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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 11
ARRET DU 09 FEVRIER 2023
(n° , pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/12006
N° Portalis 35L7-V-B7F-CD6GZ
Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Mars 2021 -TJ de CRETEIL – RG n° 20/02826
APPELANT
Monsieur [E], [T], [N] [H]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
né le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 5]
Représenté par Me Sandra OHANA de l’AARPI OHANA ZERHAT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050
assisté par Me Sophie MOUTOT, avocat au barreau de PARIS
INTIMES
FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par Me Alain LABERIBE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1217
assisté par Me Van VU NGOC, avocat au barreau de PARIS
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE [Localité 8]
[Adresse 7]
[Adresse 7]
n’a pas constitué avocat
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 10 novembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre
Mme Nina TOUATI, présidente de chambre
Mme Dorothée DIBIE, conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Nina TOUATI dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier lors des débats : Mme Roxanne THERASSE
ARRET :
– Réputé contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre et par Roxanne THERASSE, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Le 29 décembre 2017 à [Localité 9], M. [E] [H], qui circulait au guidon de son scooter, a été victime d’un accident de la circulation dans lequel était impliqué un véhicule dont le conducteur n’a pu être identifié.
Par ordonnance du 21 mai 2019, le juge des référés du tribunal de grande instance de Créteil a ordonné une mesure d’expertise médicale de M. [H], confiée au Docteur [Y] et condamné le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (le FGAO) à lui verser une provision d’un montant de 10 000 euros à valoir sur l’indemnisation définitive de son préjudice.
L’expert a établi son rapport le 15 janvier 2020.
Par exploit du 1er juin 2020, M. [H] a fait assigner le FGAO ainsi que la caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 8] (la CPAM) devant le tribunal judiciaire de Créteil afin de voir reconnaître son droit à indemnisation intégral et liquider ses préjudices.
Par jugement du 31 mars 2021, cette juridiction a :
– condamné le FGAO à payer à M. [H] les sommes suivantes en réparation de son préjudice corporel, en deniers ou quittances, provisions non déduites, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour :
– 24 euros au titre des dépenses de santé actuelles
– 482,17 euros au titre de la perte de gains professionnels actuels
– 200 euros au titre des frais divers
– 2 712,86 euros au titre de l’assistance par une tierce personne temporaire
– 5 000 euros au titre de l’incidence professionnelle
– 1 743,75 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire
– 5 000 euros au titre de la souffrance
– 500 euros au titre du préjudice esthétique temporaire
– 9 480 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,
– débouté M. [H] du surplus de ses demandes en indemnisation de son préjudice corporel,
– déclaré le présent jugement commun à la CPAM,
– condamné M. [H] aux dépens,
– condamné le FGAO à payer à M. [H] une indemnité de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– constaté l’exécution provisoire de plein droit de la décision,
– rejeté toutes prétentions plus amples ou contraires des parties.
Par déclaration du 30 juin 2021, M. [H] a interjeté appel de cette décision en critiquant ses dispositions relatives à l’indemnisation de l’assistance temporaire et permanente par une tierce personne, de l’incidence professionnelle, des souffrances endurées, du préjudice d’agrément ainsi que du déficit fonctionnel permanent.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les conclusions de M. [H], notifiées le 19 mai 2022, aux termes desquelles il demande à la cour de :
Vu les dispositions de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985,
– juger M. [H] recevable et bien fondée dans ses demandes,
– confirmer que le droit à indemnisation de M. [H] est intégral,
– réformer le jugement entrepris en condamnant le FGAO à payer à M. [H] :
– au titre de son besoin en tierce personne :
– avant consolidation : 2 987,14 euros
– après consolidation : 28 860,51 euros
– au titre de son incidence professionnelle :
– à titre principal :27 342,75 euros
– à titre subsidiaire : la somme forfaitaire de 40 000 euros
– au titre de son déficit fonctionnel permanent :
– à titre principal : 48 326,96 euros
– à titre subsidiaire : la somme forfaitaire de 11 000 euros
– 8 000 euros au titre du préjudice d’agrément,
– condamner le FGAO à payer à M. [H] la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– prononcer les condamnations en deniers ou quittances,
– déclarer la décision à intervenir commune et opposable à la CPAM de [Localité 6].
Vu les conclusions du FGAO, notifiées le 25 juillet 2022, aux termes desquelles il demande à la cour de :
Vu l’article L421-1 du code des assurances,
– juger M. [H] mal fondé en son appel,
– confirmer le jugement dans toutes ses dispositions sauf à retenir au titre de l’assistance par tierce personne avant consolidation la somme de 2 730 euros,
– débouter M. [H] de ses plus amples demandes,
– rejeter la demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ou la réduire à de plus justes mesures,
– rappeler que le FGAO ne peut être tenu au règlement des dépens.
La CPAM, à laquelle la déclaration d’appel a été signifiée le 27 septembre 2021, par acte d’huissier délivré à personne habilitée, n’a pas constitué avocat.
MOTIFS DE LA DECISION
Le FGAO ne conteste pas le droit à indemnisation intégral de M. [H], seuls étant discutés en l’état des dernières conclusions des parties l’indemnisation des postes de préjudice liés à l’assistance temporaire et permanente par une tierce personne, à l’incidence professionnelle, au déficit fonctionnel permanent et au préjudice d’agrément.
Sur les postes de préjudice discutés en cause d’appel
L’expert, le Docteur [Y], indique dans son rapport en date du 15 janvier 2020, que M. [H] a présenté à la suite de l’accident du 29 décembre 2017 un traumatisme du rachis dorso-lombaire avec fracture-tassement du plateau supérieur du corps de la 2ème lombaire , sans déficit neurologique, ainsi qu’un retentissement sur le plan psychologique.
Le Docteur [Y] relève que M. [H] conserve comme séquelles un enraidissement algique du rachis, sans déficit neurologique sous-jacent.
Il conclut, notamment, son rapport comme suit :
– arrêt des activités professionnelles du 29 décembre 2017 au 30 avril 2018,
– déficit fonctionnel temporaire total du 29 décembre 2017 au 6 janvier 2018
– déficit fonctionnel temporaire partiel :
* au taux de 50 % du 7 janvier 2018 au 28 mars 2018,
* au taux de 25 % du 29 mars 2018 au 30 avril 2018,
* au taux de 10 % du 1er mai 2018 au 28 août 2018,
– consolidation au 29 août 2018
– souffrances endurées de 3/7
– déficit fonctionnel permanent : 6 %
– besoin d’assistance temporaire par une tierce personne :
* 2 heures par jour pendant la période de déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 50 %
* 4 heures par semaine pendant la période de déficit fonctionnel temporaire à 25 %
– assistance permanente par une tierce personne : «sans objet, en l’absence de perte d’autonomie personnelle»
– préjudice d’agrément : «l’état actuel ne correspond pas à une inaptitude à toute activité sportive, mais compte tenu de l’état séquellaire imputable, il y a bien un retentissement avec une gêne pour les activités intéressant les mouvements du tronc»
– sur le plan professionnel : pas d’inaptitude au poste actuel de chauffeur poids lourd sans livraison ; s’il y avait une activité de manutention, il y aurait gêne à l’effort.
Ce rapport constitue, sous les réserves qui seront exposées plus loin, une base valable d’évaluation du préjudice corporel de M. [H] à déterminer au vu des diverses pièces justificatives produites, de l’âge de la victime née le [Date naissance 4] 1974, de son activité professionnelle à la date de l’accident de livreur, de la date de consolidation, afin d’assurer sa réparation intégrale.
Par ailleurs, le barème de capitalisation utilisé sera celui publié par la Gazette du palais 2018 dont l’application est sollicité par la victime et qui est le plus approprié en l’espèce pour assurer la réparation intégrale de son préjudice corporel.
Préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation)
– Assistance temporaire par une tierce personne
Ce poste de préjudice vise à indemniser, pendant la maladie traumatique, c’est-à-dire du jour de l’accident jusqu’à la consolidation, le besoin d’assistance de la victime directe pour l’aider dans le actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, contribuer à restaurer sa dignité et suppléer sa perte d’autonomie.
Le tribunal a évalué ce poste de préjudice à la somme de 2 712,86 euros.
M. [H], qui critique les conclusions de l’expert en ce qu’il n’a retenu aucun besoin d’assistance par une tierce personne après le 30 avril 2018, fait valoir que ses douleurs au niveau du dos justifient qu’il puisse bénéficier d’une aide humaine une heure par semaine pour la réalisation de ses courses lourdes hebdomadaires.
Il évalue ainsi son préjudice à la somme de 2 987,14 euros sur la base d’un taux horaire de 15 euros.
Le FGAO objecte que l’expert n’a pas retenu la nécessité d’une tierce personne au-delà du 30 avril 2018 et a constaté que M. [H] n’avait subi aucune perte d’autonomie personnelle postérieure à la consolidation.
Il demande à la cour d’évaluer ce poste de préjudice conformément aux conclusions de l’expert à la somme de 2 730 euros sur la base d’un coût horaire de 15 euros et de réformer le jugement sur le montant de l’indemnité allouée.
Sur ce, le Docteur [Y] a retenu que M. [H] avait eu besoin d’une assistance temporaire par une tierce personne de type auxiliaire de vie, non médicalisée, 2 heures par jour pendant la période de déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 50 % du 7 janvier 2018 au 28 mars 2018, au cours de laquelle il avait été immobilisé par un corset et de 4 heures par semaine pendant la période de déficit fonctionnel temporaire au taux de 25 % du 29 mars 2018 au 30 avril 2018.
Si le Docteur [Y] a estimé que M. [H] n’avait eu besoin d’aucune aide humaine au-delà du 30 avril 2018, il a constaté lors de son examen médical l’existence de «phénomènes algiques dans la région lombaire de L2 avec une tension musculaire quelle que soit la position dans la région lombaire moyenne».
L’expert a également relevé que sur le plan professionnel, toute activité de manutention induirait une gêne à l’effort.
M. [H] verse en outre aux débats une attestation établie le 18 janvier 2020 par une amie, Mme [Z], qui déclare s’occuper de ses courses, dans la mesure où il ne peut toujours pas soulever de charges lourdes ainsi qu’une déclaration d’accident du travail établie en février 2021 dont il résulte qu’il a présenté un lumbago à la suite de la manutention d’une charge lourde.
Ces éléments permettent d’établir, nonobstant l’avis contraire de l’expert qui ne lie pas le juge, qu’en raison de ses douleurs lombaires, M. [H] a eu besoin d’une assistance par une tierce personne pendant la période de déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 10 % du 1er mai 2018 au 28 août 2018, veille de la consolidation, pour la réalisation des courses lourdes, besoin que la cour est en mesure d’évaluer à 1 heure par semaine.
En application du principe de la réparation intégrale, l’indemnité allouée au titre de la tierce personne ne saurait être réduite en cas d’aide familiale ni subordonnée à la production des justificatifs des dépenses effectuées.
Eu égard à la nature de l’aide requise et du handicap qu’elle est destinée à compenser, l’indemnisation se fera, conformément à la demande de M. [H], sur la base d’un taux horaire de 15 euros.
L’indemnité de tierce personne s’établit ainsi de la manière suivante :
– pour la période du 7 janvier 2018 au 28 mars 2018
* 81 jours x 2 heures x 15 euros = 2 430 euros
– pour la période du 29 mars 2018 au 30 avril 2018
* 33 jours / 7 jours x 4 heures x 15 euros = 282,86 euros
– pour la période du 1er mai 2018 au 28 août 2018
* 120 jours / 7 jours x 1 heure x 15 euros = 257,14 euros
Soit un total de 2 970 euros.
Le jugement sera infirmé.
Préjudices patrimoniaux permanents (après consolidation)
– Assistance permanente par une tierce personne
Ce poste de préjudice vise à indemniser après la date de consolidation le besoin permanent d’assistance de la victime directe pour l’aider dans le actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, contribuer à restaurer sa dignité et suppléer sa perte d’autonomie.
Le tribunal a débouté M. [H] de la demande d’indemnisation formée à ce titre.
M. [H], qui critique les conclusions de l’expert en ce qu’il n’a retenu aucun besoin d’assistance par une tierce personne après consolidation soutient que ses douleurs au niveau du dos justifient qu’il puisse bénéficier d’une aide humaine une heure par semaine de manière pérenne pour la réalisation des courses lourdes.
Il évalue ce poste de préjudice, après capitalisation viagère, à la somme de 25 380 euros, calculée sur la base d’un taux horaire de 15 euros sur une année de 58 semaines pour tenir compte des congés payés.
Le FGAO objecte que l’expert n’a pas retenu la nécessité d’une tierce personne après le 30 avril 2018 et a constaté que M. [H] n’avait subi aucune perte d’autonome personnelle postérieure à la consolidation.
Sur ce, si le Docteur [Y] a estimé que M. [H] n’avait besoin d’aucune aide humaine au-delà du 30 avril 2018, il a constaté, lors de son examen médical, l’existence de «phénomènes algiques dans la région lombaire de L2 avec une tension musculaire quelle que soit la position dans la région lombaire moyenne».
L’expert a également relevé que sur le plan professionnel, toute activité de manutention induirait une gêne à l’effort.
M. [H] verse en outre aux débats une attestation établie le 18 janvier 2020 par une amie, Mme [Z], qui déclare s’occuper de ses courses, dans la mesure où il ne peut toujours pas soulever de charges lourdes ainsi qu’une déclaration d’accident du travail établie ne février 2021 selon laquelle il a présenté un lumbago à la suite de la manutention d’une charge lourde.
Ces éléments permettent d’établir, nonobstant l’avis de l’expert qui ne lie pas le juge, qu’en raison de ses douleurs lombaires chroniques, M. [H] a besoin de manière permanente d’une aide humaine non spécialisée pour la réalisation des courses lourdes, besoin que la cour est en mesure d’évaluer à 1 heure par semaine.
En application du principe de la réparation intégrale, l’indemnité allouée au titre de la tierce personne ne saurait être réduite en cas d’aide familiale ni subordonnée à la production des justificatifs des dépenses effectuées.
Eu égard à la nature de l’aide requise et du handicap qu’elle est destinée à compenser, l’indemnisation se fera, conformément à la demande de M. [H], sur la base d’un taux horaire de 15 euros sur une année de 58 semaines pour tenir compte des jours fériés et des congés payés.
L’indemnité de tierce personne s’établit ainsi de la manière suivante :
– pour la période du 29 août 2018 jusqu’à la date de la liquidation
*1 heure x 58 semaines x 4,45 ans x 15 euros = 3 871,50 euros
– pour la période à échoir par capitalisation selon l’euro de rente viagère prévu par le barème susvisé pour un homme âgé de 48 ans à la date de la liquidation, soit 29,173
* 1 heure x 58 semaines x 15 euros x 29,173 = 25 380,51 euros
Soit un total de 29 252,01 euros, ramené à la somme de 28 860,51 euros pour rester dans les limites de la demande.
Le jugement sera infirmé.
– Incidence professionnelle
M. [H] sollicite, en infirmation du jugement, à titre principal une indemnité d’un montant de 27 342,75 euros calculée sur la base d’un pourcentage de sa rémunération.
Il expose qu’il travaillait à la date de l’accident comme livreur pour un restaurant de Sushi, qu’il a démissionné de cet emploi en raison de son appréhension concernant la conduite des deux roues, qu’en dépit de sa grande expérience dans le domaine de la livraison, il a rencontré en raison de ses séquelles des difficultés à retrouver un emploi stable et a dû effectuer des missions d’intérim comme coursier de plis légers ou livreur de plateaux-repas, qu’il a finalement trouvé un emploi de chauffeur-livreur, en contrat à durée à durée indéterminée, n’impliquant pas le port de charge lourde, son employeur ayant mis à sa disposition un véhicule spécialement équipé d’un rideau électrique, d’un hayon élévateur et un tire-palette électrique.
Il avance qu’il subit en raison des séquelles de l’accident une dévalorisation sur le marché du travail alors qu’il n’est pas certain qu’il pourra occuper son emploi actuel jusqu’à l’âge de son départ à la retraite, mais également une pénibilité accrue confirmée par son récent accident du travail en date du mois de février 2021 lié à la manipulation du hayon élévateur du camion de livraison.
S’agissant des modalités d’évaluation de son préjudice, il reproche au premier juge d’avoir procédé à une indemnisation forfaitaire et estime justifié d’asseoir cette évaluation sur une fraction de son salaire en appliquant un coefficient de pénibilité de 6 % avec capitalisation selon un euro de rente temporaire jusqu’à la date prévisible de son départ à la retraite à l’âge de 67 ans.
A titre subsidiaire, faisant observer que la somme de 5 000 euros allouée par le tribunal représente une indemnité de 50 centimes par jour pendant les 23 années au cours desquelles il devra travailler jusqu’à l’âge de la retraite, il propose d’évaluer son préjudice à la somme de 40 000 euros calculée sur la base d’une indemnité journalière de 4,76 euros
Le FGAO objecte que la démission de M. [H] de l’emploi qu’il occupait à la date de l’accident relève d’un choix personnel et fait observer que l’expert a relevé dans son rapport que M. [H] avait repris son travail dans la même société à l’issue de son arrêt de travail mais avec un changement de poste sans conduite de deux-roues.
Il relève qu’à la suite de sa démission, M. [H] a occupé un emploi de chauffeur-livreur avec chargement de caisses de matériel, puis travaillé pour une société d’intérim en qualité de chauffeur-livreur, que depuis le 2 juillet 2019, il occupe un poste de chauffeur poids lourd au sein de la société L’Or des prés laitiers, qu’il n’est justifié d’aucune restriction concernant l’exercice de cet emploi, que si l’expert indique qu’en cas d’activité de manutention, il y aurait gêne à l’effort, M. [H] n’établit pas en quoi cette hypothétique gêne engendrerait une dévalorisation sur le marché du travail.
Il ajoute que les séquelles de l’accident n’ont pas empêché M. [H] d’obtenir son permis poids-lourd, qu’il admet lui-même disposer d’outils adaptés pour la manutention et que, s’agissant de la position assise prolongée, les chauffeurs de véhicule poids-lourd bénéficient de fauteuils ergonomiques.
Le FGAO critique par ailleurs la méthode de calcul de M. [H] consistant à appliquer au montant de son salaire annuel un coefficient de pénibilité de 6 %, équivalent à son taux de déficit fonctionnel permanent.
Sur ce, le poste de préjudice de l’incidence professionnelle a pour objet d’indemniser non la perte de revenus liée à l’invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle en raison, notamment, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d’une chance professionnelle ou de l’augmentation de la pénibilité de l’emploi qu’elle occupe imputable au dommage, ou encore l’obligation de devoir abandonner la profession exercée au profit d’une autre en raison de la survenance de son handicap.
En l’espèce, il n’est pas établi que M. [H] ait été contraint d’abandonner en raison de l’accident son poste de livreur en scooter pour un restaurant, alors qu’il ressort des pièces produites qu’il a démissionné de cet emploi et qu’il a lui-même indiqué lors des opérations d’expertise qu’à l’issue de son arrêt de travail il avait repris son activité au sein de la même société avec un changement de poste et une orientation vers une activité de restauration sans conduite de deux-roues.
Le Docteur [Y] a relevé que M. [H] occupait actuellement un poste de chauffeur, sans livraison, et estimé qu’il n’y avait pas d’inaptitude à ce poste, ajoutant que s’il y avait une activité de manutention, il y aurait une gêne à l’effort.
Contrairement à ce qu’allègue le FGAO il ne ressort pas des bulletins de paie versés aux débats que M. [H] ait repris après sa démission une activité de chauffeur impliquant le port de charges.
Si l’expert judiciaire n’a pas relevé d’incidence professionnelle autre que celle liée à la manutention, il a toutefois constaté lors de son examen médical l’existence de «phénomènes algiques dans la région lombaire de L2 avec une tension musculaire quelle que soit la position dans la région lombaire moyenne», ce dont il résulte que les douleurs lombaires chroniques dont souffre M. [H], quelle que soit sa position, rendent plus pénibles les stations debout et assise prolongées.
Le médecin conseil de M. [H], le Docteur [G], a d’ailleurs relevé dans sa note technique d’assistance à l’expertise que l’expert devrait retenir au titre de l’incidence professionnelle une limitation aux efforts de manutention et une gêne en position assise et debout prolongée.
Au vu de ces éléments, M. [H] justifie que les séquelles de l’accident, à savoir un enraidissement algique du rachis, le placent dans une situation de dévalorisation sur le marché du travail par rapport à d’autres salariés indemnes de tout handicap, étant observé que M. [H] ne bénéficie d’aucune garantie d’emploi concernant son poste actuel de chauffeur-livreur pour lequel il dispose d’équipements spécifiques facilitant les livraisons.
Par ailleurs, ses séquelles induisent une pénibilité accrue dans l’exercice de sa profession de chauffeur-livreur mais également dans toute activité professionnelle nécessitant des mouvements du tronc ainsi qu’une position assise ou debout prolongée.
Il n’est pas pertinent, contrairement à ce que soutient M. [H] d’opérer une corrélation entre le montant du salaire de la victime et l’évaluation des composantes de l’incidence professionnelle liées à la pénibilité accrue ou à la dévalorisation sur le marché du travail dont l’importance n’est pas liée au niveau de rémunération.
Compte tenu des éléments qui précèdent, de l’âge de M. [H] à la date de la consolidation, soit 44 ans, et de la durée prévisible pendant laquelle il subira les incidences professionnelles ci-dessus décrites, il convient d’évaluer ce poste de préjudice à la somme de 20 000 euros qui tient compte des données concrètes de l’espèce et ne revêt aucun caractère forfaitaire.
Il ressort du décompte définitif de créance établi le 22 octobre 2020 que les seules prestations en espèces servies par cet organisme à M. [H] à la suite de son accident du travail du 29 décembre 2017 consistent en des indemnités journalières d’un montant de 2 530,06 euros versées entre le 30 décembre 2017 et le 30 avril 2018.
En l’absence de mention relative au versement d’un capital ou d’une rente d’accident du travail, l’indemnité de 20 000 euros revient intégralement à M. [H].
Le jugement sera infirmé.
Préjudices extra-patrimoniaux permanents (après consolidation)
– Déficit fonctionnel permanent
Ce poste de préjudice vise à indemniser, pour la période postérieure à la consolidation, les atteintes aux fonctions physiologiques, les souffrances chroniques, la perte de la qualité de vie et les troubles ressentis par la victime dans ses conditions d’existence personnelles, familiale et sociales.
Les premiers juges ont évalué ce poste de préjudice à la somme de 9 480 euros.
M. [H] réclame à titre principal, en infirmation du jugement, une indemnité d’un montant de 48 326,96 euros qu’il évalue en fonction d’une indemnité journalière de 4 euros capitalisée de manière viagère.
Il estime que l’indemnisation de ce poste de préjudice par l’application d’un prix moyen d’incapacité partielle ne permet pas de réparer les différentes composantes du déficit fonctionnel permanent et estime que les premiers juges ont procédé à une évaluation forfaitaire de ce préjudice.
A titre subsidiaire, il demande à la cour d’évaluer son déficit fonctionnel permanent à la somme de 11 100 euros.
Le FGAO fait valoir que l’expert pour retenir un taux de 6 % a bien pris en compte les trois composantes du déficit fonctionnel permanent, à savoir le déficit physique et psychique objectif, les souffrances ressenties après consolidation et l’atteinte subjective à la qualité de vie et les troubles dans les conditions d’existence.
Il conclut que comme l’a jugé le tribunal, le déficit fonctionnel permanent de M. [H] doit être évalué à la somme de 9 480 euros ; la valeur du point étant de 1 580 euros pour une victime âgée de 44 ans à la date de consolidation et présentant un déficit fonctionnel permanent de 6 %.
Sur ce, le Docteur [Y] a retenu un taux de déficit fonctionnel permanent de 6 % après avoir relevé que M. [H] conserve comme séquelles un enraidissement algique du rachis, sans déficit neurologique sous-jacent.
Au vu des séquelles constatées, des douleurs persistantes et des troubles induits dans les conditions d’existence de M. [H], qui était âgé de 44 ans à la date de consolidation, il convient d’évaluer ce poste de préjudice, en se plaçant à la date du présent arrêt, à la somme de 11 000 euros, sans qu’il ait lieu de faire application d’une valeur abstraite d’un point d’incapacité.
Le jugement sera infirmé.
– Préjudice d’agrément
Le tribunal a débouté M. [H] de sa demande d’indemnisation au titre de ce poste de préjudice.
M. [H] réclame en infirmation du jugement une indemnité d’un montant de 8 000 euros en relevant qu’il justifie par l’attestation qu’il produit de la pratique antérieure de la natation et de la couse à pied, que l’expert a admis qu’il conservait une gêne concernant toutes les activités sportives nécessitant des mouvements du tronc, qu’il n’a jamais pu reprendre la course à pied qui requiert une coordination précise du tronc afin de créer un déplacement vers l’avant et qui ne lui procurait plus de plaisir, que s’il a repris la natation et continué de se rendre à la piscine pour soulager son dos, il ne pratique plus cette activité de la même manière et aussi intensément qu’avant.
Le FGAO objecte que l’expert n’a pas retenu d’impossibilité mais seulement une gêne pour les activités sportives intéressant les mouvements du tronc et estime que la seule attestation produite ne peut justifier l’indemnisation de ce poste de préjudice.
Sur ce, le préjudice d’agrément est constitué par l’impossibilité pour la victime de continuer de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs et inclut la limitation de la pratique antérieure.
En l’espèce, si Mme [Z] indique dans son attestation délivrée le 18 janvier 2020 avoir accompagné M. [H] dans la pratique de la marche à pied et à la piscine pour son rétablissement et sa rééducation fonctionnelle, il ne ressort pas de cette attestation que l’intéressé s’adonnait régulièrement à ces activités sportives avant l’accident.
En revanche, il résulte de cette même attestation que M. [H] pratiquait la course à pied avant l’accident et qu’il a abandonné cette activité depuis.
Le Docteur [Y] a relevé que si l’état de santé de M. [H] n’emportait pas une inaptitude à toute activité sportive, il existait, compte tenu de l’état séquellaire, un retentissement avec une gêne pour les activités intéressant les mouvements du tronc.
Il est ainsi établi l’existence d’un préjudice d’agrément pour la pratique de la course à pied qui rentre dans la catégorie d’activités impliquant des mouvements du tronc pour lesquelles l’expert a retenu un retentissement et une gêne dans leur accomplissement, étant observé que l’abandon par M. [H] de la course à pied se justifie par la disparition du plaisir que lui procurait antérieurement cette activité.
Au vu de ces éléments, il convient d’allouer à M. [H] une indemnité de 4 000 euros en réparation de son préjudice d’agrément.
Le jugement sera infirmé.
*****
Récapitulatif :
Les préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux de M. [H] dont la cour est saisie s’établissent de la manière suivante après déduction de la créance des tiers payeurs:
– assistance temporaire par une tierce personne : 2 970 euros (infirmation)
– assistance permanente par une tierce personne : 28 860,51 euros (infirmation)
– incidence professionnelle : 20 000 euros (infirmation)
– déficit fonctionnel permanent : 11 000 euros (infirmation)
– préjudice d’agrément : 4 000 euros (infirmation)
Sur les demandes annexes
Il n’y a pas lieu de déclarer le présent arrêt commun à la CPAM qui est en la cause.
Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles qui ne font l’objet d’aucune critique seront confirmées.
Si le FGAO ne peut ni être appelé en déclaration de jugement commun ni faire l’objet d’une condamnation, y compris au titre de l’article 700 du code de procédure civile, lors de l’instance engagée contre le responsable, il résulte de l’article R. 421-14 du code des assurances qu’à défaut d’accord du FGAO avec la victime sur la fixation de l’indemnité lorsque le responsable des dommages est inconnu la victime saisit la juridiction compétente pour faire trancher le litige.
Il en résulte que lorsque, comme en l’espèce, l’auteur de l’accident de la circulation n’a pu être identifié, le FGAO peut être assigné en justice et condamné au paiement des indemnités mises à sa charge ainsi qu’à une indemnité de procédure en application de l’article 700 du code de procédure civile.
En revanche, le FGAO ne peut être condamné au paiement des dépens, qui ne figurent pas au rang des charges qu’il est tenu d’assurer.
Compte tenu de la solution du litige, les dépens d’appel seront mis à la charge l’Etat.
L’équité commande d’allouer à M. [H] en application de l’article 700 du code de procédure civile une indemnité de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, par mise à disposition au greffe,
Et dans les limites de l’appel,
– Infirme le jugement en ses dispositions relatives à l’indemnisation des postes du préjudice corporel de M. [E] [H] liés à l’assistance temporaire et permanente par une tierce personne, à l’incidence professionnelle, au déficit fonctionnel permanent et au préjudice d’agrément,
– Le confirme pour le surplus,
Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,
– Condamne le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages à payer à M. [E] [H], provisions et sommes versées au titre de l’exécution provisoire du jugement non déduites, les indemnités suivantes au titre des poste de préjudice ci-après :
– assistance temporaire par une tierce personne : 2 970 euros
– assistance permanente par une tierce personne : 28 860,51 euros
– incidence professionnelle : 20 000 euros
– déficit fonctionnel permanent : 11 000 euros
– préjudice d’agrément : 4 000 euros
– Condamne le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages à payer à M. [E] [H], en application de l’article 700 du code de procédure civile, une indemnité de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel,
– Met les dépens d’appel à la charge de l’Etat.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE