Clause attributive de compétence : 13 octobre 2021 Cour de cassation Pourvoi n° 20-15.052

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Clause attributive de compétence : 13 octobre 2021 Cour de cassation Pourvoi n° 20-15.052
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CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 13 octobre 2021

Cassation

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 617 F-D

Pourvoi n° Z 20-15.052

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 13 OCTOBRE 2021

La société R+V Allgemeine Versicherung AG, société de droit allemand par actions, dont le siège est [Adresse 3]), a formé le pourvoi n° Z 20-15.052 contre l’arrêt rendu le 17 décembre 2019 par la cour d’appel de Metz (1re chambre civile), dans le litige l’opposant :

1°/ à la société Lingenheld environnement, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2]),

2°/ à la société Compagnie SMA, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la société Sagena,

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Guihal, conseiller, les observations de la SCP de Nervo et Poupet, avocat de la société R+V Allgemeine Versicherung AG, de la SCP Ortscheidt, avocat de la société Lingenheld environnement, de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société Compagnie SMA, après débats en l’audience publique du 6 juillet 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Guihal, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Metz, 17 décembre 2019), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 24 janvier 2018, pourvoi n° 17-10.959), le 16 octobre 2009, la société française Lingenheld environnement (la société Lingenheld) a conclu avec la société allemande Thermovolt, assurée auprès de la société allemande R+V Allgemeine Versicherung (la société R+V), un contrat pour la livraison en France de panneaux photovoltaïques et avec la société Thermovolt France, assurée auprès de la société Sagena, un contrat portant sur le montage de ces éléments.

2. Invoquant des retards et des malfaçons, la société Lingenheld a assigné en paiement de dommages-intérêts la société R+V et la société Sagena, aux droits de laquelle vient la société SMA, devant le tribunal de grande instance de Strasbourg.

3. La société R+V a soulevé une exception d’incompétence internationale devant le juge de la mise en état.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La société R+V fait grief à l’arrêt de rejeter son exception d’incompétence, alors « qu’en vertu de l’article 8 du règlement CE n° 44/2001 du 22 décembre 2000, dit « Bruxelles I », concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière commerciale, les règles de compétence en matière d’assurance sont exclusivement énoncées aux articles 9 à 14 du Règlement ; qu’en principe, l’assureur ne peut être attrait que devant le tribunal de l’Etat où il a son domicile ; que l’assureur de responsabilité ne peut être attrait par le tiers lésé devant le tribunal du domicile de ce dernier qu’à la condition que l’action directe soit possible au regard de la loi du contrat d’assurance ; qu’en l’espèce, la société R+V Versicherung AG faisait valoir dans ses écritures que le droit de l’Union prévoit des règles de compétence spécifiques s’agissant des actions exercées contre les assureurs, soulignant que la compétence territoriale de la juridiction du lieu du tiers lésé ne peut être retenue qu’à la condition que l’action directe soit possible au regard de la loi du contrat d’assurance, ce qui n’était pas le cas puisque le contrat d’assurance souscrit auprès de la société R+V Versicherung AG par la société Thermovolt AG n’était pas un contrat d’assurance de responsabilité, mais un contrat d’assurance dommages ; que la cour d’appel a néanmoins retenu la compétence des juridictions françaises, après avoir considéré qu’il convenait d’appliquer l’article 6 du règlement Bruxelles I, permettant d’attraire une personne domiciliée dans un Etat membre devant une juridiction d’un autre Etat membre en cas de pluralité de défendeurs, dès lors que les demandes sont liées entre elles par un rapport si étroit qu’il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d’éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément ; qu’en se prononçant ainsi, tandis que l’article 6 du Règlement Bruxelles I n’était pas applicable à l’exercice d’une action contre l’assureur de la société Thermovolt AG, la cour d’appel a méconnu ce texte ainsi que les articles 8 à 11 du règlement CE n°44/2001 du 22 décembre 2000. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 6 et 8 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, dit « Bruxelles I » :

5. Aux termes du premier de ces textes, une personne domiciliée dans un Etat membre peut être attraite, s’il y a plusieurs défendeurs, devant le tribunal du domicile de l’un d’eux, à condition que les demandes soient liées entre elles par un rapport si étroit qu’il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d’éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément.

6. Selon le second, en matière d’assurances, la compétence est déterminée par les articles 9 à 11, sans préjudice des dispositions de l’article 4 et de l’article 5, point 5.

7. Pour rejeter l’exception d’incompétence soulevée par la société R+V, l’arrêt retient que les demandes dirigées contre les sociétés Thermovolt et Thermovolt France présentent un lien étroit, dès lors que l’une a fourni et l’autre installé les panneaux photovoltaïques défectueux, que les limites de leurs interventions respectives ne sont pas clairement établies et que diverses fautes sont imputables à chacune d’elles, de sorte que les conditions posées par l’article 6 du règlement n° 44/2001 sont remplies.

8. En statuant ainsi, alors que le renvoi aux critères généraux opéré par l’article 8 du règlement n° 44/2001 exclut l’article 6, la cour d’appel, qui devait apprécier sa compétence au regard des articles 9 à 11, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 17 décembre 2019, entre les parties, par la cour d’appel de Metz ;

Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel de Nancy ;

Condamne la société Lingenheld environnement aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize octobre deux mille vingt et un.

 


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