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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-5
ARRÊT AU FOND
DU 06 AVRIL 2023
N° 2023/ 116
GM/PR
Rôle N° RG 22/04567 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BJEBM
[I] [K]
C/
S.A.S. SOCIÉTÉ EUROVIA PROVENCE ALPES COTE D’AZUR (PACA)
Copie exécutoire délivrée
le : 06/04/23
à :
– Me Claudia FORGIONE, avocat au barreau de GRASSE
– Me Emmanuelle JONZO, avocat au barreau de NIMES
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NICE en date du 01 Mars 2022 enregistré au répertoire général sous le n° F 20/00774.
APPELANT
Monsieur [I] [K], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Claudia FORGIONE, avocat au barreau de GRASSE
INTIMEE
S.A.S. SOCIÉTÉ EUROVIA PROVENCE ALPES COTE D’AZUR (PACA), demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Emmanuelle JONZO, avocat au barreau de NIMES
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 Février 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre, et Madame Gaëlle MARTIN, Conseiller, chargés du rapport.
Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre, a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre
Madame Gaëlle MARTIN, Conseiller
Madame Catherine MAILHES, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Karen VANNUCCI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Avril 2023.
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Avril 2023.
Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Mme Karen VANNUCCI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*-*-*-*-*
FAITS ET PROCÉDURE
M. [I] [K] a été engagé par la société Jean Lefebvre, devenue la société Eurovia PACA, en qualité de chauffeur poids lourd à compter du 1er décembre 1980, par contrat à durée indéterminée.
Au dernier état des relations contractuelles, le salarié est chauffeur poids lourds statut ouvrier, N 3 P1.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des ouvriers des travaux publics du 15 décembre 1992.
Un accord collectif d’entreprise sous la forme d’un protocole d’accord sur la réduction et l’aménagement du temps du travail du 26 novembre 2001 a été appliqué. Il prévoyait une modulation du temps de travail du 1er janvier au 31 décembre de chaque année.
Un litige est né entre le salarié et l’employeur, le salarié soutenant que l’accord collectif lui était inopposable.
M. [I] [K] est retraité depuis 2020.
Par requête enregistrée au greffe le 30 novembre 2020, M. [I] [K] a saisi le conseil de prud’hommes de Nice pour contester l’opposabilité de l’accord collectif d’entreprise du 26 novembre 2001 portant sur la modulation du temps de travail et d’obtenir en conséquence diverses sommes à titre de rappel de salaire, rappel d’heures supplémentaires, de dommages et intérêts en exécution déloyale du contrat de travail et aux fins de remise des bulletins de salaire modifiés.
Par jugement du 1er mars 2022, le conseil de prud’hommes de Nice a :
– déclaré l’accord de modulation inopposable à M. [I] [K],
En conséquence :
– condamné la société Eurovia PACA à payer à M. [I] [K] les sommes suivantes :
– 2.226, 12 euros brut au titre de l’inopposabilité de l’accord de modulation,
– 222,62 euros brut au titre des congés y afférents,
– l.000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonné la remise d’un bulletin de paie rectifié,
– fixé la moyenne des salaires à la somme de 2.3 79,70 euros bruts,
– débouté le demandeur et le défendeur de toutes leurs autres prétentions tant principales que
complémentaires,
– condamné la société Eurovia PACA aux dépens.
Le 28 mars 2022, M. [I] [K] a interjeté appel de la décision du conseil de prud’hommes en ce qu’il a été débouté des demandes suivantes :
– rappel de salaire ‘ heures supplémentaires : 9.184,27 euros
– congés payés sur rappel de salaire : 918,48 euros
– dommages et intérêts exécution déloyale du contrat de travail et résistance abusive : 8.000 euros.
– ordonner à l’employeur de remettre à M. [I] [K] ses bulletins de salaire rectifiés intégrant les rappels de salaire au titre de l’inopposabilité de l’accord de modulation et des heures supplémentaires accomplies de 2017 à 2020, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, à compter du 15ème jour suivant la notification de la décision à intervenir, le conseil réservant la faculté de liquider ladite astreinte,
– dire que la créance salariale portera intérêt au taux légal à partir de la demande en justice.
L’ordonnance de clôture est prononcée le 26 janvier 2023.
PRETENTIONS ET MOYENS
Par conclusions notifiées par voie électronique le 3 février 2023, M. [I] [K] demande à la cour de :
– révoquer l’ordonnance de clôture, et à défaut, écarter des débats les conclusions et pièces
de la société Eurovia PACA notifiées le 25 janvier 2023,
– recevoir M. [I] [K] en son appel et l’en déclarer bien fondé,
– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Eurovia PACA au paiement des sommes suivantes :
– 2.226,12 euros à titre de rappel de salaire correspondant aux absences de modulation,
– 222,62 euros au titre des congés payés afférents,
– 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– le réformer en ce qu’il a débouté le concluant de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, des congés payés afférents, de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et résistance abusive, de remise des bulletins de salaire rectifiés sous astreinte et de préciser que la créance salariale portera intérêt au taux légal à partir de la demande en justice,
et, statuant à nouveau,
– condamner la société Eurovia PACA au paiement des sommes suivantes :
rappel de salaire ‘ heures supplémentaires : 9.184,27 euros
congés payés sur rappel de salaires : 918, 48 euros
dommages et intérêts exécution déloyale du contrat de travail et résistance abusive : 6.000 euros
– ordonner à l’employeur de remettre à M. [I] [K] ses bulletins de salaire rectifiés intégrant les rappels de salaire au titre de l’inopposabilité de l’accord de modulation et des heures supplémentaires accomplies de 2017 à 2020, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, à compter du 15ème jour suivant la signification de la décision à intervenir,
– dire que la créance salariale portera intérêt au taux légal à partir de la demande en justice,
-condamner la société Eurovia PACA au paiement de la somme de 2.500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.
Le salarié, appelant soutient que l’accord d’entreprise du 26 novembre 2001 est inopposable pour deux motifs.
La mise en place d’un accord de modulation du temps de travail constitue en premier lieu une modification du contrat de travail nécessitant l’accord du salarié, lequel n’a pas été donné en l’espèce.
Il précise que le 26 novembre 2001, un accord sur la réduction et l’aménagement du temps de travail était conclu. Cet accord prévoit la modulation du temps de travail des salariés de l’entreprise sur l’année. L’application de cet accord de modulation, conclu et entré en vigueur postérieurement à l’embauche du salarié, constitue une modification de son contrat de travail. Cette modification ne peut dès lors être appliquée au salarié qu’à condition qu’il y ait consenti expressément. Tel n’est pas le cas en l’espèce. Dès lors, l’accord de modulation du temps de travail du 26 novembre 2001 est inopposable à M. [I] [K].
Au soutien de sa demande d’inopposabilité, le salarié appelant invoque également le non-respect par l’employeur des dispositions de l’accord d’entreprise.
Il précise que l’accord de modulation ne respecte pas certaines dispositions légales :
– l’accord de modulation prévoyant un délai de prévenance en cas de changement d’horaire inférieur au délai légal (5 jours au lieu de 7), il devait également préciser les contreparties dont les salariés devaient bénéficier du fait de la réduction de ce délai, ce qui n’est pourtant pas le cas,
– l’accord ne prévoit pas la communication au comité d’entreprise du bilan d’application sur la modulation.
D’autre part, les obligations mises à la charge de l’employeur par l’accord d’entreprise et
par la loi n’ont pas été respectées.
– d’abord, le comité d’établissement n’a jamais été consulté sur le programme indicatif de modulation, si ce n’est suite à la saisine du conseil de prud’hommes, dans des conditions non conformes aux dispositions légales applicables,
– ensuite, il n’a jamais été ni consulté, ni informé des changements d’horaires ni des motifs justifiant ce changement,
– enfin, aucun bilan d’application de la modulation n’a été transmis au Comité 8 février 2023 d’établissement en fin de période de modulation.
L’accord de modulation est inopposable au salarié.
Le salarié présente ensuite, comme conséquence de cette inopposabilité, une demande de confirmation du jugement au titre d’un rappel d’heures de travail et de congés payés du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2020 (2226, 12 euros et 222, 62 euros).
Sur sa demande de rappels de salaires au titre de l’inopposabilité de l’accord de modulation, M. [I] [K] soutient que l’inopposabilité de l’accord de modulation avait pour conséquence l’impossibilité pour l’employeur de moduler le temps de travail en fonction de périodes hautes et de périodes basses d’activité.
L’inopposabilité entraîne une triple obligation pour l’employeur :
– celle d’occuper les salariés à hauteur de 35 heures par semaine et de verser le salaire correspondant,
– de rémunérer les heures supplémentaires accomplies par semaine civile,
– l’impossibilité de compenser les heures supplémentaires effectuées avec les heures effectuées en-deçà de l’horaire légal de travail en période de sous-activité.
Du fait de l’inopposabilité de l’accord de modulation, la société EUROVIA PACA aurait donc dû occuper le demandeur à hauteur de 35 heures par semaine, et lui verser la rémunération correspondante, sans compensation possible durant les périodes de sous-activité.
C’est en raison de cette compensation mise en place par la société EUROVIA PACA entre périodes hautes et les périodes basses d’activité que les salariés sont rémunérés sur une base mensuelle de 151,67 heures, compensation impossible en l’état de l’inopposabilité de l’accord de modulation.
Un tableau versé aux débats permet de récapituler les heures durant lesquelles le salarié n’a pas été occupé à hauteur de 35 heures par semaine (« absence modulation »), et de déterminer le rappel de salaire correspondant.
Un second tableau permet de récapituler la rémunération due au salarié au titre de la majoration hebdomadaire des heures supplémentaires accomplies dans le cadre de l’accord de modulation du temps de travail, outre la rémunération non versée au titre des heures de travail accomplies.
La société Eurovia PACA a été condamnée par le conseil de prud’hommes de Nice au paiement des sommes suivantes :
rappel de salaire : 2.226,12 euros
congés payés sur rappel de salaire : 222,62 euros
Le concluant sollicite la confirmation du jugement entrepris sur ce point.
L’appelant présente ensuite une demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires non rémunérées.
Sur sa demande de rappels d’heures supplémentaires, le salarié fait valoir que pour déterminer le temps de travail des salariés et la rémunération qui leur est due, la Société
Eurovia Paca se base sur les seuls horaires de chantier, à savoir :
– du lundi au jeudi : 7h30 à 12h et 13h à 16h30,
– le vendredi : 7h30 à 12h et 13 à 15h30.
Soit un horaire hebdomadaire de 39 heures.
Or, de nombreuses heures accomplies par le demandeur et constituant du temps de travail effectif n’ont pas été prises en considération par l’employeur, notamment :
– Le temps passé à la préparation des chantiers (chargement et déchargement du matériel),
– Le temps de déplacement entre le dépôt et les chantiers de l’entreprise.
Par arrêts du 23 mai 2019, la cour d’appel d’Aix-en-Provence condamnait la société Eurovia Paca au paiement d’heures supplémentaires, estimant que les salariés n’avaient été rémunérés que sur la base des seuls horaires de chantier, sans qu’il ne soit tenu compte du temps passé à l’aide au chargement et au déchargement du matériel, ni du temps passé pour se rendre du siège de l’entreprise sur les chantiers. Par arrêts du 8 avril 2021, la Cour de cassation rejetait les pourvois de la société Eurovia Paca, confirmant ainsi les arrêts du 23 mai 2019.
Le salarié ajoute que les chauffeurs sont également concernés par cette difficulté.
Un tableau versé aux débats permet de récapituler :
– les heures de travail accomplies par le salarié et non rémunérées par la société Eurovia
PACA,
– les majorations dues au salarié au titre des heures supplémentaires accomplies hebdomadairement.
Dès lors, le salarié est bien fondé à solliciter la condamnation de la société Eurovia PACA au paiement des sommes suivantes :
année 2017 : 2.805 euros
année 2018 : 2.792,49 euros
année 2019 : 3.115,10 euros
année 2020 : 471,68 euros
rappel de salaire : 9.184,27 euros
congés payés sur rappel de salaire : 918,43 euros
Le salarié formule une demande de dommages intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.
Il invoque les manquements suivants :
– application d’un accord de modulation inopposable au salarié,
– défaut de rémunération de l’intégralité des heures de travail accomplies par le salarié,
– défaut de régularisation de la situation du demandeur, en dépit de la condamnation prononcée
par la cour d’appel d’Aix-en-Provence au profit d’autres salariés, l’obligeant à saisir le
conseil de prud’hommes.
– défaut de régularisation de la situation suite à la saisine du conseil de prud’hommes, et en retardant l’issue de la procédure, en dépit des décisions de justice définitives rendues.
Le salarié ajoute, sur son préjudice, que ce dernier est incontestable dès lors :
– qu’il a subi une perte de rémunération chaque année,
– qu’il est contraint d’agir en justice afin de faire valoir ses droits, qui ne seront finalement
reconnus qu’à l’issue de plusieurs années de procédure, et ce alors qu’une condamnation
définitive de la société est déjà intervenue.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 25 janvier 2023, la société Eurovia Paca demande à la cour de :
– confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a débouté le salarié des demandes de condamnations suivantes :
– 9 184.27 euros bruts à titre de rappel de salaires (heures supplémentaires)
– 918.48 euros bruts à titre de congés payés y afférents
– 8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale et résistance abusive
– confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande d’astreinte et de ses autres prétentions tant principales que complémentaires
– réformer le jugement dont appel en ce qu’il a condamné la société Eurovia PACA à payer au salarié les sommes suivantes :
– 2 226.12 euros bruts au titre de l’inopposabilité de l’accord de modulation
– 222.62 euros au titre des congés payés y afférents
– 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
et ordonné la remise d’un bulletin de paie rectifié.
Statuant à nouveau,
débouter le salarié de ses demandes, fins et conclusions
condamner M. [I] [K] au paiement de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Sur la demande de rappels de salaires au titre de l’inopposabilité de l’accord, l’employeur conclut à l’infirmation du jugement en ce qu’il a accordé un rappel de salaires au salarié.
L’employeur fait valoir que le salarié se prévaut de l’inopposabilité de cet accord afin de bénéficier du décompte de son temps de travail sur la semaine civile et le règlement des heures supplémentaires éventuellement accomplies par semaine civile.
Cependant, en l’espèce, il ne s’agit pas d’heures supplémentaires qui auraient effectuées par le salarié et qui n’auraient pas été réglées par l’employeur. Ici, le salarié sollicite le règlement des journées de travail non exécutées à la demande de l’employeur et qui sont comprises entre 0 et 35 heures par semaine. Or, ces journées non travaillées ‘ identifiées sur les bulletins de paie du salarié – ont bien été payées et n’ont ainsi données lieu à aucune retenue ou déduction de salaire.
En clair, nonobstant un nombre d’heures hebdomadaires de travail effectivement réalisé pour un volume inférieur à 35 heures, le salarié a toujours été payé sur une base forfaitaire mensuelle de 151.67 heures.
Il ne peut donc pas solliciter le règlement des heures de travail non réalisées, comprises entre 0 et 35 heures, lesquelles lui ont déjà été déjà rémunérées. Un récapitulatif desdites journées de travail non exécutées par le salarié est versé aux débats.
Monsieur [K] n’est donc pas recevable à solliciter une seconde fois le paiement des heures déjà réglées (alors, que de surcroît elles n’ont pas été travaillées).
Sur la demande du salarié de rappels d’heures supplémentaires, l’employeur conclut à la confirmation du jugement qui a rejeté cette prétention.
Il précise, qu’en réalité, sur les quatre dernières années, après analyse des fiches d’annualisation remise chaque mois au salarié, il apparaît que le salarié est dans l’incapacité de faire état d’un temps de travail qui n’aurait pas été comptabilisé et donc payé.
S’agissant du temps passé à la préparation des chantiers, le salarié a déjà été rémunéré à ce titre. Il bénéficie en effet des dispositions du Décret de 1936 applicable dans l’entreprise et perçoit mensuellement le règlement des heures dérogatoires attribuées au titre de son activité.
Le salarié en convient expressément puisqu’il déduit lui-même les heures dérogatoires dans son tableau de décompte.
S’agissant des temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail, il n’est pas un temps de travail effectif.
A contrario, le temps de trajet entre le siège de l’entreprise et le chantier est le plus souvent qualifié de temps de travail effectif, sauf si le passage du salarié par l’entreprise n’est pas obligatoire. Dans ses développements, la jurisprudence considère également que ce type de trajet entre dans le champ du temps de travail effectif si le salarié a l’obligation de passer par l’entreprise avant de se rendre sur le chantier.
En conséquence, il en va autrement lorsque le passage par l’entreprise constitue une simple faculté pour le salarié.
Dans une telle hypothèse, le temps de trajet entre l’entreprise et le chantier fait partie intégrante du temps de trajet entre le domicile et le lieu de travail et suit le régime juridique applicable à ce type de trajet.
En l’espèce, la société Eurovia PACA offre le choix aux salariés de venir au dépôt afin de bénéficier des moyens de transport assurés par l’entreprise pour se rendre sur les chantiers, ou bien, d’utiliser leur véhicule personnel pour se rendre directement sur le chantier.
A cet effet, le protocole d’accord sur l’harmonisation des primes et indemnités concernant le personnel ouvrier de la société précise bien en son article 4.2 que « le salarié a le choix de se rendre sur le chantier par ses propres moyens, lorsque le salarié est transporté par un véhicule de l’entreprise il ne bénéficie que de l’indemnité de trajet ».
Les salariés ne démontrent en aucun cas avoir été contraints par l’entreprise de passer au dépôt avant de se rendre sur le chantier.
De plus fort, en l’espèce, le débat est inexistant. En effet, le salarié exerce les fonctions de chauffeur. Il accomplit une tâche de conduite des camions aux fins de livraisons des marchandises/matériaux transportés sur les chantiers.
En conséquence, dès qu’il quitte le dépôt au volant de son camion, son temps de conduite est comptabilisé en temps de travail effectif et il est rémunéré comme tel.
C’est donc à bon droit que le conseil de prud’hommes a débouté le demandeur de sa demande de rappel de salaires (heures supplémentaires). La confirmation est sollicitée.
Sur la confirmation du jugement en ce qu’il a rejeté la demande indemnitaire du salarié pour exécution déloyale de son contrat de travail, l’employeur fait valoir que ce dernier ne justifie d’aucun préjudice.
MOTIFS
Sur la procédure
1-Sur la révocation de l’ordonnance de clôture
Aux termes de l’article 803 du code de procédure civile, l’ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s’il se révèle une cause grave depuis qu’elle a été rendue.
En l’espèce, l’intimée, qui a conclu la veille de l’ordonnance de clôture, ne s’oppose pas à la demande révocation de l’ordonnance de clôture par l’appelant. L’appelante a répliqué 8 jours après l’ordonnance de clôture.
Il convient donc de rabattre l’ordonnance de clôture du 26 janvier 2023, et de reporter la clôture au 7 février 2023, les parties ne justifiant ni n’alléguant d’aucune atteinte aux droits de la défense.
Sur les demandes liées à l’exécution du contrat de travail
1-Sur la demande de rappel de salaires comme conséquence de l’inopposabilité de l’accord de modulation
Aux termes de l’article L. 3171-4 du code du travail : En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
L’employeur ne peut se dispenser du paiement du salaire que s’il démontre que le salarié a refusé d’exécuter son travail ou qu’il ne s’est pas tenu à sa disposition
En l’espèce, le salarié n’a pas formé appel contre le chef de jugement qui lui déclare inopposable l’accord de modulation. L’employeur n’a pas conclu à l’infirmation de ce chef de jugement. L’effet dévolutif n’opère pas quant à ce chef de jugement, qui est définitif.
Ainsi, le protocole d’accord sur la réduction et l’aménagement du temps du travail du 26 novembre 2001 qui prévoyait une modulation du temps de travail du 1er janvier au 31 décembre est inopposable à M. [I] [K].
Lorsque l’accord de modulation n’est pas conforme ou qu’il est inopposable au salarié, ce dernier peut prétendre à l’application du régime de droit commun du décompte du temps de travail.
M. [I] [K] est donc fondé à prétendre au paiement de sa rémunération avec un décompte quotidien et à la semaine de son temps de travail.
Par ailleurs et en l’espèce, la société Eurovia Paca ne soutient pas que M. [I] [K] ne s’est pas tenu à sa disposition ou qu’il a refusé d’exécuter son travail durant l’exécution du contrat de travail.
Compte tenu de l’inopposabilité de l’accord de modulation au salarié et du fait qu’il travaillait à temps complet, l’employeur devait l’occuper à hauteur de 35 heures par semaine (et 151, 67 heures par mois) et lui verser le salaire correspondant.
Le salarié soutenant que, durant certaines semaines, il n’a pas été occupé à hauteur de 35 heures et n’a pas perçu le salaire correspondant, il revient à l’employeur de démontrer le paiement des salaires dûs et ce à hauteur de 35 heures par semaine.
Or, le salarié verse aux débats des éléments suffisamment précis établissant que l’employeur ne lui a pas réglé chaque mois les heures de travail effectuées sur un temps complet.
Concernant sa demande en paiement de ses heures de travail, M. [I] [K] verse en effet aux débats les éléments de preuve précis suivants :
– un tableau récapitulatif détaillant sa demande de rappel de salaire de janvier 2017 à avril 2020, mois par mois, avec l’indication du nombre d’heures travaillées chaque mois mais qui ont été déduites de son salaire, (tableau mentionnant un montant total de rappels de salaires de 2226, 12 euros),
– ses bulletins de salaire sur toute la période concernée de janvier 2017 à avril 2020 faisant apparaître chaque mois le nombre d’heures réalisées (151, 67 heures) et un nombre d’heures de travail pourtant déduites par l’employeur,
– en particulier les bulletins de salaires de décembre 2017, décembre 2018, décembre 2019, indiquant tous un grand nombre d’heures de travail à déduire et une retenue correspondante de salaire,
– un document intitulé ‘compteurs des annualisés’ mettant en évidence, pour l’année 2019, des déductions d’heures de travail opérées par l’employeur.
Il résulte de ces pièces précises que, nonobstant le fait que les bulletins de salaires mentionnent, en première ligne, que le salaire mensualisé était réglé sur la base d’un temps complet, ils indiquent toutefois également parfois une certaine quantité d’heures à déduire de la rémunération.
Ainsi, pour le mois de janvier 2017, le bulletin de salaire fait état d’un salaire mensualisé de 151,67 heures par mois mais également de 21 heures à déduire. Le bulletin de salaire de janvier 2018 précise toujours que le salaire mensualisé se décompte sur 151, 67 heures de travail, tout en précisant l’existence d’heures à déduire (35) et des heures pour absence de modulation.
Ainsi, alors que le salarié rapporte la preuve de l’existence de déductions d’heures de travail et de déduction de la rémunération correspondante opérées par l’employeur , ce dernier ne démontre pas, pour sa part, avoir réglé le salaire correspondant à un temps complet, chaque mois.
La société Eurovia PACA échoue à rapporter la preuve du paiement de la totalité du temps complet effectué par son salarié durant l’exécution du contrat de travail.
La cour, confirmant le jugement, condamne la société Eurovia PACA au paiement des sommes suivantes au bénéfice de M. [I] [K] :
– 2.226,12 euros à titre de rappel de salaire,
– 222,62 euros au titre des congés payés afférents.
2-Sur la demande de rappels des heures supplémentaires comme conséquence de l’inopposabilité de l’accord de modulation
S’agissant de la preuve des heures supplémentaires, le salarié doit apporter des éléments précis à l’appui de sa demande. S’il estime que la demande du salarié est fondée sur des éléments suffisamment précis, le juge doit alors apprécier les éléments qui lui sont fournis par l’une et l’autre des parties. Il ne peut en aucune manière trancher le litige en ne se fondant que sur les éléments fournis par le salarié.
Lorsque l’accord de modulation n’est pas conforme ou qu’il est inopposable au salarié, ce dernier peut prétendre à l’application du régime de droit commun du décompte du temps de travail et des heures supplémentaires.
En effet par principe, les heures supplémentaires se décomptent dans le cadre de la semaine (L 3121-29 du code du travail).
En l’espèce, l’employeur ne conteste pas que, pour déterminer le temps de travail de ses salariés, il se base sur les horaires de chantier : du lundi au jeudi de 7h30 à 12 h et de 13 h à 16H30, ainsi que le vendredi de 7h30 à 12 heures et de 13 H à 15H30.
Cependant, le salarié (chauffeur poids-lourds) estime qu’il a accompli des heures supplémentaires qui ne lui ont pas été payées, à savoir des heures passées à la préparation des chantiers et des temps de déplacement, ainsi que les heures passées au temps de déplacement entre le siège et les chantiers de l’entreprise.
Conformément à l’article L 3121-1 du code du travail, pour que le temps de travail effectif existe, trois conditions doivent être réunies :
– être à la disposition de l’employeur ;
– se conformer à ses directives,
– ne pas pouvoir vaquer à des occupations personnelles.
Le temps de travail effectif est donc celui pendant lequel le salarié se tient à la disposition de l’employeur pour participer à l’activité de l’entreprise. Enfin, toute période de travail effectif est rémunérée, est comptabilisée dans le cadre du décompte de la durée du travail.
Au soutien de sa demande en règlement des heures supplémentaires impayées, le salarié verse aux débats les éléments précis suivants :
– l’attestation de M. [R], collègue de travail du salarié : « Nous arrivons tous les matins au dépôt de la société Eurovia Méditerranée [Adresse 4] à [Localité 3] à 6h45. Il arrive que Mr [I] [K] nous a donné souvent un coup de main a moi et mes collègues pour charger ou décharger divers matériaux de chantier. Le soir nous finissons à 16h30 départ chantier. Entre 17h00 et 17h30 retour au dépôt pour décharger divers matériaux »,
– l’attestation de M. [O] [W], collègue de travail du salarié : « J’atteste sur l’honneur qu’avant l’heure de départ le matin soit 7h, et qu’après l’heure de retour le soir soit 16h30 du dépôt de la société qui l’emploie sté Eurovia Méditerranée [Adresse 4] à [Localité 3] :
il arrive fréquemment à Monsieur [I] [K] de charger / décharger le porte-char et la benne de l’entreprise Eurovia avec les matériels et matériaux suivants :
– engins de chantier divers,
– caisses d’éléments de finisseur,
– trémies de finisseur,
– sable, gravier, enrobée,
– matériaux de décharge (les soirs).
J’ai aidé moi-même manuellement ou bien avec la grue du camion de Eurovia que j’utilise, et j’ai vu u’il a aussi fréquemment été aidé par d’autres collègues de la sté Eurovia »
– le courrier de l’inspectrice du travail du 4 avril 2014 : « Pourtant, d’après les informations qui me sont parvenues, si les membres de votre CHSCT ont bien été consultés lors de la dernière réunion ordinaire de cette instance le 18 mars 2014 dernier, des divergences importantes persistent sur l’existence de nouveaux dépassements à la durée maximale quotidienne de travail
de nuit et sur la prise en compte, notamment, des temps de trajet aller ‘ retour entre le siège de l’entreprise et les chantiers concernés comme un temps de travail effectif pour les personnels visés.
Or, sur ce point de droit, je ne partage pas votre analyse des temps hors production pouvant être considérés comme du temps de travail effectif. Les arguments avancés par votre secrétaire du CHSCT, M. [S],sont fondès juridiquement.
En effet, s’agissant des temps de trajet entre le siège de l’entreprise et les chantiers où se déroulent le travail, dès lors que le salarié est contraint de passer par l’entreprise, le temps de trajet entre celle-ci et le lieu d’exécution du travail est en principe considéré comme du temps de travail effectif.
La jurisprudence constante de la Cour de Cassation considère de fait que le temps de transport du personnel entre l’entreprise et le chantier doit être envisagé comme un temps de travail effectif dès lors que le salarié doit se rendre dans l’entreprise avant d’être transporté sur le chantier, ce qui est le cas en l’espèce d’une partie importante de vos ouvriers.(Cassation, chambre sociale, 31 mars 1993, Cassation sociale, 16 juin 2004).
(‘)
Pour la Cour de Cassation, dès que le salarié s’est rendu dans l’entreprise pour prendre son poste, il est à la disposition de l’employeur au sein de l’article L. 3121-1 du code du travail.
C’est ce même principe de mise à la disposition effective des personnels qui, par ailleurs, régit l’appréciation plus globale en tant que temps de travail effectif des temps passés hors production pure par vos salariés.
Ainsi des opérations de chargement / déchargement de camions pour la préparation des chantiers réalisées au siège, si les salariés de l’entreprise étaient bien à la disposition effective de l’employeur, peuvent donc être assimilés juridiquement à du temps de travail effectif, même préalablement à leur départ pour le chantier, dans la mesure où les personnels ne pouvaient vaquer librement à leurs occupations (Cassation, chambre sociale, 16 juin 1997). (‘)
C’est pourquoi, je vous demande de prendre en compte ces temps dans le décompte horaire du temps de travail effectif de vos personnels de chantier et de régulariser au plus vite, et pour l’avenir,les éventuels dépassement de la durée maximale quotidienne et/ou hebdomadaire qui résulteraient d’une mauvaise interprétation de l’article L3121-1 du code du travail »
-le nouveau courrier du 2 mai 2014 de l’inspectrice du travail :
« Vous me répondez que cette jurisprudence ne s’appliquerait, selon vous, donc pas si le passage des salariés par l’entreprise constitue donc une simple faculté, comme au sein de l’entreprise EUROVIA et de l’agence de [Localité 3] en l’occurrence. Et de conclure que par conséquent, ce temps de trajet entre l’entreprise et le chantier ferait partie intégrante du temps de trajet entre le domicile et le lieu de travail, et suivrait donc le régime applicable au temps de trajet.
Dans cette argumentaire, vous ne prenez pas en considération deux paramètres qui m’apparaissent pourtant fondamentaux : l’importance des distances parcourues pour se rendre sur certains chantiers(et donc de l’avance financière considérable sur des remboursements de frais que constituerait cette démarche pour du personnel ouvrier), d’une part, et l’obligation faite notamment aux chefs de chantier et conducteurs de travail de passer obligatoirement par l’entreprise à l’aller et au retour de ceux-ci pour chaque journée de travail,
d’autre part.
– De fait, d’une part, il nous semble qu’en réalité, eu égard à l’éloignement kilométrique d’un certain nombre de vos chantiers (il en va par exemple ainsi des chantiers d’entretien de l’autoroute A8 ‘ ESCOTA, situés dans le département du Var et opérés de nuit), vos personnels ouvriers n’ont, en réalité, non seulement financièrement guère le choix du moyen de transport,mais également, que ne pas tenir compte de ces importants temps de travail dans le temps de travail effectif revient à nier la notion même de repos quotidien minimum et de temps de travail effectif.
Si l’on retient la position de la Cour de Cassation, force est de constater que pendant ces temps de trajet, les salariés concernés ne sont pas libres de vaquer à leurs occupations personnelles, et sont à la disposition de l”employeur au sein de l’article L3121-1 du code du travail.
– D’autre part, vos chefs de chantiers et conducteurs de travaux sont bien contrains de passer obligatoirement par l’entreprise à l’aller et au retour de ceux-ci pour chaque journée de travail.
Cette obligation découle tant de votre protocole d’accord sur la réduction et l’aménagement du temps de travail signé le 26 novembre 2001 par vos organisations syndicales, que de la nécessité pour ceux-ci de venir chercher leurs ouvriers à l’agence et de les transporter en fourgon de l’entreprise sur les lieux des chantiers.
En l’espèce, comme le souligne à juste titre M. [S], secrétaire du CHSCT et chef de chantier, dans son courriel du 19 avril 2014, votre encadrement de chantier doit bien, pour accomplir sa mission, passer par l’entreprise chaque matin (lieu d’embauche sur leur contrat de travail) pour préparer leurs chantiers, leurs petits matériels (pris dans le container ou passage chez le loueur), faire le plain de gas-oil, d’eau, passer des coups de téléphone (‘) et amener le personnel sur le chantier, pour un total journalier moyen (avec les retours divers du soir en personnels et matériels, coups de téléphone, passage dans les bureaux, rapports de chantier etc.,) d’au moins 1 heure, et peut-être plus, par jour.
(‘)
Or, en dépit de vos déclarations, ces heures ne paraissent pas décomptées ni dans les 1690 heures annualisées, ni dans les 161,42 heures mensuelles « forfaitisées » en principe chaque mois, pour vos chefs de chantier. Un rapide calcul de ces heures effectuées au-delà de 35 heures chaque semaine (5h minimun/semaine), et par mois (22 jours 1h = 22 heures par mois en moyenne) permet de vérifier que ces heures ne sont pas a priori décomptées, et donc payées (151,67 + 22h = 173,67h) ».
– un tableau détaillant les heures supplémentaires accomplies sur la période de janvier 2017 à avril 2020, avec, pour chaque jour de l’année, avec le nombre d’heures supplémentaires effectué par jour et le taux des majorations appliqué par le salarié (tableau mentionnant un montant total de rappels d’heures supplémentaires de 9 184,27 euros de 2017 à 2020).
Il résulte de ce qui précède que le salarié établit que même s’il exerçait le métier de chauffeur de poids-lourds, il était fréquemment tenu de se rendre au dépôt de la société, avant 7 heures du matin et après 16h30,soit en dehors des horaires décomptés par son employeur . Il devait réaliser des opérations de chargement et de déchargement de matériaux divers.
Durant ces opérations, le salarié était à la disposition de l’employeur, se conformait à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles.
Les éléments précis versés aux débats par le salarié établissent que celui-ci a réalisé du temps de travail effectif, au delà d’un temps complet, non pris en considération par l’employeur.
L’employeur répond à ces éléments précis en soutenant tout d’abord que le salarié exerçait les fonctions de chauffeur et qu’il accomplissait donc seulement une tâche de conduite des camions aux fins de livraison des marchandises ou matériaux transportés sur les chantiers.
Toutefois, comme indiqué plus haut, le salarié produit des éléments précis indiquant qu’il faisait plus que conduire les camions. En plus de cette tâche, il devait fréquemment,se rendre au dépôt avant ou après ses journées de travail, pour exécuter des opérations de chargement et de déchargement de matériaux divers.
L’employeur avance encore que s’agissant du temps dédié à la préparation des chantiers, le salarié a été rémunéré à ce titre, ayant bénéficié du paiement d’heures dérogatoires attribuées au titre de son activité. Il verse aux débats un document établi par ses soins décomptant effectivement de telles heures de travail au bénéfice du salarié.
Cependant, comme relevé plus haut, le salarié a produit un tableau détaillé du nombre d’heures supplémentaires réalisées par lui et non rémunérées. Or, ce nombre d’heures dépasse le nombre d’heures dérogatoires qui lui ont été payées par l’employeur. Ainsi, le salarié n’a pas été rémunéré pour la totalité de son temps de travail effectif réalisé et de ses heures supplémentaires.
Concernant les heures réalisées par le salarié au titre des temps de déplacement, l’employeur soutient que les salariés ne démontrent en aucun cas avoir été contraints de passer par l’entreprise au dépôt avant de se rendre sur le chantier. Toutefois, contrairement à ce qu’elle affirme, le salarié a bien versé des éléments précis en ce sens, comme mentionné plus haut.
Il soutient en outre qu’en sa qualité de chauffeur poids lourds, le temps de déplacement du salarié est déjà comptabilisé en temps de travail effectif au titre de son temps de conduite.
La cour relève que l’employeur ne produit aucun document qui pourrait justifier des horaires accomplis, y compris s’agissant des heures comptabilisées dans le cadre du temps de conduite.
Le salarié est fondé à obtenir le paiement d’heures supplémentaires réalisées en dehors des horaires de chantier rémunérés (heures passées à la préparation des chantiers et des temps de déplacement, ainsi que les heures passées au temps de déplacement entre le siège et les chantiers de l’entreprise).
Après analyse des pièces produites de part et d’autre, la cour retient une créance de rémunération d’heures supplémentaires à hauteur de 4 800, 27 euros, outre 480, 27 euros au titre des congés payés sur rappel de salaire.
La cour infirme le jugement et condamne l’employeur à payer au salarié les sommes de 4800, 27 euros au titre des heures supplémentaires impayées et de 480, 27 euros au titre des congés payés afférents.
3-Sur la demande de dommages intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et résistance abusive
L’article L1222-1 du code du travail dispose : le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
En application des articles 1240 et 1241 du code civil, l’exercice d’une action en justice constitue en principe un droit et nécessite que soit caractérisée une faute faisant dégénérer en abus le droit d’agir en justice pour que puissent êtres octroyés des dommages et intérêts à titre de réparation.
S’agissant tout d’abord de la demande de dommages intérêts pour prétendue résistance abusive de l’employeur la cour relève que plusieurs arrêts ont été rendus par la cour d’appel d’Aix-en-Provence le 23 mai 2019 reconnaissant l’inopposabilité au profit d’autres salariés de l’accord de modulation du temps de travail. De plus, le 8 avril 2021 la Cour de cassation a rejeté les pourvois contre ces arrêts.
M. [K] a saisi la juridiction prud’homale le 30 novembre 2020, en sorte que l’irrégularité de l’accord de modulation n’avait pas encore été définitivement tranchée à cette date. Dès lors, il ne peut être reproché à l’employeur de l’avoir contraint à agir en justice et d’avoir fait preuve d’une résistance abusive.
S’agissant de la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, le salarié qui a liquidé ses droits à la retraite courant 2020, n’a donc pas souffert de la poursuite de l’accord après la constatation définitive de son irrégularité et il n’est pas démontré qu’antérieurement à ces décisions de justice, l’employeur n’avait pas pu se méprendre sur l’étendue de ses droits et obligations dans l’exécution de l’accord litigieux.
Dans ces conditions, M. [K] qui soutient avoir subi une perte de rémunération ne justifie pas d’un préjudice distinct qui ne serait pas déjà réparé par les sommes allouées ci-avant.
La cour, confirmant le jugement, rejette la demande de dommages intérêts du salarié.
Sur les autres demandes
1-Sur les intérêts
La créance salariale au titre des rappels de salaire et des heures supplémentaires est productive d’intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l’employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation.
2-Sur la remise de documents
La cour ordonne à la société Eurovia PACA de remettre à M. [I] [K] un bulletin de salaire conformes à la présente décision.
Il n’est pas nécessaire d’assortir cette obligation d’une astreinte.
Sur les frais du procès
En application des dispositions des articles 696 et 700 du code de procédure civile, la société Eurovia Paca sera condamnée aux dépens ainsi qu’au paiement d’une indemnité de 2 500 euros.
La société Eurovia Paca est déboutée de sa demande d’indemnité de procédure.
PAR CES MOTIFS :
La cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud’homale,
– révoque l’ordonnance de clôture du 26 janvier 2023,
– reporte la clôture à la date du 7 février 2023,
– infirme le jugement en ce qu’il rejette les demandes en paiement de M. [I] [K] au titre d’un rappel d’heures supplémentaires impayées et de congés payés afférents,
statuant à nouveau des seuls chefs de jugement infirmés :
– condamne la société Eurovia Paca à payer à M. [I] [K] les sommes de 4800, 27 euros au titre des heures supplémentaires impayées et de 480, 27 euros au titre des congés payés afférents,
– confirme le jugement pour le surplus,
y ajoutant,
– dit que les créances salariales au titre des rappels de salaires de 2017 à 2020 et des heures supplémentaires sont productives d’intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l’employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation,
– ordonne à la société Eurovia PACA de remettre à M. [I] [K] un bulletin de salaire conforme à la présente décision,
– rejette la demande d’astreinte,
– condamne la société Eurovia PACA aux entiers dépens,
– condamne la société Eurovia PACA à payer à M. [I] [K] la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– rejette toute autre demande.
LE GREFFIER LE PRESIDENT