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AFFAIRE :N° RG 21/03037 –
N° Portalis DBVC-V-B7F-G3W6
ARRET N°
JB.
ORIGINE : Jugement du Tribunal de Commerce du HAVRE en date du 01 Mars 2019 –
RG n° 2015/03300
Arrêt de la Cour d’Appel de ROUEN en date du 06 Février 2020 – RG n°19/01473
Arrêt de la Cour de Cassation en date du 20 Octobre 2021 – RG E 20-14.775
COUR D’APPEL DE CAEN
DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
RENVOI DE CASSATION
ARRET DU 15 DECEMBRE 2022
APPELANTE :
S.A. HELVETIA ASSURANCES
[Adresse 3]
[Localité 6]
prise en la personne de son représentant légal
représentée par Me Franck THILL, avocat au barreau de CAEN,
assistée de Me Franck DOLLFUS, avocat au barreau de PARIS
INTIMEES :
S.A.S. DAMCO FRANCE
[Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 4]
prise en la personne de son représentant légal
Société DAMCO CHILE
[Adresse 5],
[Adresse 5]
[Localité 9] CHILI
prise en la personne de son représentant légal
représentés par Me Marion BILLY, avocat au barreau de CAEN
assistés de Me Pascal HUCHET de la SCP HUCHET DOIN, avocat au barreau du HAVRE,
Société MSC – MEDITERRANEAN SHIPPING COMPANY représentée par ses représentants légaux en exercice domiciliés pour les besoins de la présente instance en l’établissement de leur agent la société MSC FRANCE sis [Adresse 7]
[Adresse 1]
[Localité 2] SUISSE
représentée par Me Olivier FERRETTI de la SCP FERRETTI HUREL LEPLATOIS, avocat au barreau de CAEN,
assistée de Me Fabrice LEMARIE, avocat au barreau du HAVRE
DEBATS : A l’audience publique du 06 Octobre 2022, sans opposition du ou des avocats, Madame EMILY, Président de Chambre et Mme COURTADE, Conseillère, ont entendu les plaidoiries et en ont rendu compte à la cour dans son délibéré
GREFFIER : Mme FLEURY, Greffier
En présence de M. HALLOT, Greffier stagiaire
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Madame EMILY, Président de Chambre,
Mme CHEENNE, Conseiller,
Mme COURTADE, Conseillère,
ARRET prononcé publiquement le 15 décembre 2022 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, président, et Mme LE GALL, greffier
* * *
Selon une facture du 17 avril 2014, la société chilienne ST Andrews Smoky Delicacies (société Andrews) a vendu à la société Miti un lot de 22.000 kg de moules congelées moyennant le prix de 71.500 USD aux conditions CFR Le Havre.
La société Andrews a confié à la société Damco Chile, commissionnaire de transport ayant pour agent en France la société Damco France, l’organisation du transport de la marchandise de Coronel (Chili) au Havre (France), selon un connaissement du 17 avril 2014, à ordre de la société Crédit agricole, mentionnant la société Andrews en qualité de chargeur et la société Miti en qualité de « notify ».
Par un « sea waybill » de la même date, mentionnant la société Damco Chile en qualité de chargeur, cette dernière s’est substituée la société Mediterranean Shipping Company MSC (société MSC) pour effectuer le transport maritime de la marchandise, la société Damco France apparaissant en qualité de « notify » et destinataire.
La société Miti a mandaté son transitaire au Havre, la société Seafrigo pour recevoir la marchandise et souscrire pour son compte une assurance marchandises, prise auprès de la société Helvetia assurances (société Helvetia).
Le 13 mai 2014, la société Crédit Agricole, sur les instructions de son client Miti, a demandé à la société Damco de relâcher la marchandise entre les mains de la société Seafrigo.
Des avaries ayant été constatées à la livraison, la société Seafrigo a émis des réserves auprès de la société MSC le 21 mai 2014, et la marchandise a fait l’objet d’une notification de refoulement le 22 mai 2014.
Une expertise amiable et contradictoire a mis en évidence :
– Un bon état et un fonctionnement normal du groupe reefer du conteneur,
– Les symptômes d’une rupture de la chaîne du froid pendant le transport avec une prise en masse et du givre en périphérie,
– Quoi que non loyales, les marchandises restaient consommables et commercialisables hors UE, le lot étant revendu à l’export par la société Miti au prix
CFR de 1,5 USD par kg,
– Un préjudice de 43.323,71 euros, dont 35.573,21 euros de perte marchandise, outre des frais générés du fait du sinistre à hauteur de 6.750,50 euros.
La marchandise revendue par la société Miti pour être valorisée par la société Andrews a été refoulée par les autorités chiliennes et, faute d’une autre solution de valorisation, détruite le 25 septembre 2015.
La société BCI Seguros Generales, assureur de la société Andrews, se disant subrogée dans les droits de cette dernière, a engagé devant les juridictions chiliennes une action en indemnisation à l’encontre des sociétés Damco et MSC portant sur la somme de 47.096,56 USD, outre frais d’expertise à hauteur de 2.137,04 USD.
Après paiement d’une indemnité de 37.131,06 euros, la société Helvetia, subrogée dans les droits de la société Seafrigo à hauteur de cette somme, a, par un exploit d’huissier de justice du 18 juin 2015, assigné les sociétés Damco France, Damco Chile et MSC devant le tribunal de commerce du Havre aux fins de les voir condamner in solidum au paiement de la somme principale de 37.131,06 euros, sauf à compléter ou à parfaire, avec intérêts au taux légal, outre une indemnité de procédure.
Par acte en date du 30 juin 2015, les sociétés Damco ont fait assigner en garantie la compagnie MSC devant le tribunal de commerce du Havre.
Se fondant sur la clause attributive de compétence figurant au « sea waybill », la société MSC a opposé une exception d’incompétence au profit de la High Court de Londres.
Les sociétés Damco Chile et Damco France s’en sont rapportées sur les mérites de l’exception d’incompétence soulevée par la société MSC et, faisant état de la procédure engagée devant le tribunal civil de première instance de Valparaiso à l’encontre des mêmes défendeurs, elles se sont prévalues d’une connexité pour demander le renvoi devant la juridiction chilienne.
Par jugement du 1er mars 2019, le tribunal de commerce de terre et de mer du Havre a :
– joint les instances enrôlées sous les n° 2015J03300 et 2015J03433 ;
– reçu la société Mediterranean shipping company MSC en son exception d’incompétence, déclaré celle-ci bien fondée ;
– donné acte aux société Damco Chile et Damco France qu’elles s’en rapportaient sur les mérites de l’exception d’incompétence soulevée par la compagnie MSC ;
– s’est déclaré territorialement incompétent et a renvoyé la société Helvetia en son action principale et les sociétés Damco Chile et Damco France, en leur action récursoire, à mieux se pourvoir ;
– condamné la société Helvetia aux entiers dépens de l’instance et à payer d’une part à Mediterranean shipping company MSC la somme de 1.000 euros et d’autre part à Damco Chile / Damco France la somme de 1.000 euros, par application de l’article 700 du code de procédure civile.
La SA Helvetia assurances a interjeté appel de ce jugement.
Par arrêt contradictoire du 6 février 2020, la cour d’appel de Rouen a :
– réformé le jugement entrepris en ce qu’il s’est déclaré territorialement incompétent et a renvoyé la société Helvetia Assurances en son action principale et les sociétés Damco Chile et Damco France, en leur action récursoire, à mieux se pourvoir ;
– statuant à nouveau de ce chef ;
– dit que le tribunal de commerce du Havre est incompétent pour connaître de l’action principale de la société Helvetia Assurances et de l’action récursoire des sociétés Damco France et Damco Chile telles qu’engagées à l’encontre de la société Mediterranean Shipping Company MSC ;
– constaté le lien de connexité entre ces actions et l’action dirigée par la société Helvetia Assurances à l’encontre des sociétés Damco France et Damco Chile ;
– renvoyé en conséquence les parties à mieux se pourvoir ;
– confirmé le jugement dont appel pour le surplus ;
– y ajoutant ;
– dit n’y avoir lieu à allocation d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;
– condamné la société Helvetia assurances aux dépens d’appel.
Par déclaration du 10 mars 2020, la société Helvetia assurances a formé un pourvoi contre cet arrêt.
Par décision du 20 octobre 2021, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation a :
– cassé et annulé arrêt l’arrêt rendu le 6 février 2020, entre les parties, par la cour d’appel de Rouen, mais seulement en ce qu’il a dit que le tribunal de commerce du Havre est incompétent pour connaître de l’action principale de la société Helvetia assurances engagée à l’encontre de la société Mediterranean Shipping Company – MSC, constaté le lien de connexité entre cette action et l’action dirigée par la société Helvetia assurances à l’encontre des sociétés Damco France et Damco Chile et renvoyé en conséquence les parties à mieux se pourvoir ;
– remis, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyés devant la cour d’appel de Caen.
La cassation partielle a été prononcée aux motifs suivants :
« Pour déclarer le tribunal de commerce du Havre incompétent pour connaître de l’action principale engagée par la société Helvetia contre la société MSC, l’arrêt retient que la société Seafrigo n’était pas initialement partie au « sea waybill » émis par la société MSC. Puis, il relève que la société Crédit agricole, agissant sur les instructions de la société Miti, a autorisé la société Damco Chile à relâcher la marchandise en faveur de la société Seafrigo, transitaire de la société Miti, et que la société Damco France a demandé à la société MSC de relâcher le conteneur en faveur de la société Seafrigo. Il en déduit que celle-ci s’est ainsi trouvée substituée dans les droits et obligations de la société Damco France, en qualité de destinataire, et que l’action de la société Helvetia, subrogée dans les droits de la société Seafrigo, relève de la compétence de la High Court de Londres.
En statuant ainsi, alors que le destinataire réel de la marchandise ou son mandataire, qui ne figure en aucune qualité sur une lettre de transport maritime, ne peut être considéré comme un tiers porteur de ce document, de sorte que la clause attributive de juridiction y figurant ne lui est pas opposable, la cour d’appel a violé le texte susvisé [l’article 25 du Règlement (UE) no 1215/2012 du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale] ».
Par déclaration du 8 novembre 2021, la société Helvetia assurances a saisi la cour d’appel de renvoi.
Par acte en date du 2 mars 2022, la société Helvetia assurances a signifié aux sociétés Mediterranean Shipping Company MSC, Damco France et Damco Chile la déclaration de saisine devant la cour d’appel de Caen.
Par dernières conclusions en date du 30 août 2022, la société Helvetia assurances demande à la cour de :
– Recevoir son appel et le dire fondé,
– Reformer le jugement entrepris,
– Statuant de nouveau,
– Sur la compétence,
– Juger que tribunal de commerce du Havre était compétent pour connaître tant de l’action principale d’Helvetia assurances contre les sociétés Damco France et Damco Chile que de celle à l’encontre de MSC,
– Subsidiairement,
– Au visa des article 100, 101 et 103 du code de procédure civile, sera rejetée toute exception de litispendance ou de connexité avec la procédure engagée dans le for chilien,
– Sur la prescription,
– Juger l’action de la société Helvetia assurances non prescrite,
– Sur la recevabilité,
– Juger recevables les demandes de la société Helvetia assurances agissant en qualité de subrogée de ses assurés,
– Sur le fond et les responsabilités,
– Juger que les sociétés Damco Chile et Damco France, tenues à une obligation de résultat, ont engagé leur responsabilité sur le fondement des articles L. 132-4 à L. 132-6 du code de commerce vers lesquels l’article L. 1432-7 du code des transports opère désormais renvoi, et, en tant que de besoin, sur le fondement des articles L 5422-12 et suivants du code des transports,
– Juger que la responsabilité de la société Mediterranean shipping company SA est engagée sur le fondement notamment des articles L 5422-12 et suivants du code des transports,
– Rejeter tout cas excepté,
– Par conséquent,
– Débouter les sociétés Damco chile, Damco france et Mediterranean shipping company SA de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
– Condamner in solidum les sociétés Damco chile, Damco france et Mediterranean shipping company SA à payer à la société Helvetia assurances la somme de 37.131,06 euros, sauf à compléter ou à parfaire, avec intérêts au taux légal à compter de la présente assignation,
– Condamner in solidum les sociétés Damco chile, Damco france et Mediterranean shipping company SA à payer à la société Helvetia assurances la somme de 15.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens tant de première instance que d’appel.
Par dernières conclusions déposées le 2 septembre 2022, la société Mediterranean shipping company MSC demande à la cour de :
– Juger que les prétentions des sociétés Damco Chile et Damco France contre la société MSC sont irrecevables en raison de l’autorité de chose jugée conférée aux dispositions non cassées de l’arrêt de la cour d’appel de Rouen jugeant que le tribunal de commerce du Havre est territorialement incompétent pour connaître de leur action récursoire,
– Juger que la validité de la clause attributive de compétence est régie par la convention de Lugano,
– Constater que la clause attributive de compétence du sea waybill est opposable à la société Damco Chile, chargeur qui en a reconnu la validité et accepté l’application,
– Juger que c’est par application du droit national régissant le contrat en cause qu’il revient de décider dans quelles conditions un tiers au contrat de transport maritime initial peut devenir récipiendaire des droits et actions en découlant et s’il succède de droit à l’une des parties originaires dans ses droits et obligations, dont la clause de juridiction,
– Juger que le droit anglais est applicable au sea waybill MSC et que, selon son contenu prouvé, il dispose que la personne qui sans être nommément désignée sur un sea waybill devient, y compris sur instruction ultérieure à l’émission du sea waybill, celle à laquelle la livraison des marchandises auxquelles se rapporte le sea waybill doit être effectuée par le transporteur, ce tiers bénéficiaire se voit investi des droits et actions comme s’il avait été partie au contrat et que ce tiers bénéficiaire est également investi, lorsqu’il prend livraison ou exerce un recours contre le transporteur maritime, des responsabilités découlant du sea waybill,
– Juger que la société Miti a été investie des droits, actions et responsabilités découlant du sea waybill MSC n° MSCUTJ482912 comme ayant pris livraison des marchandises par son mandataire, la société Saefrigo désignée par les parties comme nouveau destinataire,
– Juger que la société Helvetia, disant venir aux droits de la société Miti, est liée par la clause attributive de compétence n° 10.3 du sea waybill MSC n° MSCUTJ482912,
– Recevoir la société Helvetia en son appel, mais l’en débouter,
– Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce du Havre en ce qu’il s’est déclaré territorialement incompétent pour connaître de l’action principale engagée par Helvetia contre MSC,
– Condamner la société Helvetia à payer à la société MSC la somme de 15.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et de l’article 10-3 connaissement,
– Condamner la société Helvetia aux entiers dépens.
Par dernières conclusions du 28 février 2022, les sociétés Damco Chile et Damco France demandent à la cour de :
– Liminairement,
– Donner acte aux sociétés sociétés Damco Chile et Damco France qu’elles s’en rapportent sur les mérites de l’appel interjeté par la compagnie Helvetia du jugement entrepris tribunal de commerce du Havre en date du 1er mars 2019 sur le terrain de l’infirmation de cette décision et la problématique de la compétence du juge français, sinon, si d’aventure il y avait confirmation du jugement entrepris, renvoyer alors, au bénéfice de la connexité, l’entier dossier avec l’ensemble des parties dans la cause tant au titre de l’action principale de la compagnie Helvetia que de l’action récursoire des sociétés Damco Chile et Damco France, devant la High Court de Londres,
– Et pour le surplus, en tout état de cause, statuant sur les différents aspects du dossier n’ayant en l’état été tranchés sauf renvoi à nouveau de l’ensemble de la procédure et des parties devant la High Court de Londres,
– A titre principal, retenir l’exception de connexité au visa de l’article 101 du code de procédure civile soulevée par les sociétés Damco Chile et Damco France et renvoyer l’entier dossier à la connaissance de la juridiction civile de première instance de Valparaiso au Chili, afin d’y rejoindre la procédure initiée dans ce for à la requête de la compagnie BCI Seguros generales SA à l’encontre des mêmes défendeurs,
– A titre subsidiaire, juger irrecevables pour défaut de qualité pour agir, sinon pour cause de prescription, au visa de l’article L.5422-18, les poursuites de la compagnie Helvétia assurances à l’encontre des sociétés Damco Chile et Damco France,
– Toujours à titre subsidiaire, juger en tout état de cause spécifiquement irrecevables pour défaut de qualité et d’intérêt pour agir les demandes de la compagnie Helvétia dirigées à l’encontre de la société Damco France,
– A titre très subsidiaire, juger mal-fondées les poursuites de la compagnie Helvetia assurances pour l’en débouter purement et simplement.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 7 septembre 2022.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières conclusions.
SUR CE, LA COUR
S’agissant de l’action récursoire introduite par les sociétés Damco contre la société MSC :
La société MSC fait valoir que l’action récursoire des sociétés Damco à son encontre est irrecevable comme se heurtant à l’autorité de la chose jugée dès lors que la cassation intervenue ne concerne pas l’arrêt de la cour d’appel de Rouen en ce qu’il jugé que le tribunal de commerce du Havre était incompétent pour connaître de l’action récursoire des sociétés Damco à l’encontre de MSC ; les sociétés Damco n’ayant critiqué ni le jugement, ni l’arrêt de la cour d’appel de Rouen, la cassation ne concerne pas le sort de leur action en garantie qui est définitivement jugée, celles-ci étant renvoyées à se pourvoir à Londres contre MSC.
Les sociétés Damco Chile et Damco France ont maintenu leur demande en garantie.
Les sociétés Damco Chile et Damco France n’ont pas formé de pourvoi à l’encontre de l’arrêt de la cour d’appel de Rouen du 6 février 2020. La Cour de cassation n’était pas saisie du chef de la décision disant que le tribunal de commerce du Havre est incompétent pour connaître de l’action récursoire des sociétés Damco France et Damco Chile engagées contre la société MSC.
Dans la portée et conséquences de la cassation, la Cour de cassation précise : « En application de l’article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée sur le premier moyen du chef de la déclaration d’incompétence pour connaître de l’action principale de la société Helvetia contre la société MSC entraîne la cassation de la disposition critiquée par le second qui, constatant le lien de connexité entre cette action et celle dirigée par la société Helvetia contre les sociétés Damco France et Damco Chile et renvoyant les parties à mieux se pourvoir, s’y rattache par un lien de dépendance nécessaire. »
Dès lors, les dispositions de l’arrêt de la cour d’appel de Rouen jugeant que le tribunal de commerce du Havre est incompétent pour connaître de l’action récursoire des sociétés Damco France et Damco Chile engagées contre la société MSC sont définitives. L’action récursoire engagée par ces sociétés contre la société MSC est donc irrecevable.
Sur l’action de la société Helvetia à l’encontre de la société MSC
La société Helvetia fait valoir que le tribunal de commerce du Havre était compétent pour connaître tant de l’action principale d’Helvetia contre les sociétés Damco France et Damco Chile que de celle à l’encontre de MSC, la chambre commerciale de la Cour de cassation ayant jugé que le destinataire réel ou son mandataire qui ne figure en aucune qualité sur une lettre de transport maritime ne peut être considéré comme un tiers porteur de ce document, que dès lors la Cour a conclu à l’inopposabilité de la clause de compétence contenue dans la lettre de transport maritime à ceux qui ne figurent en aucune qualité sur ce document ; le destinataire réel n’apparaissant ni en qualité de chargeur ni en qualité de destinataire sur le document, il n’y a aucune raison juridique pour lui faire subir les clauses du contrat auquel il n’est pas partie.
La société MSC soutient que la question de la compétence territoriale des juridictions françaises pour connaitre de son action contre le transporteur maritime MSC n’est pas purgée, expliquant que la Cour de cassation a censuré l’arrêt de la cour d’appel de Rouen considérant que ni Miti, ni Seafrigo, ne s’étaient vues transférer les droits provenant du sea waybill puisque ledit arrêt ne comporte aucun motif caractérisant un tel transfert de droits.
La société MSC explique que le fait de savoir dans quelles conditions un tiers au contrat initial peut devenir récipiendaire des droits découlant du contrat et s’il succède de droit à l’une des parties originaires dans ses droits et obligations, dont la clause de juridiction, doit être apprécié en fonction du droit national applicable au contrat de transport maritime en cause, qu’en l’espèce ce droit est le droit anglais.
Or, en vertu du droit anglais, peut être porteur la personne qui sans être nommément désignée sur ce contrat devient, y compris sur instruction ultérieure des parties, celle à qui la livraison des marchandises auxquelles se rapporte le sea waybill doit être effectuée par le transporteur. Ce tiers bénéficiaire se voit ainsi investi des droits et actions comme s’il avait été partie au contrat, mais également lorsqu’il prend livraison ou exerce un recours contre le transporteur, des responsabilités découlant du contrat.
En l’espèce, la société MSC soutient que par ses agissements, Seafrigo, mandataire de la société Miti, destinataire réel du connaissement, n’est pas restée tiers au contrat de transport maritime et qu’elle a endossé la qualité de destinataire, tant juridiquement, que dans les faits en se portant réclamataire des marchandises auprès de MSC, en organisant la visite vétérinaire, en émettant des réserves, en payant la facture de MSC.
Au visa de l’article 25 du Règlement (UE) n°1215/2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, la chambre commerciale de la Cour de cassation a jugé que le destinataire réel de la marchandise ou son mandataire, qui ne figure en aucune qualité sur une lettre de transport maritime, ne peut être considéré comme un tiers porteur de ce document de telle sorte que la clause attributive de juridiction y figurant ne lui est pas opposable.
Il n’est pas contesté que la société Miti ou son mandataire, ne figure en aucune qualité sur la lettre de transport maritime du 17 avril 2014.
La Cour de cassation s’est bien prononcée sur une clause attributive de juridiction contenue dans une lettre de transport maritime étendant à ce document la solution rendue en matière de connaissement.
Par ailleurs, le destinataire réel des marchandises, qui ne figure en aucune qualité sur une lettre de transport, ne pouvant se voir attribuer la qualité de tiers porteur, la question de savoir s’il a succédé aux droits et obligations du chargeur, en vertu du droit national applicable, ne se pose pas.
Le comportement de la société Seafrigo, qui n’est pas tiers porteur, tel que décrit par la société MSC est celui du destinataire réel des marchandises, qui a intérêt à la bonne exécution de la prestation de transport et qui dispose d’une action en responsabilité contre le transporteur en cas d’avarie ou perte de la marchandise. Ce comportement n’établit aucunement une acceptation spéciale, non équivoque par la société Seafrigo, mandataire de la société Miti, ou par cette dernière de la clause d’attribution de juridiction.
Au vu de ces éléments, le jugement déféré sera infirmé en ce qu’il a reçu la société MSC en son exception d’incompétence et l’a déclarée bien fondée.
Sur l’action de la société Helvetia à l’encontre des sociétés Damco Chile et Damco France
La société Helvetia fait valoir que la clause litigieuse insérée au « sea waybill » est inapplicable à l’action qu’elle a introduite à l’encontre des sociétés Damco et que même dans le cas où la cour estimerait le juge français incompétent pour connaître de l’action de l’assureur Helvetia contre MSC, les juridictions françaises sont compétentes pour juger de l’action introduite par la société Helvetia contre les sociétés Damco, ces deux actions pouvant être jugées séparément.
Les sociétés Damco Chile et Damco France s’en rapportent sur la compétence du juge français pour connaître de l’action engagée par la société Helvetia.
Il n’est pas discuté que la clause insérée au sea waybil sur l’attribution de compétence ou la loi applicable au fond du litige, est inapplicable à l’action de la société Helvetia à l’encontre des sociétés Damco France et Damco Chile et que le tribunal n’était saisi d’aucune exception d’incompétence concernant cette action.
Le juge français est donc compétent pour statuer sur cette action.
Sur l’exception de connexité
Les sociétés Damco, sur le fondement de l’article 101 du code de procédure civile, soulèvent une exception de connexité internationale, faisant valoir qu’elles sont exposées à deux procédures distinctes, mais ayant le même objet, devant les juridictions chilienne et française, que ces deux affaires doivent être jugées ensemble pour permettre l’identification de la partie ayant effectivement souffert d’un préjudice en lien avec les avaries de la cargaison et qu’il y a lieu de prémunir le commissionnaire de transport et le transporteur de toutes condamnations faisant double emploi au profit de parties différentes.
La société Helvetia soutient que les conditions de litispendance ne sont pas réunies, les litiges n’étant pas identiques en termes de parties, cause et objet, et précise que le juge chilien saisi en second lieu doit se dessaisir. Elle indique en outre qu’il n’y a pas lieu de retenir un lien de connexité entre les deux procédures, l’exception de connexité étant dilatoire, soulevée tardivement par les sociétés Damco, par conclusions du 2018, alors que l’action au Chili a été introduite en 2016 et qu’en outre aucune autre information concernant l’évolution de procédure engagée devant le juge chilien n’est fournie par les intimées.
Les sociétés Damco France et Damco Chile ne fondent pas leur demande de dessaisissement au profit de la juridiction chilienne sur la litispendance mais invoquent la connexité existant entre les affaires.
L’article 101 du code de procédure civile énonce que s’il existe entre des affaires portées devant deux juridictions distinctes un lien tel qu’il soit de l’intérêt d’une bonne justice de les faire instruire et juger ensemble, il peut être demandé à l’une de ces juridictions de se dessaisir et de renvoyer en l’état la connaissance de l’affaire à l’autre juridiction.
L’article 103 du même code précise que l’exception de connexité peut être proposée en tout état de cause, sauf à être écartée si elle est soulevée tardivement dans une intention dilatoire.
En l’espèce, l’action de la société Helvetia devant le tribunal de commerce du Havre a été engagée par assignations du 18 juin 2015.
La juridiction chilienne a été saisie par l’assureur de la société St Andrews le 8 mars 2016.
L’exception de connexité a été soulevée par les sociétés Damco France et Damco Chile dans des conclusions du 6 février 2018 soit près de deux ans après la saisine de la juridiction chilienne ce qui est tardif.
Par ailleurs, comme le souligne l’appelante, il n’est apporté aucun élément d’information sur l’état de la procédure au Chili ni même d’ailleurs sur les demandes formulées, les documents versés aux débats et non traduits étant datés de 2016. Il sera constaté que les sociétés Damco France et Damco Chile ne s’expliquent pas sur ce point.
Dès lors, au vu de ces éléments, leur exception de connexité sera jugée tardive et dilatoire et sera rejetée.
Sur la qualité pour agir de la société Helvetia
Les sociétés Damco France et Damco Chile soutiennent que l’action de la société Helvetia est irrecevable, celle-ci ne pouvant prétendre être subrogée dans les droits de la société Seafrigo alors qu’elle n’a versé aucune somme à cette société et que l’indemnité d’assurance de 37 131,06 euros a été payée à la société Condigel, personne morale distincte de la société Seafrigo , qui n’avait aucune vocation à recevoir ce règlement en l’absence de toute stipulation particulière sur ce point dans la police d’assurance.
La société Helvetia fait valoir que la société Seafrigo appartient au groupe Condigel, que les sociétés Condigel et Seafrigo sont co-assurées par la police Helvetia, que le code des assurances n’exige pas que le paiement de l’indemnité d’assurance soit fait entre les mains de l’assuré, que le paiement peut être fait entre les mains de la maison mère pour le compte de ses filiales.
Selon l’article L121-12 du code des assurances, l’assureur qui a payé l’indemnité d’assurance est subrogé, jusqu’à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l’assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l’assureur.
Cet article n’exige pas que le paiement ait été fait entre les mains de l’assuré lui-même.
L’assurance pour compte a pour objet, par le jeu d’une stipulation pour autrui, de conférer la qualité d’assuré à un tiers au contrat.
Il résulte des pièces du dossier que les sociétés du groupe Condigel, auquel appartiennent notamment les sociétés Condigel et ETB-Seafrigo, étaient garanties par la société Helvetia notamment pour les dommages aux marchandises en cours de transport, selon contrat en date du 20 mars 2013, les cinq sociétés concernées étant désignées dans ledit contrat comme les « co-assurés ».
Il est justifié d’un certificat d’assurance du 24 avril 2014 au nom de la société Seafrigo pour assurer la marchandise transportée pour le compte de la société Miti.
Le règlement de 37 131,06 euros effectué par la société Helvetia à la suite du sinistre a été fait à la société Condigel.
C’est toutefois la société Seafrigo qui a signé le 30 avril 2014 la quittance de sinistre en attestant avoir bien reçu l’indemnité versée par l’assureur.
C’est également la société Seafrigo qui a fait un chèque du même montant à l’ordre de la société Miti pour laquelle elle avait souscrit l’assurance, ce qui implique que la société Condigel, co-assurée, lui a bien in fine versé l’indemnité d’assurance.
La société Miti a signé le 7 octobre 2014 une quittance de sinistre à la société Seafrigo.
La société Seafrigo a donc bien perçu l’indemnité d’assurance pour le compte de la société Miti, société victime pour le compte de laquelle l’assurance avait été souscrite, et à laquelle elle l’a reversée.
La société Helvetia bénéficie dès lors de la subrogation légale dans les droits et actions de l’assurée contre les tiers qu’elle estime responsables du dommage. Elle a bien qualité pour agir.
Sur la prescription
Les sociétés Damco France et Damco Chile font valoir qu’en application de l’article L. 5422-18 du code des transports, l’action de la société Helvetia est une action récursoire qui ne peut être introduite que dans un délai de 3 mois à compter du jour de l’exercice de l’action contre la personne garantie ou du jour où celle-ci a, à l’amiable, réglé la réclamation, ce qui n’a pas été fait en l’espèce.
La société Helvetia explique que l’action introduite à l’encontre des sociétés défenderesses n’est pas une action récursoire et que les règles régissant cette action ne sont pas applicables en l’espèce ; elle précise que son action est une action principale, engagée par Helvetia, assureur « dommage » ayant indemnisé les avaries survenues aux marchandises à l’encontre des responsables de ces avaries.
Selon l’article L5422-18 du code des transports l’action contre le transporteur à raison de pertes ou dommages se prescrit par un an. Ce délai peut être prolongé par un accord conclu entre les parties postérieurement à l’événement qui a donné lieu à l’action.
Les actions récursoires peuvent être intentées, même après les délais prévus par les dispositions de l’alinéa précédent, pendant trois mois à compter du jour de l’exercice de l’action contre la personne garantie ou du jour où celle-ci a, à l’amiable, réglé la réclamation.
Quel que soit son fondement, l’action en responsabilité contre le transporteur à raison de pertes ou dommages ne peut être exercée que dans les conditions et limites fixées par les dispositions de la présente section.
Une action récursoire s’entend d’une action en justice exercée contre le véritable débiteur d’une obligation par celui qui est tenu (envers une autre personne) de l’exécuter en tant que débiteur solidaire, garant ou responsable d’autrui.
L’action engagée par la société Helvetia n’est pas en l’espèce une action récursoire ; c’est une action contre le transporteur à raison de pertes ou dommages, Helvetia exerçant l’action de la société acheteuse de la marchandise qui a été victime de l’avarie survenue pendant le transport contre le transporteur.
Le dommage est intervenu le 21 mai 2014, date des réserves émises par la société Seafrigo.
Dans un mail du 18 mai 2015, la société Damco France a donné son accord pour une prorogation de 3 mois du délai de prescription à compter du 21 mai 2015. Cet accord a bien été donné alors que le délai de prescription d’un an était encore en cours.
L’action de la société Helvetia contre le transporteur a été engagée le 18 juin 2015.
L’action de la société Helvetia contre le transporteur n’est donc pas prescrite.
Sur la recevabilité de l’action de la société Helvetia à l’encontre de la société Damco France
Les sociétés Damco France et Damco Chile font valoir que l’action engagée contre la société Damco France est irrecevable pour défaut de qualité et intérêt à agir, dès lors que celle-ci n’est intervenue que comme simple agent ou mandataire de la société Damco Chile qui seule a la qualité de commissionnaire de transport, la société Damco France n’ayant aucun lien de droit avec les intérêts marchands ou leurs substitués.
La société Helvetia n’a pas conclu sur ce point.
Elle précise dans ses conclusions toutefois que les sociétés Damco Chile et Damco France, en leur qualité de commissionnaire, sont tenues à une obligation de résultat sur le fondement des articles L131-4 à L132-6 du code de commerce, vers lesquels l’article L1432-7 du code des transports renvoie et en tant que de besoin sur le fondement des articles L5422-12 et suivants du code des transports.
La qualité à agir de la société Helvetia a été retenue.
Il sera relevé que l’intérêt à agir n’est pas subordonné à la démonstration préalable du bien- fondé de l’action et l’existence du droit invoqué par le demandeur n’est pas une condition de recevabilité de son action mais de son succès.
L’action engagée par la société Helvetia sera donc jugée recevable.
Sur le fond
La société Helvetia soutient que les sociétés Damco Chile et Damco France, en leur qualité de commissionnaire, sont tenues à une obligation de résultat sur le fondement des articles L131-4 à L132-6 du code de commerce, vers lesquels l’article L1432-7 du code des transports renvoie et en tant que de besoin sur le fondement des articles L5422-12 et suivants du code des transports, et que la société MSC a engagé sa responsabilité sur le fondement des articles L5422-12 et suivants du code du transport. Elle précise que le rapport d’expertise retient l’hypothèse d’une rupture de la chaine du froid, que les sociétés Damcon et MSC sont présumées responsables des dommages survenus en cours de transport maritime et que celles-ci n’établissent aucune faute du chargeur qui pourrait les exonérer de leur responsabilité.
Les sociétés Damco France et Damco Chile font valoir que l’action engagée par la société Helvetia est mal fondée dès lors qu’il existe un cas de responsabilité excepté lié à une faute ou un manquement du chargeur ou l’un de ses substitués dans les conditions d’empotage du container en cause en l’espèce à parois lisses. Elles indiquent que les incidents de température en périphérie de la cargaison ne peuvent avoir d’autre cause qu’un défaut d’empotage imputable au chargeur qui a, à tort, positionné les colis au droit des panneaux latéraux du container à l’évidence à parois lisses, avec pour conséquence inéluctable d’entraver la circulation de l’air précisément à la périphérie du container, et de susciter des avaries à la cargaison rigoureusement circonscrite à cette même périphérie.
La société MSC n’a pas conclu au fond.
L’article L132-5 du code de commerce énonce que le commissionnaire est garant des avaries ou pertes de marchandises et effets, s’il n’y a stipulation contraire dans la lettre de voiture, ou force majeure.
Selon L5422-12 du code du transport, le transporteur est responsable des pertes ou dommages subis par la marchandise depuis la prise en charge jusqu’à la livraison, à moins qu’il prouve que ces pertes ou dommages proviennent : (‘)6° Des fautes du chargeur, notamment dans l’emballage, le conditionnement ou le marquage des marchandises.
Il résulte du rapport d’expertise du 15 septembre 2014 établi par le commissariat d’avaries du Havre que lors de leur arrivée au Havre, les marchandises transportées présentaient pour partie une prise en masse et la présence de givre était constatée. Les produits altérés se trouvaient contre les panneaux latéraux du container ainsi que sur le caillebotis et en haut du chargement.
En centre de masse, leur aspect macroscopique était normal et caractéristique du produit. Ainsi, l’élévation de température subie par les produits était en périphérie de tout le chargement.
L’expert a relevé que :
les températures des produits étaient satisfaisantes à l’empotage,
l’indexation du container était correcte à l’empotage,
aucune anomalie n’a été observée par le terminal Coronel ni par le bord lors de l’embarquement sur le navire.
Aucune anomalie n’a été constatée sur le groupe frigorifique du container. Le container était indexé à -18°C.
L’espace laissé au niveau des portes ainsi que sur le haut du chargement permettait une circulation suffisante de l’air à l’intérieur du container.
Le mode de chargement ne présentait aucune anomalie.
Les relevés de température ont montré des températures à c’ur des produits hétérogènes, variant de -19,2°C au centre de masse à -12,2°C à l’avant contre le panneau du container. Les températures en périphérie étaient hétérogènes. Cependant celles-ci restaient en centre de masse homogènes et inférieures à -18°C.
L’expert note qu’il y a eu une rupture de la chaine du froid subie par les produits sur toute la périphérie du containeur.
Il écarte un défaut d’empotage considérant que si les amplitudes thermiques les plus importantes subies par les produits étaient situées contre les panneaux latéraux du container, il avait été vérifié que les prises de masse étaient relevées en haut et en bas de chargement.
Selon l’expert, dans le cas d’un empotage alors que les panneaux latéraux sont chauds, les dommages sont concentrés exclusivement contre les panneaux et n’apparaissent pas sur le caillebotis et sur le haut du chargement tel que cela avait été observé en l’espèce.
L’expert relève que de plus, lors d’un empotage dans un container présentant des panneaux chauds, les colis montrent aussi, à destination, une adhésion entre eux sur les côtés latéraux et contre les panneaux latéraux, ce qui ne fut pas constaté en l’espèce.
Il précise que les températures relevées au c’ur des produits soit -12,2°C à l’avant contre le panneau avant du container, -15,9 °C au centre haut du chargement ( 1/3 avant) et -12,5°C en haut 3ème tire avant le fond du container, ne pouvaient absolument pas résulter d’un empotage contre des panneaux chauds à l’origine. Elles résultaient d’un incident de température en cours de transport alors que les colis étaient dans le container.
L’expert relève que les enregistements thermiques demandés à l’expert de la société MSC et qui auraient pu être extraits du data logger du container n’ont pas été communiqués.
Il ne fait aucunement référence à des parois du container lisses.
Au vu de ces éléments, qui ne sont remis en cause par aucun autre élément technique, la cause du dommage est une rupture de la chaine du froid en cours de transport.
Les sociétés Damco ne rapportent pas la preuve qui leur incombe d’une faute lors de l’empotage.
Dès lors, le transporteur ne peut être exonéré de sa responsabilité.
Il est constant que seule la société Damco Chile a la qualité de commissionnaire.
La société Damco France apparaît comme notify partie et destinataire dans la lettre de transport maritime. Elle n’a de lien contractuel ni avec le vendeur ni avec le destinataire réel des marchandises. Elle n’est pas chargée du transport.
En tant qu’agent de la société Damco Chile en France, seul un comportement fautif de la société Damco Chile engage sa responsabilité envers un tiers qui en a subi un dommage sur le fondement de la responsabilité délictuelle. La société Helvetia, qui n’invoque aucune faute de la société Damco France, sera déboutée de sa demande en paiement formée à l’encontre de celle-ci.
La société Damco Chile est responsable du dommage au vu de sa qualité de commissionnaire.
La société MSC, transporteur, a commis une faute en ne s’assurant pas de la constance de la température pendant le transport de marchandises congelées, faute qui est à l’origine du préjudice subi par la société Miti qui n’a pas pu récupérer la marchandise.
Le préjudice a été évalué par l’expert à la somme de 43 323,71 euros.
La société Helvetia a réglé une somme de 37 131,06 euros à la société Miti dans le cadre de l’assurance des marchandises souscrite pour le compte de cette dernière.
Le montant du préjudice n’est pas discuté.
La société Damco Chile et la société MSC seront in solidum condamnées à payer à la société Helvetia la somme de 37 131,06 euros avec intérêts au taux légal à compter de la date des assignations soit à compter du 18 juin 2015.
Les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens et aux condamnations prononcées au titre de l’article 700 du code de procédure civile, non justement appréciées, seront infirmées.
L’équité commande de condamner les sociétés Damco Chile et MSC, condamnées à paiement, à payer in solidum à la société Helvetia la somme globale de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en première instance et en cause d’appel.
La société Damco Chile et la société MSC seront in solidum condamnées aux dépens de première instance et d’appel.
Les intimées seront déboutées de leurs demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe ;
Juge irrecevable l’action récursoire des sociétés Damco France et Damco Chile contre la société MSC ;
Infirme le jugement déféré sauf sur la jonction des procédures ;
Statuant à nouveau et ajoutant au jugement ;
Dit que le juge français est compétent pour connaître de l’action engagée par la société Helvetia assurances à l’encontre de la société MSC et à l’encontre des sociétés Damco France et Damco Chile ;
Juge recevable l’action de la société Helvetia assurances ;
Déboute la société Helvetia assurances de ses demandes formées à l’encontre de la société Damco France ;
Condamne la société Damco Chile et la société MSC in solidum à payer à la société Helvetia assurances la somme de 37 131,06 euros avec intérêts au taux légal à compter du 18 juin 2015 ;
Condamne la société Damco Chile et la société MSC in solidum à payer à la société Helvetia assurances la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Damco Chile et la société MSC in solidum aux dépens de première instance et d’appel ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
N. LE GALL F. EMILY