Clause attributive de compétence : 12 mai 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 21/03676

·

·

Clause attributive de compétence : 12 mai 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 21/03676
Ce point juridique est utile ?

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2

ARRÊT

DU 12 MAI 2022

N° 2022/ 380

Rôle N° RG 21/03676 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BHC4M

S.A.R.L. DIAMOND BEACH

C/

S.A. SOGIMA EILLE (SOGIMA)

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Capucine VAN ROBAYS

Me Serge MAREC

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal Judiciaire de MARSEILLE en date du 05 Mars 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 20/03956.

APPELANTE

S.A.R.L. DIAMOND BEACH,

Prise en la personne de son représentant légal en exercice

dont le siège social est situé [Adresse 1]

représentée par Me Capucine VAN ROBAYS, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

S.A. SOCIÉTÉ DE GESTION IMMOBILIERE DE LA VILLE DE MARSEILLE (SOGIMA), Prise en la personne de son représentant légal en exercice

dont le siège social est situé [Adresse 2]

représentée par Me Serge MAREC, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 22 Mars 2022 en audience publique devant la cour composée de :

M. Gilles PACAUD, Président

Mme Sylvie PEREZ, Conseillère

Mme Catherine OUVREL, Conseillère rapporteur

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Julie DESHAYE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Mai 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Mai 2022,

Signé par M. Gilles PACAUD, Président et Mme Julie DESHAYE, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Par délégation de la commune de [Localité 3] du 11 juin 1990, la SA Sogima est gestionnaire de locaux situés sur le domaine public maritime.

Le 19 mars 2013, la SA Sogima a souscrit avec la société BBNY un contrat d’amodiation relatif à l’exploitation des locaux situés lot 22, [Adresse 1]. Le 7 août 2019, la société BBNY a cédé son fonds de commerce à la SARL Diamond Beach.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 17 septembre 2020, la SA Sogima a adressé à la SARL Diamond Beach une mise en demeure de payer la somme de 34 519,68 € au titre des redevances et charges dues pour la période du 1er mars au 30 septembre 2020 visant les dispositions de l’article 11.1.1 du contrat d’amodiation.

Cette mise en demeure a été réitérée par huissier de justice le 21 septembre 2020.

Par ordonnance en date du 5 mars 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Marseille a :

rejeté l’exception d’incompétence,

rejeté la demande de réouverture des débats,

constaté la résiliation de plein droit du contrat d’amodiation de la SARL Diamond Beach sur le lot numéro 22 situé [Adresse 1],

ordonné l’expulsion de la SARL Diamond Beach et celle de tous occupants de son chef du lot numéro 22 situé [Adresse 1], avec le concours de la force publique et d’un serrurier si nécessaire, ce, dès signification de la présente ordonnance,

condamné la SARL Diamond Beach à payer, à titre provisionnel, à la SA Sogima, la somme de 59 930,24 € correspondant aux redevances impayées depuis mars 2020, arrêtées au 31 janvier 2021 selon relevé de compte du 11 janvier 2021,

condamné la SARL Diamond Beach à payer, à titre provisionnel, à la SA Sogima une indemnité mensuelle d’occupation égale au montant de la dernière redevance mensuelle, en ce compris la provision sur charges due à compter de la présente ordonnance,

condamné la SARL Diamond Beach à payer à la SA Sogima la somme de 800 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

condamné la SARL Diamond Beach aux entiers dépens qui comprendront le coût de la signification de la mise en demeure du 21 septembre 2020,

rejeté la demande en paiement par la SARL Diamond Beach des sommes éventuellement retenues par l’huissier de justice en cas d’exécution forcée par application de l’article 10 du décret du 8 mars 2001.

Selon déclaration reçue au greffe le 11 mars 2021, la SARL Diamond Beach a interjeté appel de la décision, l’appel portant sur toutes les dispositions de l’ordonnance déférée dûment reprises.

Par dernières conclusions transmises le 22 avril 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SARL Diamond Beach demande à la cour de :

réformer l’ordonnance en toutes ses dispositions,

In limine litis :

juger recevable l’exception d’incompétence soulevée par elle,

juger que le litige, concernant l’occupation du domaine public maritime consenti par la SA Sogima à la SARL Diamond Beach, dans le cadre d’une sous-concession accordée à la SA Sogima par la commune de Marseille, relève de la seule compétence du tribunal administratif de Marseille,

déclarer les juridictions judiciaires incompétentes pour connaître du litige au profit du tribunal administratif de Marseille,

A titre subsidiaire, si la juridiction judiciaire se déclarait compétente :

débouter la SA Sogima de ses demandes,

condamner la SA Sogima à lui régler la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

condamner la SA Sogima au paiement des dépens.

La SARL Diamond Beach soulève l’exception d’incompétence de la juridiction judiciaire en application de l’article L 2331-1 du code général des personnes publiques, le contrat en cause portant sur l’occupation du domaine public maritime, au titre d’une sous-concession accordée par la ville de [Localité 3] à la SA Sogima. Elle ajoute que les règles relatives à la compétence sont d’ordre public, de sorte que la clause attributive de compétence contraire ne peut valablement être opposée.

La SARL Diamond Beach soulève la violation de l’article 12 du code de procédure civile par le premier juge en ce qu’il ne lui a pas permis de présenter des conclusions sur le fond conformément à l’article 78 du code de procédure civile, dès lors que le premier juge retenait sa compétence.

La SARL Diamond Beach, à titre subsidiaire, invoque les dispositions de l’ordonnance n°2020-316 du 25 mars 2020, le contexte de pandémie et de fermeture des établissements de restauration, ainsi que la loi n°2020-1379 du 14 novembre 2020 et les prorogations de l’état d’urgence sanitaire pour soutenir que la SA Sogima ne pouvait réclamer et obtenir la résiliation du contrat d’amodiation. L’appelante explique que la SA Sogima aurait pu, si elle avait été diligente, prélever sur son compte les redevances. Enfin, elle demande une remise de redevances ainsi que d’autres commerces sous contrat d’amodiation ont pu en profiter.

Par ordonnance sur incident du 15 septembre 2021, les conclusions transmises le 2 août 2021 au nom de la Sogima ont été déclarées irrecevables.

L’instruction de l’affaire a été close par ordonnance en date du 8 mars 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La cour d’appel précise, à titre liminaire, qu’elle n’est pas tenue de statuer sur les demandes de ‘constatations’, de ‘prise d’acte’ ou de ‘dire et juger’ qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu’elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques.

Sur l’exception d’incompétence

En vertu de l’article 76 du code de procédure civile, sauf application de l’article 82-1, l’incompétence peut être prononcée d’office en cas de violation d’une règle de compétence d’attribution lorsque cette règle est d’ordre public ou lorsque le défendeur ne comparaît pas. Elle ne peut l’être qu’en ces cas.

Devant la cour d’appel et devant la Cour de cassation, cette incompétence ne peut être relevée d’office que si l’affaire relève de la compétence d’une juridiction répressive ou administrative ou échappe à la connaissance de la juridiction française.

Par application de la loi des 16-24 août 1790, du décret du 16 fructidor An III, et de l’article L 2331-1 1° du code général de la propriété des personnes publiques, sont portés devant la juridiction administrative les litiges, même entre deux personnes de droit privé, relatifs aux autorisations ou contrats comportant occupation du domaine public, quelle que soit leur forme ou leur dénomination, accordées ou conclus par les personnes publiques ou leurs concessionnaires.

En l’occurrence, les parties sont liées par un contrat d’amodiation signé le 19 mars 2013 relatif à l’exploitation de locaux, situés sur le domaine public maritime, dont la SA Sogima est gestionnaire, par délégation de la commune de [Localité 3]. En préambule de ce contrat, il est expressément indiqué que ‘l’amodiateur autorise l’amodiataire à occuper le local désigné dans les conditions propres au domaine public maritime’.

Certes, en son article 25 le contrat stipule ‘qu’en cas de litige, les tribunaux de Marseille sont seuls compétents, et, qu’en matière de redevances et charges, le tribunal de grande instance de Marseille est seul compétent’. En aucun cas, cette clause ne vaut clause attributive de compétence au delà de ce qu’elle prévoit, et notamment, au titre d’un litige relatif à la résiliation même du contrat d’amodiation, quelle qu’en soit la cause. Aussi, l’existence de cette clause attributive de compétence (compétence du tribunal judiciaire de Marseille ici) ne peut être valablement opposée.

En tout état de cause, la compétence des juridictions administratives, s’agissant d’un litige relatif à une autorisation d’occupation et d’exploitation du domaine public maritime, est d’ordre public et s’applique ici.

En conséquence, la juridiction judiciaire doit se déclarer incompétente au profit de la juridiction administrative au titre des demandes présentées par la SA Sogima. L’infirmation de l’ordonnance entreprise s’impose donc.

En l’état de cette incompétence, il n’y a pas lieu d’envisager plus avant la réformation de l’ordonnance entreprise.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

La SA Sogima qui succombe au litige supportera les dépens de première instance et d’appel, l’ordonnance entreprise étant également infirmée de ce chef. Il serait en outre inéquitable de laisser à la charge de la SARL Diamond Beach les frais, non compris dans les dépens, qu’elle a exposés pour sa défense. Il convient de lui allouer une indemnité de 1 500 euros en cause d’appel à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Se déclare incompétente pour connaître du présent litige au profit des juridictions de l’ordre administratif,

Condamne la SA Sogima à payer à la SARL Diamond Beach la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SA Sogima au paiement des dépens.

La Greffière Le Président

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x