Clause attributive de compétence : 11 mai 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/06037

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Clause attributive de compétence : 11 mai 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/06037
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Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 6

ARRET DU 11 MAI 2022

(n° , 10pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/06037 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBXBV

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Février 2020 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CRETEIL – RG n° 19/02724

APPELANTS

Monsieur [E] [C] [V]

né le 11 Février 1953 à DOM LE MESNIL (08160) de nationalité française

23, Avenue de la Muzelle

38860 MONT DE LANS

S.A.R.L. LES MARMOTTES

ayant son siège social

23 avenue de la Muzelle

38860 MONT DE LANS

(radiée suite au jugement ayant prononcé la clôture de la liquidation, représentée par M. [E] [C] [Y] [V], désigné aux fonctions de mandataire ad’hoc par ordonnance du 19 mars 2019 rendue par le Président du Tribunal de commerce de MARSEILLE)

Représentés par Me Nathalie MASSART, avocat au barreau de PARIS, toque : P0020

INTIMEE

S.A. BPIFRANCE

(anciennement dénommée BPI FRANCE FINANCEMENT et plus anciennement encore dénommée OSEO FINANCEMENT) prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège social 27-31 avenue du Général Leclerc

94710 MAISONS-ALFORT CEDEX

RCS de CRETEIL sous le numéro 320 252 489

Représentée par Me Bruno REGNIER de la SCP REGNIER – BEQUET – MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Mme Florence BUTIN, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M.Marc BAILLY, Président de chambre

Mme Florence BUTIN, Conseillère

Mme Pascale LIEGEOIS, Conseillère

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Mme Meggy RIBEIRO

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par M. Marc BAILLY, Président de chambre, et par Anaïs DECEBAL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*

* *

Par actes authentiques des 8 juin 2006 et 18 novembre 2009, la SARL LES MARMOTTES a souscrit auprès de la banque OSEO BDPME – devenue BPI FRANCE FINANCEMENT, puis BPI FRANCE ‘ deux prêts destinés aux travaux d’aménagement de l’hôtel LES MARMOTTES, situés aux Deux Alpes (38) :

– un prêt d’un montant de 1 100 000 euros amortissable au moyen de 45 versements trimestriels à terme échu à compter du 30 juin 2007 et jusqu’au 30 juin 2019, au taux de 4,75 % l’an, assorti d’un différé d’amortissement en capital consenti pour la période du 30 septembre 2006 au 31 mars 2007. Le TEG était indiqué à 5,06 % et le taux de période à 1,26 %.

– un prêt de 610 000 euros et d’une durée de 12 ans, débloqué en 4 tranches soit :

1ère tranche 008-08 d’un montant de 328 642,30 euros, remboursable au moyen de 48 versements trimestriels à terme échu à compter du 28 février 2010 jusqu’au 30 novembre 2021, au taux fixe de 5,510 % l’an,

2ème tranche 008-09 d’un montant de 91 934 euros remboursable au moyen de 48 versements trimestriels à terme échu à compter du 31 mars 2010 jusqu’au 31 décembre 2021, au taux fixe de 5,510 % l’an,

3ème tranche 008-10 d’un montant de 85 872 euros, remboursable au moyen de 48 versements trimestriels à terme échu à compter du 30 avril 2010 jusqu’au 31 janvier 2022, au taux fixe de 5,440 % l’an,

4ème tranche 008-11 d’un montant de 103 551,70 euros, remboursable au moyen de 48 versements trimestriels, à terme échu, à compter du 30 juin 2010 jusqu’au 31 mars 2022, moyennant l’application d’un taux fixe de 5,430 % l’an.

Le TEG était indiqué à 6,30 % et le taux de période à 1,57 %.

Parallèlement selon acte authentique du 8 juin 2006, la SARL LES MARMOTTES avait souscrit trois crédits auprès de la BANQUE POPULAIRE DES ALPES également destinés à l’aménagement et à la rénovation, lesquels ont fait l’objet de différés d’amortissement par avenants du 25 juillet 2008 et du 28 juillet 2009 de l’hôtel Les Marmottes. Cet acte comportait une clause attributive de compétence au profit du tribunal de commerce du siège social de la banque.

[E] [V] s’est porté caution solidaire pour l’ensemble de ces prêts également garantis par une hypothèque prise sur le bien à usage d’hôtel-restaurant situé 23 avenue de la Muzelle 38860 Mont de Lans, appartenant en nue-propriété à la caution et en usufruit à la SARL LES MARMOTTES.

La société débitrice ne parvenant pas à honorer ses échéances, la banque l’a par lettre recommandée avec accusé de réception du 11 octobre 2012, vainement mise en demeure d’avoir à régler sous quinzaine la somme globale de 145 737,31 euros représentant l’arriéré des deux prêts sous peine de déchéance du terme, puis par actes d’huissier du 10 décembre 2012, lui a fait délivrer deux sommation de payer visant d’une part, la clause de déchéance du terme insérée au contrat de prêt du 8 juin 2006 pour la somme de 95 285,73 euros TTC, et d’autre part, la clause de déchéance du terme insérée au contrat de prêt du 18 novembre 2019 pour la somme de 54 091,66 euros TTC.

Faute pour la SARL LES MARMOTTES de s’être acquittée des sommes dans le délai ainsi imparti, la déchéance du terme a été considérée comme acquise le 26 décembre 2012.

La société BPI FRANCE a été entièrement désintéressée au titre des deux crédits par la vente amiable de l’hôtel LES MARMOTTES qui est intervenue le 23 octobre 2015.

C’est dans ce contexte que actes d’huissier délivrés le 8 juin 2016, la SARL LES MARMOTTES et [E] [V] ont fait assigner les banques OSEO et BANQUE POPULAIRE DES ALPES devant le tribunal de grande instance de CRETEIL pour voir prononcer la nullité de la clause d’intérêts conventionnels et subsidiairement la déchéance des droits des banques aux intérêts stipulés aux contrats.

Par ordonnance rendue le 25 septembre 2017, le juge de la mise en état saisi à l’initiative de la BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHONE ALPES – ainsi nouvellement dénommée – a déclaré la juridiction saisie incompétente pour connaître des demandes la concernant au profit du tribunal de commerce de GRENOBLE et prononcé la disjonction de l’instance.

Une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à l’égard de la SARL LES MARMOTTES par jugement du tribunal de commerce de MARSEILLE en date du 23 novembre 2017, et l’affaire radiée le 7 février 2019 a été rétablie le 8 avril suivant.

Par jugement en date du 4 février 2020, le tribunal judiciaire de CRETEIL a :

– déclare irrecevables comme prescrites les demandes de la SARL LES MARMOTTES et de [E] [V] ;

– condamné in solidum la SARL SARL LES MARMOTTES et [E] [V] à payer à la société BPI FRANCE la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné in solidum la SARL LES MARMOTTES et de [E] [V] aux dépens,

– rejeté toutes autres demandes,

– dit n’y avoir lieu au prononcé de l’exécution provisoire.

Ce, au visa de l’article L.110-4 du code de commerce et aux motifs que :

-il est reproché à la banque d’avoir ignoré les trimestres d’intérêts en différé d’amortissement dans le calcul du TEG pour les deux contrats de prêt, or la SARL qui a contracté les crédits pour les besoins professionnels de son activité ne peut être qualifiée de consommateur profane, les erreurs invoquées étaient décelables au moment de la signature de l’offre de crédit et auraient dû permettre à la demanderesse de se convaincre de l’irrégularité prétendue du TEG de façon à agir dans le délai légal ;

– pour le contrat souscrit le 8 juin 2006, les demandeurs disposaient d’un délai de cinq ans ayant couru à compter du 19 juin 2008, date d’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, pour expirer le 19 juin 2013, de sorte que l’assignation délivrée le 8 juin 2016 est tardive, la prescription est également acquise pour le prêt du 18 novembre 2009 à la date du 18 novembre 2014.

Par déclaration en date du 16 avril 2020, [E] [V] et la SARL LES MARMOTTES – radiée après clôture de la liquidation et représentée par [E] [V] désigné aux fonctions de mandataire ad’hoc par ordonnance du 19 mars 2019 – ont formé appel de ce jugement en critiquant chacun de ses chefs.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 17 janvier 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens qui y sont développés, les appelants demandent à la cour de :

Vu les dispositions de l’article 1907,1134, 1152, 1256, 2224 et 2233 du Code Civil ;

Vu les dispositions de l’article L.312-1 et suivants du Code de la Consommation ;

Vu les dispositions de l’article L. 312-8-2° bis du Code de la Consommation ;

Vu les dispositions des articles L.313-1, L.313-2, R.313-1 et son Annexe, et 1907 du Code Civil concernant la définition du TEG et son mode de calcul ;

INFIRMER le jugement en toutes ses dispositions ;

JUGER que les demandes de la SARL les MARMOTTES sont recevables ;

JUGER qu’en l’absence de toute communication à l’emprunteur du TEG des crédits restructurés le 3 août 2011, le prêteur est déchu du droit aux intérêts ;

JUGER subsidiairement que les TEG mentionnés aux contrats de crédit des 8 juin 2006 et 18 novembre 2009 accordés par la banque OSEO BDPME, à la SARL LES MARMOTTES, sont erronés ;

ORDONNER, dans la proportion que fixera le juge, la déchéance des intérêts du prêteur et la restitution des intérêts perçu excédant cette déchéance ;

ORDONNER subsidiairement la substitution pure et simple des taux de l’intérêt légal applicable au taux contractuel ;

CONDAMNER la S.A BPI FRANCE à restituer les intérêts perçus excédant la déchéance à intervenir ;

DECHOIR la S.A BPI FRANCE des intérêts futurs liquidés dans ses décomptes du 23/10/2015 après déchéance du terme ;

LA CONDAMNER également à restituer les sommes d’intérêts cumulés à l’indemnité de déchéance perçus suite à la vente de l’hôtel « LES MARMOTTES » contre mainlevée ;

CONDAMNER la S.A OSEO BDPME à payer la somme de 5 000 euros solidairement au titre des frais irrépétibles visés aux dispositions de l’article 700 CPC ;

CONDAMNER la S.A OSEO BDPME aux entiers dépens de l’instance, dont distraction au profit de Me MASSART, avec recouvrement direct sur son affirmation de droit.

faisant valoir pour l’essentiel que :

– c’est un délai décennal et quinquennal de prescription qui devait être appliqué, après la réforme du 17 juin 2008 les demandes en déchéance demeurent, sur le fondement des dispositions de l’article L. 110-4 du code de commerce, soumises à la prescription de 10 années ;

– l’acte de mainlevée des inscriptions hypothécaires comportait certes une mention de non recours, mais il ne s’agit ni d’un engagement contractuel ni d’une transaction au sens de l’article 2052 du code civil, mais au mieux d’une stipulation pour autrui qui n’a jamais été acceptée par la banque et donc susceptible de révocation, laquelle est intervenue par la délivrance de l’assignation introductive de l’instance en contestation des stipulations des prêts ;

– les décomptes sont en date du 23 octobre 2015, et la citation aux fins de faire déchoir le prêteur du droit aux intérêts conventionnel est en date du 8 juin 2016, de sorte qu’aucune fin de non-recevoir ne peut être accueillie de ce chef, de même les demandes tendant à la déchéance du prêteur du droit aux intérêts conventionnels, tels qu’issus de la restructuration du 3 août 2011 n’est pas tardive, un délai de moins de 5 années s’étant écoulé entre le 3 août 2011 et le 8 juin 2016 ;

– le contrat de crédit du 8 juin 2006 et sa restructuration du 3 août 2011 n’intègrent pas les coûts de différé d’amortissement, par ailleurs le second support ne comporte aucune indication de période, taux de période, durée de la période ni taux annuel actuariel, l’offre du 18 novembre 2009 et la restructuration des tranches au 3 août 2011 sont affectés des mêmes irrégularités ;

– les décomptes transmis au notaire chargé de recevoir la vente le 23 octobre 2015, mettent en évidence que l’indemnité de 3% a été liquidée suite au prononcé de la déchéance du terme, dans chacun des deux décomptes figure une ligne « intérêts contractuels », (sous la ligne « capital restant dû ») soit 105.590,81 euros pour le prêt de 610 000 euros au taux fixe de 5,51% et 133 284,30 pour le prêt de 1 100 000 au taux fixe de 4,750% l’an, ces deux lignes cumulées avec l’indemnité de 3%, correspondent en réalité à la liquidation des intérêts futurs auxquels le prêteur ne peut prétendre puisqu’il a prononcé la déchéance du terme, les calculs présentés par les appelants ne sont pas utilement critiqués par la banque.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 27 janvier 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens qui y sont développés, la société BPI FRANCE demande à la cour de :

Vu l’article 1304 du Code Civil dans sa version applicable aux contrats de prêt litigieux,

Vu l’article L. 110-4 du Code de commerce dans sa version en vigueur à compter du 19 juin 2008,

CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de CRETEIL en date du 4 février 2020 (RG 19/02724) en ce qu’il a :

DECLARE irrecevables comme prescrites les demandes de la société LES MARMOTTES et de [E] [V],

CONDAMNE in solidum la société LES MARMOTTES et [E] [V] à payer à la société BPIFRANCE la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNE in solidum la société LES MARMOTTES et [E] [V] aux dépens,

REJETE toutes autres demandes,

DIT n’y avoir lieu au prononcé de l’exécution provisoire.

A titre subsidiaire,

Vu les articles 1134, 1338 et 2052 du Code Civil dans leur version applicable aux contrats de prêt litigieux,

CONSTATER qu’aux termes de la lettre officielle de leur conseil en date du 10 octobre 2015 et de l’acte notarié en date du 23 octobre 2015, la société LES MARMOTTES et [E] [V] ont renoncé de manière définitive et irrévocable à toute action, contestation, réclamation et instance relative aux prêts en date des 8 juin 2006 et 18 novembre 2009 consentis par la société BPIFRANCE,

En conséquence,

DECLARER irrecevables les demandes formulées par la société LES MARMOTTES et [E] [V],

A titre infiniment subsidiaire,

DIRE ET JUGER que le TEG stipulé respectivement aux contrats de prêt en date des 8 juin 2006 et 18 novembre 2009 est parfaitement régulier,

En conséquence,

DEBOUTER la société LES MARMOTTES et [E] [V] de l’ensemble de leurs demandes, fins et contestations ;

Si par extraordinaire, la Cour devait retenir le caractère erroné du TEG stipulé respectivement aux contrats de prêt en date des 8 juin 2006 et 18 novembre 2009,

DIRE ET JUGER que la société LES MARMOTTES et [E] [V] ne rapportent pas la preuve de leur préjudice,

En conséquence,

DEBOUTER la société LES MARMOTTES et [E] [V] de l’ensemble de leurs demandes, fins et contestations ;

En tout état de cause,

CONDAMNER in solidum la société LES MARMOTTES et [E] [V] à payer à la société BPIFRANCE une somme de 5 000 euros, en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

LES CONDAMNER aux entiers dépens.

faisant valoir pour l’essentiel que :

– dans sa version en vigueur du 21 septembre 2000 au 19 juin 2008 le délai de prescription prévu par l’article L. 110-4 du code de commerce était de 10 ans, ce délai a été raccourci à 5 ans par la loi du 17 juin 2008, dans sa rédaction nouvelle le texte dispose que les obligations nées à l’occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes, ce qui s’applique aux prescriptions en cours sans que leur durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, la prescription quinquennale prévue à l’article L. 110-4 précité court à compter du jour où l’emprunteur a connu ou aurait dû connaître l’erreur affectant le TEG ;

– en application de ces dispositions, l’action au titre du premier prêt est prescrite depuis le 18 juin 2013 et l’action en déchéance des intérêts conventionnels concernant le contrat de prêt en date du 19 novembre 2009 est prescrite depuis le 18 novembre 2014 ;

– la société LES MARMOTTES et [E] [V] soutiennent faussement en cause d’appel que les prêts consentis les 8 juin 2006 et 18 novembre 2009 ont fait l’objet d’une consolidation qui serait intervenue le 3 août 2011, de sorte que leur action serait recevable, alors que chacun des deux prêts est resté strictement identique, le délai de prescription n’a pas plus commencé à courir à compter du décompte des sommes dues à la banque établi dans le cadre des discussions amiables engagées entre les parties avant la vente de l’hôtel;

– dans le cadre des discussions intervenues entre les appelants, BPI FRANCE et la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes, portant sur la mise en ‘uvre d’une vente amiable de l’immeuble sis aux DEUX ALPES, la société LES MARMOTTES et [E] [V] ont renoncé de manière définitive et irrévocable à toute demande ou contestation relative auxdits prêts, cette renonciation a clairement été exprimée aux termes d’une lettre officielle de leur conseil en date du 10 octobre 2015, il est ensuite expressément indiqué aux termes de l’acte notarié que « En outre, Monsieur et Madame [V] et la société LES MARMOTTES confirment qu’ils se désistent et, plus généralement, renoncent à toute action, contestation, réclamation et instance relative aux prêts ci-dessus visés consentis par la société Bpifrance Financement » ;

– la banque démontre en tout état de cause pour chacun des contrats que le TEG a été correctement calculé ;

– il n’est justifié d’aucun préjudice au soutien de la demande de déchéance de la banque de son droit aux intérêts contractuels ;

– les intérêts afférents à toutes les sommes devenues exigibles ont été calculés par la banque conformément au contrat, la demande de restitution n’est donc pas fondée.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 18 janvier 2022.

MOTIFS DE LA DECISION :

Il est rappelé à titre liminaire que la cour n’est pas tenue de statuer sur les demandes de voir « dire et juger » qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu’elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques mais constituent les moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes.

1- recevabilité des demandes :

En application d’une jurisprudence établie et désormais consacrée par l’article L. 341-48-1 du code de la consommation issu de l’ordonnance n°2019-740 du 17 juillet 2019, la sanction civile encourue en cas de défaut ou d’erreur affectant le taux effectif global – indépendamment du type d’opération concernée, qu’il s’agisse d’un crédit à la consommation, d’un prêt immobilier ou d’un prêt souscrit pour les besoins d’une activité professionnelle – est celle de la déchéance du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge au regard du préjudice subi par l’emprunteur.

Cette action en déchéance du droit de la banque aux intérêts conventionnels est soumise à la prescription, successivement décennale puis quinquennale issue de la loi du 17 juin 2008 prévue à l’article L. 110-4 du code de commerce relative aux obligations contractées entre un établissement de crédit et le souscripteur d’un prêt, le point de départ du délai courant à compter du moment où l’emprunteur a connu ou aurait dû connaître l’erreur relative au taux effectif global.

Les prêts en cause ayant été souscrits par la SARL LES MARMOTTES en vue de financer les travaux de rénovation d’un hôtel – soit pour les besoins d’une activité professionnelle – et l’irrégularité invoquée consistant selon les appelantes dans l’absence d’intégration au calcul du TEG du coût des intérêts afférents à la période de différé d’amortissement, ce qui constituait une anomalie décelable à l’examen des actes de prêt, c’est à juste titre que les premiers juges ont estimé que les demandes étaient prescrites pour être formées passé un délai de 5 ans à compter de l’entrée en vigueur de la loi 2008-561 du 17 juin 2008 s’agissant du contrat souscrit en 2006, au regard des dispositions transitoires de ce texte applicable aux prescriptions en cours, et à compter du 18 novembre 2009 pour le deuxième prêt.

Cette fin de non recevoir ne peut, contrairement à ce que soutiennent [E] [V] et la SARL LES MARMOTTES dans le cadre de leur appel, être remise en cause ni par l’existence d’une modification des tableaux d’amortissement en 2011 – ce qui est sans incidence sur le grief invoqué et partant la date à laquelle l’action était susceptible d’être engagée, étant de plus relevé que les tableaux édités initialement ne sont pas communiqués à fin de comparaison – ni du décompte final des sommes dues qui n’est que la mise en ‘uvre du contrat dans ses stipulations critiquées.

Le jugement entrepris doit en conséquence être confirmé en ce qu’il a dit les demandes prescrites, étant ajouté qu’elles se heurtent en toute hypothèse à une autre cause d’irrecevabilité invoquée à titre subsidiaire et tirée de l’application de l’article 2052 du code civil dans sa version applicable au litige, selon lequel « les transactions ont, entre les parties, l’autorité de la chose jugée en dernier ressort. Elles ne peuvent être attaquées pour cause d’erreur de droit, ni pour cause de lésion ».

La transaction au sens de ces dispositions suppose l’existence d’une contestation née ou à naître et celle de concessions réciproques, sans que l’accord susceptible de recevoir cette qualification ne soit soumis à un formalisme particulier.

Or dans le cas d’espèce, il est indiqué aux termes de l’acte notarié en date du 23 octobre 2015 d’une part, concernant la BPI FRANCE FINANCEMENT, que « le créancier a donné son accord de mainlevée contre paiement de la somme de 1 773 303,34 euros (‘) a donné pouvoir au mandataire à l’effet de consentir (‘) mainlevée entière et définitive de la publication du commandement de saisie » et de consentir à la vente amiable du bien, considérer le prix comme définitif et renoncer en tant que de besoin à faire surenchère, consentant ainsi à la radiation définitive des inscriptions, et que « en contrepartie, M. [E] [V], Mme [S] [V] et la SARL LES MARMOTTES confirment qu’ils se désistent et plus généralement, renoncent à toute action, contestation, réclamation et instance relative aux prêts ci-dessus visés consentis par BPI FRANCE FINANCEMENT ».

Il en ressort que contrairement à ce que soutiennent les appelants, cette mention ne peut s’analyser en une stipulation pour autrui susceptible de révocation mais constitue bien une transaction au sens du texte précité, en ce qu’elle est contenue dans un acte authentique énonçant les concessions réciproques et engagements de chaque partie qui les a respectivement acceptées, cette acceptation par la banque se matérialisant par son consentement à la mainlevée des hypothèques garantissant le paiement des sommes dues au titre des prêts litigieux.

Les demandes formées par les appelants, entièrement fondées sur des irrégularités affectant le TEG des prêts et le calcul des intérêts afférents, sont donc également irrecevables pour ce motif.

2- dépens et frais irrépétibles :

Les parties appelantes qui succombent supporteront in solidum la charge des dépens.

Elles seront également condamnées à payer à la société BPI FRANCE, qui a dû exposer des frais irrépétibles, une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile qu’il est équitable de fixer à 2 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

CONDAMNE la SARL LES MARMOTTES et [E] [V] aux dépens d’appel ;

CONDAMNE la SARL LES MARMOTTES et [E] [V] à payer à la société BPI FRANCE la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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