Mme [H] [X] divorcée [E] a confié à la SASU M.[B] Concept des travaux de réfection de sa maison, pour un montant total de 33 729,23 euros TTC, en deux devis. Elle a versé des acomptes de 5 000 euros et 4 000 euros. Cependant, les travaux n’étaient pas terminés lorsque l’entreprise a émis des factures pour le solde. En raison de désaccords sur la qualité des travaux et le paiement, Mme [E] a demandé une expertise judiciaire, qui a été ordonnée en mai 2020. Après le rapport de l’expert en mai 2021, la SASU M.[B] Concept a assigné Mme [E] en juin 2022 pour obtenir le paiement. Mme [E] a contesté la demande, arguant de la prescription de l’action en paiement. Le juge de la mise en état a déclaré la demande recevable en janvier 2024. Mme [E] a interjeté appel, demandant la constatation de la prescription et le déboutement de la société. La SASU M.[B] Concept a demandé la confirmation de la décision et le paiement de 24 729,23 euros. La cour a confirmé l’ordonnance, débouté les parties de leurs autres demandes, et condamné Mme [E] à payer 2 500 euros à la SASU M.[B] Concept.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
2ème CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 12 SEPTEMBRE 2024
N° RG 24/00388 – N° Portalis DBVJ-V-B7I-NTMG
[H] [X] divorcée [E]
c/
S.A.S. M.[B] CONCEPT
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : ordonnance rendue le 12 janvier 2024 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BORDEAUX (chambre : 7, RG : 22/04994) suivant déclaration d’appel du 26 janvier 2024
APPELANTE :
[H] [X] divorcée [E]
née le 14 Octobre 1949 à [Localité 5]
de nationalité Belge
Retraitée,
demeurant [Adresse 2]
Représentée par Me François CILIENTO de la SELAS CILIENTO AVOCATS, avocat au barreau de LIBOURNE
INTIMÉE :
S.A.S. M.[B] CONCEPT
SAS au capital de 20000 € immatriculée au RCS de LIBOURNE sous le numéro 812906535 dont le siège social est situé à [Localité 4], [Adresse 1], prise en la personne de son représentant légal domicilié es-qualité audit siège
Représentée par Me Eric FOREST, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été examinée le 24 juin 2024 en audience publique, devant la cour composée de :
Monsieur Jacques BOUDY, Président
Monsieur Rémi FIGEROU, Conseiller
Madame Christine DEFOY, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme Mélody VIGNOLLE-DELTI
Greffier lors du prononcé : Mme Audrey COLLIN
Le rapport oral de l’affaire a été fait à l’audience avant les plaidoiries.
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
EXPOSÉ DU LITIGE
Suivant deux devis, l’un établi le 6 avril 2017 pour un montant de 21 206,83 euros TTC et l’autre le 13 mai 2017 à hauteur de 12 522,40 euros TTC, Mme [H] [X] divorcée [E] a confié à la SASU M.[B] Concept des travaux de réfection des façades et de carrelage sur une terrasse et des escaliers extérieurs de sa maison d’habitation située [Adresse 2] dans la commune de [Localité 3] ( Gironde).
Deux acomptes, l’un d’un montant de 5 000 euros à valoir sur le premier devis, l’autre de 4 000 euros au titre du second devis, ont été versés.
L’entreprise a émis le 24 juillet 2017 deux factures représentant le solde du prix de ses prestations, bien que les travaux n’aient pas été achevés.
Les parties s’opposant sur la qualité des travaux réalisés et sur les modalités de reprise du chantier par l’entreprise et de paiement de ses travaux, Mme [E] a demandé en référé l’organisation d’une mesure d’expertise.
Par ordonnance du 25 mai 2020 le juge des référés a désigné à cette fin, M. [K].
L’expert judiciaire a déposé son rapport le 12 mai 2021.
Par acte du 30 juin 2022, la SAS M.[B] Concept a fait assigner Mme [E] aux fins d’expertise avant dire droit et, à titre principal, de paiement du solde de ses factures.
Par conclusions d’incident Mme [E] a saisi le juge de la mise en état, considérant que la demande en paiement de la société M.[B] était irrecevable comme étant prescrite pour avoir été introduite plus de deux ans après l’émission de ses factures et de ses derniers travaux.
Par ordonnance du 12 janvier 2024, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Bordeaux a :
– déclaré la demande en paiement de la SAS M.[B] Concept recevable ;
– débouté les parties pour le surplus ;
– condamné Madame [H] [X] divorcée [E] aux dépens de l’incident.
Par déclaration électronique du 26 janvier 2024, Madame [H] [X] a interjeté appel de la décision.
Dans ses dernières conclusions du 5 avril 2024, madame [H] [X] demande à la cour de :
– déclarer recevable et bien fondée son argumentation ;
– réformer l’ordonnance du juge de la mise en état du 12 janvier 2024 en toutes ses dispositions ;
Y faisant droit,
– constater la prescription de l’action en paiement de la société M.[B] Concept ;
– déclarer irrecevable l’action en paiement engagée par la société M.[B] Concept à son encontre comme prescrite ;
– débouter la société M.[B] Concept de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
– condamner la société M.[B] Concept à lui payer la somme de 4 800 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance outre les entiers dépens de première instance ;
– condamner la société M.[B] Concept à lui payer la somme de 4 800 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de la présente procédure ;
– condamner la société M.[B] Concept aux entiers dépens de la présente instance.
Dans ses dernières conclusions du 2 mai 2024, la société M.[B] Concept demande à la cour de :
– confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue par le juge de la mise en état le 12 janvier 2024 ;
– débouter Madame [E] de l’ensemble de ses demandes ;
– déclarer sa demande en paiement recevable ;
– renvoyer l’affaire au fond pour statuer sur la demande de condamnation formée par elle contre Madame [E] à lui payer la somme de 24 729,23 € avec intérêts de droit à compter de la mise en demeure du 27 octobre 2017, ainsi que les entiers frais qu’elle a engagés et les dépens afférents aux différentes expertises qu’elle a sollicitées.
Y ajoutant,
– condamner madame [E] à lui payer la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile en cause d’appel ;
– condamner madame [E] aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 10 juin 2024.
Pour une plus ample connaissance du litige et des prétentions et moyens des parties, il est fait expressément référence aux dernières conclusions et pièces régulièrement communiquées par les parties.
Le juge de la mise en état a considéré que la société M.[B] Concept n’avait pas achevé ses travaux à la date d’émission de ses factures, ces travaux n’ayant jamais été terminés, Mme [E] reconnaissant elle-même un abandon de chantier. Dès lors, la prescription de la demande en paiement de ces travaux n’avait pas commencé à courir.
Mme [E] considère au contraire au visa des dispositions de l’article L 218-2 du code de la consommation, que le point de départ du délai de prescription biennale se situe au jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer l’action concernée si bien qu’en l’espèce, ce point de départ se situe au jour où la société M.[B] Concept l’a mise en demeure de régler le solde de ses deux factures, soit le 27 octobre 2017. Or, ce n’est que le 3 avril 2020 que cette dernière a sollicité devant le juge des référés, à titre reconventionnel, le paiement de ses deux factures. En conséquence, il importait peu que les travaux soit inachevés.
La SASU M.[B] Concept sollicite la confirmation de l’ordonnance déférée. Elle soutient que si le délai de prescription de deux ans court à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’agir, le point de départ se situe à la date d’achèvement des travaux. Or, le chantier n’a jamais été achevé et une créance se prescrit à compter de l’exigibilité de l’obligation qui lui a donné naissance, soit à la date d’achèvement des prestations.
***
Selon l’article 2224 du code civil, le délai de prescription court à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
Aussi, le point de départ des délais de prescription des actions en paiement de travaux doit être fixé au jour où le professionnel a connaissance des faits qui lui permet d’ exercer son action, laquelle est caractérisée, hormis les cas où le contrat ou la loi en disposent autrement, par l’achèvement des travaux ou l’exécution des prestations, cette circonstance rendant sa créance exigible.
En l’espèce, il est constant que les travaux n’ont jamais été achevés si bien que la créance de la société M. [B] concept n’était pas exigible, ne serait ce que partiellement.
Il importe peu que l’intimée ait estimé le contraire en adressant à sa cliente une mise en demeure de payer des travaux alors que ceux-ci n’étaient pas achevés et alors que ce n’est pas le professionnel qui peut décider seul de l’exigibilité de ses prestations, celle-ci reposant sur des circonstances objectives’: l’achèvement de ses travaux.
Or, précisément, l’appelante considère à juste titre que ses deux factures n’étaient pas exigibles alors que les travaux n’étaient pas achevés.
Ainsi, l’établissement d’une facture ou même la mise en demeure de payer adressée à un client ne peuvent faire courir un délai de prescription s’ils ne reposent pas sur une situation objective soit la fin de la mission confiée au professionnel, par la réalisation effective de la prestation.
En décider autrement, reviendrait à permettre à ce professionnel de choisir le jour où le délai de la prescription commencerait à courir.
En conséquence, l’ordonnance déférée doit être confirmée.
***
Il serait inéquitable que l’intimée supporte les frais irrépétibles qu’elle a dû engager pour faire valoir ses droits devant la cour d’appel.
En conséquence, Mme [E] sera condamnée à lui verser, outre les dépens, la somme de 2500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
La cour,
Confirme l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions, y ajoutant’:
Déboute les parties de leurs autres demandes,
Condamne Mme [H] [X] divorcée [E] à payer à la SASU M. [B] concept la somme de 2500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [H] [X] divorcée [E] aux dépens d’appel.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jacques BOUDY, président, et par Madame Audrey COLLIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,