Chèque avec fausses signatures des dirigeants : la responsabilité de la banque

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Chèque avec fausses signatures des dirigeants : la responsabilité de la banque
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L’auteur d’un dommage assigné en réparation par la victime peut rechercher la garantie d’un tiers en invoquant la faute de celui-ci dans la réalisation de ce dommage.

Le bien-fondé de l’appel en garantie du responsable d’un dommage contre ce tiers est subordonné à la seule démonstration que celui-ci a commis une faute ayant contribué à la réalisation du préjudice de la victime.

L’auteur des chèques falsifiés peut également être condamné pour des faits d’abus de confiance, de contrefaçon ou falsification de chèques et usage de chèques contrefaits ou falsifiés.

En l’espèce, le Crédit Lyonnais a encaissé 132 chèques libellés à l’ordre de [X] [P] et de [L] [P] pour un montant global de 691.991,34 euros établis entre juillet 2015 et octobre 2016 et comportant une signature qui n’était ni celle de Monsieur [X] [P] ni celle de Monsieur [N].

Le Crédit Lyonnais qui a accepté entre juillet 2015 et octobre 2016, le paiement de 132 chèques comportant une signature qui n’était ni celle de Monsieur [X] [P] ni celle de Monsieur [N] pour un montant global de 691.991,34 euros a commis une faute qui a contribué au dommage subi par les sociétés WITH UP COM et WITH UP COM PRODUCTIONS.

Résumé de l’affaire :

Contexte de l’affaire

La société WITH UP COM, spécialisée dans la communication, a mandaté la société EXPERTISE ET PERFORMANCE pour la présentation de ses comptes annuels. En 2014, Monsieur [X] [P] a été détaché par EXPERTISE ET PERFORMANCE pour gérer la comptabilité du groupe WITH UP, avant d’être recruté en 2015 comme responsable administratif et comptable.

Les détournements de fonds

En octobre 2016, un chèque de 39.153 euros, tiré sur le compte de WITH UP COM PRODUCTIONS et présenté par le frère de Monsieur [X] [P], a été rejeté par le CREDIT LYONNAIS. Suite à cela, une plainte pour escroquerie a été déposée contre Monsieur [X] [P]. Des investigations ont révélé que 132 chèques, totalisant 691.991,34 euros, avaient été émis entre 2015 et 2016 avec des signatures falsifiées.

Jugement initial

Le tribunal correctionnel de Paris a déclaré Monsieur [X] [P] coupable d’abus de confiance et de falsification de chèques en janvier 2018, le condamnant à deux ans d’emprisonnement avec sursis et à indemniser les sociétés WITH UP COM et WITH UP COM PRODUCTIONS pour les préjudices subis.

Actions en justice

En 2018, les sociétés WITH UP COM et WITH UP COM PRODUCTIONS ont assigné EXPERTISE ET PERFORMANCE et AXA ASSURANCE en responsabilité contractuelle. Par la suite, EXPERTISE ET PERFORMANCE a assigné le CREDIT LYONNAIS et les consorts [P] en intervention forcée.

Décisions judiciaires successives

En juin 2019, le juge a débouté les sociétés WITH UP de leur demande de jonction des procédures. En novembre 2021, le tribunal a déclaré irrecevable l’action de WITH UP contre EXPERTISE ET PERFORMANCE, mais a condamné AXA ASSURANCE à indemniser WITH UP COM PRODUCTIONS. En mars 2022, le tribunal a reçu l’action directe de WITH UP contre AXA ASSURANCE, condamnant cette dernière à indemniser à hauteur de 25 % des sommes détournées.

Appels et conclusions finales

Les sociétés EXPERTS ET ENTREPRENDRE PARIS et AXA ASSURANCES ont interjeté appel des décisions, tout comme le CREDIT LYONNAIS et les consorts [P]. Les dernières conclusions des parties ont été notifiées en 2023, avec des demandes de garantie et d’indemnisation formulées par les différentes parties impliquées.

Jugement final

Le tribunal a statué en octobre 2024, condamnant le CREDIT LYONNAIS à garantir EXPERTS ET ENTREPRENDRE et AXA ASSURANCES à hauteur de 25 % des sommes mises à leur charge, et a également condamné Monsieur [X] [P] et Monsieur [L] [P] à garantir les sociétés des condamnations prononcées à leur encontre. Les parties perdantes ont été condamnées aux dépens et à verser une somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

28 octobre 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG n°
19/02898
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] C.C.C. + C.C.C.F.E.
délivrées le :
à

PEC sociétés civiles

N° RG 19/02898

N° Portalis 352J-W-B7D-CPJSB

N° MINUTE : 3

Assignation du :
16 novembre 2018

JUGEMENT
rendu le 28 octobre 2024
DEMANDERESSES

Société EXPERTS ET ENTREPRENDRE PARIS (SAS), anciennement EXPERTISE & PERFORMANCE
46, rue Cardinet
75017 PARIS

Société AXA ASSURANCES IARD MUTUELLE
313, Terrasses de l’Arche
92000 NANTERRE

représentées par Maître Yann MICHEL de la SELARL ASEVEN, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #P0196

DÉFENDEURS

Société CREDIT LYONNAIS (SA)
18, rue de la République
69002 LYON

représentée par Me Julien MARTINET, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #D1329

Monsieur [X] [P]
27, avenue Kléber
75016 PARIS

Monsieur [L] [P]
27, avenue Kléber
75016 PARIS

représentés par Maître Frédéric CATTONI de la SELARL CABINET SALLARD CATTONI, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #C0199
Décision du 28 octobre 2024
PEC sociétés civiles
N° RG 19/02898 – N° Portalis 352J-W-B7D-CPJSB

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Pascale LADOIRE-SECK, vice-présidente, présidente de la formation ;
Laure ALDEBERT, première vice-présidente
Samantha MILLAR, vice-présidente ;

assistés de Robin LECORNU, Greffier,

DEBATS

A l’audience du 06 mai 2024, tenue en audience publique

Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au Greffe le 30 septembre 2024, prorogé au 28 octobre 2024.

JUGEMENT

Rendu publiquement par mise à disposition au Greffe
Contradictoire
En premier ressort

FAITS ET PROCEDURE

Aux termes de lettres de mission du 25 février 2011 et du 5 mars 2012, la société WITH UP COM qui a pour activité la “communication, régie ou courtage, conseil en communication événementielle” et sa filiale la société WITH UP COM PRODUCTIONS ont confié à la société EXPERTISE ET PERFORMANCE, une mission de présentation de leurs comptes annuels.

A partir de septembre 2014, Monsieur [X] [P] a été détaché par la société EXPERTISE ET PERFORMANCE “pour s’occuper de la comptabilité des sociétés du groupe WITH UP”, avant d’être directement recruté le 30 mai 2015 par le Groupe WITH UP en qualité de responsable administratif et comptable.

Le 20 octobre 2016, le CREDIT LYONNAIS a rejeté un chèque d’un montant de 39.153 euros tiré sur le compte de la société WITH UP COM PRODUCTIONS et libellé au nom de Monsieur [X] [P], qui avait été présenté à l’encaissement par Monsieur [L] [P], frère de Monsieur [X] [P].

Monsieur [N], co-gérant de la société WITH UP COM PRODUCTIONS, a porté plainte le 1er décembre 2016 contre Monsieur [X] [P] pour escroquerie.

A l’occasion d’investigations complémentaires effectuées à la demande des sociétés WITH UP COM et WITH UP COM PRODUCTIONS, la société EXPERTISE ET PERFORMANCE a découvert d’autres détournements, et plus particulièrement que 132 chèques libellés à l’ordre de [X] [P] et de [L] [P] pour un montant global de 691 991,34 euros ont été établis entre juillet 2015 et octobre 2016 et comportaient une signature qui n’était ni celle de Monsieur [X] [P] ni celle de Monsieur [N].

Par jugement du 29 janvier 2018 du tribunal correctionnel de PARIS, Monsieur [X] [P] a été déclaré coupable des faits d’abus de confiance, de contrefaçon ou falsification de chèques et usage de chèques contrefaits ou falsifiés. Par même jugement, Monsieur [L] [P] a été déclaré coupable de faits recel de bien et d’usage de chèques contrefaits ou falsifiés. Ils ont été condamnés chacun à deux ans d’emprisonnement avec sursis assortie d’une mise à l’épreuve et à payer solidairement :

– à la société WITH UP COM PRODUCTIONS :
• la somme de 691.991,34 € en réparation du préjudice matériel
• la somme de 3.000 € en réparation du préjudice moral (…) ;
– à la société WITH UP COM, partie civile, la somme de 10.000 € en réparation du préjudice matériel.

La société WITH UP COM a continué à utiliser les services de la société EXPERTISE ET PERFORMANCE jusqu’au 31 mars 2018.

C’est dans ces conditions que par actes d’huissier des 20 juin 2018 et 17 juillet 2018, les sociétés WITH UP COM ainsi que Messieurs [N]-[C] et [D] ont fait assigner la société EXPERTISE & PERFORMANCE et sa compagnie d’assurances AXA ASSURANCE IARD MUTUELLE aux fins de voir établir la responsabilité contractuelle du professionnel du chiffre et obtenir l’indemnisation de ces préjudices.

Par acte d’huissier du 16 novembre 2018, la société EXPERTISE & PERFORMANCE et la société AXA ASSURANCE IARD MUTUELLE ont assigné en intervention forcée le CRÉDIT LYONNAIS et les consorts [P] aux fins de voir leur responsabilité éventuelle engagée et à titre subsidiaire leur garantie.

Les procédures ont été enrôlées respectivement sous les numéros de répertoire général 18/09424 et 19/02898.

Par ordonnance du 24 juin 2019, le juge de la mise en état a débouté les sociétés WITH UP COM ainsi que Messieurs [N] et [D] de leur demande de jonction des procédure RG 18/09424 et RG 19/02898.

La société EXPERTISE ET PERFORMANCE devenue EXPERTS ET ENTREPRENDRE PARIS et AXA ASSURANCE MUTUELLE IARD auxquelles le CREDIT LYONNAIS avait opposé la nullité de l’assignation du 16 novembre 2018, a à nouveau assigné ce dernier et Messieurs [X] et [L] [P] en garantie.

Aux termes d’un jugement rendu le 08 novembre 2021 dans le cadre de l’instance principale enrôlée sous le numéro RG 18/09424, le tribunal a :

« Déclaré irrecevable l’action de la SAS WITH UP COM et de la SARL WITH UP COM PRODUCTIONS à l’encontre de la société ENTREPRENDRE & PERFORMANCE,
Déclaré recevable l’action de Monsieur [B] [N]-[C] et Monsieur [Y] [D] à l’encontre de la société ENTREPRENDRE & PERFORMANCE,
Débouté Monsieur [B] [N]-[C] et Monsieur [Y] [D] de leur demande au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral allégué,
Condamné in solidum la SAS WITH UP COM, la SARL WITH UP COM PRODUCTIONS,
Monsieur [B] [N]-[C] et Monsieur [Y] [D] aux dépens dont distraction au profit de Maître Yann MICHEL, avocat, conformément à l’article 699 du code de procédure civile,
Condamné in solidum la SAS WITH UP COM, la SARL WITH UP COM PRODUCTIONS,
Monsieur [B] [N]-[C] et Monsieur [Y] [D] à payer à la société ENTREPRENDRE ET ENTREPRENDRE PARIS et à la SA AXA ASSURANCES IARD MUTUELLE la somme de 3000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Dit n’y avoir lieu à l’exécution provisoire. ».

Les Sociétés WITH UP COM et WITH UP COM PRODUCTIONS ainsi que Messieurs [N]-[C] et [D] ont interjeté appel le 24 décembre 2021 à l’encontre de cette décision.

Aux termes d’un jugement rendu le 21 mars 2022, le tribunal saisi sur requête en omission de statuer par les sociétés WITH UP COM et WITH UP COM PRODUCTIONS, ainsi que Messieurs [N]-[C] et [D] a « ajout[é] au jugement rendu le 08 novembre 2021 dans la procédure n°RG 18/09424 les dispositions suivantes :
« Reçoit l’action directe de la SAS WITH UP COM et de la SARL WITH UP COM PRODUCTIONS à l’encontre de la société AXA ASSURANCES IARD MUTUELLE,
Condamne la société AXA ASSURANCES IARD MUTUELLE à payer à la société WITH UP COM PRODUCTIONS la somme de 172.997,88 euros au titre de l’indemnisation à hauteur de 25 % de la somme totale détournée avec intérêts au taux légal à compter du 6 mars 2017,
Déboute la SAS WITH UP COM et la SARL WITH UP COM PRODUCTIONS de leurs autres demandes,
Condamne la société AXA ASSURANCES IARD MUTUELLE […] à payer à la SAS WITH UP COM et à la SARL WITH UP COM PRODUCTION la somme de 3000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ».

Les sociétés EXPERTS ET ENTREPRENDRE PARIS et AXA ASSURANCES IARD MUTUELLE ont interjeté appel le 13 avril 2022 à l’encontre de cette décision. 

Dans la présente instance 19/2898, le tribunal a par jugement du 26 septembre 2022 ordonné la révocation de l’ordonnance de clôture rendue le 28 février 2022 considérant que les deux décisions rendues les 8 novembre 2021 et 21 mars 2022 qui ont statué sur l’action en principal introduite par les sociétés WITH UP ont une incidence certaine sur l’action en intervention forcée à l’encontre du CRÉDIT LYONNAIS et de Monsieur [X] [P] et de Monsieur [L] [P] et notamment eu égard à l’éventuel partage de responsabilité qui peut être retenu à l’encontre de ces derniers, compte tenu de la part de responsabilité déjà retenue à l’encontre de la société ENTREPRENDRE & PERFORMANCE.

L’affaire a ainsi été renvoyée à la mise en état afin de permettre aux parties de conclure à la suite de ces deux jugements.

Aux termes de leurs dernières conclusions récapitulatives notifiées le 30 novembre 2022, la société EXPERTS ET ENTREPRENDRE PARIS et la société AXA ASSURANCES IARD MUTUELLE demandent au tribunal de :
« 1°/- DECLARER recevables et bien fondées les Sociétés EXPERTS ET ENTREPRENDRE PARIS et AXA ASSURANCES IARD MUTUELLE à assigner en intervention forcée la Société LE CREDIT LYONNAIS ainsi que Messieurs [X] et [L] [P] ;
2°/- CONSTATER que la Société LE CREDIT LYONNAIS a commis à compter du 6 juillet 2015 une succession de fautes par négligence en ne s’assurant pas de la conformité des signatures apposées sur les chèques litigieux avec le spécimen de signature en sa possession et en payant imprudemment et de manière injustifiée pendant 15 mois des chèques faux de manière évidente tirés sur la Société WITH UP COM PRODUCTIONS ;

3°/- CONSTATER que la faute commise par la Société LE CREDIT LYONNAIS tenant au non-respect du spécimen de signature(s) autorisée(s) a été la cause essentielle et déterminante de la réalisation du dommage allégué par les Sociétés WITH UP COM et WITH UP COM PRODUCTIONS ainsi que par Messieurs [N]-[C] et [D] ;
4°/- CONSTATER que les Consorts [P] ont été jugés seuls coupables des actes frauduleux qui leur ont été reprochés par les Sociétés WITH UP COM, WITH UP COM PRODUCTIONS et Messieurs [N]-[C] et [D] ;
En conséquence,
5°/- CONDAMNER la Société LE CREDIT LYONNAIS, au regard de la gravité des fautes qu’elle a commises, à relever et garantir les Sociétés EXPERTS ET ENTREPRENDRE PARIS et AXA ASSURANCES IARD MUTUELLE à hauteur de 99% des sommes mises à leur charge ;
6°/- CONDAMNER Messieurs [X] et [L] [P] à relever et garantir les Sociétés EXPERTS ET ENTREPRENDRE PARIS et AXA ASSURANCES IARD MUTUELLE de l’ensemble des condamnations prononcées à leur encontre ;
7°/- DEBOUTER la Société LE CREDIT LYONNAIS et les Consorts [P] de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions à l’encontre des Sociétés EXPERTS ET ENTREPRENDRE PARIS et AXA ASSURANCES IARD MUTUELLE ;
En toute hypothèse,
8°/- CONDAMNER in solidum la Société LE CREDIT LYONNAIS ainsi que Messieurs [P] au paiement de la somme de 10.000 € au profit des Sociétés EXPERTS ET ENTREPRENDRE PARIS et AXA ASSURANCES IARD MUTUELLE sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
9°/- CONDAMNER in solidum la Société LE CREDIT LYONNAIS ainsi que Messieurs [P] au paiement des entiers dépens, lesquels seront recouvrés par Me Yann MICHEL conformément aux dispositions de l’article 699 du code de Procédure Civile. »

Aux termes de ses dernières conclusions récapitulative au fond notifiées le 02 mai 2024, le Crédit Lyonnais demande au tribunal de :
« Dire n’y avoir lieu de surseoir à statuer entre les sociétés demanderesses EXPERTS ET ENTREPRENDRE PARIS et AXA ASSURANCES IARD MUTUELLES et le CREDIT LYONNAIS,
Au fond, dire et juger les sociétés EXPERTS ET ENTREPRENDRE PARIS anciennement EXPERTISE ET PERFORMANCE et AXA ASSURANCE IARD MUTUELLE mal fondées en toutes leurs contestations, allégations, demandes et prétentions contre le CREDIT LYONNAIS,
Les en débouter en toutes les fins qu’elles comportent,
Condamner in solidum les sociétés EXPERTS ET ENTREPRENDRE PARIS et AXA ASSURANCE IARD a payer au CREDIT LYONNAIS une indemnité de 15.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du CPC,
Et les condamner in solidum aux entiers dépens du CREDIT LYONNAIS »

Aux termes de leurs dernières conclusions récapitulatives notifiées le 30 novembre 2023, Monsieur [X] [P] et Monsieur [L] [P], demandent au tribunal de :
«  1°/- DECLARER recevables et bien fondées les Sociétés EXPERTS ET ENTREPRENDRE PARIS et AXA ASSURANCES IARD MUTUELLE à assigner en intervention forcée la Société LE CREDIT LYONNAIS ainsi que Messieurs [X] et [L] [P] ;
2°/- CONSTATER que la Société LE CREDIT LYONNAIS a commis à compter du 6 juillet 2015 une succession de fautes par négligence en ne s’assurant pas de la conformité des signatures apposées sur les chèques litigieux avec le spécimen de signature en sa possession et en payant imprudemment et de manière injustifiée pendant 15 mois des chèques faux de manière évidente tirés sur la Société WITH UP COM PRODUCTIONS ;
3°/- CONSTATER que la faute commise par la Société LE CREDIT LYONNAIS tenant au non-respect du spécimen de signature(s) autorisée(s) a été la cause essentielle et déterminante de la réalisation du dommage allégué par les Sociétés WITH UP COM et WITH UP COM PRODUCTIONS ainsi que par Messieurs [N]-[C] et [D] ;
4°/- CONSTATER que les Consorts [P] ont été jugés seuls coupables des actes frauduleux qui leur ont été reprochés par les Sociétés WITH UP COM, WITH UP COM PRODUCTIONS et Messieurs [N]-[C] et [D] ;
En conséquence,
5°/- CONDAMNER la Société LE CREDIT LYONNAIS, au regard de la gravité des fautes qu’elle a commises, à relever et garantir les Sociétés EXPERTS ET ENTREPRENDRE PARIS et AXA ASSURANCES IARD MUTUELLE à hauteur de 99% des sommes mises à leur charge ;
6°/- CONDAMNER Messieurs [X] et [L] [P] à relever et garantir les Sociétés EXPERTS ET ENTREPRENDRE PARIS et AXA ASSURANCES IARD MUTUELLE de l’ensemble des condamnations prononcées à leur encontre ;
7°/- DEBOUTER la Société LE CREDIT LYONNAIS et les Consorts [P] de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions à l’encontre des Sociétés EXPERTS ET ENTREPRENDRE PARIS et AXA ASSURANCES IARD MUTUELLE ;
En toute hypothèse,
8°/- CONDAMNER in solidum la Société LE CREDIT LYONNAIS ainsi que Messieurs [P] au paiement de la somme de 10.000 € au profit des Sociétés EXPERTS ET ENTREPRENDRE PARIS et AXA ASSURANCES IARD MUTUELLE sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
9°/- CONDAMNER in solidum la Société LE CREDIT LYONNAIS ainsi que Messieurs [P] au paiement des entiers dépens, lesquels seront recouvrés par Me Yann MICHEL conformément aux dispositions de l’article 699 du code de Procédure Civile. »

Aux termes de ses dernières conclusions récapitulatives notifiées le 10 octobre 2022, le Crédit Lyonnais demande au tribunal de :
«  Dire n’y avoir lieu de surseoir à statuer entre les sociétés demanderesses EXPERTS ET ENTREPRENDRE PARIS et AXA ASSURANCES IARD MUTUELLES et le CREDIT LYONNAIS,
Au fond, dire et juger les sociétés EXPERTS ET ENTREPRENDRE PARIS anciennement EXPERTISE ET PERFORMANCE et AXA ASSURANCE IARD MUTUELLE mal fondées en toutes leurs contestations, allégations, demandes et prétentions contre le CREDIT LYONNAIS,
Les en débouter en toutes les fins qu’elles comportent,
Condamner in solidum les sociétés EXPERTS ET ENTREPRENDRE PARIS et AXA ASSURANCE IARD à payer au CREDIT LYONNAIS une indemnité de 15.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du CPC,
Et les condamner in solidum aux entiers dépens du CREDIT LYONNAIS, »

Aux termes de leurs dernières conclusions récapitulatives au fond notifiées par voie électronique le 25 juin 2021, Messieurs [X] et [L] [P] demandent au tribunal de :
« Déclarer irrecevables, en tous cas non fondées la société EXPERTS ET ENTREPRENDRE et la société AXA FRANCE IARD MUTUEL ;
Débouter la société EXPERTS ET ENTREPRENDRE et la société AXA FRANCE IARD MUTUEL de l’ensemble de leurs de l’ensemble de leurs demandes à l’encontre Monsieur [X] [P] et Monsieur [L] [P].
Dire n’y avoir lieu à jonction,
Dire n’y avoir lieu de surseoir à statuer,
Condamner in solidum la société EXPERTS ET ENTREPRENDRE et la société AXA FRANCE IARD MUTUEL à payer à Monsieur [X] [P] et Monsieur [L] [P] la somme de 5 000 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
Condamner in solidum la société EXPERTS ET ENTREPRENDRE et la société AXA FRANCE IARD MUTUEL aux entiers dépens. »

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il convient de se référer aux dernières conclusions des parties, en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’affaire a été plaidée à l’audience du 06 mai 2024 et mise en délibéré au 30 septembre 2024 prorogé au 28 octobre 2024.

MOTIFS

Sur la garantie du Crédit Lyonnais

L’auteur d’un dommage assigné en réparation par la victime peut rechercher la garantie d’un tiers en invoquant la faute de celui-ci dans la réalisation de ce dommage.

Le bien-fondé de l’appel en garantie du responsable d’un dommage contre ce tiers est subordonné à la seule démonstration que celui-ci a commis une faute ayant contribué à la réalisation du préjudice de la victime.

En l’espèce, le Crédit Lyonnais a encaissé 132 chèques libellés à l’ordre de [X] [P] et de [L] [P] pour un montant global de 691.991,34 euros établis entre juillet 2015 et octobre 2016 et comportant une signature qui n’était ni celle de Monsieur [X] [P] ni celle de Monsieur [N].

Le Crédit Lyonnais qui a accepté entre juillet 2015 et octobre 2016, le paiement de 132 chèques comportant une signature qui n’était ni celle de Monsieur [X] [P] ni celle de Monsieur [N] pour un montant global de 691.991,34 euros a commis une faute qui a contribué au dommage subi par les sociétés WITH UP COM et WITH UP COM PRODUCTIONS.

Le protocole d’accord conclu entre le Crédit Lyonnais et les sociétés WITH UP ne sont pas opposables aux tiers.

En conséquence, le Crédit Lyonnais sera condamné à garantir la société EXPERTS ET ENTREPRENDRE et la société AXA FRANCE IARD MUTUEL à hauteur de 25% des sommes mises à leur charge, la responsabilité principale étant celle de Messieurs [X] et [L] [P].

Sur la garantie de Monsieur [X] [P] et de Monsieur [L] [P]

En application de l’article L.121-12 du code des assurances, la société AXA ASSURANCES IARD MUTUELLE est subrogé, jusqu’à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l’assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l’assureur.

Aux termes de l’article 1346 du code civil, « La subrogation a lieu par le seul effet de la loi au profit de celui qui, y ayant un intérêt légitime, paie dès lors que son paiement libère envers le créancier celui sur qui doit peser la charge définitive de tout ou partie de la dette ».

En l’espèce, la société AXA ASSURANCES IARD MUTUELLE qui a été condamnée, aux termes du jugement du 21 mars 2022, à payer aux sociétés WITH UP COM et WITH UP COM PRODUCTIONS la somme de 172.997,88 euros au titre de l’indemnisation à hauteur de 25 % de la somme totale détournée avec intérêts au taux légal à compter du 06 mars 2017, est donc bien fondée à appeler en garantie Monsieur [X] [P] et Monsieur [L] [P] qui sont les auteurs principaux du dommage causé aux sociétés WITH UP COM et WITH UP COM PRODUCTIONS.

En conséquence, Monsieur [X] [P] et Monsieur [L] [P] seront condamnés à garantir la société EXPERTS ET ENTREPRENDRE PARIS et la société AXA ASSURANCES IARD MUTUELLE des condamnations prononcées à leur encontre.

Sur les demandes accessoires

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

La société Crédit Lyonnais, Monsieur [X] [P] et Monsieur [L] [P] succombant à l’instance, ils seront condamnés in solidum aux dépens de celle-ci dont distraction au profit de Maître Yann MICHEL en application de l’article 699 du code de procédure civile.

Eu égard à la condamnation aux dépens, la société Crédit Lyonnais, Monsieur [X] [P] et Monsieur [L] [P] seront condamnés à payer à la société EXPERTS ET ENTREPRENDRE PARIS et à la société AXA ASSURANCES IARD MUTUELLE somme de 3000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

L’instance ayant été introduite devant la présente juridiction avant le 1er janvier 2020, il y a lieu d’appliquer les dispositions du code de procédure civile relatives à l’exécution provisoire dans leur rédaction antérieure au décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019.

En application de l’article 515 ancien du code de procédure civile, hors les cas où elle est de droit, l’exécution provisoire peut être ordonnée, à la demande des parties ou d’office, chaque fois que le juge l’estime nécessaire et compatible avec la nature de l’affaire, à condition qu’elle ne soit pas interdite par la loi.

En l’espèce, il convient d’ordonner l’exécution provisoire qui apparaît nécessaire et compatible avec la nature de l’affaire.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant par jugement contradictoire, en premier ressort, et rendu publiquement par mise à disposition au Greffe,

Condamne le Crédit Lyonnais à garantir la société EXPERTS ET ENTREPRENDRE et la société AXA FRANCE IARD MUTUEL à hauteur de 25% des sommes mises à leur charge,

Condamne Monsieur [X] [P] et Monsieur [L] [P] à garantir la société EXPERTS ET ENTREPRENDRE PARIS et la société AXA ASSURANCES IARD MUTUELLE des condamnations prononcées à leur encontre,

Condamne in solidum la société Crédit Lyonnais, Monsieur [X] [P] et Monsieur [L] [P] à payer à la société EXPERTS ET ENTREPRENDRE PARIS et à la société AXA ASSURANCES IARD MUTUELLE somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum la société Crédit Lyonnais, Monsieur [X] [P] et Monsieur [L] [P] aux dépens dont distraction au profit de Maître Yann MICHEL en application de l’article 699 du code de procédure civile,

Ordonne l’exécution provisoire.

Fait et jugé à Paris le 28 octobre 2024

Le Greffier La Présidente
Robin LECORNU Pascale LADOIRE-SECK


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