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N° RG 21/01990 – N° Portalis DBVM-V-B7F-K3IN
C1
Minute :
Copie exécutoire
délivrée le :
Me Dominique FLEURIOT
la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU JEUDI 12 JANVIER 2023
Appel d’une décision (N° RG 2020J10)
rendue par le Tribunal de Commerce de ROMANS SUR ISERE
en date du 07 avril 2021
suivant déclaration d’appel du 29 Avril 2021
APPELANTE :
Société KORTRIJK XPO, société de droit belge, société étrangère immatriculée au RCS de LILLE sous le numéro 400 588 620, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 3] – BELGIQUE
représentée par Me Dominique FLEURIOT, avocat au barreau de VALENCE, postulant et par Me Marc STUBBE, avocat au barreau de LILLE
INTIMÉE :
S.A. SODIMAS, au capital de 3 834 000,00 €, immatriculée au RCS de ROMANS SUR ISERE sous le n° 303 265 045, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Dejan MIHAJLOVIC de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat au barreau de GRENOBLE, et par Me Jean Louis BARTHELEMY, avocat au barreau de la DROME
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente de Chambre,
Mme Marie Pascale BLANCHARD, Conseillère,
M. Lionel BRUNO, Conseiller,
DÉBATS :
A l’audience publique du 13 octobre 2022, Mme Marie-Pascale BLANCHARD, Conseillère qui a fait rapport assisté de Alice RICHET, Greffière, et en présence de Clémence RUILLAT, Greffière stagiaire, a entendu les avocats en leurs conclusions, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile. Puis l’affaire a été mise en délibéré pour que l’arrêt soit rendu ce jour, après prorogation du délibéré
EXPOSE DU LITIGE :
Les 5, 11 et 14 mars 2018, la Sa Sodimas s’est inscrite auprès d’Expo Conseil pour participer à des salons professionnels Architect@Work à [Localité 5] les 7 et 8 juin 2018, [Localité 7] les 27 et 28 septembre 2018 et [Localité 6] les 4 et 5 octobre 2018.
Le 30 mars 2018, elle a été informée de l’acceptation de sa candidature.
Par courriels des 7 et 11 juin 2018, la société Sodimas a successivement annulé sa participation aux trois salons.
Il lui a été demandé de s’acquitter de trois factures et après vaines mises en demeure des 27 mars, 10 avril et 12 septembre 2019, la société Kortrijk XPO l’a faite assigner en paiement devant la juridiction commerciale.
Par jugement du 7 avril 2021, le tribunal de commerce de Romans sur Isère a :
– constaté que la société de droit belge Kortrijk XPO ne justifiait pas sa qualité à agir à l’encontre de la Sa Sodimas,
– déclaré irrecevable la demande de la société Kortrijk XPO à l’encontre de la Sa Sodimas,
– liquidé et mis les dépens à la charge de la société Kortrijk XPO.
Suivant déclaration au greffe du 29 avril 2021, la société Kortrijk XPO a relevé appel de cette décision en toutes ses dispositions qu’elle a reprises dans son acte d’appel.
Prétentions et moyens de la société Kortrijk XPO :
Au terme de ses dernières écritures notifées le 17 février 2022, la société Kortrijk XPO demande à la cour de :
– dire et juger recevable et bien fondé l’appel interjeté par la société Kortrijk XPO ;
– infirmer le jugement en ce qu’il a :
. constaté que la société de droit belge Kortrijk XPO ne justifie pas sa qualité à agir à l’encontre de la Sa Sodimas,
. déclaré irrecevable la demande de la société de droit belge Kortrijk XPO à l’encontre de la Sa Sodimas,
. liquidé et mis les dépens à la charge de la société Kortrijk XPO,
– statuant à nouveau :
– in limine litis,
– rejeter l’exception d’incompétence de la société Sodimas Sa,
– sur le fond,
– rejeter la demande de nullité des contrats et débouter la société Sodimas Sa de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
– condamner la société Sodimas Sa à payer à la société Kortrijk XPO la somme de 10.951,20 euros,
– condamner la société Sodimas Sa à payer à la société Kortrijk XPO la somme de 1.642,68 euros au titre de la clause pénale et 1.913,37 euros au titre des intérêts de retard,
– condamner la société Sodimas Sa à payer à la société Kortrijk XPO la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– déclarer la société Sodimas Sa aux entiers dépens, en ce compris les dépens de première instance.
Sur l’exception d’incompétence, la société Kortrijk XPO relève que la société Sodimas est irrecevable à la soulever pour la première fois à hauteur d’appel et que la clause attributive de compétence ayant été stipulée dans son seul intérêt, elle y a valablement renoncé.
Elle fait valoir que pour exercer ses activités en France, elle a créé une succursale enregistrée au RCS et exploitée sous le nom commercial d’Expo Conseil, que l’ensemble des éléments d’identification d’Expo Conseil sont ceux de la société Kortrijk XPO, que les factures précisent qu’Expo Conseil est une succursale de la société Kortrijk XPO, qu’Expo Conseil est un établissement secondaire qui ne bénéficie pas de la personnalité juridique, mais d’une simple autonomie de gestion.
Elle considère que la société Sodimas ne démontre pas en quoi la personne de sa cocontractante était déterminante de son consentement, qu’elle a conclu les contrats avec Expo Conseil qui est son nom commercial et qu’il n’y a donc pas d’erreur sur la personne, qu’Expo Conseil a agi au nom de sa société mère et que la société Sodimas a été informée qu’il s’agissait d’une succursale de la société Kortrijk XPO.
Elle ajoute que son immatriculation au RCS est opposable aux tiers et donc à la société Sodimas.
Elle se prévaut des stipulations contractuelles qui prévoient expressément les conditions d’annulation et soutient que s’agissant d’une clause pénale, elle n’a pas à démontrer l’existence d’un préjudice, qu’elle n’a pu relouer le stand attribué à la société Sodimas sur le salon de [Localité 5] et que cette dernière a, en signant le contrat, reconnu avoir pris connaissance des conditions générales et les accepter.
Prétentions et moyens de la société Sodimas :
Selon ses dernières conclusions notifiées le 9 février 2022, la société Sodimas entend voir :
– in limine litis :
– à titre principal,
– constater que le contrat sur lequel l’appelante fonde sa demande contient une clause attributive de juridiction aux termes de laquelle seul le tribunal de commerce de Lille est compétent,
– infirmer en conséquence le jugement du tribunal de commerce de Romans sur Isère faute de compétence et renvoyer l’affaire devant le tribunal de commerce de Lille,
– subsidiairement,
– constater que la société de droit belge Kortrijk XPO est dépourvue de droit d’agir à l’encontre de la Sa Sodimas,
– confirmer le jugement du tribunal de commerce de Romans sur Isère en ce qu’il a déclaré irrecevable la demande de la société de droit belge Kortrijk XPO à défaut de qualité à agir,
– sur le fond,
– à titre principal,
– constater que le consentement de la société Sodimas a été vicié pour erreur sur les qualités essentielles de son cocontractant,
– prononcer la nullité des contrats et débouter la société Kortrijk XPO de l’intégralité de ses demandes,
– à titre subsidiaire,
– constater l’absence de toute clause lisible et de toute mention expresse justifiant les demandes indemnitaires de la société Kortrijk XPO et en tout état de cause du caractère manifestement excessif de la clause pénale invoquée,
– en conséquence, la débouter de l’intégralité de ses demandes,
– la condamner à verser à la Sa Sodimas la somme de 5000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.
La société Sodimas soulève l’exception d’incompétence territoriale du tribunal de commerce de Romans sur Isère au profit de celui de Lille au motif que les documents contractuels comportent une clause attributive de compétence qui s’impose.
Elle considère que cette exception est recevable puisque soulevée avant toute défense au fond.
Elle soutient que la société Kortrijk XPO n’a pas qualité à agir à son encontre alors qu’elle n’a pas contracté avec elle, mais avec Expo Conseil, émettrice des factures et qu’elle n’a jamais eu l’intention de s’engager avec un autre cocontractant.
Elle estime qu’elle a signé les contrats de réservation en considération de la personne de son cocontractant, que son consentement a été vicié puisqu’Expo Conseil n’ayant pas la personnalité juridique n’avait pas la capacité de contracter ce qu’elle lui a dissimulé.
Subsidiairement, elle fait valoir que la clause pénale est illisible et qu’il n’est pas démontré que les parties sont convenues d’une indemnisation en cas d’annulation, que la société Kortrijk XPO ne justifie pas de l’existence d’un préjudice alors que certains des emplacements ont été reloués, que la clause a un caractère manifestement excessif et doit être réduite.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 29 septembre 2022.
MOTIFS DE LA DECISION :
1°) sur l’exception d’incompétence :
L’article 74 du code de procédure civile impose aux parties, à peine d’irrecevabilité, de soulever les exceptions de procédure avant toute défense au fond ou fin de non recevoir et il résulte de ces dispositions qu’une partie qui a conclu au fond en première instance est irrecevable à se prévaloir d’une telle exception en appel.
La société Sodimas a conclu en première instance en soulevant la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la société Kortrijk XPO, puis sur le fond de sa demande.
A défaut d’avoir préalablement soulevé la question de la compétence du tribunal de commerce de Romans sur Isère, elle est irrecevable à le faire pour la première fois à hauteur d’appel.
2°) sur la fin de non-recevoir :
Les trois contrats de participation aux salons Architect@Work, remplis et signés par la société Sodimas, désignent Expo Conseil en qualité d’organisateur de ces manifestations et d’interlocuteur du participant. Ils comportent notamment son numéro d’immatriculation au Rcs de Lille.
La société Kortrijk XPO justifie par la production de son Kbis qu’elle est bien la société inscrite sous ce numéro et qu’Expo Conseil est le nom commercial de son établissement sur le territoire français.
Les factures dont le paiement est réclamé, au nom de XPO Conseil, précisent en outre que cette dernière est une succursale de Kortrijk XPO.
C’est donc bien la société Kortrijk XPO, sous son nom commercial d’Expo Conseil, qui a contracté avec la société Sodimas et qui a qualité pour agir en paiement des factures.
Le jugement qui lui a refusé la qualité pour agir sera infirmé et la société Kortrijk XPO sera déclarée recevable en ses demandes.
3°) sur la nullité des contrats :
Conformément aux dispositions de l’article 1130 du code civil, l’erreur de droit ou de fait, à moins qu’elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu’elle porte notamment sur les qualités essentielles du cocontractant.
Si la société Sodimas prétend que son consentement a été vicié et qu’elle n’aurait pas contracté si elle avait connu la véritable identité de son cocontractant, elle n’explique pas en quoi le fait qu’Expo Conseil ne soit en réalité qu’une enseigne commerciale et que l’identité réelle de sa cocontractante soit la société Kortrijk XPO, auraient influé sur sa décision d’inscription.
En effet, si ses demandes de participation aux salons professionnels Architect@Work ont pu être guidées par la notoriété et le retentissement de ces manifestations, comme par la qualité de leur organisation et donc la confiance dans les compétences de l’organisateur, la désignation de ce dernier par son enseigne commerciale ou par sa dénomination sociale est indifférente puisque s’agissant de la même personne morale, les qualités essentielles recherchées chez Expo Conseil sont en réalité celles de Kortrijk XPO.
Il n’y a pas lieu, dans ces conditions d’envisager la nullité des contrats et la société Sodimas sera déboutée de sa demande en ce sens.
4°) sur la demande en paiement :
La société Kortrijk XPO réclame paiement de trois factures de 2136 euros, 3115, 20 euros et 5700 euros au titre de l’annulation de la participation de la société Sodimas aux trois salons sur lesquels elle entendait bénéficier d’un stand.
Les contrats prévoient une faculté d’annulation par l’exposant : «moyennant le paiement de 40% du montant total du coût de participation si l’annulation est annoncée plus de 3 mois avant l’ouverture du salon et de 100% si l’annulation est faite moins de 3 mois avant l’ouverture du salon».
Cette clause qui figure distinctement en page 2 des demandes de participation, dans un paragraphe isolé du reste du texte et précédé du titre «annulation», est en conséquence parfaitement identifiable et lisible par un lecteur raisonnablement attentif.
Il en est de même de la clause relative aux conditions de paiement par laquelle il est stipulé d’une part que toute facture impayée sera automatiquement majorée dès l’échéance d’un intérêt conventionnel de 1 % par mois, d’autre part qu’en cas de défaut de paiement total ou partiel à l’échéance, le solde de la dette sera, après mise en demeure restée sans effet, majoré de 15%, avec un minimum de 150 euros et un maximum de 2000 euros.
En outre, la société Sodimas a apposé sa signature sous la mention spécifique figurant également en page 2 des demandes de participation, par laquelle elle a reconnu prendre connaissance des conditions générales pour exposants, les avoir acceptées et renoncer à ses propres conditions générales.
Il est justifié de l’annulation par la société Sodimas en date du 7 juin 2018 pour le salon de [Localité 5] qui devait se tenir les 7 et 8 juin 2018 et de celle enregistrée le 12 juin suivant pour ceux de [Localité 7] et [Localité 6], prévus respectivement les 27-28 septembre, 4-5 octobre 2018.
En avertissant l’organisateur de l’annulation de sa participation, le jour même de l’ouverture du salon de [Localité 5], le 7 juin 2018, la société Sodimas ne lui a pas permis de relouer son stand à un autre exposant et le règlement de l’intégralité du coût de participation prévu par la clause pénale n’apparaît pas manifestement excessif.
Concernant les salons de [Localité 7] et [Localité 6], l’annulation est intervenue le 12 juin 2018 soit au moins trois mois avant leur tenue. Dans son courriel de réponse, la société Kortrijk XPO a indiqué que les stands étaient libérés pour un autre candidat.
Dans ses conditions, le maintien d’une facturation de 40 % du coût total de participation apparaît manifestement excessif pour indemniser l’organisateur de seuls frais administratifs et sera réduit à 25 %, soit 1947 euros ttc pour le salon de [Localité 7] et 1335 ttc pour celui de [Localité 6].
En conséquence, la société Sodimas sera condamnée à payer à la société Kortrijk XPO la somme de 8.982 euros (5700+1947+1335), qui sera majorée de 15 % conformément aux stipulations contractuelles, soit 1347,30 euros, ainsi que les intérêts contractuels échus jusqu’au 31 décembre 2019 conformément à la demande de la créancière et recalculés à hauteur de 1.595,02 euros (213,75 + 316,85 + 1064,42).
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
DECLARE la Sa Sodimas irrecevable en son exception d’incompétence,
INFIRME le jugement du tribunal de commerce de Romans sur Isère en date du 7 avril 2021 en ses dispositions soumises à la cour,
statuant à nouveau,
DECLARE recevable la demande en paiement de la société Kortrijk XPO,
DEBOUTE la Sa Sodimas de sa demande de nullité des contrats,
CONDAMNE la Sa Sodimas à payer à la société Kortrijk XPO les sommes de :
– 8.982 euros au titre des factures,
– 1.347,30 euros au titre de la majoration du solde,
– 1.595,02 euros au titre des intérêts contractuels échus,
CONDAMNE la Sa Sodimas à payer à la société Kortrijk XPO la somme de 3000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la Sa Sodimas aux dépens de première instance et d’appel.
SIGNÉ par Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente et par Mme Alice RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente