Clause attributive de compétence : 12 mai 2021 Cour de cassation Pourvoi n° 19-26.206

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Clause attributive de compétence : 12 mai 2021 Cour de cassation Pourvoi n° 19-26.206
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SOC.

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 mai 2021

Rejet non spécialement motivé

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Décision n° 10459 F

Pourvoi n° C 19-26.206

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 MAI 2021

M. [U] [A], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 19-26.206 contre l’arrêt rendu le 27 septembre 2019 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence (chambre 4-6), dans le litige l’opposant à la société Al Anwae Trading And Contracting Establishment, dont le siège est [Adresse 2] (Arabie Saoudite), défenderesse à la cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. [A], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Al Anwae Trading And Contracting Establishment, après débats en l’audience publique du 17 mars 2021 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.

1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l’encontre de la décision attaquée, n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

2. En application de l’article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.

EN CONSÉQUENCE, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [A] aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze mai deux mille vingt et un. MOYEN ANNEXE à la présente décision

Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour M. [A]

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR dit que le conseil de prud’hommes de [Localité 1] n’était pas compétent pour connaître du litige opposant M. [U] [A] à la société Al Anwae Trading And Contracting Establishment et renvoyé les parties à mieux se pourvoir, et d’AVOIR condamné M. [U] [A] aux entiers dépens de première instance et d’appel,

AUX MOTIFS QUE « Selon l’article 21, § 2, du règlement (UE) n° 1215/2012, du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, applicable à partir du 10 janvier 2015, un employeur qui n’est pas domicilié sur le territoire d’un État membre peut être attrait, dans un État membre, devant la juridiction du lieu où ou à partir duquel le travailleur accomplit habituellement son travail. Si une clause attributive de juridiction incluse dans un contrat de travail international ne peut faire échec aux dispositions impératives de l’article R 1412-1 du code du travail applicables dans l’ordre international, cette clause est toutefois valide dès lors que le salarié exécute sa prestation de travail habituellement à l’étranger. Il résulte des éléments d’appréciation que M. [A], de nationalité canadienne, engagé par une société saoudienne dont le siège social est situé à [Localité 2] en Arabie Saoudite et qui ne dispose pas d’établissement, succursale ou agence en France, a eu pour seule base d’affectation [Localité 2] en Arabie Saoudite, et que s’il a été amené à se déplacer à bord des avions de la compagnie dans différents pays dont la France, il a toutefois exécuté ses fonctions de mécanicien consistant en des contrôles et interventions en vol comme au sol, essentiellement en Arabie Saoudite. Par ailleurs, si l’impossibilité pour une partie d’accéder au juge chargé de se prononcer sur sa prétention et d’exercer un droit qui relève de l’ordre public international constitue un déni de justice fondant la compétence de la juridiction française lorsqu’il existe un rattachement avec la France, M. [A] ne justifie pas avoir tenté ni être dans l’impossibilité d’accéder à la juridiction chargée de se prononcer sur sa prétention notamment par le biais d’un avocat chargé de défendre ses intérêts au cours d’un procès qui, le concernant, ne peut être inéquitable du seul fait qu’il doit se dérouler devant une juridiction saoudienne. Il s’en déduit que le conseil de prud’hommes de Toulon est incompétent pour connaître des demandes du salarié à l’égard de la société. Le jugement entrepris sera donc infirmé et les parties renvoyées à mieux se pourvoir. »

1. ALORS QU’une clause attributive de compétence incluse dans un contrat de travail international ne peut faire échec aux dispositions impératives de l’article R. 1412-1 du code du travail applicables dans l’ordre international ; qu’en particulier, elle ne peut faire échec à la compétence du conseil de prud’hommes du lieu du domicile du salarié exécutant son travail en dehors de tout établissement, a fortiori s’il a exécuté, même partiellement, son travail en France ; qu’en l’espèce, M. [A], ayant son domicile dans le ressort du conseil de prud’hommes de Toulon au moment de la saisine de la juridiction, était mécanicien navigant et avait donc exécuté son travail en dehors de tout établissement ; qu’il était constant qu’il avait passé plus de 30 % de son temps de travail en France ou sur des vols en provenance ou à destination de France (conclusions d’appel du salarié, p. 8 ; conclusions d’appel de l’employeur, p. 17) ; qu’en jugeant cependant que la clause de son contrat de travail attribuant compétence aux juridictions saoudiennes était valide au prétexte que M. [A], de nationalité canadienne, engagé par une société saoudienne dont le siège social était situé à [Localité 2] en Arabie Saoudite et qui ne disposait pas d’établissement, succursale ou agence en France, avait eu pour seule base d’affectation [Localité 2] en Arabie Saoudite et que s’il avait été amené à se déplacer à bord des avions de la compagnie dans différents pays dont la France, il avait toutefois exécuté ses fonctions de mécanicien consistant en des contrôles et interventions en vol comme au sol, essentiellement en Arabie Saoudite, la cour d’appel a violé les articles L. 1221-5, R. 1412-1 et R. 1412-4 du code du travail ;

2. ALORS en toute hypothèse QUE l’impossibilité de droit ou de fait pour une partie d’accéder au juge chargé de se prononcer sur sa prétention et d’exercer un droit qui relève de l’ordre public international constitue un déni de justice fondant la compétence de la juridiction française lorsqu’il existe un rattachement avec la France ; qu’en l’espèce, le salarié soulignait sans être démenti que depuis son licenciement, il ne pouvait plus se rendre en Arabie Saoudite en raison des conditions d’entrée et de séjour des étrangers en vigueur dans ce pays, que le propriétaire de la société employeur était un membre par alliance de la famille royale saoudienne (frère de la troisième épouse du défunt roi Fahd [X] [S] [L] et oncle du prince Abdul [S] Fahd [X] [S] [L]) et l’une des fortunes les plus importantes d’Arabie Saoudite, exerçant à ce titre une influence considérable dans le pays (conclusions d’appel, p. 11-12 ; prod. 6 à 8) ; qu’il ajoutait, preuves à l’appui, que de nombreux rapports et articles de presse ainsi qu’une résolution du Parlement européen du 11 mars 2014 faisaient état des dérives du système judiciaire saoudien y compris depuis les réformes de 2007 invoquée par l’employeur, que les règles judiciaires saoudiennes laissaient peu de place à l’avocat, que les requérants étaient parfois encouragés par les juges à ne pas avoir recours à un avocat, que pour exercer en Arabie Saoudite les avocats devaient être de nationalité saoudienne et agréés par le ministère de la justice ce qui jetait nécessairement un doute sur leur indépendance et leur liberté de parole, que les risques de pressions sur les magistrats et avocats saoudiens étaient avérés, que la liberté d’expression était soumise à de nombreuses et importantes restrictions et celle des avocats était particulièrement restreinte, que les ressortissants étrangers n’avaient pas droit à un procès équitable et impartial, la justice saoudienne ne statuant en règle générale pas en leur faveur et qu’en particulier la justice n’avait pas l’habitude de rétablir les travailleurs migrants dans leurs droits, que leurs difficultés de compréhension linguistique aggravaient leur situation et que ces derniers avaient même selon l’ONG Human Rights Watch « tout intérêt à éviter le système judiciaire saoudien qui fonctionne sur la base d’aveux, souvent extorqués sous la torture dans une procédure secrète n’obéissant à aucune norme internationale » ; qu’il concluait que le risque que l’employeur puisse peser de manière décisive sur la décision de justice ne pouvait être ignoré, ayant été rencontré à de nombreuses reprises selon les témoignages rapportés sur le fonctionnement de la justice saoudienne (conclusions d’appel, p. 12 à 15 ; prod. 9 à 25) ; qu’en se bornant à énoncer que M. [A] ne justifiait pas avoir tenté ni être dans l’impossibilité d’accéder à la juridiction chargée de se prononcer sur sa prétention notamment par le biais d’un avocat chargé de défendre ses intérêts au cours d’un procès qui, le concernant, ne pouvait être inéquitable du seul fait qu’il devait se dérouler devant une juridiction saoudienne, sans rechercher si l’impossibilité pour le salarié de rencontrer le juge saoudien et l’ensemble des éléments précis avancés par le salarié sur le défaut d’impartialité et d’indépendance du système judiciaire saoudien à l’égard des membres de la famille royale et au détriment notamment des travailleurs étrangers ne rendaient pas impossible l’accès effectif à un juge indépendant et impartial et à un procès équitable en Arabie Saoudite pour M. [A], la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard du principe du déni de justice, ensemble l’article 6, § 1 de la Convention européenne des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.

 


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