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N° RG 21/03679 – N° Portalis DBV2-V-B7F-I4JU
COUR D’APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 31 AOUT 2023
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du CONSEIL DE PRUD’HOMMES DE DIEPPE du 27 Juillet 2021
APPELANTE :
E.A.R.L. DE LA BURLEYRE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Emilie PIETRZYK de la SELARL MP AVOCATS, avocat au barreau de DIEPPE
INTIMEE :
Madame [F] [P]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Caroline ROTH de la SELARL NOMOS AVOCATS, avocat au barreau de DIEPPE substituée par Me Claire MENARD, avocat au barreau de ROUEN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 27 Juin 2023 sans opposition des parties devant Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente, magistrat chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente
Madame BACHELET, Conseillère
Madame BERGERE, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme WERNER, Greffière
DEBATS :
A l’audience publique du 27 Juin 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 31 Août 2023
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 31 Août 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.
EXPOSÉ DU LITIGE
Mme [F] [P] a été engagée par l’EARL Verdure de Forges en qualité d’ouvrière agricole par contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel du 10 février 2011.
Les relations contractuelles des parties étaient soumises à la convention collective des exploitations maraîchères et légumières de plein champ de la Seine Maritime.
Par l’effet d’une cession du 14 janvier 2016, le contrat de travail a été transféré à l’EARL de la Burleyre.
Par requête du 13 juin 2019, Mme [F] [P] a saisi le conseil de prud’hommes de Dieppe en résiliation judiciaire du contrat de travail et paiement de rappels de salaire et d’indemnités.
Le licenciement pour motif économique a été notifié à la salariée le 22 novembre 2019.
Par jugement du 27 juillet 2021, le conseil de prud’hommes a ordonné la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein, ordonné la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur, condamné l’EARL de la Burleyre à verser à Mme [F] [P] les sommes suivantes :
rappel de salaire : 19 321,35 euros,
congés payés y afférents : 1 932,13 euros,
rappel de salaire sur la garantie de ressources pour l’arrêt de travail : 4 284,52 euros,
congés payés y afférents : 428,45 euros,
indemnité compensatrice de préavis : 3 309,44 euros,
congés payés y afférents : 330,94 euros,
indemnité de licenciement : 3 392,03 euros,
indemnité compensatrice de congés payés : 922,82 euros,
dommages et intérêts : 13 237,76 euros,
ordonné la remise des documents de fin de contrat (certificat de travail, attestation Pôle emploi, solde de tout compte) sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 15ème jour après la notification du jugement, débouté Mme [F] [P] de ses demandes de travail dissimulé, de classification au niveau IV échelon 2 et de rappel de salaire et congés y afférents, débouté l’EARL de la Burleyre de toutes ses demandes, condamné l’EARL de la Burleyre à verser à Mme [F] [P] la somme de 700 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l’instance.
L’EARL de la Burleyre a interjeté un appel limité le 21 septembre 2021 en ce qu’il ne vise pas la disposition selon laquelle la salariée a été déboutée de ses autres demandes.
Par conclusions remises le 27 avril 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, l’EARL de la Burleyre demande à la cour de :
– déclarer recevable et bien fondé son appel,
– déclarer recevable mais mal fondé l’appel incident de Mme [F] [P],
– infirmer la décision dont appel quant aux dispositions énoncées dans la déclaration d’appel en date du 21 septembre 2021,
statuant à nouveau :
– dire n’y avoir lieu à la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein,
– en conséquence, débouter Mme [F] [P] de ses demandes de rappel de salaire à ce titre et des congés payés y afférents,
– constater que l’employeur n’a commis aucun manquement de nature à entraîner la résiliation judiciaire du contrat de travail et dire n’y avoir lieu à la résiliation judiciaire du contrat de travail Mme [F] [P],
– constater que le contrat de travail est rompu du fait du licenciement économique prononcé le 22 novembre 2019 et dire que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,
– constater que Mme [F] [P] a une ancienneté de 4 ans et 17 jours,
– en conséquence, débouter Mme [F] [P] de ses demandes au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, de l’indemnité de licenciement, de l’indemnité compensatrice de congés payés et des dommages et intérêts,
– dire n’y avoir lieu à maintien de salaire et débouter Mme [F] [P] de sa demande de rappel de salaire à ce titre et des congés payés y afférents,
– dire n’y avoir lieu à la remise des documents de fin de contrat sous astreinte,
– dire n’y avoir lieu au paiement d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au profit de Mme [F] [P],
– dire n’y avoir lieu à la condamnation de l’employeur aux dépens de première instance,
– en conséquence, débouter Mme [F] [P] de ses demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens,
pour le surplus,
– confirmer les dispositions du jugement non visées par la déclaration d’appel,
– débouter Mme [F] [P] de l’ensemble de ses demandes,
– condamner Mme [F] [P] au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.
Par conclusions remises le 1er février 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, Mme [F] [P] demande à la cour de confirmer le jugement, sauf en ce qu’il l’a déboutée de sa demande au titre de la classification niveau IV échelon 2, du rappel de salaire et congés y afférent et de sa demande au titre du travail dissimulé,
en conséquence, statuant à nouveau :
– la juger recevable et bien fondée en ses demandes,
– constater qu’elle aurait dû bénéficier de la classification Niveau IV Echelon 2,
par conséquent,
– condamner l’EARL de la Burleyre à lui verser la somme de 3 964,19 euros bruts à titre de rappel de salaire, outre 396,42 euros au titre des congés payés y afférents,
– condamner l’EARL de la Burleyre à lui verser la somme de 9 928,32 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
– condamner l’EARL de la Burleyre à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel et aux dépens,
– débouter l’EARL de la Burleyre de l’intégralité de ses demandes.
L’ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 8 juin 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I – Sur les demandes au titre de l’exécution du contrat de travail
I-1- Sur la requalification en temps plein
Mme [F] [P] sollicite la requalification du contrat de travail à temps partiel en temps plein de juin 2016 à août 2018, aux motifs que le contrat conclu le 10 février 2011 mentionne une durée hebdomadaire de travail de 16 heures sans aucune précision sur la répartition de ces heures, que les avenants subséquents mentionnaient, soit qu’un planning périodique serait remis ce qui n’a pas été fait, soit n’apportaient aucune précision sur la répartition de la durée du travail, que de plus, elle a travaillé à de nombreuses reprises plus de 35 heures par semaine, ses horaires étaient très fluctuants, de sorte qu’elle était à la disposition permanente de l’employeur.
L’EARL de la Burleyre s’y oppose aux motifs que Mme [F] [P] a été rémunérée des heures effectivement travaillées, que sa durée de travail était de 104 heures alors qu’elle indique elle-même pour plusieurs mois avoir travaillé moins que le temps contractuellement prévu et ne peut donc se prévaloir d’un travail à temps plein, d’autant qu’elle n’a jamais travaillé à temps plein, que seul le contrat de travail établi avec elle doit être pris en compte, les conditions de l’article L.1224-1 du code du travail n’étant pas réunies, l’extrait Kbis établissant que l’EARL Verdure des Forges existe toujours et qu’aucune cession de parts sociales n’a été enregistrée, que les décomptes qu’elle a établis ne peuvent tenir lieu de preuve, qu’elle était prévenue suffisamment à l’avance des changements d’horaires, et qu’il y a lieu de s’étonner que la salariée n’ait jamais fait de réclamation au cours de l’exécution du contrat de travail,
En application de l’article L.3123-6 du code du travail, le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit qui doit comporter, notamment, mention de la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, les cas dans lesquels une modification éventuelle peut intervenir, ainsi que la nature de cette modification, les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiquées par écrit au salarié, les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat.
L’absence de mention de la durée du travail et de la répartition de la durée du travail fait présumer que l’emploi est à temps complet et il incombe à l’employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de l’employeur.
L’article L.3123-9 du même code ajoute que les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée de travail accomplie par un salarié à temps partiel au niveau de la durée légale du travail ou, si elle est inférieure, au niveau de la durée de travail fixée conventionnellement.
L’article 9.2 afférent au contrat de travail à temps partiel de l’accord du 23 décembre 1981 sur la durée du travail dans les exploitations et entreprises agricoles est ainsi rédigé :
§ 1.- Définition du contrat de travail à temps partiel
Les contrats de travail à temps partiel peuvent être conclus conformément aux dispositions des
articles L.212-4-2 et suivants du code du travail.
Sont considérés comme salariés à temps partiel les salariés dont la durée du travail est inférieure :
– à la durée légale du travail (ou, lorsque ces durées sont inférieures à la durée légale, à la
durée du travail fixée conventionnellement pour la branche ou l’entreprise ou aux durées du
travail applicables dans l’établissement) ;
– à la durée mensuelle résultant de l’application, sur cette période, de la durée légale du travail ;
– à la durée annuelle résultant de l’application sur cette période de la durée légale du travail
diminuée des heures correspondant aux jours de congés légaux et aux jours fériés légaux.
Sous réserve du respect des dispositions de l’article L.713-13 du code rural relatif à la limitation à 44 heures de la durée hebdomadaire moyenne de travail calculée sur douze mois consécutifs (arrêté du 26 juillet 2000 ‘ JO du 22 août 2000).
§ 2.- Mentions obligatoires
Le contrat de travail des salariés à temps partiel est un contrat écrit. Il mentionne la qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.
Le contrat détermine également les modalités selon lesquelles les horaires de travail sont communiqués par écrit au salarié.
L’horaire journalier du salarié à temps partiel ne peut être inférieur à 3 heures de travail, sauf cas particulier concernant notamment des salariés affectés à des travaux d’entretien, de maintenance ou de surveillance exigeant moins de 3 heures de travail par jour, pour lesquels l’horaire journalier ne peut être inférieur à 1 heure.
L’horaire de travail des salariés à temps partiel ne peut comporter, au cours d’une même journée, plus d’une interruption d’activité dont la durée ne peut excéder deux heures. Cependant, l’interruption d’activité peut être supérieure à deux heures pour les salariés affectés à des travaux de surveillance d’appareils à fonctionnement continu ou à des soins aux animaux. Dans ce cas, aucune des deux séquences de travail de la journée ne peut être inférieure à 1 heure et le salarié bénéficie, sauf stipulation conventionnelle ou contractuelle plus favorable, d’une indemnisation en fonction du nombre de kilomètres nécessaires pour effectuer le deuxième trajet journalier entre le domicile et le lieu de travail. Le montant de cette indemnité kilométrique est déterminé par convention ou accord collectif ou à défaut par le contrat de travail.
§ 3.- Modification des horaires
Le contrat de travail définit en outre les cas dans lesquels peut intervenir une modification éventuelle de la répartition de la durée du travail dans la semaine ou dans le mois ainsi que la nature de cette modification. Toute modification doit être notifiée au salarié sept jours au moins avant la date à laquelle elle doit avoir lieu. Cependant, en cas de circonstances exceptionnelles, ce délai de prévenance peut être réduit jusqu’à un minimum de trois jours ouvrés, et dans ce cas le salarié a le droit de refuser la modification sans avoir à le justifier dans la limite de deux fois par an.
Le refus du salarié d’accepter ce changement ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement dès lors que ce changement n’est pas compatible avec des obligations familiales impérieuses, avec le suivi d’un enseignement scolaire ou supérieur, avec une période d’activité fixée chez un autre employeur ou avec une activité professionnelle non salariée. Il en va de même en cas de changements des horaires de travail au sein de chaque journée travaillée qui figurent dans le document devant être transmis au salarié.
Lorsque l’employeur demande au salarié de changer la répartition de sa durée du travail, alors que le contrat de travail n’a pas prévu les cas et la nature de telles modifications, le refus du salarié d’accepter ce changement ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement.
§ 4.- Heures complémentaires
Le contrat de travail précise par ailleurs le nombre d’heures complémentaires susceptibles d’être effectuées par le salarié au cours d’une même semaine ou d’un même mois. Ce nombre ne peut être supérieur au tiers de la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail prévue dans le contrat. Chacune des heures complémentaires effectuées au-delà du dixième de la durée prévue au contrat donne lieu à une majoration de salaire de 25 %. Les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée du travail effectuée par un salarié au niveau de la durée légale du travail.
Le refus d’effectuer les heures complémentaires proposées par l’employeur au-delà des limites fixées par le contrat ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement. Il en est de même, à l’intérieur de ces limites, lorsque le salarié est informé moins de trois jours avant la date à laquelle les heures complémentaires sont prévues.
Lorsque, pendant une période de douze semaines consécutives ou pendant douze semaines au cours d’une période de quinze semaines, l’horaire moyen réellement effectué par le salarié a dépassé de deux heures au moins par semaine, ou de l’équivalent mensuel de cette durée, l’horaire prévu dans son contrat, celui-ci est modifié, sous réserve d’un préavis de sept jours et sauf opposition du salarié intéressé, en ajoutant à l’horaire antérieurement fixé la différence entre cet horaire et l’horaire moyen réellement effectué.
En l’espèce, dans la mesure où les réclamations de la salariée portent sur la période postérieure à juin 2016, la discussion afférente au transfert du contrat de travail est inopérante dès lors qu’il résulte des éléments produits et qu’il n’est pas contesté, qu’en 2015, il a été convenu entre Mme [F] [P] et l’EARL de la Burleyre une embauche en contrat de travail à durée indéterminée rémunérée au SMIC à temps partiel en qualité d’ouvrière maraîchère et qu’un avenant du 10 mai 2016 a acté que l’EARL de la Burleyre acceptait de reprendre la salariée, ce qui est corroboré par les bulletins de paie pour une durée de travail de 104 heures.
Cet écrit ne précisait ni la répartition du temps de travail, ni les cas dans lesquels peut intervenir une modification éventuelle de la répartition de la durée du travail dans la semaine ou dans le mois ainsi que la nature de cette modification, ni les modalités d’information de la salariée quant à ses plannings de travail.
D’ailleurs, l’employeur ne produit aucun élément permettant de vérifier l’information transmise à la salariée pour connaître de la répartition de son temps de travail.
De son coté, la salariée produit pour chaque mois depuis juin 2016 un décompte de son temps de travail mentionnant pour chaque jour travaillé l’heure de début et de fin de travail, non remis en cause par l’employeur, dont il résulte que, certes elle ne travaillait pas généralement à temps plein, mais qui révèle une grande variabilité de ses jours et horaires de travail, ne travaillant pas toujours le vendredi et/ou le jeudi, travaillant souvent à partir de 13h00-13h30, avec des horaires de fin fluctuants, mais aussi à la journée à compter de 8h00, pouvant même atteindre à plusieurs reprises plus de 35 heures hebdomadaire, à compter du 14 novembre 2016.
Ainsi, alors que l’employeur n’apporte aucun élément établissant que la salariée pouvait prévoir son rythme de travail et qu’elle n’avait pas à se tenir constamment à sa disposition, compte tenu de la variabilité de son temps effectif de travail, tant en ce qui concerne les jours travaillés que les horaires, pouvant indifféremment être le matin, l’après-midi ou la journée, la salariée se trouvait ainsi à la disposition permanente de l’employeur, ce qui implique que le contrat de travail doit être requalifié à temps plein à compter de juin 2016, peu important que la salariée n’ait pas effectivement travaillé à cette hauteur, l’employeur étant alors tenu au paiement d’un rappel de salaire sur la base d’un temps complet.
Aussi, alors que la salariée produit un décompte précis, non utilement critiqué, l’EARL de la Burleyre est condamnée à lui payer à ce titre la somme de 19 321,35 euros, incluant aussi les heures supplémentaires accomplis au-delà de 35 heures, et dont le nombre n’est pas remis en cause par l’employeur, ainsi que les congés payés afférents.
La cour confirme ainsi le jugement entrepris.
I-2 – Sur la classification de l’emploi
Mme [F] [P], recrutée comme ouvrière agricole depuis le 10 février 2011 au niveau I, soit un poste d’exécutant sans autonomie, sollicite le bénéfice du niveau IV échelon 2 au motif qu’elle assurait l’organisation et la surveillance de l’exécution du travail d’autres salariés de l’exploitation et notamment en l’absence de M. [W].
L’EARL de la Burleyre s’y oppose rappelant que pour bénéficier du niveau IV échelon 2, il faut aussi effectué les missions énumérées pour l’échelon 1 de ce niveau, ce qui n’est pas le cas de la salariée qui ne dispose d’aucune compétence technique relevant du niveau IV, comme n’ayant jamais participé de quelque manière que ce soit aux décisions de l’exploitation, ni accompli les missions relevant de cette qualification, n’étant pas titulaire d’un certifict individuel pour l’utilisation de produit phytopharmaceutique.
La qualification professionnelle dépend des fonctions réellement exercées et il incombe à la partie qui invoque une qualification autre que celle appliquée d’apporter la preuve qu’il exerce les fonctions relevant de la classification revendiquée.
En l’espèce, Mme [F] [P] a été engagée en qualité d’ouvrière agricole niveau 1.
Selon l’article 20 de la convention collective applicable, la classification des emplois de détermine par la définition des tâches à exécuter. Le référentiel technique ou professionnel est pris en compte dans la mesure où il est mis en oeuvre dans l’emploi exercé.
L’employeur peut demander au salarié d’exécuter des tâches relevant d’un niveau de qualification inférieur à l’emploi qu’il occupe sans baisse de rémunération.
Chaque salarié est amené à être polyvalent à son niveau de qualification. Sa spécialisation dans un secteur déterminé ne le dispense pas d’effectuer les travaux relevant d’un autre secteur.
Le niveau de connaissance technique requis pour occuper les emplois définis à chaque niveau de qualification peut être acquis par le salarié par la formation professionnelle ou une expérience professionnelle équivalente.
Le niveau I concerne les emplois d’exécutants et correspond à l’exécution de tâches simples immédiatement reproductibles après simple démonstration. Le titulaire du poste exécute son travail sur consignes précises, sans faculté d’initiative ou sous la surveillance d’un supérieur hiérarchique ou du chef d’exploitation. Il peut comporter l’utilisation de machines pré-réglées de maniement simple.
Le niveau IV revendiqué concerne des emplois hautement qualifiés.
S’agissant de l’échelon 1, l’emploi comporte pour le salarié la responsabilité de l’organisation et de l’exécution du travail qui lui est confié dans le cadre de directives périodiques du chef d’entreprise et d’indications générales sur les résultats attendus.
Le salarié doit :
– savoir organiser son travail et le mener à bien en modifiant si nécessaire le programme s’il répond mieux à la situation présente,
– participer aux décisions techniques pouvant engager l’avenir de l’exploitation,
– être capable d’apprécier l’état des matériels, des cultures et autres activités de l’exploitation, d’en rendre compte à son supérieur hiérarchique et d’entretenir les équipements,
– être capable d’utiliser de façon optimale les factures de production à sa disposition.
Pour l’échelon 2, s’ajoutent aux activités et responsabilité de l’échelon 1:
– l’organisation et la surveillance de l’exécution du travail d’un ou plusieurs salariés,
– peut participer à des fonctions complémentaires directement liées à son activité (relations avec les fournisseurs et clients, gestion des approvisionnements et des commandes, suivi technique ou économique des activités.
Alors qu’il ressort des éléments produits que l’EARL de la Burleyre a une activité de culture maraîchère sans plus de précisions quant à ses modalités d’organisation et de fonctionnement, à l’appui de sa prétention, Mme [F] [P] verse :
– l’attestation de Mme [V] [R], chauffeur poids lourd, qui indique que M. [W] a toujours considéré Mme [F] [P] comme un employée exemplaire et pilier de l’entreprise puisqu’elle se chargeait de la répartition du travail dans les cultures lorsqu’il était à [Localité 3] (par téléphone),
– un écrit du 10 août 2016 de l’employeur dénommé ‘certificat de travail’ dans lequel l’employeur explique employer Mme [F] [P] depuis le 10 février 2011 (reprises de l’EARL Verdure des Forges) contrat rompu d’un commun accord des parties en raison d’une maladie de l’employeur. Il ajoute que lors de l’exécution de son contrat, la salariée, jamais absente, ni en retard, a acquis et démontré les compétences d’une véritable chef d’équipe, particulièrement impliquée et responsable.
Alors qu’il n’est produit aucun autre élément permettant de connaître les tâches confiées à la salariée, la rédaction de ce certificat est insuffisamment clair pour établir avec certitude s’il est évoqué les conditions d’exercice du contrat de travail qui a été rompu d’un commun accord ou celui qui s’en est suivi et l’attestation de Mme [R] ne permet pas davantage d’établir l’autonomie de la salariée en l’absence de l’employeur dès lors que si elle invoque qu’elle se chargeait de la répartition du travail lorsque M. [W] était à [Localité 3], elle ajoute ‘par téléphone’ ce qui laisse supposer que les consignes étaient ainsi données à la salariée par cette voie.
De plus, il n’est apporté aucun autre élément caractérisant les autres critères permettant de retenir une qualification relevant du niveau IV, alors que la charge de cette preuve incombe à la salariée.
En conséquence, la cour confirme le jugement entrepris ayant rejeté cette demande.
I-3- Sur le maintien de salaire
Mme [F] [P] sollicite le maintien de salaire consécutif à son arrêt de travail depuis le 22 août 2018 dans les conditions résultant des dispositions conventionnelles auquel l’employeur s’oppose au motif que la salariée n’a pas versé de certificat d’arrêt de travail comme exigé, considérant à titre subsidiaire, que si le maintien de salaire lui était dû, il ne pourrait être basé que sur son travail à temps partiel.
L’article 19 de la convention collective dispose qu’en cas d’absence justifiée par incapacité résultant de la maladie ou d’accident dûment constatée par certificat médical porté à la connaissance de l’employeur, à condition d’être pris en charge par la mutualité sociale agricole et, d’être employé depuis au moins six mois dans l’entreprise, les salariés visés par la présente convention collective bénéficient d’une garantie de ressources déterminée comme suit : pendant une durée maximale de 135 jours, ils reçoivent de leur employeur 90 % de la rémunération brute qu’ils auraient perçue s’ils avaient continuer à travailler, déduction faite des indemnités journalières que le salarié perçoit des assurances sociales.
En l’espèce, il résulte d’un décompte établi par la MSA que la salariée a été en arrêt de travail à compter du 22 août 2018, lui ouvrant des droits à versement d’indemnités journalières.
La prescription d’un arrêt maladie implique qu’il soit porté à la connaissance de l’employeur en lui adressant le certificat médical, l’employeur étant alors tenu de déclarer l’arrêt de travail de manière à permettre à l’organisme social de vérifier les droits de l’assuré aux indemnités, de les calculer et de les verser.
En l’espèce, dès lors que la salariée a régulièrement perçu ses indemnités journalières, s’il ne peut s’en déduire que l’employeur a nécessairement rempli ses obligations, la salariée expliquant dans ses écritures qu’il ne l’avait pas fait la contraignant à réaliser elle-même diverses diligences, néanmoins, il ne peut prétendre ne pas avoir connu le motif de l’absence de sa salariée, laquelle a duré plusieurs mois, sans qu’il n’en tire aucune conséquence pour rompre le contrat de travail pour absence injustifiée, alors aussi que la salariée justifie être allée le 23 août 2018 déposer plainte auprès de la brigade de gendarmerie de Forge les Eaux en raison du comportement agressif de son employeur lorsque la veille, elle est venue déposer son arrêt de travail.
Aussi, en prenant en compte la requalification en temps plein du contrat de travail, la cour confirme le jugement entrepris en ce qu’il a condamné l’employeur à une somme dont le calcul n’est pas autrement remis en cause au titre du maintien de salaire.
I-4- Sur l’indemnité pour travail dissimulé
Mme [F] [P] sollicite la condamnation de l’employeur à lui payer l’indemnité pour travail dissimulé au motif qu’il avait connaissance de ses heures de travail et que c’est donc sciemment qu’il n’a pas mentionné les heures travaillées au-delà de la durée contractuelle.
L’EARL de la Burleyre s’y oppose en faisant valoir, qu’outre qu’aucun rappel de salaire n’est dû, les indemnités pour travail dissimulé et licenciement sans cause réelle et sérieuse ne sont pas cumulables.
Il ne résulte pas des dispositions conjuguées des articles L.1235-3 et L.8223-1 du code du travail l’absence de cumul possible entre l’indemnité pour travail dissimulé et les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
L’indemnité pour travail dissimulé suppose le caractère intentionnel de la dissimulation.
Si les bulletins de paie révèlent que la salariée a été rémunérée de manière constante à hauteur de 104 heures de travail sauf à défalquer des heures qu’elle n’a pas accomplies comme en février 2017, néanmoins, alors que la salariée ne justifie d’aucune réclamation au cours de la relation contractuelle s’agissant d’heures accomplies au-delà de la durée contractuelle, ni que les décomptes de son temps de travail tels que versés au débat ont été portés à la connaissance de l’employeur au cours de son exécution, l’élément intentionnel de la dissimulation est insuffisamment établi, de sorte que la cour confirme le jugement entrepris ayant rejeté cette demande.
II – Sur les demandes au titre de la rupture du contrat de travail
II-1- Sur la demande de résiliation judiciaire
La résiliation judiciaire du contrat de travail peut être prononcée si l’employeur n’exécute pas ses obligations contractuelles et que les manquements sont d’une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail.
Lorsqu’un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d’autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d’abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée. C’est seulement dans le cas contraire qu’il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l’employeur.
La résiliation judiciaire du contrat de travail prend effet au jour où le juge la prononce, dés lors qu’à cette date le salarié est toujours au service de son employeur.
Lorsque le salarié n’est plus au service de son employeur au jour où il est statué sur la demande de résiliation judiciaire, cette dernière prend effet, si le juge la prononce, au jour du licenciement ou au jour de la prise d’acte de rupture ou au jour à partir duquel le salarié a cessé de se tenir à la disposition de son employeur.
Mme [F] [P] sollicite le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail, l’employeur ayant manqué à ses obligations en :
– ne lui réglant pas ses salaires de juillet et août 2018
– ne la rémunérant pas de toutes les heures accomplies
– ne lui assurant pas le maintien de salaire pendant son arrêt de travail du 22 août 2018
– adoptant un comportement agressif et violent lorsqu’elle lui a remis son arrêt de travail du 22 août 2018,
– ne lui attribuant pas la bonne classification.
L’EARL de la Burleyre s’y oppose aux motifs que certains manquements sont prescrits, qu’en tout état de cause, ils n’ont pas empêché la poursuite du contrat de travail pendant plusieurs années.
Si la salariée a été déboutée de sa demande au titre de la classification de son emploi, pour le reste, il est établi plusieurs manquements de l’employeur qui, en ce qu’ils affectent l’élément essentiel du contrat de travail que constitue la rémunération, sont d’une gravité telle qu’ils empêchent la poursuite du contrat de travail, quand bien même ils ont duré plusieurs mois sans réaction de la salariée, leur persistance justifiant qu’elle finisse par s’en emparer pour en titer toute conséquence en terme de rupture.
La cour confirme donc le jugement entrepris ayant prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail à la date du 22 novembre 2019.
II-2- Sur les conséquences de la rupture du contrat de travail
L’employeur remet en cause l’ancienneté de la salariée, estimant que les conditions du transfert du contrat de travail n’étaient pas réunies.
Néanmoins, alors que dans un écrit du 10 mai 2016, l’EARL de la Burleyre indique accepter de reprendre Mme [F] [P] et que le versement d’une ‘prime à l’embauche de 8 000 euros’n’occulte pas l’ancienneté de la salariée, dont la date est précisée comme étant le 10 février 2011, il s’en déduit que l’employeur s’est, de manière claire et non équivoque, engagé à reprendre cette ancienneté.
Ainsi, au moment de la rupture, la salariée avait une ancienneté de 8 ans et 9 mois.
Sur la base d’un temps plein, au niveau I, le salaire mensuel s’élevant à 1 498,50 euros, la salariée est ainsi fondée à obtenir paiement des sommes suivantes :
indemnité compensatrice de préavis : 2 997 euros
congés payés afférents : 299,70 euros
indemnité de licenciement :
pour une ancienneté de 7 ans et 8 mois, préavis inclus mais déduction faite de son arrêt de travail, et alors que l’indemnité légale est plus favorable que l’indemnité conventionnelle, déduction faite de la somme versée au moment de la rupture du contrat de travail à hauteur de 536 euros, comme mentionné sur l’attestation Pôle emploi, l’employeur est condamné à payer 2 336,12 euros.
Alors que l’entreprise compte moins de onze salariés, les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ne peuvent être inférieurs à deux mois de salaire.
Le préjudice de la salariée qui ne justifie pas de l’évolution de sa situation professionnelle à la suite de la rupture du contrat de travail est plus justement réparé par l’octroi de la somme de 4 500 euros.
Ainsi, la cour infirme le jugement entrepris en ce qu’il a statué sur les indemnités de rupture et les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
II-3 – Sur l’indemnité compensatrice de congés payés
Mme [F] [P] sollicite l’indemnité compensatrice de congés payés pour ceux qu’elle n’a pu prendre en raison de la rupture du contrat de travail.
L’employeur n’oppose aucun argument à ce titre.
Il résulte de son bulletin de paie de juillet 2018 que la salariée avait acquis 7,50 jours de congé pour l’exercice 2017/2018 et 5 pour le suivant, auquel il convient d’ajouter deux jours jusqu’à son arrêt maladie du 22 août 2018, soit un total de 14,5 jours.
Sur la base d’un taux horaire de 9,88 euros, il lui est dû 1 002,82 euros.
Mais la cour, statuant dans les limites de la demande, confirme le jugement entrepris ayant alloué la somme non remise en cause de 922,82 euros sur ce point.
Les autres points non discutés sont confirmés.
III – Sur les dépens et frais irrépétibles
En qualité de partie principalement succombante, l’EARL de la Burleyre est condamnée aux entiers dépens, déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile et condamnée à payer à Mme [F] [P] la somme de 2 000 euros en cause d’appel, en sus de la somme allouée en première instance pour les frais générés par l’instance et non compris dans les dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a statué sur les indemnités de rupture et les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Statuant à nouveau,
Condamne l’EARL de la Burleyre à payer à Mme [F] [P] les sommes suivantes :
indemnité compensatrice de préavis : 2 997,00 euros
congés payés afférents : 299,70 euros
indemnité de licenciement : 2 336,12 euros
dommages et intérêts pour licenciement sans
cause réelle et sérieuse : 4 500,00 euros
Le confirme en ses autres dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne l’EARL de la Burleyre aux entiers dépens d’appel ;
Condamne l’EARL de la Burleyre à payer à Mme [F] [P] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en appel ;
Déboute l’EARL de la Burleyre de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile en appel.
La greffière La présidente