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COMM.
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 17 juin 2020
Cassation partielle
M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 288 F-D
Pourvoi n° V 18-22.216
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 17 JUIN 2020
La société Caterpillar Energy Solutions GmbH, dont le siège est […] (Allemagne), société de droit allemand, venant aux droits de la société MWM GmbH, venant elle-même aux droits de la société Deutz Energie GmbH, a formé le pourvoi n° V 18-22.216 contre l’arrêt rendu le 4 mai 2018 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 11), dans le litige l’opposant :
1°/ à la société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est […] , venant aux droits de Gan Eurocourtage,
2°/ à la société […], société par actions simplifiée, dont le siège est […] ,
3°/ à la société Circleprinters gestion, société anonyme, dont le siège est […] , anciennement dénommée Circleprinters Europe, venant aux droits de la société Quebeco R World Europe,
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Kass-Danno, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Briard, avocat de la société Caterpillar energy solutions Gmbh, de la SCP Marc Lévis, avocat de la société Allianz IARD, de la société […], après débats en l’audience publique du 25 février 2020 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Kass-Danno, conseiller référendaire rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 4 mai 2018), statuant sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 21 juin 2016, pourvoi n° 14-25.359), la société Deutz Energy (la société Deutz), établie en Allemagne, a, en août 1999, livré à la société […] (la société […]), établie en France, à destination du site de la société Quebeco R World Europe, aux droits de laquelle est venue la société Circleprinters Europe (la société Circleprinters), deux groupes électrogènes, lesquels ont présenté des dysfonctionnements les 11 et 14 décembre 2001.
2. Le 7 janvier 2002, les sociétés […] et Circleprinters ont assigné en référé-expertise la société Deutz, devenue la société MWM, aux droits de laquelle est venue la société Caterpillar Energy Solutions (la société Caterpillar). Les 6 et 20 janvier 2003, les sociétés […], Circleprinters et leur assureur, la société Gan Eurocourtage, aux droits de laquelle est venue la société Allianz IARD, l’ont assignée en dommages-intérêts.
Examen du moyen
Sur le moyen unique, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. La société Caterpillar fait grief à l’arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription et de confirmer le jugement du 4 octobre 2011 qui avait condamné la société MWM à payer les sommes de 1 596 397 euros à la société Gan Eurocourtage, 15 244 euros à la société Circleprinters et 141 870,40 euros à la société […], outre les intérêts alors « que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu’il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu’il a relevés d’office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que, dans ses conclusions, la société Caterpillar faisait valoir que selon la loi allemande applicable à défaut de dispositions contenues sur ce point dans la Convention de Vienne du 11 avril 1980, le délai de prescription était de deux ans à partir de la livraison des marchandises, et que l’action des sociétés intimées était donc prescrite pour avoir été engagée par une assignation au fond des 6 et 20 janvier 2003, suite à une assignation en référé expertise du 7 janvier 2002, soit plus de deux ans après la livraison qui avait eu lieu au mois d’août 1999 ; que de leur côté, les sociétés intimées ne contestaient pas le délai de prescription édicté par la loi allemande ni son point de départ, mais soutenaient que le contrat était régi par la loi française selon laquelle le délai de prescription ne courait que du jour de la découverte du vice, soit les 11 et 14 décembre 2001 ; qu’aucune des parties ne se prévalait de l’article 200 du BGB (bürgerliches Gesetzbuch, code civil allemand), dont les dispositions n’étaient ni discutées, ni citées ni même visées dans les conclusions dont était saisie la cour d’appel ; qu’en se fondant, pour déclarer l’action non prescrite, sur l’article 200 du bürgerliches Gesetzbuch selon lequel le délai de prescription aurait commencé à courir « au moment de la réclamation », soit à compter des 11/14 décembre 2001, la cour d’appel a violé l’article 16 du code de procédure civile ».
Réponse de la Cour
Vu l’article 16, alinéa 3, du code de procédure civile :
4. Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
5. Pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription, l’arrêt retient qu’en matière de vente, l’article 438 du code civil allemand prévoit un délai de prescription de deux ans, sans toutefois préciser le point de départ de ce délai, et qu’en application de l’article 200 du même code, « en l’absence de spécification d’une date d’entrée en vigueur de la prescription, le délai de prescription commence à courir au moment de la réclamation ». Il en déduit que le point de départ de la prescription n’est pas la date de livraison des groupes électrogènes, intervenue au mois d’août 1999, mais « la date de naissance de la réclamation », soit, en l’espèce, les 11 et 14 décembre 2001.
6. En statuant ainsi, sans avoir invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen, tiré de l’application de l’article 200 du code civil allemand, qu’elle relevait d’office, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
Et sur le moyen unique, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
7. La société Caterpillar fait le même grief à l’arrêt alors « que, selon l’article 39, point 2, de la Convention de Vienne sur les contrats de vente internationale de marchandises, « 2. Dans tous les cas, l’acheteur est déchu du droit de se prévaloir d’un défaut de conformité s’il ne le dénonce pas au plus tard dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle les marchandises lui ont été effectivement remises, à moins que ce délai ne soit incompatible avec la durée d’une garantie contractuelle » ; que le délai de deux ans de l’article 39 de la Convention de Vienne est un délai de dénonciation du défaut de conformité et non un délai pour agir ; que la déchéance édictée par ce texte est applicable à toute action fondée sur un défaut de conformité, y compris à l’action en réparation d’un dommage causé par un tel défaut ; qu’en déclarant l’action recevable, parce que non prescrite, tout en ayant relevé que le premier incident signalé en décembre 2001 était postérieur de plus de deux ans à la livraison effectuée en août 1999, la cour d’appel a violé l’article 39 point 2 de la Convention de Vienne sur les contrats de vente internationale de marchandises. »