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N° RG 19/07500 – N° Portalis DBVX-V-B7D-MVM2
Décision du Tribunal de Commerce de SAINT-ETIENNE au fond
du 13 septembre 2019
RG : 2018j00415
SAS LOCAM
C/
Société LES GRENIERS D’ALSACE LORRAINE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
3ème chambre A
ARRET DU 15 Décembre 2022
APPELANTE :
SAS LOCAM
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par Me Michel TROMBETTA de la SELARL LEXI, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
INTIMEE :
Société LES GRENIERS D’ALSACE LORRAINE prise en la personne de son représentant légal, le gérant, domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Représentée par Me Julien TRENTE de la SELARL LEXFACE, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE, postulant et par Me Bertrand MERTZ, avocat au barreau de METZ
* * * * * *
Date de clôture de l’instruction : 24 Octobre 2022
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 03 Novembre 2022
Date de mise à disposition : 15 Décembre 2022
Audience tenue par Marianne LA-MESTA, présidente, et Raphaële FAIVRE, vice-présidente placée, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,
assistées pendant les débats de Anne-Laure TUDELA-LOPEZ, greffière
A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.
Composition de la Cour lors du délibéré :
– Patricia GONZALEZ, présidente
– Raphaële FAIVRE, vice-présidente placée
– Marianne LA-MESTA, conseillère
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
EXPOSÉ DU LITIGE
Par courrier recommandé du 6 février 2018, la SAS Location Automobiles Matériels (ci-après la société Locam) a mis la SARL Les Greniers d’Alsace Lorraine (ci-après la société Les Greniers d’Alsace Lorraine) en demeure de lui régler des échéances impayées depuis le 20 octobre 2017 sous peine de déchéance et de l’exigibilité de toutes sommes dues au titre d’un contrat de location financière qui aurait été conclu entre elles le 7 octobre 2016, au moyen d’une signature électronique.
Ce contrat porterait sur du matériel téléphonique fourni par la SARL Ashtel Z, moyennant le versement d’un loyer mensuel de 710,40 euros TTC payable pendant une période irrévocable de 63 mois à compter du 20 novembre 2016.
Par acte du 20 mars 2018, la société Locam a assigné la société Les Greniers d’Alsace Lorraine devant le tribunal de commerce de Saint-Etienne en paiement de la somme de 42.217,61 euros en principal, outre intérêts au taux légal, indemnité de procédure et charge des dépens.
Par jugement contradictoire du 13 septembre 2019, le tribunal de commerce de Saint-Etienne :
– s’est déclaré compétent,
– a déclaré irrecevable l’action engagée par la société Locam,
– a débouté la société Les Greniers d’Alsace Lorraine de sa demande d’indemnisation,
– a condamné la société Locam à payer la somme de 3.000 euros à Ia société Les Greniers d’Alsace Lorraine au titre de l’article 700 du code de procédure civile et imputé les dépens à la société Locam.
La société Locam a interjeté appel par acte du 31 octobre 2019.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 31 janvier 2020 fondées sur les articles 1103 et suivant, 1231-2, 1366 et 1367 du code civil, ainsi que sur le décret n° 2001-272 du 30 mars 2001, la société Locam demande à la cour de :
– dire bien fondé son appeI,
– réformer le jugement déféré dans toutes ses dispositions,
– condamner la société Les Greniers d’Alsace Lorraine à lui régler la somme de 42.217,61 euros avec intérêts au taux Iégal à compter de Ia mise en demeure du 6 février 2018,
– débouter la société Les Greniers d’Alsace Lorraine de toutes ses demandes,
– la condamner à lui régler une indemnité de 2.500 euros au titre de I’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
A l’appui de ses prétentions, la société Locam fait valoir :
– que les allégations de M.[E] quant au caractère non probant de sa signature électronique sont dépourvues de toute portée au regard des dispositions des articles 1366 et 1367 régissant la signature électronique certifiée par un organisme habilité, comme c’est le cas en l’espèce,
– que la société Almerys est en effet parfaitement habilitée à certifier l’identité du signataire, cette habilitation étant conforme aux prescriptions de l’article 7 du décret n°2001-272 du 30 mars 2001 pris en application de l’article 1367 précité,
– que la société Almerys figure ainsi sur la liste nationale de confiance éditée par l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information,
– qu’en application de l’article 2 du même décret, la signature du contrat certifiée par la société Almerys est présumée fiable, sauf pour l’intimée à rapporter la preuve contraire, ce qu’elle ne fait pas,
– que dans le cas présent, la société Les Greniers d’Alsace Lorraine a dûment ratifié le contrat de location financière à l’en-tête de la société Locam, puis plus de 15 jours après, le procès-verbal de livraison et de conformité, en y apposant à chaque fois sa signature électronique, ainsi qu’il résulte de l’extraction informatique qui figure dans le dossier de preuve annexé aux pièces n° 1 et n°2,
– que la convention indique de manière expresse et non équivoque l’identification du fournisseur, du loueur, du locataire, la désignation des objets de financement et les conditions financières lesquelles précisent le nombre de loyers, ainsi que leur montant mensuel,
– que conformément à l’article 1er des conditions générales du contrat de location, le procès-verbal de livraison a entraîné l’engagement irrévocable de la société Les Greniers d’Alsace Lorraine à honorer le paiement des loyens financiers dus à la société Locam qui, de son côté, a acquitté la totalité du prix d’acquisition du matériel auprès du fournisseur au visa de la ratification dudit procès-verbal,
– que suite à l’autorisation donnée à cette fin par la société les Greniers d’Alsace Lorraine, onze loyers ont été prélevés sur le compte dont elle avait fourni les coordonnées,
– que faute de poursuite du règlement des loyers après les 11 premiers mois malgré la délivrance d’une mise en demeure, le contrat s’est trouvé résilié de plein droit en vertu de l’article 12 des conditions générales, de sorte qu’elle est bien fondée à réclamer le paiement des arriérés de loyer et de l’indemnité de résiliation, outre la clause pénale de 10% et les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 6 mai 2020, la société Les Greniers d’Alsace Lorraine demande à la cour :
– de constater l’incompétence du tribunal de commerce de Saint-Etienne en raison de l’impossibilité d’appliquer la clause attributive de juridiction entre les parties et, en vertu des dispositions de l’article 75 du code de procédure civile, tirer les conséquences procédurales de cette incompétence,
subsidiairement,
– de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
en conséquence,
– de dire l’action engagée irrecevable, en application des dispositions de l’article 122 du code de procédure civile, en raison du défaut d’intérêt à agir de la demanderesse,
plus subsidiairement encore,
– de dire l’action engagée dépourvue de fondement et débouter la société demanderesse de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
à titre reconventionnel,
– de condamner la société Locam à lui payer une somme de 5.000 euros en réparation du préjudice occasionné par la présente procédure jugée abusive,
– de condamner la société Locam à lui payer une somme de 8.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.
A titre principal, la société Les Greniers d’Alsace Lorraine soulève, sur le fondement de l’article 75 du code de procédure civile, l’incompétence du tribunal de commerce de Saint-Etienne, et par voie de conséquence, celle de la cour d’appel de Lyon pour statuer sur les demandes de la société Locam, dès lors qu’elle est domiciliée dans le ressort du tribunal judiciaire de Metz et que la société Locam ne justifie d’aucune clause attributive de compétence qui, quand bien même elle existerait ne serait pas applicable faute de contrat signé entre les parties.
Subsidiairement, la société Les Greniers d’Alsace estime :
– que la société Locam se fonde sur un contrat qui n’a aucune réalité, ce qui la prive de tout intérêt à agir, de sorte que son action doit être déclarée irrecevable,
– qu’en effet, ni le prétendu contrat de location, qui ne porte d’ailleurs aucun numéro, ni le prétendu procès-verbal de livraison, ne sont signés,
– qu’aucune signature électronique n’a valablement été apposée sur ces documents contractuels,
– que la société Locam entretient à dessein une confusion avec un autre contrat de conseil en téléphonie “Conseil Télécom” qui n’a pas été souscrit auprès d’elle,
– que les documents produits par la société Locam sont relatifs à d’autres engagements avec une société Almerys située à [Localité 5] ou avec une société Ashtel à [Localité 7], pièces sur lesquelles la société Locam a ensuite apposé son tampon,
– qu’elle conteste avoir donné une quelconque autorisation de prélèvement, raison pour laquelle elle envisage de déposer plainte pour escroquerie,
– qu’elle n’a d’ailleurs jamais eu affaire à la société Locam, puisqu’elle a confié à la société Orange Business Services l’ensemble des prestations de téléphonie nécessaires à son activité, comme en témoignent les factures de cette société et le message électronique en rapport avec lesdites prestations pour un montant de 485 euros HT par mois,
– qu’à défaut d’être irrecevables, les demandes de la société Locam sont, à tout le moins, dénuées de fondement.
En l’absence totale de fondement aux demandes de la société Locam, la société Les Greniers d’Alsace Lorraine estime enfin légitime d’obtenir réparation du préjudice qui lui est occasionné par la présente procédure à hauteur de 5.000 euros, étant précisé qu’elle se réserve le droit de déposer plainte pour escroquerie entre les mains du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Metz.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 9 juillet 2020, les débats étant fixés au 3 novembre 2022.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DECISION
Il convient à titre liminaire de rappeler que les demandes de constat et dire et juger ne constituent pas des prétentions mais uniquement un rappel des moyens et qu’il n’y a donc pas de lieu de statuer sur ce point, la cour n’en étant pas saisie.
Il est également précisé que, compte tenu de la date du contrat en cause, le litige est soumis au nouveau droit des contrats issu de l’ordonnance du 10 février 2016 entrée en vigueur le 1er octobre 2016.
Sur la compétence du tribunal de commerce de Saint-Etienne
En vertu de l’article 48 du code de procédure civile, toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu’elle n’ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu’elle n’ait été spécifiée de façon très apparente dans l’engagement de la partie à qui elle est opposée.
En l’espèce, afin de pouvoir statuer sur l’exception d’incompétence soulevée par la société Les Greniers d’Alsace Lorraine, il est nécessaire d’examiner au préalable si le contrat dans lequel figure la clause attributive de compétence dont se prévaut la société Locam est valable ou non, puisque la société Les Greniers d’Alsace Lorraine conteste l’avoir signé.
A cet égard, l’article 287 du code de procédure civile dispose que si l’une des parties dénie l’écriture qui lui est attribuée ou déclare ne pas reconnaître celle qui est attribuée à son auteur, le juge vérifie l’écrit contesté à moins qu’il ne puisse statuer sans en tenir compte. Si l’écrit contesté n’est relatif qu’à certains chefs de la demande, il peut être statué sur les autres.
Si la dénégation ou le refus de reconnaissance porte sur un écrit ou une signature électronique, le juge vérifie si les conditions posées par les articles 1366 et 1367 du code civil relativement à la validité de l’écrit ou de la signature électronique, sont satisfaites.
Selon l’article 1366 du code civil, l’écrit électronique a la même force probante que l’écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée, la personne dont il émane, et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’état d’intégrité.
L’article 1367 alinéa 2 du code civil prévoit quant à lui que lorsqu’elle est électronique, la signature consiste en l’usage d’un procédé fiable d’identification, garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu’à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l’identité du signataire assurée et l’intégrité de l’acte garantie, dans des conditions fixées par décret en conseil d’Etat.
L’article premier du décret n°2017-1416 du 28 septembre 2017, relatif à la signature électronique, énonce que la fiabilité d’un procédé de signature électronique est présumée, jusqu’à preuve du contraire, lorsque ce procédé met en oeuvre une signature électronique qualifiée, et que constitue « une signature électronique qualifiée, une signature électronique avancée, conforme à l’article 26 du règlement dont il s’agit et créée à l’aide d’un dispositif de création de signature électronique qualifié, répondant aux exigences de l’article 29 du règlement, qui repose sur un certificat qualifié de signature électronique répondant aux exigences de l’article 28 de ce règlement ».
Il résulte des dispositions de l’article 26 du règlement précité qu’une signature électronique avancée satisfait aux exigences suivantes :
– être liée au signataire de manière univoque,
– permettre d’identifier le signataire,
– avoir été créée à l’aide de données de création de signature électronique que le signataire peut, avec un niveau de confiance élevé, utiliser sous son contrôle exclusif,
– être liée aux données associées à cette signature de telle sorte que toute modification ultérieure des données soit détectable.
En l’espèce, la société Locam verse aux débats :
– la copie d’un contrat de location financière entre la société Locam et la société Les Greniers d’Alsace pour du matériel téléphonique mis à disposition par la société Ashtel moyennant le versement de 63 loyers d’un montant mensuel de 710,40 euros TTC en marge duquel figure l’indication dactylographiée “Signé par [H] [E] le 7 octobre 2016 à 11:26”,
– la copie d’un procès-verbal de livraison et de conformité du matériel (solution standard téléphonique, standard et postes téléphoniques, matériel indépendant de tout opérateur téléphonique) comportant la mention “Signé par [H] [E] le 24 octobre 2016 à 10:32” apposée de manière verticale sur la partie droite,
– les dossiers de preuves concernant ce contrat et ce procès-verbal de livraison litigieux, tous deux créés par la société Almerys, prestataire de service de gestion de preuve via le service Adobe Approved Trust List (AATL).
Cette société atteste ainsi :
– que le document enregistré sous le numéro de transaction “4bb6c56def624f9aad188a8efb41af78” et attaché au contrat de location du 7 octobre 2016 selon la capture d’écran produite, a fait l’objet d’une signature électronique de la société Locam et de M. [H] [E] né le 9 mars 1960, identifié par le numéro de téléphone [XXXXXXXX01] et son adresse courriel “[Courriel 6]”,
– que le document enregistré sous le numéro de transaction “dfb846398afa457d88e6a901ea9332c0” et attaché au procès-verbal de livraison et de conformité du 24 octobre 2016 selon la capture d’écran communiquée, a fait l’objet d’une signature électronique de la société Locam et de M.[H] [E] né le 9 mars 1960, identifié par le numéro de téléphone [XXXXXXXX02] et son adresse courriel “[Courriel 6]”,
– que ces documents n’ont pas été modifiés depuis leur création et que l’identité du signataire est valable.
Il convient de relever que la société Almerys n’indique pas qu’il s’agit de signatures électroniques avancées, fondées sur un certificat qualifié et résultant d’un dispositif sécurisé de création de signature électronique. De son côté, la société Locam ne justifie pas que la société Almerys a été reconnue comme prestataire qualifié de services de certification électronique.
Il ne peut d’ailleurs qu’être constaté que les documents fournis par la société Almerys ne précisent ni le lien entre le signataire et les données de vérification de signature électronique, ni les garanties attachées aux données de création de la signature, ni les modalités d’accès au certificat de conformité sur lequel repose la signature électronique, alors qu’il s’agit d’exigences auxquelles doit répondre la signature électronique qualifiée.
Dès lors, faute de démontrer qu’elle a utilisé un certificat qualifié de signature électronique, la société Locam ne peut prétendre au bénéfice de la présomption de fiabilité de la signature électronique prévue par l’article 1367 alinéa 2 du code civil précité et doit donc rapporter la preuve, par tous moyens, de l’usage d’un procédé fiable d’identification garantissant le lien de la signature alléguée avec l’acte auquel elle s’attache.
Sur ce point, il y a lieu d’observer que dans les deux dossiers de preuve, l’auteur de la signature électronique est identifié par la seule référence à une boîte aux lettres électronique et à un numéro de mobile, ce qui apparaît insuffisant pour authentifier les signatures sur le contrat et le procès-verbal de livraison, ce d’autant que les deux numéros de téléphone sont différents pour chaque acte.
En effet, les documents délivrés par la société Almerys ne relatent pas les conditions dans lesquelles le signataire a validé l’opération via un mode sécurisé, au moyen par exemple de l’envoi d’un mot de passe à usage unique précédemment transmis au moyen d’un SMS ou encore d’une connexion à un serveur sécurisé sur son ordinateur attestée par une société de services de certification électronique.
En outre, la date de création du fichier de preuve n’est pas précisée, ce qui ne permet pas de savoir si elle est intervenue rapidement après la signature des actes litigieux.
Ces carences dans la preuve de la signature électronique n’interdisent toutefois pas à la société Locam de compléter, par des éléments extrinsèques, les indices qui résultent des fichiers de preuve.
Dans le cas présent, la société Locam communique la copie de la facture n°FA0391 qui lui a été envoyée le 21 octobre 2016 par la société Ashtel pour le règlement du matériel devant être fourni à la société Les Greniers d’Alsace Lorraine. Surtout, elle affirme que les 11 premiers loyers ont été réglés par la société Les Greniers d’Alsace Lorraine. Ainsi, la mise en demeure adressée par lettre recommandée le 5 février 2018 à la société Les Greniers d’Alsace Lorraine précise-t-elle que les loyers ne sont plus réglés depuis le mois d’octobre 2016, ce qui signifie a contrario que ceux relatifs à la période courant de novembre 2016 à septembre 2017 ont été acquittés (pièce n°5 de l’appelante).
De son côté, la société Les Greniers d’Alsace Lorraine, si elle conteste avoir donné une quelconque autorisation de prélèvement sur son compte, ne soutient pas pour autant qu’elle n’a pas effectué les paiements dont excipe la société Locam. Elle ne produit d’ailleurs aucun courrier envoyé à sa Banque par lequel elle demanderait l’arrêt des prélèvements opérés par la société Locam, ce qui aurait manifesté son refus de mettre en oeuvre le contrat.
Ce règlement des échéances dues pendant 11 mois suffit à établir que la société Les Greniers d’Alsace-Lorraine a volontairement exécuté la convention signée électroniquement le 7 octobre 2016.
Eu égard à cette offre complémentaire de preuve, il sera retenu que la société Locam démontre l’existence du lien d’obligation créé entre elle-même et la société Les Greniers d’Alsace Lorraine au titre de ce contrat.
Il doit à ce stade être noté que la clause attribuant compétence aux tribunaux du siège social du bailleur, donc au siège social de la société Locam, pour “tout litige relatif au présent contrat” figure tout en haut de la première page du contrat de location sous l’indication “article 17: Attribution de compétence – Droit applicable”, dans un encart grisé qui ressort clairement à la lecture, ce d’autant que le paragraphe est imprimé dans une police de caractères distincte qui le différencie des autres mentions figurant sur ladite page. En outre, si le tribunal de commerce de Saint-Etienne n’est pas expressément mentionné en tant que juridiction compétente, le siège social du bailleur est en revanche aisément identifiable, les coordonnées de la société Locam étant précisées juste en dessous de l’encart grisé.
La qualité de commerçant de la société Les Greniers d’Alsace n’étant par ailleurs pas discutée, il y a lieu de considérer que les exigences de l’article 48 du code de procédure civile précité ont été respectées, de sorte que le moyen tiré de l’incompétence du tribunal de commerce de Saint-Etienne sera rejeté, ce qui conduit, par ces motifs substitués, à confirmer le jugement déféré sur ce point.
Sur la demande en paiement de la société Locam
– Sur la recevabilité de la demande
En vertu de l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
En l’espèce, dès lors qu’il a été retenu supra que le contrat de location financière signé électroniquement le 7 octobre 2016 par le gérant de la société Les Greniers d’Alsace-Lorraine est valable et donc opposable à cette société, l’action engagée par la société Locam sur le fondement de cette convention ne peut qu’être déclarée recevable et le jugement entrepris infirmé, en ce qu’il a accueilli l’exception d’irrecevabilité soulevée par la société Les Greniers d’Alsace Lorraine.
– Sur le quantum des sommes réclamées
Selon l’article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
Par ailleurs, en vertu de l’article 1224 du code civil, la résolution d’un contrat résulte soit de l’application d’une clause résolutoire soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice.
L’article 1225 dispose quant à lui que la clause résolutoire précise les engagements dont l’inexécution entraînera la résolution du contrat. La résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse, s’il n’a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l’inexécution. La mise en demeure ne produit effet que si elle mentionne expressément la clause résolutoire.
En l’espèce, les demandes de la société Locam sont fondées sur l’article 12 des conditions générales du contrat lequel stipule que le contrat de location pourra notamment être résilié de plein droit par le bailleur, sans aucune formalité judiciaire, 8 jours après une mise en demeure restée dans effet, en cas de non paiement d’un loyer ou d’une prime d’assurance à son échéance.
Dans cette hypothèse, “outre la restitution du matériel, le locataire devra verser au loueur une somme égale au montant des loyers impayés au jour de la résiliation majorée d’une clause pénale de 10%, ainsi qu’une somme égale à la totalité des loyers restant à courir jusqu’à la fin du contrat telle que prévue à l’origine majorée d’une clause pénale de 10%”.
La société Locam justifie avoir adressé une mise en demeure le 5 février 2018 à la société Les Greniers d’Alsace Lorraine, au moyen d’un courrier recommandé réceptionné le 6 février 2018, suite à des impayés de loyer depuis le 20 octobre 2017, dans laquelle elle mentionne clairement qu’à défaut de règlement de l’arriéré dans le délai 8 jours, la clause résolutoire de plein droit sera acquise.
En application de l’article 12 rappelé ci-dessus, la société Locam est donc bien fondée à réclamer les sommes suivantes:
– 5 loyers échus impayés du 20 octobre 2017 au 20 février 2018 d’un montant global de 3.552 euros (5×710,4), majorés d’une clause pénale de 10% (355,20 euros),
– 47 loyers à échoir jusqu’au 20 janvier 2022 d’un montant total de 33.388,8 euros, majorés d’une clause pénale de 10% (3.338,88 euros).
Le montant pris en compte pour le loyer mensuel est inférieur à celui invoqué par la société Locam, car celle-ci a ajouté au loyer de base le coût d’une assurance “bris de machine” d’un montant mensuel de 27,67 euros. Or, si cette assurance apparaît sur la facture unique de loyer envoyée le 25 octobre 2016 à la société Les Greniers d’Alsace Lorraine, force est de constater que la case du contrat de location financière relative à l’assurance “Bris-Machine” n’est en revanche pas cochée et qu’aucun montant n’est mentionné, de sorte qu’il ne peut être considéré que la société Les Greniers d’Alsace Lorraine a souscrit cette assurance lors de la conclusion du contrat. Il sera à cet égard souligné que si l’article 10 des conditions générales impose au locataire prendre une police d’assurance pendant toute la durée de location, garantissant tant sa responsabilité civile que les risques tels les bris de machine, vol, incendies, explosions, dégâts des eaux, il ne lui impose nullement d’adhérer à la police proposée par le loueur.
Dans ces conditions, la société Les Greniers d’Alsace Lorraine sera condamnée à verser à la société Locam la somme totale de 3.552 + 355,20 + 33.388,8 + 3.338,88 = 40.634,88 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 6 février 2018, date de réception de la mise en demeure conformément aux dispositions de l’article 1231-6 du code civil.
La demande en paiement de la société Locam ayant pour l’essentiel été accueillie, la société Les Greniers d’Alsace Lorraine sera évidemment déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
La société Les Greniers d’Alsace Lorraine, qui succombe, devra supporter les dépens de première instance et d’appel et payer à la société Locam une somme de 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu’il s’est déclaré compétent et a débouté la SARL Les Greniers d’Alsace Lorraine de sa demande de dommages et intérêts,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
Condamne la SARL Les Greniers d’Alsace Lorraine à payer à la SAS Location Automobiles Matériels la somme de 40.634,88 euros avec intérêts au taux légal à compter du 6 février 2018,
Dit que la SARL Les Greniers d’Alsace Lorraine supportera les dépens de première instance et d’appel,
Condamne la SARL Les Greniers d’Alsace Lorraine à verser à la SAS Location Automobiles Matériels la somme de 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE