Chauffeur Poids-Lourd : décision du 5 juillet 2023 Cour d’appel d’Amiens RG n° 22/03512

·

·

Chauffeur Poids-Lourd : décision du 5 juillet 2023 Cour d’appel d’Amiens RG n° 22/03512
Ce point juridique est utile ?

ARRET

[B]

C/

S.A.S. GEODIS RT BM CHIMIE [Localité 7]

copie exécutoire

le 5/07/2023

à

Me MARLOT

Me GAUTIER

EG/IL/

COUR D’APPEL D’AMIENS

5EME CHAMBRE PRUD’HOMALE

ARRET DU 05 JUILLET 2023

*************************************************************

N° RG 22/03512 – N° Portalis DBV4-V-B7G-IQKI

JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE CREIL DU 14 JUIN 2022 (référence dossier N° RG F 21/00052)

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

Monsieur [M] [B]

né le 07 Novembre 1967 à [Localité 4] ITALIE

de nationalité Italienne

[Adresse 1]

[Localité 3]

comparant en personne

concluant par Me Mathieu MARLOT, avocat au barreau de SENLIS

ET :

INTIMEE

S.A.S. GEODIS RT BM CHIMIE [Localité 7] venant aux droits de la société BM CHIMIE [Localité 7], SAS, représentée par son Président en exercice

[Adresse 6]

[Localité 2]

concluant par Me Philippe GAUTIER de la SELARL CAPSTAN RHONE-ALPES, avocat au barreau de LYON

DEBATS :

A l’audience publique du 10 mai 2023, devant Mme Eva GIUDICELLI, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, l’affaire a été appelée.

Mme Eva GIUDICELLI indique que l’arrêt sera prononcé le 05 juillet 2023 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Isabelle LEROY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Eva GIUDICELLI en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :

Mme Laurence de SURIREY, présidente de chambre,

Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,

Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,

qui en a délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :

Le 05 juillet 2023, l’arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Laurence de SURIREY, Présidente de Chambre et Mme Isabelle LEROY, Greffière.

*

* *

DECISION :

M. [B], né le 7 novembre 1967, a été embauché par la société BM chimie [Localité 7] devenue Geodis RT chimie [Localité 7] (la société ou l’employeur) par contrat à durée indéterminée à compter du 21 janvier 2020, en qualité de chauffeur poids lourd HQ.

Son contrat est régi par la convention collective nationale des transports routiers et des activités auxiliaires du transport.

L’association emploie plus de 10 salariés.

Par courrier du 24 août 2020, M. [B] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 9 septembre 2020.

Par courrier du 7 octobre 2020, il a été licencié pour faute.

Ne s’estimant pas rempli de ses droits au titre de l’exécution de son contrat de travail et contestant le bien fondé de son licenciement, M. [B] a saisi le conseil de prud’hommes de Creil le 17 mars 2021.

Par jugement du 4 juin 2022, le conseil de prud’hommes a :

– jugé que le licenciement était justifié,

– débouté M. [B] de l’ensemble de ses demandes,

– condamné M. [B] à verser à la société Geodis BM chimie 200 euros au titre des frais irrépétibles,

– condamné M. [B] aux entiers dépens.

Par conclusions remises le 15 octobre 2022, M. [B], régulièrement appelant de ce jugement, demande à la cour de :

– infirmer le jugement rendu le 14 juin 2022 en toutes ses dispositions en ce qu’il :

– a jugé que le licenciement était justifié,

– l’a débouté de l’ensemble de ses demandes,

– l’a condamné à payer 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– l’a condamné aux entiers dépens.

Et statuant à nouveau,

A titre principal,

– juger que son licenciement était sans cause réelle et sérieuse,

– condamner la société Geodis RT chimie [Localité 7] à lui payer à 2 270,56 euros au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamner la société Geodis RT chimie [Localité 7] à lui verser 10 000 euros en indemnisation de son préjudice distinct et moral,

– condamner la société Geodis RT chimie [Localité 7] à lui verser 1 520 euros au titre d’un rappel de prime « voltigeur »,

– condamner la société Geodis RT chimie [Localité 7] à lui verser 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Geodis RT chimie [Localité 7] aux entiers dépens.

A titre subsidiaire,

– condamner la société Geodis RT chimie [Localité 7] à lui verser 1 520 euros au titre d’un rappel de prime « voltigeur »,

– condamner la société Geodis RT chimie [Localité 7] à lui verser 227,06 euros au titre de l’indemnité de licenciement,

– condamner la société Geodis RT chimie [Localité 7] à lui verser 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Geodis RT chimie [Localité 7] aux entiers dépens.

Par conclusions remises le 12 janvier 2023, la société Geodis RT chimie [Localité 7] demande à la cour de :

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 14 juin 2022,

En conséquence,

– dire et juger que M. [B] a été rempli de l’ensemble de ses droits salariaux, y incluant son indemnité de licenciement,

– dire et juger que le licenciement de M. [B] repose sur une cause réelle et sérieuse,

Par suite,

– débouter M. [B] de l’ensemble de ses demandes,

– condamner M. [B] au paiement de la somme de 2 400 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.

EXPOSE DES MOTIFS

1/ Sur l’exécution du contrat de travail

M. [B] soutient que prenant son service à [Localité 5] à plus de 250 km de sa prise habituelle de service à [Localité 7], sans qu’aucun tracteur lui soit spécifiquement attribué, il devait percevoir la prime voltigeur prévue par l’accord d’entreprise.

L’employeur répond que le lieu de prise de service du salarié étant [Localité 5] en exécution du contrat de travail, à distinguer du lieu de rattachement administratif qu’est [Localité 7], aucune prime voltigeur n’était due, et qu’en tout état de cause, aucun changement de tracteur n’est intervenu.

L’accord d’entreprise du 1er avril 2019 relatif notamment à la négociation annuelle obligatoire 2018 sur la rémunération prévoit qu’à compter du 1er avril 2019, et pour une durée d’un an, est mis en place une prime voltigeur pour les conducteurs devant prendre leur service à plus de 250 km de leur prise de service habituelle et devant changer de tracteur.

En l’espèce, le contrat de travail de M. [B] stipule son rattachement à l’établissement de [Localité 7] et fixe son lieu de prise de service à [Localité 5].

Aucun des éléments produits ne permettant d’établir que ce dernier prenait habituellement son service à [Localité 7], il ne saurait prétendre au versement de la prime voltigeur prévue par l’accord d’entreprise précitée.

Il convient donc de confirmer le jugement entrepris de ce chef.

2/ Sur la rupture du contrat de travail

2-1/ sur le bien fondé du licenciement

La lettre de licenciement, précisée le cas échéant par l’employeur, qui fixe les limites du litige, lie les parties et le juge qui ne peut examiner d’autres griefs que ceux qu’elle énonce.

En l’espèce, la lettre de licenciement est motivée comme suit :

«En date du 13 août 2020, vous réalisez votre conduite Eco2 avec notre moniteur. Durant cet accompagnement et alors que vous êtes au volant de votre ensemble routier, vous recevez un appel sur votre téléphone portable et décidez d’y répondre.

Au-delà de cette infraction au code de la route et de votre irresponsabilité, vous mettez ainsi la sécurité des personnes et des biens en danger. Nous nous interrogeons sur votre comportement sur la route alors même que devant le moniteur qui vous accompagnait. vous avez répondu au téléphone.

A la suite de cet accompagnement, vous vous êtes entretenu avec votre responsable d’exploitation au sujet du compte-rendu de votre conduite Eco2. Vous n’avez pas souhaité prendre en compte ses remarques indiquant que celles~ci étaient infondées et que de par votre expérience vous savez ce que vous avez a faire.

Enfin, à l’analyse du relevé de mémoire de masse de votre tracteur, nous constatons que dans plus de 20% de votre temps de conduite, vous êtes en infraction au code de la route réalisant ainsi régulièrement des excès de vitesse.

A titre d’exemple, c’est ainsi le cas le 11 août 2020.

Là encore, vous ne respectez pas les dispositions de l’article 10 de votre contrat de travail selon lequel vous vous êtes engagé à respecter le Code de la route.

De plus, en date du 21 août 2020, alors que vous échangez par téléphone avec votre exploitant [L] [H] vous vous êtes emporté et avez tenu des propos agressifs et insultants envers celui-ci.

Nous ne pouvons tolérer ces manquements aux règles fondamentales et essentielles au bon fonctionnement de l’entreprise et à toute vie en collectivité.

Par ailleurs, vous avez déjà fait l’objet à plusieurs reprises de recadrement de la part de votre direction concernant votre irrespect et vos problèmes comportementaux.

Au-delà de votre irrespect et de votre insubordination, votre comportement traduit un manque de professionnalisme inacceptable ne correspondant pas au professionnalisme nécessaire à l’exercice des missions confiées alors même que de par votre classification (groupe 07, conducteur hautement qualifié), les formations suivies (FCO, ADR, accompagnement moniteur.. .) et le contenu de votre manuel conducteur, vous êtes formé aux spécificités de votre activité.»

M. [B] conteste les faits reprochés d’excès de vitesse, arguant de l’existence d’une marge d’erreur le ramenant dans les limites autorisées, de prise en main du téléphone à l’occasion de la conduite, affirmant n’avoir pas signé le compte-rendu de formation, et de comportement agressif ou insultant envers son exploitant.

L’employeur se prévaut du compte-rendu de formation du 13 août 2020, du relevé de vitesse de la mémoire de masse du véhicule qui ne comporte pas selon lui de marge d’erreur, et de la brève période d’emploi pour justifier d’une cause réelle et sérieuse de licenciement.

En application de l’article L.1232-1, tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

En l’espèce, il ressort du compte-rendu de formation du 13 août 2020 que M. [B] a du faire l’objet de plusieurs rappels des instructions sur la non utilisation du téléphone en état de conduite, le formateur mentionnant que le téléphone est régulièrement pris en main par le salarié, sans progrès entre l’évaluation initiale et l’évaluation finale, ce qui dénote une persistance dans le non-respect de la règle malgré les rappels faits.

M. [B] se contentant d’affirmer qu’il n’a pas signé ce document alors qu’une signature apparaît en regard de la mention «signature conducteur» sans observation préalable, il ne saurait contester la réalité de ce premier grief.

De même, le relevé des vitesses instantanées du poids lourds qu’il conduisait du 11 au 13 août 2020 fait apparaître des excès de vitesse au-dessus des 90 km/h autorisés pour ce type de véhicule les 11 et 12 août, le 13 août étant le jour de présence du formateur, avec des pointes dépassant les 95 km/h, sans qu’aucun élément produit permette de remettre en cause la fiabilité de l’appareil de mesure embarqué.

Ces manquements répétés à la législation routière, quelques mois seulement après l’embauche, sans volonté de remise en question quant aux habitudes d’usage du téléphone au volant, pour un conducteur de poids lourds se prévalant de 22 ans d’expérience, caractérisent une attitude susceptible de mettre en danger autrui dans l’exercice de ses fonctions justifiant son licenciement pour faute, sans qu’il apparaisse nécessaire d’examiner les autres griefs visés dans la lettre de licenciement.

Il convient donc de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande de requalification du licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse et de sa demande d’indemnisation sur le fondement de l’article L.1235-3 du code du travail.

De même, en l’absence de preuve de l’existence d’un préjudice distinct de celui que les dommages et intérêts prévus à cet article réparent, la demande d’indemnisation complémentaire est également rejetée par confirmation du jugement entrepris.

2-2/ sur le solde d’indemnité de licenciement

M. [B] soutient qu’il aurait dû percevoir une indemnité de licenciement de 227,06 euros.

L’employeur oppose la paiement de la somme de 454,42 euros à ce titre dans le cadre du solde de tout compte.

En l’espèce, M. [B] ne conteste pas avoir reçu la somme de 1 031,64 euros aux termes du solde de tout compte mentionnant un virement le 12 novembre 2020.

Or, si ce document comporte manifestement des erreurs de calcul dans le détail de cette somme qui devrait conduire à un total dû de 879,85 euros, il convient de relever que le dernier bulletin de salaire de novembre 2020 inclus bien une indemnité de licenciement de 454,42 euros pour aboutir à la somme acquittée de 1 031,64 euros.

M. [B] ayant été rempli de ses droits, sa demande de ce chef est rejetée par confirmation du jugement entrepris.

3/ Sur les demandes accessoires

M. [B] succombant totalement, le jugement entrepris est confirmé quant aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance.

L’équité commande de le condamner à payer à l’employeur 300 euros au titre des frais irrépétibles d’appel et de le débouter de ce chef de demande.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

confirme le jugement du 4 juin 2022 en ses dispositions soumises à la cour,

y ajoutant,

condamne M. [M] [B] à payer à la société Geodis RT chimie [Localité 7] 300 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

rejette le surplus des demandes,

condamne M. [M] [B] aux dépens d’appel.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x