu connaissance des conditions générales invoquées, et encore moins qu’elles les a acceptées ainsi que la clause qui lui est opposée.
Enfin, à défaut pour la société Thunderbold Global Logistic LLC de démontrer que la société Pillet a eu connaissance de cette clause, elle ne peut utilement se prévaloir d’une acceptation tacite.
Le tribunal de commerce du Havre étant saisi d’un litige entre la société Serap et la société Pillet dont le siège social est situé au [Localité 5], la société la Thunderbolt Global Logistic LLC appelée à la cause en application de l’article 333 du code de procédure civile ne peut utilement se prévaloir d’une clause attributive de compétence.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par la société Thunderbolt Global Logistic LLC et pour le surplus de ses dispositions.
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire ;
Confirme le jugement du tribunal de commerce du Havre en toutes ses dispositions;
Y ajoutant,
Condamne la société Thunderbolt Global Logistic LLC aux dépens de la procédure d’appel ;
Condamne la société Thunderbolt Global Logistic LLC à payer à la société Pillet la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Thunderbolt Global Logistic LLC à payer à la société Impact Transportation LLC la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La greffière La présidente