Chauffeur Poids-Lourd : décision du 8 juillet 2022 Cour d’appel de Besançon RG n° 21/02245

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Chauffeur Poids-Lourd : décision du 8 juillet 2022 Cour d’appel de Besançon RG n° 21/02245
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ARRET N° 22/

CE/CM

COUR D’APPEL DE BESANCON

ARRET DU 08 JUILLET 2022

CHAMBRE SOCIALE

Audience publique

du 17 Juin 2022

N° de rôle : N° RG 21/02245 – N° Portalis DBVG-V-B7F-EOUK

S/appel d’une décision

du CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE LURE

en date du 16 décembre 2021

code affaire : 80W

Contestation en matière de médecine du travail

APPELANT

Monsieur [Y] [O],

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Virginie LEONARD, avocat au barreau de HAUTE-SAONE

INTIMEE

S.A.S. SUP INTERIM, demeurant [Adresse 2]

non comparante

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile l’affaire a été débattue le 17 Juin 2022, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur ESTEVE Christophe, Président de Chambre, entendu en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Christophe ESTEVE, Président de Chambre

Madame Bénédicte UGUEN-LAITHIER, Conseiller

Mme Florence DOMENEGO, Conseiller

qui en ont délibéré,

Mme Fabienne ARNOUX, Greffier lors des débats et Mme Cécile MARTIN, Greffier lors de la mise à disposition.

Les parties ont été avisées de ce que l’arrêt sera rendu le 08 Juillet 2022 par mise à disposition au greffe.

**************

Statuant sur l’appel interjeté le 21 décembre 2021 par M. [Y] [O] d’un jugement rendu le 16 décembre 2021 selon la procédure accélérée au fond par le conseil de prud’hommes de Lure qui, dans le litige l’opposant à la SAS SUP INTERIM, a :

– constaté la recevabilité du recours,

– dit que l’avis de l’inspection du travail reste pertinent,

– ordonné la restitution de la somme de 200 euros par la Caisse des dépôts et consignations à M. [Y] [O],

– condamné M. [Y] [O] aux entiers dépens,

– rappelé que le présent jugement est exécutoire à titre provisoire et a l’autorité de la chose jugée conformément à l’article R.1455-12 du code du travail,

Vu l’avis de fixation de l’affaire à bref délai en date du 17 janvier 2022,

Vu la signification de la déclaration d’appel délivrée à personne le 24 janvier 2022 à la société SUP INTERIM,

Vu les dernières conclusions transmises le 17 mai 2022 au greffe et régulièrement signifiées le 16 mai 2022 à l’intimée par M. [Y] [O], appelant, qui demande à la cour de :

infirmer le jugement entrepris,

statuant à nouveau,

substituer à l’avis d’inaptitude établi le 26 août (en réalité 20 août) 2020 la disposition suivante : « déclare Monsieur [Y] [O] apte au poste de manutentionnaire, conducteurs engins, chauffeurs spl »,

statuer ce que de droit s’agissant des dépens,

La cour faisant expressément référence aux conclusions susvisées pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens de l’appelant,

Vu l’absence de constitution de la société par actions simplifiée SUP INTERIM,

Vu l’ordonnance de clôture en date du 9 juin 2022,

SUR CE

EXPOSE DU LITIGE

Salarié intérimaire, M. [Y] [O] est régulièrement employé sous contrats de mission par l’entreprise de travail temporaire SUP INTERIM 70 en qualité de manutentionnaire, conducteur d’engins ou chauffeur SPL.

Lors d’un examen médical à l’embauche qui s’est tenu le 5 août 2020, le médecin du travail a déclaré l’état de santé de Monsieur [O] compatible avec un poste de conduite PL mais a néanmoins souhaité le revoir le 20 août suivant à réception d’examens complémentaires.

Le 20 août 2020, le médecin du travail a déclaré que son état de santé était non compatible avec un poste de conduite d’engins et chauffeur poids lourds mais compatible avec un poste de manutentionnaire.

Contestant cette décision, M. [Y] [O] a saisi le conseil de prud’hommes de Lure le 2 septembre 2020 afin de voir déclarer son état de santé compatible avec un poste de conducteur d’engins et de chauffeur poids lourd, sauf subsidiairement à confier une mesure d’instruction au médecin inspecteur du travail compétent.

Le 24 septembre 2020, le conseil de prud’hommes a ordonné avant dire droit une mesure d’instruction confiée au Docteur [J] [E], médecin inspecteur du travail territorialement compétent.

Par courrier du 25 mars 2021, celle-ci a exposé au conseil de prud’hommes qu’elle ne pouvait réaliser l’expertise dans la mesure où elle avait été sollicitée par le médecin du travail avant qu’il ne prononce « l’inaptitude ».

Par courriel du 21 septembre 2021, le greffe de la juridiction de première instance a informé le conseil de M. [Y] [O] qu’aucun autre médecin n’avait été trouvé dans tout le quart nord-est.

C’est dans ces conditions que le conseil de prud’hommes de Lure a rendu le 16 décembre 2021 le jugement entrepris.

MOTIFS

L’article L. 4624-7 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige dispose :

I.-Le salarié ou l’employeur peut saisir le conseil de prud’hommes selon la procédure accélérée au fond d’une contestation portant sur les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale en application des articles L. 4624-2, L. 4624-3 et L. 4624-4. Le médecin du travail, informé de la contestation par l’employeur, n’est pas partie au litige.

II.-Le conseil de prud’hommes peut confier toute mesure d’instruction au médecin inspecteur du travail territorialement compétent pour l’éclairer sur les questions de fait relevant de sa compétence. Celui-ci, peut, le cas échéant, s’adjoindre le concours de tiers. A la demande de l’employeur, les éléments médicaux ayant fondé les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail peuvent être notifiés au médecin que l’employeur mandate à cet effet. Le salarié est informé de cette notification.

III.-La décision du conseil de prud’hommes se substitue aux avis, propositions, conclusions écrites ou indications contestés.

IV.-Le conseil de prud’hommes peut décider, par décision motivée, de ne pas mettre tout ou partie des honoraires et frais d’expertise à la charge de la partie perdante, dès lors que l’action en justice n’est pas dilatoire ou abusive. Ces honoraires et frais sont réglés d’après le tarif fixé par un arrêté conjoint des ministres chargés du travail et du budget.

V.-Les conditions et les modalités d’application du présent article sont définies par décret en Conseil d’Etat.

Au cas présent, après avoir ordonné une mesure d’instruction qui n’a pu être exécutée, les premiers juges ont retenu que l’avis de l’inspection du travail restait pertinent, dans la mesure où le médecin inspecteur du travail territorialement compétent avait été sollicité par le médecin du travail avant que ce dernier ne rende l’avis d’aptitude avec réserves en date du 20 août 2020, et que ces deux médecins du travail ne validaient pas l’aptitude de M. [Y] [O] au poste de chauffeur poids lourd.

Toutefois, quand bien même il aurait été rendu avec l’assentiment du médecin inspecteur du travail, l’avis d’aptitude avec réserves établi le 20 août 2020 par le médecin du travail n’apparaît pas pertinent.

En premier lieu, il est contradictoire avec le précédent avis qu’il a rendu quinze jours plus tôt, sans que cette contradiction ne soit explicitée, étant observé que l’examen médical du 5 août 2020 a duré une heure et onze minutes alors que celui du 20 août 2020 s’est déroulé sur trois minutes.

En deuxième lieu, tous les éléments médicaux communiqués par le salarié sont en sens contraire.

En effet, lors de la visite médicale du 13 juin 2020 en vue du renouvellement périodique de ses permis, M. [Y] [O], alors âgé de 67 ans, a été déclaré apte pour la durée de la validité fixée par la réglementation, à la condition qu’il porte un dispositif de correction et/ou protection de la vision.

Le 18 août 2020, quelques jours avant l’avis litigieux, le médecin traitant de M. [Y] [O] attestait de la bonne santé de celui-ci et déclarait ne pas trop comprendre l’interdiction de conduire qui lui est imposée, étant précisé que la veille le médecin du travail avait fait savoir par courriel à l’employeur qu’il considérait que l’état de santé de l’intéressé ne lui permettait pas de tenir « un poste de sécurité (conduite de véhicule », en ajoutant : « m’étant entretenu avec le médecin inspecteur du travail et en tant que conseiller de l’employeur, il semble non pertinent de proposer des postes de sécurité à des salariés après retraite, notamment pour des raisons physiologiques ».

L’appelant produit également le compte rendu établi le 18 août 2020 par son cardiologue, qui conclut à l’absence de cardiopathie décelable.

Il verse aussi aux débats le certificat préfectoral en date du 8 octobre 2020 aux termes duquel il est déclaré avoir satisfait le 25 septembre 2020 à l’examen médical périodique prévu pour les conducteurs de voitures de taxi, d’ambulance, de petite remise, de ramassage scolaire, de transport public de personnes.

Le 13 mai 2022, lors de la visite médicale organisée dans le même cadre réglementaire que le 13 juin 2020, le même avis d’aptitude a été établi en faveur de l’intéressé.

S’agissant de la durée de validité de l’avis médical rendu dans le cadre du renouvellement périodique du permis, il est rappelé que l’article R. 221-11 du code de la route dispose :

I.-Lorsqu’une visite médicale est obligatoire en vue de la délivrance ou du renouvellement du permis de conduire, celui-ci peut être :

1° Dans les cas prévus au I de l’article R. 221-10, accordé sans limitation de durée ou délivré ou prorogé selon la périodicité maximale définie ci-dessous ;

2° Dans les cas prévus aux II, III et IV de l’article R. 221-10, délivré ou prorogé selon la périodicité maximale suivante : cinq ans pour les conducteurs de moins de soixante ans, deux ans à partir de l’âge de soixante ans et un an à partir de l’âge de soixante-seize ans. Toutefois, pour les conducteurs titulaires des catégories D1, D, D1E ou DE du permis de conduire, la périodicité maximale est d’un an à partir de l’âge de soixante ans.

II. – La validité du permis ainsi délivré ne peut être prorogée qu’après l’avis médical établi par un médecin agréé consultant hors commission médicale ou par la commission médicale.

Considérant l’ensemble de ces éléments, l’avis litigieux rendu le 20 août 2020 par le médecin du travail repose manifestement davantage sur un parti pris que sur des motifs médicaux précis résultant de l’état de santé de M. [Y] [O].

Il convient en conséquence d’infirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a ordonné la restitution de la consignation à M. [Y] [O], et statuant à nouveau, de déclarer ce dernier apte au poste de manutentionnaire, conducteur d’engins ou chauffeur SPL, cette disposition se substituant à l’avis d’aptitude établi le 20 août 2020 par le médecin du travail.

La décision étant prise dans son intérêt et la société SUP INTERIM, comparante en première instance, ne s’étant pas opposée à ses demandes, M. [Y] [O] conservera la charge des dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant selon la procédure accélérée au fond, par arrêt réputé contradictoire mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a ordonné la restitution de la consignation à M. [Y] [O] ;

Statuant à nouveau,

Déclare M. [Y] [O] apte aux postes de manutentionnaire, de conducteur d’engins ou de chauffeur SPL ;

Dit que cette disposition se substitue à l’avis d’aptitude avec réserves établi le 20 août 2020 par le médecin du travail ;

Laisse à M. [Y] [O] la charge des dépens d’appel.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le huit juillet deux mille vingt-deux et signé par M. Christophe ESTEVE, président de chambre, et Mme Cécile MARTIN, greffier.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT DE CHAMBRE,

 


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