Clause attributive de compétence : 14 décembre 2022 Cour de cassation Pourvoi n° 20-17.768

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Clause attributive de compétence : 14 décembre 2022 Cour de cassation Pourvoi n° 20-17.768
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COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 14 décembre 2022

Cassation partielle

M. VIGNEAU, président

Arrêt n° 753 FS-B+R

Pourvoi n° B 20-17.768

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 14 DÉCEMBRE 2022

La société Eukor Car Carriers Inc, société de droit étranger, dont le siège est [Adresse 2] (Corée du Sud), a formé le pourvoi n° B 20-17.768 contre l’arrêt rendu le 30 juin 2020 par la cour d’appel de Paris (pôle 2, chambre 5), dans le litige l’opposant :

1°/ à la société Axa Corporate solutions assurance, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ à la société XL Insurance Company SE, société anonyme de droit irlandais, dont le siège est [Adresse 1] (Irlande), venant aux droits de la société Axa Corporate solutions assurance,

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Guillou, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Eukor Car Carriers Inc, de la SARL Le Prado – Gilbert, avocat des sociétés Axa Corporate solutions assurance et XL Insurance Company SE, et l’avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l’audience publique du 25 octobre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Guillou, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, Mmes Vallansan, Bélaval, Fontaine, M. Riffaud, Mme Boisselet, M. Bedouet, conseillers, Mmes Barbot, Brahic-Lambrey, conseillers référendaires, Mme Henry, avocat général, et Mme Mamou, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 30 juin 2020), entre le 7 juillet 2015 et le 3 février 2016, la société Eukor Car Carriers Inc (la société Eukor), de droit coréen, a émis plusieurs connaissements maritimes pour le transport de véhicules au départ d'[Localité 4] en Belgique vers la République de Corée. Les véhicules ont été livrés à la société Hanbul Motors Corporation (la société Hanbul Motors), mentionnée en qualité de consignee sur certains de ces connaissements et de notify party sur les autres.

2. Des dommages ayant été constatés sur les véhicules à la livraison, la société Hanbul Motors a sollicité une expertise amiable, réalisée par la société Hyopsung Shipping Corp au contradictoire de la société Eukor. La société Axa Corporate solutions assurance (la société Axa), aux droits de laquelle se trouve la société XL Insurance Company SE, a indemnisé la société Hanbul Motors puis a saisi le tribunal de commerce de Paris d’une action dirigée contre la société Eukor. En cause d’appel, cette dernière, qui n’avait pas comparu en première instance, a décliné la compétence de la juridiction saisie en opposant une clause du connaissement attribuant compétence au tribunal de district civil de Séoul (République de Corée).

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. La société Eukor fait grief à l’arrêt de la condamner à payer à la société Axa certaines sommes au titre des frais de réparation des véhicules et d’expertise, rejetant ainsi l’exception d’incompétence soulevée par la société Eukor, alors :

« 1°/ que les conditions d’acceptation d’une clause attributive de juridiction stipulée à un connaissement de transport international sont régies, non par la loi du juge saisi, mais par celle applicable au contrat de transport ; qu’à ce
titre, il appartient au juge français saisi d’une demande dépendant de la mise en œuvre d’une clause attributive de juridiction stipulée à un connaissement de rechercher la loi applicable au contrat de transport, puis de déterminer son contenu, au besoin avec l’aide des parties, afin d’en faire ensuite application ; qu’en l’espèce, les juges ont eux-mêmes relevé que la société Eukor invoquait le droit coréen comme étant seul applicable au contrat de transport, conformément à l’article 25 de ses conditions générales ; qu’en appréciant néanmoins l’acceptation de cette clause au regard des règles applicables en droit français, quand il lui appartenait de vérifier si le droit coréen n’était pas applicable et d’en déduire le cas échéant la solution, selon le droit coréen, pour l’opposabilité de la clause attributive de juridiction à la société Axa, la cour d’appel a violé l’article 3 du code civil ;

2°/ que l’acceptation spéciale de la clause attributive de compétence figurant sur un connaissement peut être tacite et résulter de la stipulation habituelle de cette clause dans le cadre des relations d’affaires établies entretenues entre les parties ; qu’en l’espèce, pour établir que la clause attributive de juridiction était opposable à la société Hanbul Motors, assurée auprès de la société Axa, la société Eukor faisait état de plusieurs centaines de connaissements établis sur plusieurs années entre les mêmes parties contenant tous la clause litigieuse ; qu’en jugeant que la clause attributive de juridiction stipulée aux connaissements était inopposable à la société Axa, subrogée dans les droits du destinataire, pour cette seule raison que les conditions générales figurant à ces connaissements étaient “illisibles”, sans rechercher si la clause attributive de compétence ne pouvait pas être rendue opposable en raison de la stipulation habituelle de celle-ci dans le cadre des relations d’affaires établies entretenues entre les parties, la cour d’appel a privé son arrêt de base légale au regard de l’article 1134 ancien du code civil ;

3°/ que l’acceptation spéciale de la clause attributive de compétence figurant sur un connaissement peut être tacite et résulter des usages en vigueur en matière de transport international de marchandises ; qu’en l’espèce, pour établir que la clause attributive de juridiction était opposable à la société Hanbul Motors, assurée auprès de la société Axa, la société Eukor se prévalait de l’existence d’un usage en matière de transport maritime international consistant à stipuler une telle clause au dos des connaissements émis par le transporteur ; qu’en jugeant que la clause attributive de juridiction stipulée aux connaissements était inopposable à la société Axa, subrogée dans les droits du destinataire, pour cette seule raison que les conditions générales figurant à ces connaissements étaient “illisibles”, sans effectuer aucune recherche sur le point de savoir si la stipulation ne pouvait pas être rendue opposable à raison de l’existence d’un usage en matière de transport international de marchandises, la cour d’appel a privé son arrêt de base légale au regard de l’article 1134 ancien du code civil ;

4°/ que l’acceptation spéciale de la clause attributive de compétence figurant sur un connaissement peut être tacite et résulter du renvoi à des conditions générales contenant cette clause et auxquelles le cocontractant a été mis en mesure de prendre connaissance ; qu’en l’espèce, pour établir que la clause attributive de juridiction était opposable à la société Hanbul Motors, assurée auprès de la société Axa, la société Eukor faisait valoir que l’attention du chargeur et du porteur avait été attirée par un paragraphe en haut du connaissement indiquant que l’acceptation du connaissement valait acceptation de toutes les stipulations figurant à son verso, et elle ajoutait que les mêmes conditions générales figuraient sur son site Internet ; qu’en jugeant que la clause attributive de juridiction stipulée aux connaissements était inopposable à la société Axa, subrogée dans les droits du destinataire, pour cette seule raison que les conditions générales figurant à ces connaissements étaient “illisibles”, sans s’expliquer sur la présence d’un paragraphe en haut du connaissement indiquant que la signature valait acceptation de toutes les stipulations figurant au verso, ou encore la disponibilité des mêmes conditions générales sur le site Internet de la société Eukor, la cour d’appel a privé son arrêt de base légale au regard de l’article 1134 ancien du code civil ;

5°/ que les termes du litige sont déterminés par les prétentions et moyens respectifs des parties ; qu’en l’espèce, la société Eukor expliquait que les originaux des connaissements étaient détenus par la société Axa, cette dernière indiquant elle-même qu’elle tenait les originaux à la disposition des juges ; qu’en reprochant néanmoins à la société Eukor de n’avoir pas produit un original dont il était constant qu’elle ne disposait pas, la cour d’appel a méconnu les termes du litige, en violation de l’article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. La recevabilité de l’action en responsabilité contractuelle contre un transporteur maritime s’apprécie indépendamment des mentions du connaissement émis pour constituer, notamment, la preuve du contrat de transport, ces mentions n’ayant pas pour objet d’attribuer de manière exclusive aux seules personnes qu’elles indiquent la qualité de partie à ce contrat, de sorte que l’action contractuelle peut être ouverte au destinataire qui invoque un préjudice du fait du transport. Pour autant, ce destinataire n’est lié par ce document qu’en ce qu’il définit et précise les conditions du transport lui-même, depuis la prise en charge jusqu’à la livraison. Il ne peut, dès lors, se voir opposer la clause de compétence que le connaissement contiendrait, à moins qu’il ne l’ait spécialement acceptée ou que la compétence internationale qu’elle institue ne s’impose en vertu d’un traité ou du droit de l’Union européenne. L’acceptation de cette clause attributive de juridiction ne peut être déduite de l’existence d’un usage en matière de transport international, ni des seules relations commerciales antérieures entre les parties, ni de la présence d’une mention au recto du connaissement renvoyant à des conditions générales figurant au verso de ce document.

5. En premier lieu, les griefs des deuxième, troisième et quatrième branches, qui postulent le contraire, manquent en droit.

6. En second lieu, après avoir constaté qu’au verso des connaissements figure une clause 25 qui stipule que les réclamations seront régies exclusivement par la loi coréenne et que toute action relative à la garde ou au transport en vertu du présent connaissement, fondée sur la responsabilité contractuelle, délictuelle ou autre, devra être intentée devant le tribunal de district civil de Séoul, l’arrêt énonce que, s’il est d’usage en droit international que les transporteurs incluent dans les connaissements une clause attributive de juridiction au profit des tribunaux dans le ressort desquels se trouve leur siège social, une telle clause, valable en principe, doit cependant être lisible. Il retient que l’original des clauses figurant au verso du connaissement montre que celles-ci sont écrites en très petits caractères, dans une encre très pâle, sans que l’attention soit attirée sur cette clause 25, insérée dans une liste très dense de vingt-sept clauses dont la lecture exige l’utilisation d’une loupe.

7. Par ces constatations et appréciations, la cour d’appel, qui a statué au vu d’originaux et examiné, en application d’une règle de droit matériel, si la clause litigieuse, relative au règlement de litiges internationaux, remplissait les conditions d’opposabilité qui découlent des principes généraux concernant la rédaction, la présentation matérielle et l’acceptation de pareilles clauses, a souverainement retenu que celle-ci était illisible.

8. Le moyen n’est donc pas fondé.

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

9. La société Eukor fait grief à l’arrêt de la condamner à payer à la société Axa certaines sommes au titre des frais de réparation des véhicules et d’expertise, rejetant ainsi la fin de non-recevoir tirée de l’absence de qualité à agir de la société Axa sur le fondement subrogatoire, alors « que la subrogation conventionnelle doit être expresse et faite en même temps que le paiement ; qu’en s’abstenant de vérifier, comme il lui était demandé si, à considérer qu’un paiement ait eu lieu, celui-ci était intervenu concomitamment à la subrogation, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1250 ancien du code civil. »

 


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