Chronique hebdomadaire sur BFM : contrat de travail ou prestation ?

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Chronique hebdomadaire sur BFM : contrat de travail ou prestation ?
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Une présentatrice TV qui reçoit des directives de la rédactrice en chef de l’émission qui fixe les dates et lieux d’enregistrement, valide les sujets voire même les imposer, contrôle ainsi l’exécution du travail de la présentatrice et sanctionne le travail réalisé en refusant de valider un sujet ou en rompant la collaboration, est bien salariée et non prestataire.

En l’espèce, la présentatrice TV fournissait son travail dans un lien de subordination sans que la société ne puisse lui opposer le statut de bénévole qui n’a au surplus jamais été invoqué lors des échanges entre les parties produits au dossier.

C’est donc à juste titre que les juges ont retenu l’existence d’un contrat de travail entre les parties et ont rejeté l’exception d’incompétence

Pour rappel, il résulte des articles’L.1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d’autrui moyennant rémunération.

Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

Le travail au sein d’un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l’employeur détermine unilatéralement les conditions d’exécution du travail.

L’existence d’un contrat de travail dépend, non pas de la volonté manifestée par les parties ou de la dénomination de la convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité du travailleur.

En présence d’un contrat de travail écrit ou apparent, il appartient à celui qui entend en contester l’existence de rapporter la preuve de son caractère fictif.

En l’absence d’écrit ou d’apparence de contrat, il appartient à celui qui invoque un contrat de travail d’en rapporter la preuve.

En application de l’article L. 1235-3 du code du travail dans sa version applicable, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l’une ou l’autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l’employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l’indemnité de licenciement prévue à l’article L. 1234-9.

Compte tenu de l’âge de la salariée, de sa rémunération, de son ancienneté et des circonstances de la rupture, par infirmation de la décision, la cour a alloué à la présentatrice la somme de 10 000 euros d’indemnité en application de l’article L. 1235-3 du code du travail.

Résumé de l’affaire : Mme [O] [I], née en 1985, a collaboré avec la SASU BFM Business TV en tant que chroniqueuse de l’émission ‘Goût de Luxe’ de février 2013 à fin 2016. À la fin de cette collaboration, elle avait plus de trois ans d’ancienneté et la société comptait plus de dix salariés. Contestant la rupture de son contrat, elle a saisi le conseil de prud’hommes de Paris en novembre 2017 et mars 2018, demandant des indemnités et des rappels de salaires. Le jugement du 6 juillet 2021 a reconnu l’existence d’un contrat de travail, rejeté l’exception d’incompétence, fixé son salaire de base à 649,50 €, et condamné BFM Business TV à lui verser plusieurs sommes, totalisant environ 30 000 €. Mme [I] a interjeté appel le 28 juillet 2021, demandant une revalorisation de son salaire et des indemnités plus élevées. En réponse, la société BFM a contesté le jugement, arguant qu’aucun contrat de travail n’existait et que Mme [I] intervenait à titre bénévole. L’affaire a été fixée à l’audience du 16 mai 2024. Le jugement a été partiellement confirmé et partiellement infirmé, avec des condamnations financières supplémentaires pour BFM Business TV, incluant des rappels de salaires et des indemnités pour travail dissimulé et exécution déloyale du contrat.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

24 septembre 2024
Cour d’appel de Paris
RG n°
21/06800
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 11

ARRET DU 24 SEPTEMBRE 2024

(n° , 1 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/06800 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEDY7

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Juillet 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de PARIS – RG n° 17/09716

APPELANTE

Madame [O] [I]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Maryline BATIARD, avocat au barreau de PARIS, toque : E047

INTIMEE

La société BUSINESS BFM venant aux droits de la S.A.S.U. BFM BUSINESS TV

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Audrey HINOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 Mai 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Isabelle LECOQ-CARON, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme LECOQ-CARON Isabelle, présidente de chambre

Mme HARTMANN Anne, présidente de chambre

Mme VALANTIN Catherine, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Manon FONDRIESCHI

ARRET :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, et par Madame Marika WOHLSCHIES, Greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme [O] [I], née en 1985, a effectué une chronique hebdomadaire à compter du 1er février 2013 jusqu’à fin 2016, pour le compte de la SASU BFM Business TV, laquelle diffusait la dite chronique dénommée ‘Goût de Luxe’ d’une durée moyenne de 3 minutes.

A la date de la fin de la collaboration, Mme [I] avait une ancienneté de plus de trois ans et la société BFM Business TV occupait à titre habituel plus de dix salariés.

Contestant la rupture de la collaboration et réclamant diverses indemnités, outre des rappels de salaires, Mme [I] a saisi le 28 novembre 2017 (contre la SARL Next Radio) et le 5 mars 2018 (contre la société BFM Business TV) le conseil de prud’hommes de Paris qui, par jugement du 6 juillet 2021, rendu en sa formation de départage, et auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a statué comme suit :

– met hors de cause la société NextradioTV,

– reconnaît l’existence d’un contrat de travail entre les parties,

– rejette l’exception d’incompétence,

– fixe le salaire de base à la somme de 649,50 €,

– condamne la société BFM Business TV au paiement des sommes suivantes :

– 16 237,50 € à titre de salaire,

– 1623,75 € au titre des congés payés afférents,

– 3897 € au titre du travail dissimulé,

– 1299 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 129,90 € au titre des congés payés afférents,

– 519,60 € au titre de l’indemnité de licenciement,

– 4000 € à titre d’indemnité article L 1235-3 du code du travail,

– ordonne l’exécution provisoire de la décision,

– ordonne la capitalisation des intérêts dus pour une année entière,

– condamne la société BFM Business TV au paiement de la somme de 2000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– déboute Mme [I] du surplus de ses demandes,

– déboute la société BFM Business TV de sa demande sur le fondement au titre de l’article 700 du code de procédure civile et la condamne aux dépens.

Par déclaration du 28 juillet 2021, Mme [I] a interjeté appel de cette décision, notifiée le 20 juillet 2021.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 5 mai 2022, Mme [I] demande à la cour de :

– déclarer Mme [I] recevable et bien fondée en son appel,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

– reconnu l’existence d’un contrat de travail,

– rejeter l’exception d’incompétence ,

– débouter la société BFM Business TV de sa demande relative au versement d’un article 700,

– débouter la société BFM Business TV de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions, y compris au titre de l’appel incident,

– infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau, il est demandé à la cour d’appel de céans de :

– fixer le salaire mensuel de Mme [I] à la somme de 2.574 € brut,

– juger qu’aucune demande de rappels de salaires n’est prescrite,

– condamner la société BFM Business TV à verser à Mme [I] :

– 120.978 € au titre des rappels de salaires sur la période courant du 1er février 2013 au 31 décembre 2016,

– 15.444 € au titre du travail dissimulé,

– 25.740 € au titre du licenciement abusif,

– 15.444 € au titre de l’exécution déloyale du contrat,

– 5.148 € au titre du préavis,

– 514,80 € au titre des congés payés sur préavis,

– 10.081,50 € au titre de l’indemnité de licenciement,

– 17.100 € au titre des droits à l’image,

– 29.454,72 € au titre des rachats de trimestre de retraite,

– 34.725,60 € au titre des allocations chômage perdues,

– 1.618,65 € au titre des frais de transport,

– 3.629,34 € au titre de la prime d’ancienneté,

– 2.500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel,

ordonner la capitalisation des intérêts sur le jugement à intervenir et ce depuis la saisine du conseil de prud’hommes,

– débouter la société BFM Business TV de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions, y compris au titre de l’appel incident.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 7 mai 2024, la société Business FM venant aux droits de la société BFM Business TV (ci-après la société BFM) demande à la cour de :

– recevoir la société Business BFM en ses demandes, fins et conclusions, et de :

– infirmer le jugement de première instance rendu par le conseil de prud’hommes de Paris le 6 juillet 2021 en ce qu’il a :

– reconnu l’existence d’un contrat de travail entre les parties,

– rejeté l’exception d’incompétence,

– fixé le salaire de base à la somme de 649,50 €,

– condamné la société Business BFM au paiement des sommes suivantes :

– 16 237,50 € à titre de rappel de salaire,

– 1 623,75 € au titre des congés payés afférents,

– 3 897, 00 € au titre du travail dissimulé,

– 1 299,00 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 129,90 € au titre des congés payés afférents,

– 519,60 € au titre de l’indemnité de licenciement,

– 4 000,00 € à titre d’indemnité de l’article L 1235-3 du code du travail,

– ordonné l’exécution provisoire de la décision,

– ordonné la capitalisation des intérêts dus pour une année entière,

– condamné la société Business BFM au paiement de la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– déboute la société Business BFM de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et la condamne aux dépens,

statuant de nouveau et y ajoutant : in limine litis,

– juger que Mme [I] intervenait à titre bénévole et gratuit pour le compte de la société Business BFM ,

– juger qu’aucun contrat de travail n’a existé entre Mme [I] et la société Business BFM ,

par conséquent,

– déclarer le conseil de prud’hommes incompétent pour statuer sur l’intégralité des demandes de Mme [I] au profit du tribunal judiciaire de Paris,

à tout le moins :

– déclarer le conseil de prud’hommes incompétent pour statuer sur la demande de dommages et intérêts au titre du droit à l’image au profit du tribunal judiciaire de Paris,

en tout état de cause

– débouter Mme [I] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

– juger que Mme [I] intervenait à titre bénévole et gratuit pour le compte de la société Business BFM ,

– juger qu’aucun contrat de travail n’a existé entre Mme [I] et la société Business BFM ,

par conséquent,

– débouter Mme [I] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

à titre infiniment subsidiaire,

– juger que Mme [I] n’était pas à la disposition permanente de la société Business BFM ,

– juger que Mme [I] n’avait pas la qualité de journaliste professionnel sur la période du 2013 à 2016,

– fixer le salaire moyen mensuel brut de Mme [I] à la somme de 354,89 €,

– limiter au minimum fixé par la loi les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– débouter Mme [I] du surplus de ses demandes en tout état de cause,

– confirmer le jugement de première instance rendu par le conseil de prud’hommes de Paris le 6 juillet 2021 pour le surplus,

– débouter Mme [I] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

– condamner Mme [I] à verser à la société Business BFM la somme de 4 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Mme [I] aux entiers dépens,

– dire que ceux d’appel seront recouvrés par Me Audrey Hinous, SERARL Lexavoue Paris Versailles conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 24 avril 2024 et l’affaire a été fixée à l’audience du 16 mai 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’existence du contrat de travail

Pour infirmation de la décision entreprise, la société BFM soulève l’incompétence de la juridiction prud’homale en raison de l’absence de contrat de travail liant les parties et soutient que Mme [I] intervenait bénévolement.

Mme [I] réplique qu’un tel contrat a existé et qu’elle n’a pas été rémunérée.

Il résulte des articles’L.1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d’autrui moyennant rémunération.

Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

Le travail au sein d’un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l’employeur détermine unilatéralement les conditions d’exécution du travail.

L’existence d’un contrat de travail dépend, non pas de la volonté manifestée par les parties ou de la dénomination de la convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité du travailleur.

En présence d’un contrat de travail écrit ou apparent, il appartient à celui qui entend en contester l’existence de rapporter la preuve de son caractère fictif.

En l’absence d’écrit ou d’apparence de contrat, il appartient à celui qui invoque un contrat de travail d’en rapporter la preuve.

En l’espèce, Mme [I] produit à l’appui de sa demande :

– un certificat non utilement contesté du 25 mars 2015 de Mme [F] rédactrice en chef et animatrice de l’émission ‘Goûts de luxe Paris, l’édition du week-end’ selon lequel Mme [I] est intervenue régulièrement dans l’émission en tant qu’invitée spécialiste du web et du luxe depuis le mois de février 2013 et précisant que ‘ce travail amène Mme [I] à interviewer, à rédiger ses papiers et à présenter à l’antenne ses sujets’ ;

– des échanges de courriels avec Mme [F] précisant les dates d’enregistrement de l’émission et parfois le lieu et établissant que les sujets devaient être validés par la rédactrice en chef qui parfois également donnait les thèmes à traiter ;

– un courriel du 20 août 2013 de Mme [F] adressé à Mme [I] indiquant que la direction ‘qui serre les boulons de partout’ ne souhaite pas mettre de l’argent dans Goûts de luxe, que la plupart des intervenants extérieurs de la chaîne semaine ou week-end le font gracieusement profitant de cette intervention pour accroître leur visibilité, que ‘certains chroniqueurs fidèles depuis 10 ans reçoivent 50 euros par chronique mais pas depuis le début’ ;

– des échanges de courriels entre Mme [F] et Mme [I] qui réitère ses demandes de rémunération ;

– une clé USB contenant les enregistrements des émissions.

La cour retient que ces éléments établissent que Mme [I] recevait des directives de la rédactrice en chef de l’émission Mme [F] qui fixait les dates et lieux d’enregistrement, validait les sujets voire même les imposer, contrôlant ainsi l’exécution du travail de Mme [I] et sanctionnant le travail de Mme [I] en refusant de valider un sujet ou en rompant la collaboration ; qu’en conséquence, celle-ci fournissait son travail dans un lien de subordination sans que la société ne puisse lui opposer le statut de bénévole qui n’a au surplus jamais été invoqué lors des échanges entre les parties produits au dossier.

C’est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu l’existence d’un contrat de travail entre les parties et ont rejeté l’exception d’incompétence. La décision sera confirmée de ce chef.

Sur la demande de rappel de salaire

Pour infirmation de la décision sur ce point, Mme [I] fait valoir qu’elle doit bénéficier du statut de journaliste ; qu’elle a travaillé sur 166 émissions de « Goûts de luxe Paris, l’édition du week-end », et 5 émissions « Paris et à vous », soit en tout 171 émissions du 1er février 2013 au 31 décembre 2016, soit 47 mois ; qu’elle est fondée à réclamer le versement de trois piges par semaine pour trois jours de travail consacrés à la société BFM eu égard au temps passé à rechercher 2 à 4 sujets à présenter par semaine, à réaliser des interviews, à rechercher et compiler des visuels, à rédiger sa chronique, à prendre en compte les correctifs apportés par la rédactrice en chef, et à enregistrer celle-ci ; que sa demande n’est pas prescrite.

La société BFM réplique que Mme [I] n’avait pas la qualité de journaliste professionnelle, ne justifiant pas tirer l’essentiel de ses revenus de son activité journalistique, et ne disposant pas de carte de presse ; qu’elle n’était pas à la disposition permanente de la société ; que les demandes pour la période antérieure au 28 novembre 2014 sont prescrites.

Suivant l’article L.3245-1 du code du travail, l’action en paiement ou en répétition de salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait du connaître les faits lui permettant d’exercer son droit, la demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

Il résulte de la combinaison des articles L.3245-1 et L. 3242-1 du code du travail que le délai de prescription des salaires court à compter de la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible.

Il résulte des dispositions transitoires de la loi du 14 juin 2013, que lorsque la prescription quinquennale a commencé à courir antérieurement à la date de promulgation de la loi, soit le 17 juin 2013, le délai de trois ans s’applique à compter de cette date sans pouvoir excéder l’ancien délai de 5 ans.

Il résulte de la combinaison de ces textes qu’à défaut de saisine de la juridiction prud’homale dans les trois années suivant cette date du 17 juin 2013, les dispositions transitoires ne sont pas applicables en sorte que l’action en paiement de créances de salaire nées sous l’empire de la loi ancienne se trouve prescrite.

La cour considère qu’il convient de fixer la date de la rupture du contrat entre les parties à la date à laquelle la société BFM a cessé de fournir du travail à Mme [I], soit le 31 décembre 2016.

En conséquence, Mme [I] qui a saisi le conseil de prud’hommes le 28 novembre 2017 est recevable à réclamer le paiement des salaires une période de trois années précédant la rupture soit jusqu’au 31 décembre 2013 et sa demande de paiement des salaires pour la période antérieure à cette date est prescrite.

Sur le montant du salaire et le statut de la salariée

L’article L.7111-3 du code du travail dispose qu’est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources.

Les éléments versés au dossier, notamment les déclarations de revenus de Mme [I] établissent qu’elle a pour activité principale et régulière l’exercice de la profession de journaliste consistant à élaborer des émissions en vue de l’information des téléspectateurs, dans une entreprises de presse et en tire le principal de ses ressources sans que la société BFM puisse lui opposer de bonne foi le non paiement des salaires qui lui sont dus en conséquence de l’existence d’un contrat de travail. La suspension de l’émission durant la période estivale ne fait pas obstacle au caractère régulier de la collaboration de Mme [I] qui revendique la qualité de pigiste.

Compte tenu des éléments versés aux débats par la salariée non utilement contestés par la société BFM sur sa collaboration comme chroniqueuse à l’émission hebdomadaire ‘Goûts de luxe’ et au vu de la grille de salaire applicable au sein de la société BFM, la cour considère que la salariée est en droit de réclamer deux piges comme rédacteur-Présentateur de flash TV d’un montant de 149,40 euros pour l’année 2014, de 150,52 pour l’année 2015 et d’un montant de 150,97 euros pour l’année 2016, par émission et hors 13ème mois.

En conséquence, par infirmation du jugement critiqué, la cour condamne la société BFM à verser à Mme [I] les sommes suivantes :

– au titre de l’année 2016 : 15 700,88 euros y compris le 13ème mois à hauteur de 1 207,76 outre la somme de 1 570,08 euros de congés payés afférents ;

– au titre de l’année 2015 : 15 654,08 euros en ce compris le 13ème mois à hauteur de 1 204,16 euros, outre la somme de 1 565,40 euros de congés payés ;

– au titre de l’année 2014 : 15 537,60 euros en ce compris le 13ème mois à hauteur de 1 195,20 euros outre la somme de 1 553,76 euros de congés payés.

Sur la rupture du contrat

Il est de droit qu’en lui fournissant régulièrement du travail pendant une période de 3 ans et 10 mois, la société BFM a fait de Mme [I] une collaboratrice régulière à laquelle elle était tenue de fournir du travail, sauf à engager une procédure de licenciement.

En conséquence, la rupture de la collaboration avec Mme [I] à compter du 31 décembre 2016 produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En application de la convention collective nationale des journalistes, Mme [I] est en droit de percevoir :

– la somme de 2 415,52 euros d’indemnité compensatrice de préavis correspondant aux salaires qu’elle aurait perçu durant les deux mois de préavis, outre la somme de 241,55 euros de congés payés afférents ;

– 5 124,58 euros d’indemnité conventionnelle de licenciement.

Le jugement sera infirmé de ces chefs.

En application de l’article L. 1235-3 du code du travail dans sa version applicable, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l’une ou l’autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l’employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l’indemnité de licenciement prévue à l’article L. 1234-9.

Compte tenu de l’âge de la salariée, de sa rémunération, de son ancienneté et des circonstances de la rupture, par infirmation de la décision, la cour alloue à Mme [I] la somme de 10 000 euros d’indemnité en application de l’article L. 1235-3 du code du travail.

Sur les indemnités chômage

En application de l’article L.1235-4 du code du travail, la cour ordonne à la société BFM le remboursement à France Travail des indemnités de chômage versées à la salariée dans la limite de six mois d’indemnités de chômage.

Sur le travail dissimulé

Aux termes de l’article L.8223-1 du code du travail, le salarié auquel l’employeur a recours dans les conditions de l’article’L.8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article’L.8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Toutefois, la dissimulation d’emploi salarié prévue par ces textes n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle.

En l’espèce, compte tenu des demandes réitérées de la salariée de voir son travail rémunéré, de l’existence du lien de subordination entre Mme [I] et la société que celle-ci ne pouvait de bonne foi ignorée, la cour retient que c’est de manière intentionnelle que la société BFM a dissimulé l’emploi de Mme [I].

En conséquence, la cour condamne la société BFM à verser à Mme [I] la somme de 7 850,44 euros d’indemnité forfaitaire au titre du travail dissimulé. La décision sera réformée de ce chef.

Sur la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

L’exécution fautive du contrat de travail par l’employeur qui n’a pas versé de rémunération durant plus de trois ans à sa salariée malgré ses demandes répétées lui a causé un préjudice distinct de celui réparé par l’octroi des intérêts moratoires, préjudice résultant, comme l’atteste M. [N], de la déconsidération et du mépris ressentis par Mme [I] qui ne bénéficiait pas de la même attention que les autres collaborateurs et qui pensait que son travail n’était pas apprécié à juste valeur.

En conséquence et par infirmation de la décision entreprise, la cour condamne la société BFM à verser à Mme [I] la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi.

Sur la perte des droits aux indemnités chômage

Mme [I] sollicite la somme de 34 725,60 euros au titre des indemnités qu’elle aurait selon dû percevoir, somme calculée sur la base d’un salaire mensuel de 2 574 euros et sur une durée d’affiliation de 730 jours.

Cependant, comme le souligne la société BFM, il résulte des éléments du dossier que Mme [I] avait un travail depuis juin 2016 au sein de la société Moteur Boat magazine.

En outre, l’attestation France Travail qui lui sera remise lui permettra de régulariser sa situation. C’est donc à juste titre que les premiers juges l’ont déboutée de sa demande à ce titre. La décision sera confirmée de ce chef.

Sur les droits à retraite

Mme [I] sollicite la somme de 29 454,72 euros au titre du remboursement du rachat de ses trimestres de retraite.

Cependant, comme le fait valoir l’employeur, la situation de la salariée sera régularisée auprès des organismes de retraite à la suite de la condamnation de l’employeur à verser les salaires.

La décision des premiers juges qui ont débouté la salariée de sa demande à ce titre sera confirmée.

Sur le rappel des frais de transport

Mme [I] sollicite le remboursement de 50% de son pass navigo au titre des années 2013, 2014, 2015 et 2016.

Cependant, elle ne justifie pas des frais qu’elle dit avoir exposé à ce titre et doit donc être déboutée de sa demande. La décision critiquée sera confirmée de ce chef.

Sur la prime d’ancienneté et la carte de presse

Mme [I] soutient qu’en application de la convention collective nationale des journalistes, elle aurait dû percevoir une prime d’ancienneté de 3% de son salarie mensuel.

Mme [I] ne justifie pas qu’elle avait 5 ans d’ancienneté dans la profession de journaliste pour pouvoir prétendre au versement de cette prime. C’est donc à juste titre qu’elle a été déboutée de sa demande de paiement de la prime d’ancienneté de 3%.

Sur le droit à l’image

Mme [I] soutient que dès lors que la société BFM business TV a refusé de régulariser un contrat avec Mme [I], elle n’a pu donner son consentement à l’usage de son image, qu’elle n’a en outre pas été rémunérée pour l’exploitation de cette dernière, elle sollicite donc le versement de 100 € de droit à l’image par émission.

La société BFM business TV réplique qu’outre le fait que les parties n’étaient pas liées par un contrat de travail, les demandes relatives au droit à l’image de Mme [I] relevant ainsi de la matière civile, et donc du tribunal judiciaire, celles-ci ne peuvent aboutir, Mme [I] n’ayant pas été filmée à son insu, participant volontairement aux chroniques, les republiant sur son blog, et ne s’étant jamais opposée à leur diffusion.

Au constat que Mme [I] participait à l’enregistrement des émissions qu’elle préparait et qu’elle présentait ; qu’eu égard à sa profession, elle ne peut sérieusement soutenir qu’elle n’avait pas accepté d’être filmée ni que l’émission soit diffusée, ce qui était le coeur de son métier, la cour confirme le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages-intérêts à ce titre.

Sur les frais irrépétibles

La société Business BFM sera condamnée aux entiers dépens et devra verser à Mme [I] la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, la condamnation prononcée à ce titre par les premiers juges étant confirmés.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu’il a reconnu l’existence d’un contrat de travail entre la SAS BFM Business TV et Mme [O] [I] ; en ce qu’il a débouté Mme [O] [I] de ses demandes au titre des indemnités chômage, de la retraite, du droit à l’image ; en que qu’il a condamné la SAS BFM Business TV à verser à Mme [O] [I] la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

INFIRME le jugement pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

CONDAMNE la SAS Business BFM venant aux droits de la société BFM Business TV à verser à Mme [O] [I] les sommes suivantes :

– 15 700,88 euros de rappel de salaire pour l’année 2016 ;

– 1 570,08 euros de congés payés afférents ;

– 15 654,08 euros de rappel de salaires pour l’année 2015 ;

– 1 565,40 euros de congés payés ;

– 15 537,60 euros de rappel de salaire pour l’année 2014 ;

– 1 553,76 euros de congés payés ;

– 2 415,52 euros d’indemnité compensatrice de préavis ;

– 241,55 euros de congés payés afférents ;

– 5 124,58 euros d’indemnité conventionnelle de licenciement ;

– 10 000 euros d’indemnité en application de l’article L. 1235-3 du code du travail ;

– 7 850,44 euros d’indemnité forfaitaire au titre du travail dissimulé ;

– 10 000 euros de dommages-intérêts au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail;

RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil des prud’hommes, les autres sommes à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les alloue,

ORDONNE la capitalisation des intérêts ;

ORDONNE le remboursement par la SAS Business BFM venant aux droits de la société BFM Business TV à France Travail des indemnités chômage versées à Mme [O] [I] dans la limite de 6 mois ;

CONDAMNE la SAS Business BFM venant aux droits de la société BFM Business TV aux entiers dépens ;

CONDAMNE la SAS Business BFM venant aux droits de la société BFM Business TV à verser à Mme [O] [I] la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La greffière, La présidente.


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