Clause attributive de compétence : 1 février 2023 Cour d’appel de Colmar RG n° 21/02844

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Clause attributive de compétence : 1 février 2023 Cour d’appel de Colmar RG n° 21/02844
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MINUTE N° 67/23

Copie exécutoire à

– Me Céline RICHARD

– Me Joëlle LITOU-WOLFF

Le 01.02.2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE – SECTION A

ARRET DU 1er Février 2023

Numéro d’inscription au répertoire général : 1 A N° RG 21/02844 – N° Portalis DBVW-V-B7F-HTOF

Décision déférée à la Cour : 16 Avril 2021 par le Tribunal judiciaire de STRASBOURG – Greffe du contentieux commercial

APPELANTE :

S.A.R.L. FACIL’ADOM

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Céline RICHARD, avocat à la Cour

INTIMEE :

S.A.S. GRENKE LOCATION

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Joëlle LITOU-WOLFF, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 28 Novembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme PANETTA, Présidente de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

Mme ROBERT-NICOUD, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

– Contradictoire

– rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

– signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

La société Grenke Location a conclu le 16 mars 2018 un contrat de location de longue durée avec la SARL Facil’Adom portant sur du matériel informatique, livré par la société ACILE.

Après avoir mis en oeuvre la clause de résiliation anticipée prévue au contrat en raison d’impayés et mis en demeure la société Facil’Adom, la société Grenke Location l’a assignée en paiement et restitution du matériel.

La société Facil’Adom a soulevé l’incompétence de la juridiction saisie et au fond, a invoqué une exception d’inexécution fondée sur l’absence de livraison et de mise en service du matériel.

Par jugement du 16 avril 2021, la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Strasbourg a déclaré irrecevable l’exception d’incompétence soulevée par la société Facil’Adom, condamné cette société à payer à la société Grenke Location la somme de 28 915,62 euros, outre intérêts au taux légal majoré de cinq points sur la somme de 26 568 euros à compter du 18 juillet 2019, ordonné la capitalisation des intérêts échus pour une année entière, condamné la société Facil’Dom à restituer le matériel, sous astreinte, et statué sur les frais et dépens.

Le 3 juin 2021, la société Facil’Adom en a interjeté appel par voie électronique.

Le 23 juillet 2021, la SAS Grenke Location s’est constituée intimée par voie électronique.

Par conclusions du 28 février 2022, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces qui n’a fait l’objet d’aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le même jour, la société Facil’Adom demande à la cour de :

– la déclarer recevable et bien fondée en son appel ;

Y faisant droit

– infirmer le jugement en ce qu’il a :

– déclaré irrecevable l’exception d’incompétence soulevée par la société FACIL’ADOM ;

– l’a condamnée à payer à la société GRENKE LOCATION la somme de 28.915,62 euros augmentée des intérêts au taux légal majoré de cinq points sur la somme de 26.568 euros à compter du 18 juillet 2019 ;

– ordonné la capitalisation des intérêts échus pour une année entière ;

– l’a condamnée à restituer à ses frais à la société GRENKE LOCATION l’ensemble du matériel informatique loué sous astreinte comminatoire de 30 euros par jour de retard un mois après la signification de la présente décision ;

– l’a condamnée aux dépens de la procédure ;

Et statuant à nouveau :

– dire le Tribunal judiciaire de STRASBOURG incompétent au profit du Tribunal de Commerce de BOBIGNY ;

– déclarer la Société GRENKE LOCATION infondée en ses demandes, fins et conclusions et appel incident ;

En conséquence,

– rejeter l’ensemble des demandes de la Société GRENKE LOCATION comme étant infondées ;

En tout état de cause :

– condamner la Société GRENKE LOCATION à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– condamner la Société GRENKE LOCATION aux entiers dépens de première instance et d’appel.

En substance, sur la clause attributive de compétence, elle soutient qu’il appartient en tout état de cause au juge de soulever d’office l’incompétence conformément aux dispositions de l’article 76 du code de procédure civile, et que ladite clause doit être réputée non écrite, comme ne satisfaisant pas aux conditions de l’article 48 du code de procédure civile et de la jurisprudence, dès lors qu’il n’est pas démontré qu’elle a été portée à sa connaissance, relevant que les pages des conditions générales n’ont pas été paraphées par elle et encore plus au regard de la numérotation du contrat, puisqu’on passe de la page 1 à la page 5 à 8. Elle ajoute que la cour relèvera en tout état de cause le principe largement dérogatoire de cette clause qui permet à l’intimée de dépayser un litige que tout rattache au ressort de [Localité 5].

Sur le fond, elle oppose une exception d’inexécution, faisant valoir ne jamais avoir été destinataire du matériel loué, ni de sa mise en service. S’agissant de la ‘confirmation de livraison de longue durée’ du 12 mars 2018, elle observe qu’elle est antérieure à la validation du contrat par Grenke et constituée d’un simple formulaire prérempli concernant la livraison et qu’il est impensable qu’une livraison intervienne une semaine avant que le contrat soit validé par le cocontractant, ce qui est d’autant plus surprenant que la société Acile a été radiée du greffe du tribunal de commerce le 18 juin 2018 avant d’être dissoute le 26 décembre 2018. Elle ajoute que c’est à la société Grenke Location de prouver qu’elle a bien exécuté son obligation par l’intermédiaire de la société Acile.

Par conclusions du 29 novembre 2021, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces qui n’a fait l’objet d’aucune contestation, lesquels ont été transmis par voie électronique le même jour, la société Grenke Location demande à la cour de :

– dire l’appel mal fondé,

– en débouter la société FACIL’ADOM ainsi que de l’intégralité de ses fins, moyens, demandes et prétentions,

– confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant

A défaut de restitution du matériel :

– condamner la société FACIL’ADOM au paiement d’une indemnité de non-restitution de 27.000 €, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 19.07.2019, date de la dernière mise en demeure extrajudiciaire jusqu’au complet paiement

Très subsidiairement, en cas d ‘annulation ou d’anéantissement du contrat de location

– condamner la société FACIL’ADOM à payer à la société GRENKE LOCATION la somme de 33.750,00 € correspondant au prix du matériel et la somme de 4.275,00 € correspondant au bénéfice escompté au titre du contrat de location, avec intérêts légaux à compter de la décision à intervenir.

En tout état de cause

– condamner la société FACIL’ADOM aux entiers frais et dépens d’appel, ainsi qu’au paiement de la somme de 3000 € en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

En substance, sur l’exception d’incompétence, elle invoque les dispositions de l’article 789 du code de procédure civile et le fait que le juge de la mise en état est seul compétent pour statuer. Elle ajoute que la clause prévue à l’article 19 des conditions générales est valable, étant claire et apparente, et au surplus insérée sur la première page du contrat sous l’intitulé en bleu et en gras ‘loi applicable -juridiction’, et précède en tant qu’avant dernière mention, la signature du locataire. En outre, le contrat stipule que le locataire reconnaît avoir pris connaissance des conditions générales de location.

Sur le fond, elle soutient n’avoir qu’un rôle financier, que la livraison, par le fournisseur, est intervenue le 12 mars 2018, que le locataire a confirmé la livraison du matériel et qu’il était en parfait état de fonctionnement, et que le locataire ne rapporte pas la preuve de l’absence de livraison et d’installation du matériel loué. Elle explique que le contrat a été daté du 16 mars 2018, postérieurement à la livraison, précisément parce qu’elle ne peut louer le matériel qu’une fois qu’il a été livré et installé. Elle invoque en outre l’article 3.4 des conditions générales de location, ainsi que les articles 3 et 5, dont il résulte qu’elle a transmis au locataire l’ensemble des recours contre le fournisseur en lui donnant, en tant que de besoin, mandat d’ester en justice.

Elle conclut à la confirmation du jugement ayant statué sur le montant dû et la restitution du matériel. Si la cour devait considérer que l’appelante n’est pas en possession du matériel, elle invoque les articles 11, alinéa 4, et 13, alinéas 3 et 4, des conditions générales, et demande sa condamnation à lui payer, au titre de ses manquements à son obligation de restitution du matériel, une indemnité de non-restitution et une indemnité de résiliation.

A titre subsidiaire, si la cour devait considérer que le contrat devait être anéanti, elle invoque la responsabilité de la société Facil’Adom sur le fondement de l’article 1382 ancien, article 1240 nouveau du code civil, dès lors que le contrat de location ne se forme que par la livraison du matériel et qu’en signant la confirmation de livraison, la société Facil’Adom a engagé sa responsabilité à son égard, comme le mentionne le document de confirmation de livraison. Elle demande paiement du prix qu’elle a payé au fournisseur ainsi que le bénéfice qu’elle aurait gagné au titre du contrat de location s’il n’avait pas été anéanti.

Par ordonnance du 9 novembre 2022, a été ordonnée la clôture de la procédure et l’affaire renvoyée à l’audience de plaidoirie du 28 novembre 2022.

L’affaire a été appelée à l’audience du 28 novembre 2022.

Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l’article 455 du code de procédure civile, pour l’exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DECISION :

1. Sur l’exception d’incompétence :

Le jugement

déclare irrecevable l’exception d’incompétence soulevée par la société Facil’Adom, et ce au motif qu’elle ne l’a pas été devant le juge de la mise en état déjà désigné.

La société Facil’Adom réplique qu’il appartient en tout état de cause au juge de la soulever d’office conformément aux dispositions de l’article 76 du code de procédure civile.

Cependant, d’une part, elle ne conteste pas que, comme il résulte du jugement, elle a présenté l’exception d’incompétence au tribunal le 15 septembre 2020 et non pas au juge de la mise en état qui était déjà désigné, et ne soutient pas que le juge de la mise en état se trouvait déjà dessaisi à cette date, étant relevé que le jugement indique, sans être critiqué sur ce point, que la clôture est intervenue par ordonnance du 1er décembre 2020. Ainsi, en application de l’article 789 du code de procédure civile, invoqué par la société intimée, le juge de la mise en état avait une compétence exclusive pour en connaître. L’exception d’incompétence soumise au tribunal était ainsi irrecevable.

D’autre part, les dispositions de l’article 76 du code de procédure civile prévoient que, sauf application de l’article 82-1, l’incompétence peut être prononcée d’office en cas de violation d’une règle de compétence d’attribution lorsque cette règle est d’ordre public ou lorsque le défendeur ne comparaît pas et qu’elle ne peut l’être qu’en ces cas.

Aux termes de l’article 48 du code de procédure civile, toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu’elle n’ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu’elle n’ait été spécifiée de façon très apparente dans l’engagement de la partie à qui elle est opposée.

En l’espèce, le contrat de location signé le 9 mars 2018 par la société Facil’Adom comporte, sur sa première page, et de surcroît à l’un des paragraphes situés à proximité de la signature du locataire, la mention : ‘Loi Applicable – Juridiction : le contrat de location, y compris dans sa phrase précontractuelle, est exclusivement soumis au droit français. Tous différents relatifs à la formation, la validité, l’interprétation et l’exécution du contrat seront de la compétence exclusive des TRIBUNAUX DE STRASBOURG’. Cette dernière phrase est mentionnée dans le contrat en caractères gras, tout comme les mots ‘Loi Applicable’ et les mots ‘DES TRIBUNAUX DE STRASBOURG’ sont soulignés.

Il en résulte que cette clause, qui est claire, est spécifiée de façon très apparente dans l’engagement de la société Facil’Adom, et a été portée à sa connaissance. Elle doit dès lors s’appliquer entre la société Grenke Location et la société Facil’Adom, de sorte que la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Strasbourg était compétente.

Ainsi, il n’existe aucune violation d’une règle de compétence, de surcroît qui serait d’ordre public.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement.

2. Sur le fond :

Après avoir signé le contrat de location le 9 mars 2018, la société Facil’Adom a signé, le 12 mars 2018, un document intitulé ‘confirmation de livraison de longue durée’ mentionnant les mêmes matériels que ceux identifiés sur le contrat de livraison et que ceux-ci sont en parfait état de fonctionnement. Cette confirmation de livraison comporte la signature de la société ACILE avec la même date.

La société Facil’Adom ne démontre pas avoir indûment ou par erreur signé la confirmation de livraison des matériels et de leur bon fonctionnement.

Le fait que la société Grenke Location n’ait signé le contrat de location que le 16 mars 2018 est insuffisant à démontrer l’absence de livraison des matériels à la société Facil’Adom ou de leur mise en service, ce d’autant que la société Grenke Location produit la facture, datée du 12 mars 2018, émise à son ordre par la société ACILE pour les matériels qui ont fait l’objet du contrat de location, ce dont il résulte qu’elle avait acheté à cette date lesdits matériels.

En outre, la radiation et la dissolution de la société ACILE à des dates postérieures à la date de signature de la confirmation de livraison sont inopérantes pour démontrer que la livraison n’a pas eu lieu.

Dès lors, il convient de considérer que la signature du bon de livraison par la société Facil’Adom et le fournisseur le 12 mars 2018 attestent de l’exécution de la livraison des matériels.

Le moyen de défense de la société Facil’Adom sera donc rejeté.

Il convient de confirmer le jugement ayant prononcé la condamnation à paiement, avec capitalisation des intérêts échus pour une année entière, et à restituer le matériel sous astreinte.

3. Sur les frais et dépens :

La société Facil’Adom succombant, il convient de la condamner à supporter les dépens de première instance, le jugement étant confirmé de ce chef, et d’appel.

Elle sera condamnée à payer à la société Grenke Location la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et sa demande sera rejetée de ce chef, tout en confirmant les dispositions du jugement déféré de ce chef..

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Strasbourg du 16 avril 2021,

Y ajoutant :

Condamne la société Facil’Adom à supporter les dépens d’appel,

Condamne la société Facil’Adom à payer à la société Grenke Location la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette la demande de la société Facil’Adom au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La Greffière : la Présidente :

 


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