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COMM.
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 mai 2021
Rejet non spécialement motivé
Mme DARBOIS, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président
Décision n° 10229 F
Pourvoi n° N 19-18.395
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 12 MAI 2021
La société 1906 Collins LLC, société de droit américain, dont le siège est [Adresse 1]), a formé le pourvoi n° N 19-18.395 contre l’arrêt rendu le 19 avril 2019 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 2), dans le litige l’opposant à la société Peace United Ltd, société de droit anglais, dont le siège est [Adresse 2] (Royaume-Uni), défenderesse à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Mollard, conseiller, les observations écrites de Me Balat, avocat de la société 1906 Collins LLC, de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de la société Peace United Ltd, et l’avis de M. Douvreleur, avocat général, après débats en l’audience publique du 16 mars 2021 où étaient présents Mme Darbois, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, M. Mollard, conseiller rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, M. Douvreleur, avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l’encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l’article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société 1906 Collins LLC aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société 1906 Collins LLC et la condamne à payer à la société Peace United Ltd la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze mai deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par Me Balat, avocat aux Conseils, pour la société 1906 Collins LLC.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir débouté la société 1906 Collins LLC de son exception d’incompétence territoriale ;
AUX MOTIFS PROPRES QU’ il est constant, ainsi que l’ont relevé les premiers juges, que le contrat de licence de marque conclu le 1er août 2011 entre la société Baoli et la société Collins aux termes duquel la première, titulaire des marques « Baoli » française, européenne et américaine enregistrées respectivement à l’INPI sous le n° 073526695, à l’EUIPO sous le n° 006619977 et à l’USPTO sous le n° 3661083, concède à la seconde la licence d’exploitation des dites marques à titre exclusif, stipule en son article 17 qu’il est soumis aux règles du droit français et que « tout différend né entre les parties de son interprétation et/ou de son exécution sera, à défaut de résolution amiable, soumis par la partie la plus diligente au tribunal de commerce de Paris » ; que la société Collins qui est partie à ce contrat ne peut prétendre que cette clause contractuelle attributive de compétence ne serait pas applicable du seul fait de la cession intervenue au profit de la société Peace par contrat du 31 décembre 2011, alors que la mention de la transmission totale de la propriété des marques au profit de la société Peace a été inscrite aux registres concernés, ainsi qu’il est justifié par la production des certificats desdites marques, de sorte que ladite cession lui est opposable, et que sa demande de dire que la clause attributive de compétence n’aurait pas été transférée à la cessionnaire ne repose sur aucun fondement ; qu’il est en outre établi qu’elle a eu connaissance de ladite cession et qu’elle ne l’a pas contestée, ainsi qu’il résulte des preuves de l’exécution de ses obligations au cours des années 2012 à 2016, et notamment du paiement de ses redevances auquel elle a procédé au profit de la société Peace en août 2012, et de la transmission, selon courriel du 14 janvier 2016 (pièce 16), de son chiffre d’affaires détaillé pour le calcul du montant de la redevance due pour l’année 2015 (183.336,89 $) ; qu’il résulte des développements qui précèdent que la clause contractuelle attributive de compétence est opposable à la société Collins, et que les premiers juges doivent être approuvés en ce qu’ils ont rejeté l’exception d’incompétence territoriale ; que le jugement sera donc confirmé de ce chef ;
ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE la société de droit américain 1906 Collins LLC soutient que le contrat de licence de marque litigieux du 1er août 2011 est « par définition » un contrat intuitu personae et que sa cession, non dénoncée au licencié, n’entraîne pas de facto transfert de l’intégralité des clauses insérées au contrat, dont l’article 17, contenant la clause attributive donnant compétence du tribunal de commerce de Paris, le droit français étant applicable ; que ledit contrat ne contient aucune clause stipulant expressément qu’il est conclu intuitu personae et que les droits et obligations nés de celui-ci ne peuvent être cédés, transportés ou apportés en société sous réserve de l’accord préalable du concédant ; que, par ailleurs, il est constant qu’aux termes d’un contrat de « cession de marques distinctives » signé à [Localité 1] le 31 décembre 2011 entre la société Baoli et la société de droit anglais Peace United Ltd, un ensemble de sept marques, dont la marque « Baoli », a été cédé par la société Sarl Baoli à la société de droit anglais Peace United Ltd, avec effet au 1er janvier 2012 ; que ce contrat stipule que la loi applicable est la loi française et que les tribunaux compétents sont ceux du siège du cédant, la société Baoli, à [Localité 1] ; qu’il résulte des pièces produites et des débats que la cession des marques entre la société Baoli et la société de droit anglais Peace United Ltd ayant été enregistrée et publiée, notamment auprès des institutions spécialisées USPTO et INPI, elle est opposable à la société de droit américain 1906 Collins LLC ; que la société de droit américain 1906 Collins LLC a, pendant quatre années, continué à exécuter ses obligations issues de la licence de marques précitée et n’a formulé aucun commentaire ni réserve sur la cession desdites marques ; qu’en l’espèce, le litige qui oppose des sociétés de droit américain et anglais relève du droit international privé et porte sur l’exécution d’un contrat de licence de marques signé en France et contenant explicitement une clause d’attribution de compétence territoriale au tribunal de céans ; qu’en vertu des règles dites de prorogation de compétence du Règlement européen n° 1215/2012 et de la Convention de [Localité 2] du 30 juin 2005 sur les accords d’élection de for, les clauses attributives de compétence désignant les juridictions d’un Etat membre touchant à la matière civile ou commerciale sont applicables, peu important que les parties soient ou non domiciliées dans un Etat membre ; qu’en conséquence, le tribunal dira que la clause d’attribution de compétence territoriale insérée dans le contrat de licence de marque est licite, l’exception soulevée étant recevable et mal fondée ;
ALORS, D’UNE PART. QUE les contrats de licence de marque, conclus intuitu personae, ne sont pas librement cessibles et que l’agrément préalable du licencié doit toujours être obtenu par le cessionnaire éventuel ; qu’en jugeant le contrat de cession de marques distinctives signé le 31 décembre 2011 entre la société Baoli et la société Peace United Ltd opposable à la société 1906 Collins LLC du seul fait de l’inscription de la mention de la transmission totale de la propriété des marques aux registres concernés, cependant que, même dans le silence du contrat de licence signé le 1er août 2011 entre la société 1906 Collins LLC et la société Baoli, les droits et obligations des parties nés de ce contrat ne pouvaient, par nature, être cédées, transportées ou apportées en société sans l’accord préalable du licencié, la cour d’appel a violé l’article 1134, alinéa 1er, devenu 1103, du code civil ;
ALORS, D’AUTRE PART, QUE la renonciation à un droit ne se présume pas et doit résulter d’actes manifestant la volonté claire et non équivoque de son auteur ; qu’en retenant que la société 1906 Collins LLC avait approuvé la cession de marques distinctives consentie par la société Baoli au profit de la société Peace United Ltd selon contrat du 31 décembre 2011 en poursuivant ses relations contractuelles avec cette société, la cour d’appel a statué par des motifs insuffisants à faire ressortir que la société 1906 Collins LLC avait ainsi renoncé à se prévaloir de l’inopposabilité de la cession, à la société Peace United Ltd, du contrat de licence en date du 1er août 2011 qui la liait à la société Baoli, en violation de l’article 1134, alinéa 1er, devenu 1103, du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir débouté la société Collins de son exception d’incompétence matérielle ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE la cour rappelle que la compétence du tribunal, saisi par le placement d’un acte introductif d’instance, s’apprécie au jour de la délivrance de cet acte au regard des demandes qu’il contient, et que le tribunal de grande instance connaît de toutes les demandes incidentes qui ne relèvent pas de la compétence exclusive d’une autre juridiction ; qu’il résulte de l’assignation initiale que la société Peace a formé des demandes d’injonction de production de pièces et de condamnation en paiement de redevances en exécution d’un contrat de licence, fondées exclusivement sur le droit des contrats ; qu’en réponse, la société Collins a opposé des exceptions de nullité de l’assignation et des exceptions d’incompétence, sans avoir formé aucune demande reconventionnelle sur le fondement du droit des marques ; qu’il résulte de ces éléments que c’est à juste titre que les premiers juges ont retenu que le présent litige, qui est relatif à l’exécution et à la résiliation d’un contrat de licence, ne se fonde pas sur les dispositions du droit des marques, et qu’en conséquence il ne relève pas de la compétence spéciale du tribunal de grande instance mais de celle du tribunal de commerce ; que le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point ;
ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QU’ il s’agit en l’espèce d’un litige relatif à l’exécution et à la résiliation d’un contrat de licence de marque, ne se fondant pas sur des dispositions du droit des marques, mais sur le droit commun des contrats, ledit litige ne relève pas de la compétence spéciale du tribunal de grande instance, mais du tribunal de commerce qui connaît des contestations relatives aux relations entre commerçants ; qu’en conséquence, le tribunal se déclarera compétent ;
ALORS QUE les actions civiles relatives aux marques sont portées devant les tribunaux de grande instance ainsi que les actions mettant en jeu à la fois une question de marque et une question de concurrence déloyale connexes ; que, pour débouter la société 1906 Collins LLC de son exception d’incompétence matérielle, la cour d’appel a retenu que le litige qui l’opposait à la société Peace United Ltd n’était pas relatif au droit des marques mais uniquement à l’exécution et à la résiliation d’un contrat de licence ; qu’en statuant ainsi, cependant que la demande en paiement de redevances au titre de l’exercice 2015 en exécution du contrat de licence postulait que, selon la société Peace United Ltd, la société 1906 Collins LLC s’était livrée sur cette période à la contrefaçon par usage de ses marques « Baoli » et « My boyfriend is out of town », qu’elle utilisait sans droit dans son activité commerciale, la cour d’appel a violé l’article L. 716-3 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction applicable au litige.