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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 22/02476 – N° Portalis DBVH-V-B7G-IQJP
AV
TRIBUNAL DE COMMERCE DE NIMES
08 juillet 2022
RG:2021J321
S.A.R.L. ICE CONVIVIALITE
C/
Société CREDIT COOPERATIF
Grosse délivrée le 11 janvier 2023 à :
– Me VAJOU
– Me CHABANNES
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
4ème chambre commerciale
ARRÊT DU 11 JANVIER 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de NIMES en date du 08 Juillet 2022, N°2021J321
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre,
Madame Claire OUGIER, Conseillère,
Madame Agnès VAREILLES, Conseillère,
GREFFIER :
Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier, lors des débats et Madame Isabelle DELOR, Greffière, lors du prononcé de la décision.
DÉBATS :
A l’audience publique du 01 Décembre 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 11 Janvier 2023.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANTE :
S.A.R.L. ICE CONVIVIALITE, société à responsabilité limitée, au capital social de
81.000 euros, immatriculée au registre du commerce et des sociétés d’AUBENAS sous le numéro 810 813 477, poursuites et diligences de son gérant en exercice domicilié en cette qualité en son siège social,
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 1]
Représentée par Me VIGIER Mathilde, substituant Me Emmanuelle VAJOU de la SELARL LEXAVOUE NIMES, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Jérémy ASTA-VOLA de la SELARL MORELL ALART & ASSOCIÉS, Plaidant, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
SOCIÉTÉ COOPÉRATIVE ANONYME CREDIT COOPERATIF, dont le numéro SIRET est B 349 974 931, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège social sis
[Adresse 2]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me SINARD Anthony, substituant Me Jean paul CHABANNES de la SELARL CHABANNES-SENMARTIN ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, le 11 Janvier 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour.
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Vu l’appel interjeté le 21 juillet 2022 par la SARL Ice Convivialité à l’encontre du jugement prononcé le 8 juillet 2022 par le tribunal de commerce de Nîmes, dans l’instance n°2021J321,
Vu la requête déposée le 22 juillet 2022 devant le premier président de la cour d’appel de Nîmes par la SARL Ice Convivialité afin de se voir autoriser à assigner à jour fixe le Crédit Coopératif,
Vu l’ordonnance du 11 août 2022 du premier président de la cour d’appel de Nîmes autorisant la SARL Ice Convivialité à faire délivrer une assignation à jour fixe au Crédit Coopératif pour l’audience du 1er décembre 2022,
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 24 novembre 2022 par l’appelante et le bordereau de pièces qui y est annexé,
Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 22 novembre 2022 par la société Crédit Coopératif, intimée, et le bordereau de pièces qui y est annexé,
Par acte sous signature privée du 1er décembre 2015, la société Crédit Coopératif a consenti à la SARL Ice Convivialité un prêt d’un montant de 227 000 euros, au taux d’intérêt conventionnel de 1,45%, pour un paiement intégral au 23 février 2016, et au taux de 1,65% pour les sommes restantes dues au-delà, dans le but de financer l’acquisition de parts sociales dans la société Les Glaces de l’Ardèche.
Le contrat prévoyait un remboursement en 84 échéances mensuelles de 2 843,48 euros chacune.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 16 septembre 2019, l’établissement bancaire a mis en demeure l’emprunteur d’avoir à payer la somme de 190 984,48 euros au titre des échéances dues du 2 octobre 2018 au 2 mars 2019.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 13 février 2020, l’établissement de crédit a notifié à l’emprunteur la déchéance du terme du prêt, avec mise en demeure de payer la somme de 135 633,95 euros.
Par exploit du 23 août 2021, l’établissement de crédit a fait assigner l’emprunteur en paiement devant le tribunal de commerce de Nîmes.
In limine litis, l’emprunteur a soulevé l’incompétence territoriale du tribunal de commerce de Nîmes au profit du tribunal de commerce d’Aubenas tandis que l’établissement de crédit a conclu à la compétence du tribunal de commerce de Nanterre, en vertu d’une clause attributive de compétence territoriale.
Par jugement du 8 juillet 2022, le tribunal de commerce de Nîmes a, au visa des articles 82, 83 et 84 du code de procédure civile :
-Déclaré son incompétence,
-Renvoyé la cause et les parties par-devant le tribunal de commerce de Nanterre,
-Ordonné au greffier de la juridiction, de transmettre le dossier de l’affaire accompagné d’une copie de la présente décision, à la juridiction désignée,
-Rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions contraires,
-Condamné la SCA Crédit Coopératif aux dépens de l’instance, liquidés et taxés à la somme de 70,55 euros, en ce non compris le coût de la citation introductive d’instance, le coût de la signification de la décision, ainsi que tous autres frais et accessoires.
Le tribunal a notamment retenu que la clause du contrat de prêt, attributive de juridiction devant les tribunaux du siège social du prêteur, rédigée de façon apparente, était opposable à la partie requise. Il a considéré que l’organisme préteur ayant son siège social à [Localité 3] (92), il convenait, dès lors, de se déclarer incompétent pour connaître des demandes dirigées par la banque à l’encontre de l’emprunteur et de renvoyer les parties devant le tribunal de commerce de Nanterre.
Le 21 juillet 2022, la SARL Ice Convivialité a interjeté appel de cette décision aux fins de la voir réformer en ce qu’elle a :
-Renvoyé la cause et les parties par-devant le tribunal de commerce de Nanterre
-Ordonné au greffier de la juridiction, de transmettre le dossier de l’affaire accompagné d’une copie de la présente décision, à la juridiction désignée
-Rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions contraires.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, l’appelante demande à la cour, au visa des articles 42 et suivants et 75 et suivants du code de procédure civile, de :
-Confirmer le jugement, ayant statué uniquement sur la compétence, rendu le 8 juillet 2022 par le tribunal de commerce de Nîmes, en ce que ce dernier s’est déclaré territorialement incompétent
-Infirmer ce jugement des chefs ayant :
Renvoyé la cause et les parties par-devant le tribunal de commerce de Nanterre;
Ordonné au greffier de la juridiction, de transmettre le dossier de l’affaire accompagné d’une copie de la présente décision, à la juridiction désignée;
Rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions contraires.
En conséquence,
-Se déclarer territorialement incompétent au profit du tribunal de commerce d’Aubenas
-Déclarer irrecevable et, à tout le moins, mal fondée l’exception d’incompétence soulevée par le Crédit Coopératif au profit du tribunal de commerce de Nanterre
-Rejeter toutes demandes, fins, conclusions contraires
En toute hypothèse,
-Débouter le Crédit coopératif de toutes demandes, fins, conclusions contraires, outre appel incident
-Condamner le Crédit coopératif au paiement à la société Ice Convivialité d’une indemnité de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;
-Condamner le Crédit coopératif aux entiers dépens de première instance et d’appel, ces derniers étant distraits au profit de la SELARL Lexavoue, sur son affirmation de droit.
Au soutien de ses prétentions, l’appelante fait valoir :
-qu’elle a son siège social en Ardèche depuis 2017, soit plus de quatre ans avant la délivrance de l’assignation, et relève de la compétence du tribunal de commerce d’Aubenas, par application des articles 42 et 43 du code de procédure civile;
-qu’elle n’a jamais été soumise à la compétence du tribunal de commerce de Nîmes, même lors de la signature du contrat de prêt,
-que le demandeur à l’action est irrecevable à contester la compétence territoriale de la juridiction qu’il a lui-même saisie
-que le prêteur avait déjà formulé ses demandes au fond, dans son acte introductif d’instance et ses conclusions, alors que les exceptions d’incompétence doivent être soulevées avant toute demande ou défense au fond
-que le principe de concentration des moyens interdit à la banque de contester, pour la première fois, en cause d’appel, l’argumentation selon laquelle elle ne pouvait soulever une exception d’incompétence
-que la banque a renoncé au bénéfice de la clause attributive donnant compétence aux juridictions de son siège social puisqu’elle a choisi de ne pas diligenter l’instance devant le tribunal de commerce de Nanterre, lieu de son siège social
-que la clause a été rédigée par la banque dans son intérêt exclusif, étant insérée dans ses propres conditions générales et donnant compétence aux tribunaux du lieu de son propre siège social
-qu’il appartient à la banque, qui invoque cette clause, de justifier sa validité et son applicabilité au litige.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, l’intimée demande à la cour, au visa de l’article 48 du code de procédure civile, de :
-Confirmer le jugement dans toutes ses dispositions;
Ce faisant,
-Renvoyer la cause et les parties devant le tribunal de commerce de Nanterre;
-Débouter la SARL Ice Convivialité de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions;
Y ajoutant,
-Condamner la SARL Ice Convivialité à verser à la société Coopérative Anonyme Crédit Coopératif la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
L’intimée réplique :
-que le tribunal de commerce compétent est celui de Nanterre, lieu de son siège social, tel qu’il en résulte de l’application de la clause attributive de compétence figurant au contrant liant les parties
-qu’elle s’est contentée de répondre à l’exception d’incompétence soulevée par le débiteur et n’a aucunement soulevé une exception d’incompétence ou contesté la compétence de la juridiction saisie
-que le principe de concentration des moyens ne vaut qu’au sein d’une seule et même instance
-que les moyens nouveaux sont autorisés en cause d’appel, par application de l’article 463 du code de procédure civile
– qu’il ne suffit pas de soutenir, entre commerçants, qu’une clause aurait été rédigée dans l’intérêt exclusif d’une partie pour que tel soit le cas puisqu’il n’existe aucune présomption et qu’il s’agit d’un pouvoir souverain d’appréciation du juge
-qu’en application du l’article 48 du code de procédure civile, les seules conditions de légalité de la clause attributive de compétence résultent de la qualité de commerçant des parties et de la spécification en termes apparents de ladite clause
-qu’elle n’a pas renoncé à la clause attributive de compétence puisque tel aurait seulement été le cas, si elle avait saisi le tribunal de commerce d’Aubenas, lieu du siège social du débiteur.
MOTIFS
1) Sur l’exception d’incompétence
Aux termes de l’article 42 du code de procédure civile, la juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur.
Les parties s’accordent pour reconnaître qu’aucune des parties n’ayant son siège social dans le ressort du tribunal de commerce de Nîmes, ce dernier n’était pas compétent territorialement pour connaître de la demande en remboursement de prêt.
L’appelante soutient que le prêteur est irrecevable à soulever l’incompétence de la juridiction devant laquelle il a introduit l’action en paiement et qu’en tout état de cause, il aurait du formuler l’exception d’incompétence in limine litis, avant toute demande ou défense au fond. L’appelante fait également valoir que le prêteur n’ayant opposé aucune contestation sur cet argument en première instance, il lui est interdit de le faire en appel.
Le principe de concentration des moyens s’oppose à ce que, dans une même instance, une prétention rejetée puisse être présentée à nouveau sur un autre fondement. Il n’empêche pas les parties d’invoquer, en cause d’appel, des moyens nouveaux, comme le prévoit l’article 563 du code de procédure civile.
Le prêteur est donc bien en droit de présenter des moyens en vue de faire écarter la fin de non-recevoir soulevée par l’emprunteur.
Les exceptions d’incompétence figurant au nombre des moyens de défense, le demandeur n’est pas recevable à contester la compétence territoriale de la juridiction qu’il a lui-même saisie (en ce sens 2e Civ., 7 décembre 2000, pourvoi n° 99-14.902, Bulletin civil 2000, II, n° 163).
Toutefois, en l’espèce, ce n’est pas la banque mais l’emprunteur qui a soulevé l’exception de procédure tirée de l’incompétence territoriale du tribunal de commerce de Nîmes pour connaître de l’action en paiement ; la banque n’a fait que présenter des observations sur la juridiction de renvoi qu’il incombait au tribunal, dont l’incompétence était acquise, de désigner.
2°) Sur la clause attributive de compétence
Aux termes de l’article 48 du code de procédure civile, toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu’elle n’ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu’elle n’ait été spécifiée de façon très apparente dans l’engagement de la partie à qui elle est opposée.
L’appelante soutient que l’établissement de crédit ne justifie pas de la validité de la clause attributive de compétence dont il réclame l’application et de son applicabilité au présent litige.
Dans son jugement du 8 juillet 2022, le tribunal de commerce a indiqué que la clause aux termes de laquelle les parties avaient accepté l’attribution de juridiction devant les tribunaux du siège social du prêteur était apparente alors que, pour être valable, cette clause doit avoir été spécifiée de façon très apparente.
La clause attributive de compétence litigieuse est enserrée dans les conditions générales du contrat de prêt, au milieu de la page 9; il n’existe aucune différence de police entre le titre de cet article n°27 et les titres des autres articles des conditions générales, lesquels figurent tous en caractères majuscules et sont soulignés. Seule la mention ‘TRIBUNAUX DU SIEGE SOCIAL DU PRETEUR’ est dactylographiée en lettres majuscules mais, en l’absence de caractère gras et de grosseur suffisante, elle ne tranche pas véritablement sur les autres stipulations du contrat et n’attire pas spécialement l’attention du lecteur sur l’importance de son contenu.
La clause litigieuse n’étant pas rédigée en termes très apparents, elle ne pouvait être opposée à l’emprunteur.
Par conséquent, le jugement déféré sera infirmé en ce qu’il s’est déclaré incompétent territorialement au profit du tribunal de commerce de Nanterre. Le siège social de la défenderesse était situé dans le ressort du tribunal de commerce d’Aubenas, l’affaire sera renvoyée devant cette dernière juridiction, seule compétente pour statuer.
3) Sur les frais du procès
L’appelante ayant eu gain de cause, la société intimée sera condamnée aux dépens exposés en première instance devant le tribunal de commerce de Nîmes et en appel.
L’équité commande de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de l’appelante qui se verra allouer une indemnité de 800 euros, à ce titre.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour
Statuant à nouveau,
Déclare le tribunal de commerce de Nîmes incompétent territorialement au profit du tribunal de commerce d’Aubenas
Dit que le dossier sera transmis par le greffe à la juridiction désignée, en application de l’article 82 du code de procédure civile
Y ajoutant,
Condamne la société Crédit Coopératif aux entiers dépens, exposés en première instance devant le tribunal de commerce de Nîmes et en appel, dont distraction pour ceux d’appel au profit de la SELARL Lexavoué avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile
Dit que le greffier de la cour notifiera le présent arrêt aux parties par lettre recommandée avec demande d’avis de réception conformément à l’article 87 du code de procédure civile, étant rappelé que le délai de pourvoi en cassation court à compter de cette notification.
Condamne la société Crédit Coopératif à payer à la SARL Ice Convivialité une indemnité de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Arrêt signé par Madame Christine CODOL, Présidente de chambre, et par Madame Isabelle DELOR, Greffiere.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE