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CF/VD
MINUTE N° 22/435
NOTIFICATION :
Copie aux parties
Clause exécutoire aux :
– avocats
– parties non représentées
Le
Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE – SECTION SB
ARRET DU 12 Mai 2022
Numéro d’inscription au répertoire général : 4 SB N° RG 21/03266 – N° Portalis DBVW-V-B7F-HUG6
Décision déférée à la Cour : 05 Mai 2021 par le pôle social du Tribunal Judiciaire de STRASBOURG
APPELANTE :
Caisse AOK BADEN WÜRTEMBERG, caisse d’assurance maladie de droit allemand, représentée par la gérance de la AOK BEZIRKSDIREKTION NORDSCHWARZWALD, prise en la personne de sa gérante suppléante, Mme [T] [J]
Herzog-Eugen-Strasse 26
72250 FREUDENSTADT – ALLEMAGNE
Représentée par Me Nadine HEICHELBECH, avocat au barreau de COLMAR
INTIMEES :
Société WEINMANN AACH AG
Am Eichwald 6
72280 DORNSTETTEN – Allemagne
Représentée par Me Guillaume HARTER, avocat au barreau de COLMAR, substitué par Me Michel FEUERBACH, avocat au barreau de STRASBOURG
URSSAF D’ALSACE
16, rue Contades
67945 STRASBOURG
Comparant en la personne de Mme [I] [U], munie d’un pouvoir
Organisme CENTRE NATIONAL DES FIRMES ETRANGERES
16, rue Contades
67945 STRASBOURG
DEUTSCHE RENTENVERSICHERUNG BUNDRuhrstraße 2
10704 BERLIN – ALLEMAGNE
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 10 Février 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre,
Mme ARNOUX, Conseiller
Mme HERY, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme WALLAERT, Greffier
ARRET :
– réputé contradictoire
– prononcé par mise à disposition au greffe par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre,
– signé par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre et Mme WALLAERT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
FAITS ET PROCÉDURE
La société de droit allemand Weinmann Aach AG a fait l’objet d’un contrôle portant sur une recherche des infractions aux interdictions du travail dissimulé, puis d’un redressement de la part de l’URSSAF Alsace notifié par lettre d’observations du 4 avril 2016 et réclamé par une mise en demeure du 23 décembre 2016 pour un montant total de 196.489 euros à la suite de la réception par l’URSSAF en mai 2014 d’un courrier dénonçant que M. [F] [E], résidant en France, y avait travaillé entre le 1er mars 1994 et le 1er mai 2013 pour le compte de la société allemande Weinmann Aach AG et que la société n’avait pas cotisé au bon régime de sécurité sociale durant l’activité du salarié.
Après avoir contesté le redressement devant la commission de recours amiable qui a rejeté sa requête le 3 juillet 2017, la société Weinmann Aach AG a, le 21 septembre 2017, saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale du Bas-Rhin en contestation de ce rejet.
La société Weinmann Aach AG a sollicité la mise en cause des organismes allemands d’affiliation, respectivement l’AOK BADEN WURTTEMBERG et la DEUTSCHE RENTENVERSICHERUNG BUND.
Par assignation délivrée le 29 mars 2019, elle a sollicité la garantie de l’AOK BADEN WURTTEMBERG et de la DEUTSCHE RENTENVERSICHERUNG BUND in solidum de toute condamnation en principal, redressement, majoration, pénalités, intérêts et accessoires qui pourrait être prononcée par le tribunal judiciaire à son encontre au profit de l’URSSAF ou du Centre national des firmes étrangères.
L’AOK BADEN WURTTEMBERG a soulevé l’incompétence du tribunal judiciaire de Strasbourg auquel le contentieux a été transféré.
Par jugement du 5 mai 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Strasbourg s’est déclaré compétent pour statuer sur l’appel en garantie à l’encontre de la caisse de sécurité sociale allemande AOK BADEN WURTTEMBERG, a réservé à statuer sur les frais et dépens, et a renvoyé l’instance et les parties à une audience ultérieure de mise en état.
Vu l’appel interjeté par la caisse d’assurance maladie de droit allemand AOK BADEN WURTTEMBERG le 16 juillet 2021 à l’encontre du jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Strasbourg du 5 mai 2021, notifié le 17 mai 2021 ;
Vu la fixation du dossier à l’audience du 10 février 2022 ;
Vu les conclusions du 31 Janvier 2022, reprises oralement à l’audience, aux termes desquelles la caisse AOK BADEN WURTTEMBERG demande à la cour d’infirmer le jugement déféré, de rejeter l’appel incident, les demandes et conclusions de la société Weinmann, de déclarer incompétent le tribunal judiciaire de Strasbourg pour statuer sur l’appel en garantie à son encontre, de condamner la société Weinmann à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de condamner cette société aux frais et dépens ;
Vu les conclusions visées le 3 février 2022, reprises oralement à l’audience, aux termes desquelles la société de droit allemand Weinmann Aach AG demande à la cour de :
‘ annuler la déclaration d’appel ;
‘ la déclarer caduque ;
‘ déclarer l’appel compétence de l’AOK irrecevable et infondé ;
‘ confirmer la compétence territoriale du tribunal judiciaire de Strasbourg en son pôle social pour connaître du litige ;
‘ lui renvoyer la cause et les parties pour continuation des débats ;
‘ condamner l’AOK en tous les frais et dépens ;
‘ la condamner au paiement de la somme de 3.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
‘ réformer partiellement le jugement entrepris sur appel incident ;
‘ dire que seul le Juge de la mise en état pouvait connaître de l’incident ;
‘ dire l’exception d’incompétence en tant qu’elle fut déférée au tribunal irrégulière ;
‘ déclarer l’exception d’incompétence irrecevable ;
‘ renvoyer la cause et les parties par-devant le pôle social du tribunal judiciaire de Strasbourg ;
Vu les conclusions visées le 27 janvier 2022, reprises oralement à l’audience, aux termes desquelles l’URSSAF d’Alsace demande à la cour de déclarer l’appel formé par l’AOK BADEN WURTTEMBERG recevable et s’en remet à l’appréciation de la cour de céans quant à la compétence des juridictions de sécurité sociale pour statuer sur l’appel en garantie contre les organismes de sécurité sociale allemands ;
Vu la non comparution à l’audience du 10 février 2022 de la caisse DEUTSCHE RENTENVERSICHERUNG BUND, que la caisse AOK BADEN WURTTEMBERG justifie avoir appelée en intervention par acte remis le 19 octobre 2021 et qui a été convoquée à l’audience par lettre recommandée du greffe dont elle a signé l’avis de réception le 9 septembre 2021 ;
Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l’article 455 du code de procédure civile, pour l’exposé de leurs moyens et prétentions ;
MOTIFS
Sur la recevabilité de l’appel
La société de droit allemand Weinmann Aach AG soutient que l’appel est irrecevable aux motifs que :
‘ l’AOK a acquiescé à la dévolution du litige au tribunal judiciaire de Strasbourg ;
‘ la déclaration d’appel n’est pas motivée ;
‘ l’appel est tardif ;
‘ la déclaration d’appel mal formée est inopérante ;
‘ la capacité juridique de l’AOK appelante n’est pas précisée ;
‘ l’appel est caduc.
La société Weinmann Aach AG ajoute que l’AOK devait être déclarée irrecevable en son exception d’incompétence pour avoir saisi le tribunal et non le président de la formation de jugement, exclusivement compétent pour statuer sur les exceptions d’incompétence en tant que juge de la mise en état.
Concernant l’exception d’acquiescement, il résulte des éléments de la procédure que c’est bien l’AOK BADEN WURTTEMBERG, assignée à comparaître devant le pôle social du tribunal judiciaire de Strasbourg, qui a soulevé l’incompétence territoriale du tribunal. La société Weinmann Aach AG, qui ne peut sérieusement reprocher à l’organisme allemand d’avoir conclu en défense, n’apporte aucun élément permettant de retenir un quelconque acquiescement de l’AOK et ne justifie d’aucune exception de préclusion ou d’estoppel.
Concernant la motivation de la déclaration d’appel, l’article 85 du code de procédure civile dispose que la déclaration d’appel doit à peine d’irrecevabilité, être motivée, soit dans la déclaration d’appel elle-même, soit dans des conclusions jointes à cette déclaration.
L’article 85 précise que l’appel est instruit et jugé comme en matière de procédure à jour fixe si les règles applicables à l’appel des décisions rendues par la juridiction dont émane le jugement frappé d’appel imposent la constitution d’avocat, ou dans le cas contraire, comme il est dit à l’article 948.
En l’espèce, il ressort des pièces de procédure que l’AOK a effectué toutes les diligences en vue de l’appel du jugement rendu sur la compétence, ce le 16 juillet 2021, soit :
‘ la déclaration d’appel par le réseau privé virtuel avocat (RPVA) à laquelle était joint le jugement, avec indication que « La requête à jour fixe, ainsi que la motivation de l’appel (‘) sont jointes en annexe »,
‘ le dépôt au greffe de la cour le 16 juillet 2021 d’un acte unique, adressé à Mme le Premier Président de la cour, valant « requête et conclusions conformément à l’article 919 al 3 du CPC et des articles 84 et 85 du CPC visant l’appel des jugements sur la compétence », l’acte exposant les motifs justifiant tant l’appel que la demande de fixation prioritaire du dossier et distinguant les prétentions adressées à la cour et à la Première Présidente de la cour.
Il s’ensuit, nonobstant la référence erronée dans l’acte précédent à l’article 919 du code de procédure civile, c’est à dire à la procédure à jour fixe, alors que devait être visé l’article 948 concernant la procédure sans représentation obligatoire, que la déclaration d’appel a été régulièrement motivée dès sa transmission par voie de RPVA.
Concernant le respect du délai d’appel, la caisse allemande AOK a interjeté appel le 16 juillet 2021 du jugement qui d’après les pièces de procédure lui a été notifié le 17 mai 2021.
Par application de l’article 643 du code de procédure civile, le délai d’appel se trouvant augmenté de deux mois au bénéficie de la caisse, l’appel n’a pas été interjeté tardivement par l’organisme de droit allemand.
Concernant la régularité de la déclaration d’appel, il est jugé que même sous le régime de la procédure sans représentation obligatoire, la déclaration d’appel adressée par le Réseau privé virtuel avocat (RPVA) est recevable dès lors qu’elle respecte les formalités des articles 58 et 933 du code de procédure civile.
Concernant la capacité à agir de l’organe représentant l’AOK BADEN WURTTEMBERG, s’il résulte des conclusions de l’appelante que l’AOK est représentée par la « gérance de l’AOK Bezirksdirektion Noedschwarzwald », en la personne de sa gérante, il n’est pas prétendu que l’AOK n’aurait pas la capacité d’agir en justice et la société Weinmann Aach AG qui l’a assignée en garantie se borne à mettre en doute la capacité à agir de l’organe qui la représente.
Concernant la caducité de l’appel, elle ne saurait être encourue en l’absence de texte, la procédure applicable n’étant pas celle visée à l’article 919 du code de procédure civile mais celle visée à l’article 948 du même code concernant la procédure sans représentation obligatoire.
Enfin c’est à tort que la société Weinmann Aach AG prétend au visa de l’article R142-10-5 du code de la sécurité sociale et des articles 780 et suivants du code de procédure civile que la caisse AOK s’est mépris en s’abstenant de saisir le président du tribunal de l’exception d’incompétence, l’article précité R142-10-5 dans sa modification issue du décret n°2019-1506 du 30 décembre 2019 s’appliquant aux recours juridictionnels introduits à compter du 1er janvier 2020, et ne s’appliquant donc pas en l’espèce l’assignation en garantie datant du 29 mars 2019.
Du tout il se déduit que les moyens invoqués par la société Weinmann Aach AG ne sont pas fondés, ce qui commande de déclarer l’appel de la caisse AOK BADEN WURTTEMBERG recevable.
Sur la compétence territoriale du tribunal judiciaire de Strasbourg
A l’appui de son recours, la caisse AOK BADEN WURTTEMBERG fait essentiellement valoir que le tribunal judiciaire de Strasbourg n’a pas compétence pour trancher un litige qui oppose une société de droit allemand à un organisme de sécurité sociale allemand.
Elle soutient en substance que :
‘ le Règlement Bruxelles 1 bis aurait dû être appliqué ;
‘ les règles de droit européen sont exclues en matière de sécurité sociale ;
‘ l’article 333 du code de procédure civile doit être écarté lorsqu’il s’agit de relations intra-communautaires.
Aux termes de l’article premier, 2, c) du Règlement (UE) n°1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, dit « Règlement Bruxelles 1 bis », ce règlement ne s’applique pas au domaine de la sécurité sociale.
Il convient ainsi d’appliquer les dispositions nationales.
La cour rappelle que la compétence internationale du juge français se détermine par l’extension dans l’ordre international des règles de compétence territoriale interne prévues par les articles 42 et suivants du code de procédure civile.
De plus, l’article 333 du code de procédure civile relatif à l’intervention forcée dispose que le tiers mis en cause est tenu de procéder devant la juridiction saisie de la demande originaire, sans qu’il puisse décliner la compétence territoriale de cette juridiction, même en invoquant une clause attributive de compétence.
Si la jurisprudence a considéré que l’article 333 du code de procédure civile est inapplicable dans l’ordre international en présence d’une clause compromissoire ou d’une clause attributive de juridiction, il en va autrement en l’absence de telles clauses.
Il résulte de la combinaison de ces dispositions que la compétence en faveur du pôle social du tribunal judiciaire de Strasbourg, saisi à titre principal d’une contestation d’un redressement de l’URSSAF pour travail dissimulé, est étendue à la caisse allemande de sécurité sociale mise en cause par la société de droit allemand dès lors que cette dernière invoquait l’application du droit allemand ainsi qu’une affiliation des salariés concernés par le redressement litigieux en Allemagne, faisant ainsi ressortir la nécessité d’observer le principe du contradictoire d’une part, et l’existence d’un lien de nature à permettre d’attraire la caisse de sécurité sociale allemande devant la juridiction française saisie d’un litige portant sur l’affiliation d’un assuré social déjà couvert par les dispositions allemandes.
De ce qui précède, il se déduit que le jugement rendu doit être confirmé.
Partie perdante, la caisse AOK BADEN WURTTEMBERG sera condamnée aux dépens d’appel et déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.
L’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de la société Weinmann Aach AG qui sera déboutée de sa demande de ce chef.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt réputé contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la Loi,
DECLARE l’appel interjeté recevable ;
CONFIRME le jugement entrepris rendu le 5 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Strasbourg en toutes ses dispositions ;
CONDAMNE la caisse AOK BADEN WURTTEMBERG aux dépens d’appel ;
REJETTE les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile ;
DIT qu’en application de l’article 86 du code de procédure civile, le dossier sera transmis par les soins du greffe au pôle social du tribunal judiciaire de Strasbourg devant lequel l’instance se poursuivra.
Le Greffier,Le Président,