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N° RG 23/00220 – N° Portalis DBV2-V-B7H-JISQ
COUR D’APPEL DE ROUEN
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 15 NOVEMBRE 2023
DÉCISION DÉFÉRÉE :
20/01243
Juge de la mise en état de Rouen du 24 novembre 2022
APPELANTE :
Samcv SMABTP
RCS de Paris n° 775 684 764
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Caroline SCOLAN de la SELARL GRAY SCOLAN, avocat au barreau de Rouen et assistée de Me Laure VALLET de la SELARL CAULIER-VALLET, avocat au barreau de Rouen
INTIMEE :
Société de droit italien SOCIETA ITALIANA LASTRE SPA – SIL
[Adresse 2]
[Adresse 2] (Italie)
représentée par Me Frédéric DUFIEUX, avocat au barreau du Havre et assistée de Me Marc FOUÉRÉ, avocat au barreau de Paris
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 30 août 2023 sans opposition des avocats devant Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre, rapporteur,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre
M. Jean-François MELLET, conseiller
Mme Magali DEGUETTE, conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Catherine CHEVALIER
DEBATS :
A l’audience publique du 30 août 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 15 novembre 2023
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 15 novembre 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
signé par Mme WITTRANT, présidente de chambre et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.
*
* *
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
L’Earl des Picaros a confié à la société Arcm la construction d’un bâtiment agricole à usage d’élevage d’ovins dont les couvertures devaient être formées de plaques ondulées. La société Arcm les a commandées à son fournisseur, la société Italiana Lastre (Sil) suivant bon de commande du 30 juin 2004. La société Sil a facturé le 2 septembre 2004 les plaques livrées le même jour. Les travaux ont été réceptionnés le 15 octobre 2004 et payés par la société Arcm.
En raison de désordres affectant la toiture et particulièrement les plaques ondulées, après expertises amiables, la société Arcm et son assureur, la Smabtp, ont fait assigner la société Sil en référé expertise. Par ordonnance du 2 juillet 2015, le juge saisi a fait droit à la demande. Le rapport de l’expert a été déposé le 25 avril 2017.
Par acte du 9 novembre 2017, l’Earl des Picaros a fait assigner la société Arcm et son assureur, la Smabtp, afin d’obtenir la somme de 83 250 euros en réparation de son préjudice.
Pour mettre un terme au litige, par protocole transactionnel, la Smabtp s’est engagée à verser à la société des Picaros la somme de 33 680 euros en réparation de ce préjudice. En contrepartie, elle s’est engagée à subroger la Smabtp dans tous ses droits et actions à l’encontre de la société Sil.
Par exploit d’huissier du 2 janvier 2020, la Smabtp a fait assigner la société Sil afin d’obtenir le paiement de la somme de 33 680 euros en principal outre intérêts capitalisés, une somme de 10 663,79 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Par conclusions d’incident du 30 octobre 2020, la société Sil a soulevé in limine litis l’incompétence du tribunal judiciaire de Rouen au profit du tribunal italien de Brescia, l’irrecevabilité de l’acte introductif d’instance, la prescription de l’action au regard du droit international privé, du droit italien, du droit français.
Par ordonnance du 24 novembre 2022, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Rouen a :
– débouté la Smabtp de sa demande,
– déclaré le tribunal judiciaire de Rouen territorialement incompétent au profit du tribunal italien de Brescia,
– condamné la Smabtp aux dépens,
– condamné la Smabtp à verser à la société Italiana Lastre la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration reçue au greffe le 18 janvier 2023, la Smabtp a formé appel de la décision.
Par décision du président de chambre du 27 février 2023, l’affaire a été fixée, suivant les dispositions des articles 905 et suivants du code de procédure civile, à bref délai.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 26 juin 2023, la Smabtp demande à la cour de :
– réformer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,
statuant à nouveau,
– déclarer la Smabtp recevable en son action et son instance,
– débouter la société Sil de sa demande de prescription de l’action diligentée par elle,
– débouter la société Sil de sa demande de déchéance de l’action diligentée par elle,
– débouter la Sil de ses demandes à son encontre,
– dire et juger que le tribunal judiciaire de Rouen est compétent pour connaître du litige entre elle et la société Sil,
– renvoyer les parties devant le tribunal territorialement compétent pour qu’il soit statué sur l’affaire,
– condamner la société Sil au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés dans le cadre de l’incident,
– condamner la société Sil au paiement des dépens de première instance et d’appel dont distraction au profit de Me Caroline Scolan (Selarl Gray et Scolan) conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
La Smabtp fait valoir que le premier juge a commis une erreur de droit en raisonnant en droit français et en jugeant que la Smabtp intervenait en qualité de subrogée dans les droits de la société Arcm alors qu’elle a toujours agi en qualité de subrogée dans les droits et actions du maître d’ouvrage, l’Earl des Picaros, exclusivement. Elle s’oppose aux conclusions de la société Sil qui prétend que l’action engagée par la Smabtp est nécessairement contractuelle tant en sa qualité de subrogée du fabricant que subrogée de la société Arcm, que de ses propres déclarations.
Elle soutient en effet qu’elle bénéficie d’une subrogation conventionnelle dans les droits de l’Earl des Picaros en vertu du protocole transactionnel et d’une subrogation légale dans les droits de l’article L. 121-12 du code des assurances et agit en l’espèce contre la société Sil que sur le fondement de la responsabilité délictuelle en sa qualité de subrogée dans les droits du maître de l’ouvrage ; que contrairement à ce qu’affirme cette dernière, elle n’a pas intentée l’action sur un fondement contractuel.
Si en droit français, le maître d’ouvrage ne peut se fonder que sur une action contractuelle directe contre le fabricant d’un produit dans une chaîne hétérogène, la Cour de justice de la communauté européenne devenue la Cour de justice de l’union européenne a jugé le 17 juin 1992 que l’action du sous-acquéreur contre le fabricant d’un autre État membre était de nature délictuelle. La société Sil conteste en vain le support de cette décision en ce qu’elle reposerait sur la Convention de Bruxelles de 1968 et non sur le Règlement européen n° 1215/2012 du 12 décembre 2012. L’article 5.1 de la Convention de Bruxelles et l’article 7.1 du Règlement européen sont identiques de sorte que la décision susvisée, [R] [C], est transposable au cas d’espèce.
Elle ajoute que le revirement de jurisprudence invoquée également par la société Sil, la décision Flightright du 7 mars 2018, qui définirait la matière contractuelle non pas au regard des parties au litige mais au regard de la cause de l’action n’est pas pertinent en raison des faits de l’espèce en matière de transport aérien ; que par arrêt du 30 juin 2021, la Cour d’appel de Rouen a considéré que les juridictions françaises étaient compétentes dans un cas similaire ; que la Cour de cassation a retenu dans différents décisions la nature délictuelle ou quasi-délictuelle des actions intentées par le sous-acquéreur contre le fabricant dans une chaîne communautaire de contrats, précisément dès lors qu’il n’existait aucun engagement librement consenti par le fabricant à l’égard du maître d’ouvrage.
Par ailleurs, elle conteste l’argumentation de la société Sil qui invoque encore au visa de l’article 25 du Règlement européen du 12 décembre 2012, la clause attributive de compétence relevant de cet article par prévalence sur les dispositions de l’article 7 § 2 du même Règlement, en sur les deux fondements, l’incompétence du tribunal français. Elle vise au soutien de sa contestation une décision de la Cour de justice de l’union européenne du 7 février 2013 et de la Cour de cassation du 11 septembre 2013.
Elle précise que subrogée dans les droits de l’Earl des Picaros, elle n’a pas donné son consentement effectif à l’égard de la clause attributive de juridiction au profit des tribunaux de Brescia ; que la clause attributive de compétence ne lui est pas opposable ; qu’aucune des décisions de juridictions françaises retenant l’exception d’incompétence territoriale soulevée versées par l’intimée ne repose sur le fondement quasi-délictuel invoqué par elle ; que la compétence est celle du lieu où le fait dommageable s’est produit soit la juridiction française.
S’agissant de la prescription de l’action, elle invoque l’application de la loi française en matière de responsabilité quasi-délictuelle et les dispositions de l’article 2224 du code civil, et rappelle les termes de la procédure, interrompue à plusieurs reprises depuis l’assignation en référé expertise le 6 novembre 2014.
Enfin, la déchéance invoquée par la société Sil en application de l’article 39 de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur les contrats de vente de marchandises est inapplicable dans le cadre de l’action de nature délictuelle, l’intimée devant être déboutée de ce chef.
Par dernières conclusions notifiées le 1er juin 2023, la Societa Italiana Lastre Spa (Sil), société par actions de droit italien demande à la cour de :
– confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance entreprise,
– constater l’incompétence ratione loci du tribunal français saisi à statuer sur les demandes de condamnation formulées par la Smabtp, en sa qualité d’assureur de la société Arcm, à son encontre,
– dire en conséquence que la Smabtp devra mieux se pourvoir à son encontre auprès du tribunal civil de Brescia,
en toute hypothèse,
– constater le caractère prescrit de l’action diligentée par la Smabtp à son encontre tant au titre du droit international privé qu’au titre des droits italiens et français,
– constater la déchéance de l’action diligentée par la Smabtp à son encontre au titre de la Convention de Vienne,
– l’en débouter,
En toute hypothèse,
– débouter la Smabtp de ses demandes,
– condamner la Smabtp à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et à l’ensemble des frais et dépens.
Elle considère que le différend doit être confié au tribunal civil de Brescia tant en application du contrat conclu entre elle, fabricante et fournisseur des plaques objet du litige et la société Arcm qu’en application de l’article 25 du Règlement européen du 12 décembre 2012 en son article 7.
Les dispositions conventionnelles conclues entre elle et la société Arcm contiennent, au titre des conditions générales de vente, une clause attributive de compétence portée sur l’ensemble des bons de commande et factures qu’il convient de mettre en oeuvre. Elle se réfère également à l’article 31 de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 définissant le lieu de livraison des marchandises et donc lieu d’exécution du contrat, siège en conséquence de la compétence du tribunal à saisir.
La loi du for s’impose dans le cadre de la chaîne de contrats translatifs de propriété et donc la loi italienne en l’espèce.
Elle entend donc que soit rejetée l’argumentation opposée par l’appelante en ce qu’elle se prévaut du fondement extracontractuel pour échapper aux dispositions européennes applicables et de sa qualité de subrogée dans les droits de l’Earl des Piacros.
Elle rappelle que sur le fondement de l’article 88 du code de procédure civile, la cour dira s’il est de bonne justice de statuer sur la prescription. Elle rappelle les étapes importantes de la procédure pour soutenir qu’en application de la loi italienne (prescription d’un an) ou de la loi française (prescription biennale au visa de l’article 1792-3 du code civil ou prescription décennale au visa de l’article 1792 du code civil), l’action entreprise est prescrite. S’agissant d’une action en responsabilité contractuelle, le Règlement de Rome II et la Convention de la Haye du 7 octobre 1973 sont inapplicables.
MOTIFS
Sur l’exception d’incompétence
Aux termes de l’article 7 du règlement européen Bruxelles I bis n°1215/2012 du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, une personne domiciliée sur le territoire d’un Etat membre peut être attraite dans un autre Etat membre’:
– en matière contractuelle, devant la juridiction du lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande,
– en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant la juridiction du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire.
En l’espèce, la Smabtp n’invoque pas les droits qu’elle tient de son assurée, la société Arcm, et agit uniquement en sa qualité de subrogée du maître de l’ouvrage, l’Earl des Picaros, à l’encontre du fabriquant des plaques de couverture, la Sil, par suite de la signature d’un protocole d’accord transactionnel en date du 22 octobre 2018.
Aucun engagement librement assumé n’a été pris entre le subrogeant, l’Earl des Picaros, et la Sil.
La Sil se prévaut de la jurisprudence de la Cour de justice de l’union européenne, dans la direction qu’elle a prise avec les arrêts Flightright du 07 mars 2018 et Feniks du 04 octobre 2018. Cependant, le revirement de jurisprudence opéré, portant sur la matière contractuelle dans le domaine du conflit de juridiction dès lors que l’action concerne cocontractants et tiers, ne s’applique pas à la présente espèce. Il vaut spécifiquement pour l’action des passagers aériens en indemnisation pour le retard important d’un vol avec correspondance’; et pour l’action paulienne, par laquelle le titulaire d’un droit de créance issu d’un contrat demande de faire déclarer inopposable à son égard l’acte, prétendument préjudiciable à ses droits, par lequel son débiteur a cédé un bien à un tiers.
En conséquence, dès lors que le litige oppose le maître de l’ouvrage au fabricant des plaques de couverture qui n’est pas le vendeur, l’action intentée par le maître de l’ouvrage est de nature délictuelle.
Au regard de la qualification du rapport de droit considéré et des dispositions du règlement Bruxelles I bis précitées, la juridiction compétente pour connaître l’action en responsabilité délictuelle du maître de l’ouvrage à l’encontre d’un fabricant d’un autre état membre de l’union européenne, dans le cadre d’une chaîne hétérogène et communautaire de contrat, est la juridiction du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire.
Le fait dommageable s’est produit dans le ressort du tribunal judiciaire de Rouen, cette juridiction sera déclarée compétente pour connaître du litige opposant la Smabtp et la Sil.
L’ordonnance du juge de la mise en état sera sur ce point infirmée.
Sur la fin de non-recevoir tiré de la prescription de l’action
Au visa de l’article 88 du code de procédure civile, les parties ayant conclu sur la fin de non-recevoir amplement il convient d’évoquer la demande.
1- Sur la loi applicable
Il convient de déterminer la loi applicable au rapport de droit considéré en l’absence de contrat passé entre l’Earl des Picaros, subrogée dans ses droits par la Smabtp et la Sil.
La Sil se prévaut de l’applicabilité de la Convention de La Haye du 15 juin 1955 sur la loi applicables aux ventes à caractère international d’objets mobiliers corporels.
Or, celle-ci prévoit en son article 5′:
‘La présente Convention ne s’applique pas :
1. à la capacité des parties ;
2. à la forme du contrat ;
3. au transfert de propriété, étant entendu toutefois que les diverses obligations des parties, et notamment celles qui sont relatives aux risques, sont soumises à la loi applicable à la vente en vertu de la présente Convention ;
4. aux effets de la vente à l’égard de toutes personnes autres que les parties.’
Ainsi la convention citée n’est pas applicable aux rapports entre le sous-acquéreur et le vendeur. En l’absence de contrat de vente conclu entre le fabricant, la Sil, et l’Earl des Picaros, subrogée dans ses droits par la Smabtp, cet instrument international n’est pas applicable au présent litige.
La Smabtp invoque la Convention de La Haye du 2 octobre 1973 sur la loi applicable du fait des produits.
La convention prévoit en son article 3,1., qu’elle s’applique à la responsabilité des fabricants de produits finis ou de parties constitutives.
L’article 11 dispose que son application est indépendante de toute condition de réciprocité, elle s’applique même si la loi applicable n’est pas celle d’un Etat contractant.
Le texte s’applique donc aux rapports entre le fabricant italien et le sous-acquéreur français, indépendamment de toute condition de réciprocité, quand bien même l’Italie ne l’a pas ratifié.
Quant au droit européen et le règlement (CE) n°864/2007 du 11 juillet 2007 Rome II qui envisage la loi applicable aux obligations non contractuelles, évoqué par la Smabtp, il prévoit au point (36) de son préambule que le respect des engagements internationaux souscrits par les États membres justifie que le présent règlement n’affecte pas les conventions internationales auxquelles un ou plusieurs États membres sont parties au moment de l’adoption du présent règlement.
Par conséquent, dès lors qu’il n’existe pas en l’espèce de contrat entre le fabricant du produit et le demandeur, la règle de conflit pertinente, permettant de déterminer la loi applicable à la responsabilité du fabricant est la Convention de La Haye du 2 octobre 1973.
Par application des dispositions de l’article 4 de la convention, la loi applicable est la loi interne de l’Etat sur le territoire duquel le fait dommageable s’est produit, si cet Etat est aussi l’Etat de la résidence habituelle de la personne directement lésée, ou s’il est l’Etat de l’établissement principal de la personne dont la responsabilité est invoquée, ou encore s’il est l’Etat sur le territoire duquel le produit a été acquis par la personne directement lésée.
L’Earl des Picaros dont le siège social est en France, en outre lieu où le dommage a été subi. En conséquence la loi française trouve à s’appliquer.
2- Sur la prescription
En application de l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
En l’espèce, la livraison des plaques a eu lieu en 2004.
Les premiers défauts ont été constatés en 2013 ; l’action en référé a été diligentée par assignation du 6 novembre 2014 entre l’Earl des Picaros et la Smabtp en vue de déterminer les dommages et leur origine.
Les opérations d’expertise ont été déclarées communes et opposables à la Sil par ordonnance de référé du 2 juillet 2015. L’action au fond a été formée contre la Sil le 2 janvier 2020.
Selon l’article 2232 du code civil, le report du point de départ, la suspension ou l’interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit.
En conséquence, l’action est recevable à défaut d’être prescrite : l’ordonnance entreprise sera infirmée et l’affaire renvoyée devant le tribunal judiciaire de Rouen.
Sur les frais de procédure
La Sil succombe à l’instance et supportera les dépens de l’incident, par infirmation de l’ordonnance entreprise, et de la procédure d’appel.
La Selarl Gray & Scolan sera autorisée à recouvrer directement les dépens par elle avancés en application de l’article 699 du code de procédure civile.
L’équité commande de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,
Infirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,
et statuant à nouveau, y ajoutant,
Déclare le tribunal judiciaire de Rouen compétent pour statuer dans l’affaire enregistrée sous le numéro RG 20/01243,
Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’affaire et déclare recevables les demandes formées par la Smabtp,
Déboute les parties pour le surplus,
Condamne la Societa Italiana Lastre Spa (Sil), société par actions de droit italien, aux dépens de l’incident de première instance et de la procédure d’appel, dont distraction au profit de la Selarl Gray & Scolan, en application de l’article 699 du code de procédure civile.
Le greffier, La présidente de chambre,