Clause attributive de compétence : 12 octobre 2022 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 20/00577

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Clause attributive de compétence : 12 octobre 2022 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 20/00577
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COUR D’APPEL DE BORDEAUX

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE

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ARRÊT DU : 12 OCTOBRE 2022

N° RG 20/00577 – N° Portalis DBVJ-V-B7E-LN67

SARL BAT-IMMO

c/

S.A.S. SEGONZAC

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 janvier 2020 (R.G. 2018F00621) par le Tribunal de Commerce de BORDEAUX suivant déclaration d’appel du 03 février 2020

APPELANTE :

SARL BAT-IMMO, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 1]

représentée par Maître Aurélia POTOT-NICOL, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

S.A.S. SEGONZAC, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 3]

représentée par Maître Jean-philippe MAGRET de la SELARL MAGRET, avocat au barreau de LIBOURNE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 05 septembre 2022 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Nathalie PIGNON, Présidente,

Madame Elisabeth FABRY, Conseiller,

Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE

La société Bat Immo, promoteur immobilier, a fait construire, en qualité de maître de l’ouvrage trente-deux logements au sein de la résidence [Adresse 2] (33).

Elle a confié l’exécution du lot n°15 ‘plâtrerie isolation’ à la société Segonzac pour un prix de 116’760 euros Ttc selon marché de travaux en date du 21 juillet 2015.

Le 5 mai 2017, la réception des travaux a été prononcée sans réserve.

La société Segonzac a adressé au maître d’oeuvre son projet de décompte définitif daté du 28 juin 2017 faisant état d’une somme restant due de 18 027,27 euros, compte tenu des acomptes déjà versés par le maître de l’ouvrage.

Le maître d’oeuvre a ensuite établi deux décomptes définitifs :

– le premier du 14 septembre 2017 portant sur le marché initial faisant apparaître un solde de 156,97 euros en faveur du maître de l’ouvrage,

– le second du 30 octobre 2017 portant sur des travaux supplémentaires faisant apparaître un solde de 207,41 euros en faveur de la société Segonzac.

En désaccord avec les décomptes établis par le maître d’oeuvre, par acte d’huissier du 15 juin 2018, la société Segonzac a assigné la société Bat immo devant le tribunal de commerce de Bordeaux aux fins d’obtenir la condamnation de ce dernier au paiement de la somme principale de 18’027,27 euros.

Par jugement contradictoire du 6 janvier 2020, le tribunal de commerce de Bordeaux a :

– in limine litis, sur l’incompétence du tribunal de commerce de Bordeaux,

– rejeté l’exception d’incompétence soulevée par la société Bat Immo Sarl,

– s’est déclaré compétent,

– au fond :

– condamné la société Bat Immo à lui payer la somme de 18 027,27 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du 15 juin 2018, outre l’indemnité forfaitaire de 40 euros prévue à l’article L.441 6 du code de commerce,

– prononcé l’exécution provisoire du présent jugement,

– condamné la société Immo Bat à payer à la société Segonzac la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société Immo Bat aux dépens.

Par déclaration du 3 février 2020, la société Bat-Immo a interjeté appel de cette décision énumérant expressément les chefs critiqués et intimant la société Segonzac.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par RPVA le 15 septembre 2020, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Bat Immo demande à la cour de :

– avant toute défense au fond,

– juger que le tribunal de commerce de Bordeaux est incompétent pour connaître du litige,

– annuler le jugement entrepris,

– enjoindre la société Segonzac de produire l’entier document intitulé ‘Cahier des Clauses Administratives Particulières’ signé par les parties le 21 juillet 2015 et le Cahier des clauses administratives générales (CCAG) sans délai à compter de la décision à intervenir et sous astreinte de 300 euros par jour de retard,

– au fond,

– réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a débouté la société Segonzac du surplus de ses demandes,

– statuant à nouveau,

– débouter la société Segonzac de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– condamner la société Segonzac à verser la somme de 6 000 euros à la société Bat Immo en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

S’agissant de sa demande d’annulation de la décision de première instance, la société Bat-Immo fait valoir que le tribunal de commerce a, à tort, écarté la clause attributive de compétence au profit du tribunal de grande instance de Bordeaux insérée dans le CCAP. Elle affirme qu’elle n’a pas pu de ce fait mettre en cause le maître d’oeuvre qui ne pouvait être assigné devant le tribunal de commerce, ce qui lui cause préjudice et sollicite de ce fait que la cour n’applique pas les dispositions de l’article 599 du code de procédure civile.

S’agissant de sa demande de réformation de la décision litigieuse, elle expose que la société Segonzac n’a pas contesté les décomptes établis par le maître d’oeuvre dans le délai contractuel de 30 jours; qu’en outre, elle a facturé des travaux qui n’ont pas été réalisés; que des travaux de reprise ont été par ailleurs nécessaires; qu’il convient de prévoir un paiement de compte prorata de 2,5 % des travaux ( dépenses communes des entreprises).

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par RPVA le 3 juillet 2020, auxquelles la cour se réfère expressément, la société Segonzac demande à la cour de :

– déclarer recevable mais mal fondé l’appel de la société Bat Immo,

– débouter la société Bat Immo de toutes ses demandes, fins et conclusions,

– à titre principal,

– confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

– y ajoutant,

– condamner la société Bat Immo au paiement d’une amende civile en application des dispositions de l’article 559 du code de procédure civile,

– condamner la société Bat Immo à payer à la société Segonzac une indemnité de 6 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Bat Immo aux entiers dépens de première instance et d’appel,

– à titre subsidiaire,

– infirmer le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions,

– y ajoutant,

– condamner la société Bat Immo au paiement d’une amende civile en application des dispositions de l’article 559 du code de procédure civile,

– condamner la société Bat Immo à payer à la société Segonzac une indemnité de 6 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Bat Immo aux entiers dépens de première instance et d’appel.

La société Segonzac soutient que l’appelante a soulevé tardivement l’incompétence de la juridiction consulaire, plus d’une année après la conciliation; qu’en tout état de cause, il convient de faire application des dispositions de l’article 90 du code de procédure civile.

Sur le fond, elle expose que la réception a été signée sans réserve et que les sommes qu’elle réclame sont justifiées par les pièces produites.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 16 août 2022 et le dossier a été fixé à l’audience du 5 septembre 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées.

MOTIFS

1) sur la demande d’annulation de la décision :

Aux termes de l’article 90 du code de procédure civile, lorsque la cour infirme du chef de la compétence, elle statue néanmoins sur le fond du litige si la cour est juridiction d’appel relativement à la juridiction qu’elle estime compétente.

La société Segonzac produit en appel le contrat de marché de travaux du 21 juillet 2015 en son intégralité signé par les parties. Ce document n’avait été produit que partiellement en première instance.

Il est ainsi établi devant cette cour que ce marché comprend effectivement une clause attributive de compétence au profit du tribunal de grande instance du lieu du siège du maître de l’ouvrage ( article 8 du contrat).

Il n’y a pas lieu pour autant d’annuler la décision de première instance mais, par application de l’article 90 susvisé, d’infirmer celle-ci, en ce qu’elle a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par la société Bat Immo, et de statuer sur le fond, la présente cour d’appel étant compétente.

2) sur la demande en paiement :

L’acte d’engagement accepté par le maître de l’ouvrage le 28 août 2015 fait état d’une offre de prix de 116 760 euros Ttc (97 3000 euros Ht) , révisable selon les conditions du CCAP. Ce montant est repris dans l’ordre de service dont l’entreprise a accusé réception le 30 septembre 2015.

Les travaux ont été réceptionnés sans réserve le 5 mai 2017 par le maître de l’ouvrage, en présence de son maître d’oeuvre et de l’entreprise.

La société Bat immo a adressé son décompte général au maître d’oeuvre faisant état :

– d’un marché de base de 97 300 euros,

– de travaux supplémentaires de 11 527,44 euros,

soit un total de 108 827,44 euros Ht, soit 130 592,93 euros Ttc au titre duquel le maître de l’ouvrage a versé la somme de 112 565,6 euros à titre d’acomptes.

Le maître d’oeuvre a dressé un décompte général définitif portant sur le marché initial de 97 300 euros Ht daté du 14 septembre 2017 et un décompte général définitif portant sur les travaux supplémentaires n° 1,2,3 daté du 30 octobre 2017. Il sera relevé tout d’abord que le montant total des travaux supplémentaires ne fait pas l’objet de contestation.

Dans le premier décompte, le maître d’oeuvre a déduit :

– la somme de 2919 euros au titre du compte prorata (2,5%),

– la somme de 4914 euros à titre de retenues.

Il est précisé qu’il n’est pas procédé à une retenue de garantie compte tenu de l’existence d’une caution bancaire.

Dans le second décompte, le maître d’oeuvre a déduit :

– la somme de 691,65 euros au titre de la retenue de garantie,

– la somme de 345,82 euros au titre du compte prorata (2,5%).

La société Bat Immo ne justifie pas de la date à laquelle le maître d’oeuvre a notifié ses deux décomptes définitifs à l’entreprise Segonzac de sorte que le délai de 30 jours pour contester celui-ci, prévu à l’article 19.6.3 CCAG, n’a pas commencé à courir.

La société Segonzac est donc recevable à contester ce décompte, étant relevé qu’elle a d’ailleurs adressé un courrier en ce sens au maître de l’ouvrage dès le 28 novembre 2017.

Par ailleurs, contrairement à ce que soutient l’appelante, la société Segonzac pouvait à bon droit assigner en paiement son créancier, le maître de l’ouvrage, sans mettre dans la cause le maître d’oeuvre.

L’article 3.1.2 du CCAP intitulé ‘répartition des dépenses communes de chantier’ stipule que la répartition des dépenses communes de chantier est réglée par la convention dite ‘de compte prorata’ annexée au CCAG. Le gestionnaire du compte prorata est le lot gros oeuvre.

La convention de compte prorata n’est pas produite aux débats de sorte que le maître de l’ouvrage ne justifie pas du bien-fondé du montant imputé à l’entreprise à ce titre par son maître d’oeuvre.

S’agissant de la retenue de garantie, le CCAP prévoit en son article 1.6 que cette retenue ne sera pas effectuée si l’entrepreneur fournit une caution, ce qui est le cas en l’espèce puisque la mention ‘caution bancaire’ figure sur le premier décompte définitif. En tout état de compte, cette retenue doit être libérée au bout d’une année, même en l’absence de mainlevée des réserves, si le maître de l’ouvrage n’a pas notifié par LRAR à l’entrepreneur son opposition à la libération de ces sommes motivée par l’inexécution de ses obligations par l’entrepreneur. En l’espèce, le délai d’une année est écoulé et il n’est pas allégué d’une opposition par LRAR à la libération de cette somme. La somme déduite du second décompte général définitif au titre de la retenue de garantie est donc bien due.

Pour justifier enfin de la somme de 4914 euros figurant à titre de retenue sur le premier décompte, l’appelante soutient avoir dû faire appel à des sociétés tierces pour réaliser des travaux de reprise ou des travaux inclus dans le marché de la société Segonzac mais non réalisés par celle-ci.

Elle produit trois factures et un décompte général d’une société tierce qui ne suffisent pas à établir que les prestations réalisées sont bien des prestations incluses dans le marché initial de la société Segonzac ou ont été rendues nécessaires par des malfaçons dont celle-ci serait à l’origine.

La pièce 11 enfin est un mail de l’architecte adressé à la société Segonzac faisant état de travaux supplémentaires que celle-ci aurait renoncé à effectuer. Or, la retenue litigieuse ne concerne pas les travaux supplémentaires. Il n’est produit aucun échange entre les parties sur des travaux que la société Segonzac aurait renoncé à réaliser au titre du marché initial.

Dès lors, à défaut de produire aucune pièce établissant la réalité des malfaçons ou non façons alléguées, il n’y a pas lieu de retenir le montant déduit au titre du poste ‘retenue’ des sommes dues à l’entreprise par l’architecture du maître de l’ouvrage.

Il sera ainsi fait droit à la demande en paiement formée par la société Segonzac à hauteur de 18 027,27 euros avec intérêts au taux légal à compter du 15 juin 2018, outre l’indemnité forfaitaire de 40 euros prévue à l’article L.441 6 du code de commerce.

Les circonstances de l’espèce ne justifient pas le prononcé d’une amende civile, sans qu’il soit besoin de statuer sur ce chef de demande, la sanction ne pouvant être prononcée que par la juridiction statuant d’office.

La société Bat Immo qui succombe sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

Elle sera condamnée à verser la somme de 2000 euros à la société Segonzac au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par décision contradictoire et en dernier ressort,

Déboute la société Bat Immo de sa demande d’annulation de la décision rendue le 6 janvier 2020 par le tribunal de commerce de Bordeaux,

Infirme la décision rendue le 6 janvier 2020 par le tribunal de commerce de Bordeaux en ce qu’elle a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par la société Bat Immo,

et statuant à nouveau sur le fondement de l’article 90 du code de procédure civile,

Condamne la société Bat Immo à verser à la société Segonzac la somme de 18 027,27 euros avec intérêts au taux légal à compter du 15 juin 2018, outre l’indemnité forfaitaire de 40 euros prévue à l’article L.441 6 du code de commerce,

Condamne la société Bat Immo aux dépens de première instance et d’appel.

Condamne la société Bat Immo à verser la somme de 2000 euros à la société Segonzac au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Le présent arrêt a été signé par Mme Pignon, présidente, et par M. Goudot, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

 


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