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ARRET
N°
S.A.R.L. SARL PAPIN
C/
[H]
copie exécutoire
le 03 novembre 2022
à
Me Fabing
Me Melin
CPW/MR/SF
COUR D’APPEL D’AMIENS
5EME CHAMBRE PRUD’HOMALE
ARRET DU 03 NOVEMBRE 2022
*************************************************************
N° RG 21/05032 – N° Portalis DBV4-V-B7F-IH6J
JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE LAON DU 08 OCTOBRE 2021 (référence dossier N° RG 19/00105)
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
S.A.R.L. PAPIN agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée et concluant par Me Stéphane FABING, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN
ET :
INTIME
Monsieur [N] [H]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté et concluant par Me Géraldine MELIN de la SCP GOSSARD BOLLIET MELIN, avocat au barreau de COMPIEGNE
DEBATS :
A l’audience publique du 08 septembre 2022, devant Mme Caroline PACHTER-WALD, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, l’affaire a été appelée.
Mme Caroline PACHTER-WALD indique que l’arrêt sera prononcé le 03 novembre 2022 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Malika RABHI
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Caroline PACHTER-WALD en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :
Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,
Mme Corinne BOULOGNE, présidente de chambre,
Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,
qui en a délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :
Le 03 novembre 2022, l’arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Caroline PACHTER-WALD, Présidente de Chambre et Mme Malika RABHI, Greffière.
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* *
DECISION :
EXPOSE DU LITIGE
M. [H] [N] a été engagé le 1er juillet 1986 par la société Blancs minéraux de Paris aux droits de laquelle vient la société de transports Papin, en qualité de chauffeur chargeur coefficient 150. Courant 1997, ses fonctions ont évolué au poste de responsable de carrières.
Courant 2013, son contrat de travail a été transféré à la société Papin Moncornet (ci-après dénommée société Papin), avec une reprise d’ancienneté au 1er juillet 1986. Ses fonctions et avantages sont demeurés inchangés. Il exerçait en dernier lieu les fonctions de responsable de carrière, statut cadre, coefficient 175.
La relation de travail est régie par la convention collective des transports routiers et des activités auxiliaires du transport.
La société compte un effectif de plus de 300 salariés.
Le salarié a été placé en arrêt de travail pour maladie de manière discontinue du 18 novembre 2016 au 8 octobre 2018.
Par lettre du 16 novembre 2018, il a été convoqué pour le 3 décembre 2018 à un entretien préalable à son licenciement avec mise à pied à titre conservatoire. Son licenciement lui a été notifié le 27 décembre suivant pour faute grave, par lettre ainsi rédigée:
‘Monsieur,
Nous vous avons convoqué à un entretien préalable à licenciement le 3 Décembre 2018.
Au cours de ce dernier, nous vous avons expliqué les motifs qui nous amenaient à envisager votre licenciement pour faute grave, et entendu vos explications.
Nous vous informons que nous avons pris la décision de vous notifier votre licenciement pour faute grave, pour les griefs suivants:
Le 8 novembre 2018, vous avez plié et endommagé gravement le portail principal de l’accès à l’usine de notre client, la société Imerys. Le Directeur de ce site nous a indiqué qu’il était inutilisable et que les dégâts étaient importants.
Nous vous rappelons que vous connaissez parfaitement le site de l’usine de la société Imerys, au sein duquel vous êtes affecté depuis environ 30 ans. Cet incident est donc directement lié au fait que vous ne respectez pas les règles de prudence élémentaires. Vous avez fait preuve d’une grave négligence lors de votre man’uvre. Nous ne pouvons qu’être soulagés qu’aucune personne n’ait été impliquée dans cet accident.
De plus, nous avons été informés par le Directeur du site que cet événement n’est pas un événement isolé car, quelques semaines auparavant, vous aviez déjà abîmé une trémie lors d’un déchargement. Les dégâts occasionnés avaient alors nécessité une journée de réparation, mobilisant 2 techniciens.
Le Directeur du site nous a signifié que vous étiez exclu définitivement de l’usine. Votre conduite porte gravement atteinte à la sécurité des personnes et des biens. Or, nous demandons à l’ensemble de nos chauffeurs d’être extrêmement vigilant sur leur conduite.
Nous constatons que vous n’avez respecté aucune de nos directives. Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l’entreprise est impossible. Nous sommes donc contraints de vous notifier votre licenciement pour faute grave. Votre licenciement prend donc effet immédiatement, sans indemnité de préavis ni de licenciement. Vous avez fait par ailleurs l’objet d’une mise à pied à titre conservatoire. Dés lors, la période non travaillée ne sera pas rémunérée. A l’expiration de votre contrat de travail, nous tiendrons à votre disposition votre certificat de travail, votre reçu pour solde de tout compte et votre attestation Pôle emploi. (…)’
Le 26 juin 2019, M. [H] a saisi le conseil de prud’hommes de Laon, et formé des demandes afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi qu’à l’exécution de son contrat de travail.
Par jugement du 8 octobre 2021 notifié le 9 octobre 2021, la juridiction prud’homale a :
dit le licenciement ne repose pas sur une faute grave mais sur une cause réelle et sérieuse;
condamné la SARL Papin à verser à M. [H] les sommes suivantes :
2 667 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied de novembre à décembre 2018 outre 266,70 euros au titre des congés payés afférents ;
10 145,22 euros à titre de rappel de préavis et 1 014,52 euros au titre des congés payés afférents ;
43 849,89 euros à titre d’indemnité de licenciement ;
condamné la SARL Papin à verser au salarié 5 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du manquement à ses obligations de sécurité eu égard à la santé de son salarié ;
condamné la société Papin à verser au salarié les sommes suivantes:
7 586,20 euros à titre de rappel de salaire pour la prévoyance ;
2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de versement de la prévoyance ;
débouté les parties de leurs autres demandes;
dit n’y avoir lieu à l’exécution provisoire au titre de l’article 515 du code de procédure civile ;
condamné la SARL Papin à verser à M. [H] 1 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de l’instance;
dit qu’à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la décision et par conséquent en cas d’exécution par voie extra-judiciaire, les sommes retenues par l’huissier instrumentaire seraient supportées par la partie perdante en sus de l’indemnité mise à sa charge sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Le 18 octobre 2021, la société Papin a interjeté appel à l’encontre de cette décision en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne les mesures concernant l’exécution de la décision.
Par dernières conclusions notifiées le 8 juillet 2022, la société Papin demande à la cour de :
dire que le licenciement de M. [H] repose sur une faute grave ;
dire et juger qu’elle a respecté son obligation de sécurité ;
dire et juger que M. [H] a été rempli de ses droits s’agissant du versement de la prévoyance et s’agissant du règlement de ses salaires ;
infirmer le jugement déféré en ce qu’il l’a condamnée au versement de diverses sommes,
y ajoutant, condamner M. [H] aux dépens de première instance et d’appel et au paiement d’une indemnité de 2 000 euros en vertu des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées le 18 mai 2022, M. [H] demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société Papin à lui verser diverses sommes et y ajoutant, de condamner la société Papin Moncornet à lui payer :
1 813, 56 euros à titre de rappel de salaire sur la période du 8 au 11 et du 22 au 26 octobre 2018,
13,32 euros de primes de paniers pour la même période ;
213,36 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 5 au 22 novembre 2018;
67 634,80 euros soit 20 mois de salaire moyen à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 25 août 2022.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I – Sur l’exécution du contrat de travail
Sur le rappel de salaire
Le conseil de prud’hommes a débouté M. [H] de sa demande de rappel de salaire au motif qu’il ne démontre pas avoir travaillé du 8 au 12 octobre et du 22 au 26 octobre 2018, périodes pendant lesquelles l’employeur l’avait placé en congés payés, et qu’il ressort de l’examen de ses bulletins de salaire qu’il a bien été rémunéré pour la période du 5 au 22 novembre 2018.
A hauteur de cour, le salarié fait valoir en substance, au soutien de sa demande, que l’employeur ne l’a pas rémunéré sur cette période en prétextant sans preuve qu’il était en congé payés alors qu’il était pourtant bien présent dans l’entreprise, le fait de badger sur le camion ayant été pour lui le seul moyen à sa disposition pour confirmer sa présence sur site ; que la période du 5 au 22 novembre 2018 bien que travaillée n’a quant à elle pas été rémunérée dans le solde de tout compte.
La société réplique en substance que le temps de travail allégué par le salarié est fictif, alors qu’il était en congé sur la période d’octobre 2018 concernée par sa demande et qu’il a à plusieurs reprises introduit sa carte conducteur dans le second lecteur du chrono tachygraphe alors pourtant qu’il ne lui avait pas été demandé de partir en renfort dans le camion et qu’il n’y a d’ailleurs pas de temps de conduite enregistré sur sa carte ; que le salarié a bien été rempli de ses droits s’agissant du règlement de ses heures pour le mois de novembre 2018.
Or, s’agissant du paiement des heures de travail réalisées du 5 au 22 novembre 2018, la lecture du bulletin de paie permet de vérifier que M. [H] a été rempli de ses droits, dès lors que le montant de 213,36 euros n’a pas fait l’objet d’une quelconque retenue et a au contraire été payé. Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de rappel de salaire.
S’agissant du paiement du salaire par l’employeur en octobre 2018, il convient de rappeler que lorsqu’un salarié fournit la prestation inhérente à son contrat de travail, son employeur est tenu de lui verser un salaire et qu’il appartient à l’employeur de démontrer le cas échéant une inexécution imputable au salarié de la prestation de travail lui incombant.
Aux termes de l’article L. 3243-3 du code du travail, l’acceptation sans protestation ni réserve d’un bulletin de paie par le travailleur ne peut valoir de sa part renonciation au paiement de tout ou partie du salaire et des indemnités ou accessoires de salaire qui lui sont dus en application de la loi, du règlement, d’une convention ou d’un accord collectif de travail ou d’un contrat.
En l’espèce, la société affirme que le salarié était en congés payés sur la période concernée par sa demande de rappel de salaire mais se contente de produire pour le prouver le bulletin de salaire faisant mention de congés pourtant contesté par le salarié dans son courrier du 20 novembre 2018, et n’établit pas que M. [H] ait été réellement absent à son poste du 8 au 12 octobre et du 22 au 26 octobre 2018, ce qu’il conteste. Alors qu’il appartient à la société de justifier que le salarié n’avait pas à se trouver sur le site, la cour ne peut qu’observer l’absence de preuve de la réalité de congés payés du salarié sur la période, l’employeur ne produisant pas même une demande écrite du salarié pour des congés ou une confirmation de congés antérieure au 8 octobre 2018, ni aucune attestation de son service des ressources humaines, le seul bulletin de paie ne pouvant sur ce point suffire.
La fausseté des affirmations en ce sens de l’employeur est établie par les éléments produits par le salarié dont il résulte qu’il a introduit sur cette période sa carte conducteur dans le second lecteur d’un camion de la société destiné à un double équipage dans un véhicule conduit par un autre chauffeur. L’employeur se contente d’affirmer qu’il n’a pas la possibilité de vérifier la présence réelle du salarié dans le camion dès lors qu’aucune heure de conduite ne figure sur cette carte conducteur introduite par M. [H] dans le second lecteur du chronotachygraphe, reconnaissant pourtant ainsi que l’intéressé était bien présent sur le site. Le témoignage de M. [D] dont il ressort que M. [H] n’avait pas reçu l’ordre d’être en renfort sur la période litigieuse et qu’il n’a rendu aucune fiche journalière, est inopérant en l’absence de tout élément de nature à justifier que le salarié a introduit sa carte en fraude sans que personne ne le voit avant de quitter les lieux, et qu’il n’était pas réellement présent dans l’entreprise et/ou dans le véhicule.
Il s’ensuit que la société Papin était redevable à M. [H] de son salaire pour la période du 8 au 12 octobre et du 22 au 26 octobre 2022.
Il résulte des explications de la société Papin et du bulletin de salaire délivré à son salarié qu’elle considère que ce dernier était en congés pour la période considérée et qu’elle n’avait pas à régler le salaire afférent, ce qui implique qu’elle n’a pas tenu ce dernier, soit 1 813,56 euros brut, à sa disposition. Le règlement de ce salaire dont le montant n’est pas contesté à titre subsidiaire, n’est jamais intervenu depuis lors, et il y a donc lieu, par voie d’infirmation, de faire droit à la demande.
Sur les primes de panier
Le conseil de prud’hommes, dans la décision déféré, a rejeté la demande de M. [H] dès lors qu’il a rejeté la demande de rappel de salaire.
Il résulte des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif, et contrairement aux motifs qu’il développe, l’appel de M. [H] tel qu’il est circonscrit par le dispositif de ses dernières conclusions ne tend pas au paiement au titre des primes de panier sur la période du 8 au 12 octobre et du 22 au 26 octobre 2018 de 5 primes de panier à 13,32 euros soit un total de 66,60 euros, mais uniquement d’un montant total de 13,32 euros.
Considéré les développements qui précèdent sur le rappel de salaire du fait de la présence du salarié à son poste de travail aux dates litigieuses et l’absence d’élément pertinent opposé par l’employeur, il y a lieu de faire droit à la demande dans cette limite non contestée à titre subsidiaire de 13,32 euros.
La décision déférée sera donc infirmée de ce chef.
Sur le rappel de salaire au titre de la prévoyance
Le conseil de prud’hommes, en sa décision déférée, a considéré bien fondée la demande d’un rappel de salaire au titre de la prévoyance pour la période du 25 avril 2018 au 7 octobre 2018 pour un montant de (166 x 45,70 euros) 7 586,20 euros.
A hauteur de cour, le salarié fait valoir en substance que l’employeur a tardivement fait la demande concernant l’indemnité de prévoyance, et alors qu’il a reçu une régularisation en janvier puis en novembre 2018 portant sur les périodes de 2017 à mars 2018, les indemnités pour la période du 24 avril au 7 octobre 2018 restent dues; que malgré ses demandes réitérées à l’entreprise qui était seule contractante de la prévoyance, les choses sont demeurées bloquées plusieurs mois et que l’employeur doit donc se substituer à l’organisme de prévoyance pour le paiement des sommes restant dues et doit donc un rappel de salaire.
La société Papin réplique en substance que le salarié a été placé en arrêt maladie à compter du 18 novembre 2016 mais que le service de paie, par erreur, n’a effectué sa déclaration de sinistre auprès de la prévoyance qu’en novembre 2017, cet oubli s’expliquant par le fait que l’intéressé était le seul conducteur bénéficiant d’un statut de cadre et donc d’une reconnaissance professionnelle particulière ; qu’elle a régularisé la situation dès qu’elle a été informée de la difficulté et a rempli la charge lui incombant.
Or, pendant son arrêt de travail, le salarié bénéficie, sous certaines conditions, d’indemnités journalières de la sécurité sociale et d’un complément de salaire lui assurant tout ou partie de sa rémunération antérieure, en vertu du code du travail, des dispositions plus favorables de la convention collective ou des usages s’il rempli les conditions définies, notamment de durée et de montant. Le complément de salaire est versé au salarié soit directement par l’employeur, soit par l’organisme de prévoyance ou d’assurance auquel il a adhéré.
En l’espèce, pour solliciter un rappel de salaire par l’employeur sur la période du 25 avril au 7 octobre 2018, le salarié invoque ici l’absence de paiement par le prestataire de prévoyance des indemnités de prévoyance dues sur cette période. Toutefois M. [H], qui ne conteste pas avoir reçu une information exacte et complète de l’employeur sur la prévoyance, ne justifie pas qu’il remplissait toutes les conditions pour continuer à percevoir l’indemnité de prévoyance litigieuse, étant notamment rappelé qu’il a déjà bénéficié de l’indemnité de prévoyance pour un premier arrêt de travail continu de novembre 2016 à mars 2018 qui n’a pas été immédiatement suivi des arrêts de travail suivants intervenus dont le dernier s’étend du 24 avril au 7 octobre 2018.
La décision déférée sera infirmée.
Sur le préjudice subi du fait du versement tardif de la prévoyance
Le conseil de prud’hommes, dans sa décision déférée, a dit le salarié bien fondé en sa demande de dommages et intérêts du fait de l’absence d’indemnisation de la prévoyance due à la négligence de l’employeur, et de la réalité d’un préjudice subi par M. [H]. La juridiction prud’homale a alloué à l’intéressé un montant de 2 000 euros au titre de l’indemnisation du préjudice subi.
A hauteur de cour, M. [H] fait valoir en substance que c’est en raison de l’inertie de l’employeur qui n’a pas fait rapidement le nécessaire pour traiter son dossier et préserver ses droits, malgré ses interpellations, qu’il a dû vivre pendant plus d’un an avec une rémunération illégitimement diminuée de façon très importante, et il ne saurait être mis en doute que cela lui a causé un préjudice financier important résultant directement de la faute de l’employeur.
La société Papin réplique en substance que la demande de dommages et intérêts doit être rejetée dès lors qu’elle n’est justifiée ni en droit ni en fait, le préjudice réellement subi n’étant pas démontré.
Or, dès lors que l’employeur est le souscripteur du contrat collectif de prévoyance, c’est sur ce dernier que pèse l’obligation d’informer l’organisme de prévoyance des arrêts de travail de ses salariés, et de tout autre événement entraînant la mise en oeuvre des garanties de prévoyance. En effet, le salarié n’est pas partie au contrat d’assurance collectif et n’en est que le bénéficiaire. L’employeur est également tenu de réclamer auprès du salarié faisant l’objet d’un arrêt maladie les documents nécessaires à l’instruction du dossier afin de les communiquer à l’organisme de prévoyance.
En l’espèce, le salarié se prévaut du versement très tardif de l’indemnité de prévoyance due de novembre 2016 à mars 2018 résultant du comportement fautif de son employeur et le présent litige a donc trait à la reconnaissance des manquements fautifs de l’employeur résultant d’une déclaration de sinistre auprès de l’organisme en novembre 2017 et donc près d’un an après le début de l’arrêt de travail de M. [H].
Or, la société ne démontre pas avoir transmis dans un délai raisonnable à l’organisme de prévoyance compétent les informations relatives à l’arrêt de travail de M. [H], la conséquence en étant le versement très tardif de ses indemnités, près d’un an après le début de l’arrêt de travail, ce qui a conduit le salarié à vivre durant ce temps avec une rémunération fortement diminuée.
Il se déduit de ces circonstances que la tardiveté du versement des sommes dues résulte d’un manquement fautif de la part de la société Papin, laquelle sera condamnée en conséquence à verser au salarié des dommages intérêts en réparation du préjudice subi à hauteur de 2 000 euros.
La décision déférée sera confirmée.
Sur le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat
Le conseil de prud’hommes, dans la décision déférée, a retenu l’existence d’un manquement de l’employeur eu égard à l’état de santé dégradé du salarié placé en arrêt de travail prolongé, et a condamné la société Papin à payer à ce dernier la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts.
A hauteur de cour, le salarié fait valoir en substance que dès 2013, l’employeur a manqué à son obligation de sécurité eu égard à l’altération de son état de santé lié à ses conditions de travail et aux indélicatesses de l’employeur s’apparentant à du harcèlement, celui-ci tentant de le pousser à quitter l’entreprise notamment en modifiant la nature réelle de ses fonctions même s’il n’a pas modifié son salaire ou son contrat et en lui retirant ses responsabilités alors qu’il lui a par ailleurs été demandé d’effectuer des trajets longues distances non prévus dans ses fonctions initiales sans régulariser aucune modification contractuelle de ses fonctions, ce qui l’a contrarié et l’a amené à développer un syndrome dépressif à un point tel que son médecin traitant l’a placé en arrêt maladie prolongé et que le médecin du travail a confirmé son état incompatible avec la nature de ses fonctions ; qu’à la suite d’un arrêt de travail, il n’a pu reprendre son poste à la date prévue du 3 avril 2018, qui a été repoussée au 11 avril en raison de l’absence de renouvellement par l’employeur de sa carte de conducteur alors qu’en outre son collègue a refusé de lui donner les clés du camion le jour de reprise effective ; qu’à la suite de ce nouvel incident, il a à nouveau dû recourir à un arrêt de travail en raison de son état dépressif pour finalement rejoindre son poste en octobre 2018 sans que ses rapports avec la hiérarchie ne se soient améliorés ; que et c’est dans ce contexte et pour un léger incident isolé et fallacieux qu’il a été licencié pour faute grave alors même que les faits reprochés n’entrent pas dans ses fonctions. Il estime ainsi qu’alors qu’il était en souffrance, l’entreprise n’a pris en considération que le bon fonctionnement du service en mettant de côté son obligation de sécurité qui s’imposait eu égard à son état de santé, altéré par ses conditions de travail ayant conduit à un arrêt de travail prolongé à la suite de brimades, caractérisées par des propos désagréables tenus par la hiérarchie ou des collègues, l’ayant amené à un état dépressif; que l’atteinte à sa santé du fait de l’employeur est avérée.
La société Papin conteste l’ensemble des griefs et le lien entre l’état de santé du salarié et les conditions de travail, soulignant en substance que contrairement à ce qu’il prétend ses fonctions sont demeurées inchangées, qu’il n’a subi aucune brimade ni aucun retrait de responsabilités ; que surtout que faute de preuve d’un préjudice il ne saurait être alloué de dommages et intérêts au salarié du fait d’un manquement quelconque de l’employeur.
Or, aux termes de l’article L.4121-1 du code du travail, l’employeur a l’obligation de protéger la santé physique et mentale de ses salariés et aux termes de l’article L.4121-2, il met en oeuvre ces mesures sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :
1° Eviter les risques ;
2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
3° Combattre les risques à la source ;
4° Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;
5° Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;
6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;
7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu’ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 ;
8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;
9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs il résulte des dispositions des articles.
Il résulte des articles L.1152-1 et L.1154-1 du code du travail que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L.1152-1 du code du travail. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En l’espèce, M. [H] demande des dommages et intérêts ‘pour violation de sécurité eu égard à la santé du salarié et harcèlement’.
La cour observe que M. [H] justifie d’un arrêt de travail prolongé pour syndrome dépressif débuté le 18 novembre 2016, le seul avis d’arrêt de travail initial produit ne faisant pas référence aux conditions de travail. Cet arrêt pour maladie s’est prolongé jusqu’en mars 2018, et le salarié produit un courrier du médecin du travail du 24 avril 2018 adressé au médecin traitant de M. [H], reprenant les déclarations du salarié quant au fait qu’il est ‘stressé et affecté par sa situation et le comportement de sa hiérarchie, il n’a plus de repère et reste dans le flou sur son poste de travail.’, précisant également ‘en évoquant cette situation, il s’est effondré (…)’, le médecin du travail n’évoquant cependant à aucun moment une situation de harcèlement, des événements précis, et prenant la précaution de solliciter l’avis du médecin traitant sur l’état de M. [H], dont la réponse n’est curieusement pas produite.
Ces seuls documents ne permettent pas d’établir un lien certain entre les conditions de travail et le syndrome dépressif développé par M. [H], qui en outre ne présente pas une argumentation précise dans un paragraphe dédié au manquement allégué, mais se contente d’évoquer ses conditions de travail, un harcèlement et son arrêt de travail de façon très peu claire et mélangée dans son développement sur le licenciement. Il s’ajoute qu’il y évoque certes un harcèlement, mais sans présenter aucunement les faits qui selon lui seraient concrètement et précisément constitutifs d’un harcèlement moral.
Alors que le salarié invoque tout à la fois et sans distinction la critique de son licenciement, le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité et le harcèlement dans le cadre de sa demande de dommages et intérêts, et qu’il produit au soutien de ses allégations les mêmes documents sans distinction, la cour n’a pas à rechercher dans l’ensemble des faits évoqués, ceux qui pourraient précisément venir caractériser un harcèlement moral. Il se déduit de ces éléments que le salarié n’invoque pas de faits qui seraient matériellement établis, laissant présumer l’existence d’un harcèlement moral pour lequel il ne forme d’ailleurs pas de demande d’indemnisation distincte.
S’agissant dès lors de l’ensemble des critiques formulées globalement par M. [H] sur ses conditions de travail, le salarié fait état de propos désagréables et de comportements inadaptés adoptés par sa hiérarchie et des collègues à son égard, sans toutefois étayer ses affirmations par des éléments objectifs. Il affirme par ailleurs, là encore sans aucune preuve, que l’employeur a tenté de le pousser à quitter l’entreprise.
Il reproche également à l’employeur de l’avoir rétrogradé en lui retirant des responsabilités et en l’obligeant par ailleurs à des conduites non prévues dans ses fonctions de responsable de carrière, ce qui l’aurait conduit à développer un syndrome dépressif. Or, il ne produit pas le moindre document à l’appui de ses affirmations quant au retrait de responsabilités, ses allégations étant au demeurant non circonstanciées alors encore qu’il ne communique par le moindre courrier qu’il aurait adressé à l’employeur pour se plaindre de tels retraits à un moment quelconque de la relation de travail.
S’agissant des conduites imposées par l’employeur, le salarié ne peut sérieusement contester que les transports routiers entraient dans ses missions de responsable de carrière. D’une part il le reconnaît lui-même en page 4 de ses conclusions, d’autre part la société démontre que ses missions n’ont pas évolué au moment du transfert de son contrat de travail alors qu’il est établi qu’auparavant la conduite était inhérente à ses fonctions. Il ressort en outre de ses propres conclusions qu’il s’est de lui-même présenté à son retour de son arrêt de travail début avril 2018 pour conduire un camion, les courriels échangés avant la reprise, qu’il produit lui-même, démontrant que l’employeur s’était assuré de la validité de sa carte conducteur après sa très longue absence et que le salarié a précisément reproché à la société de n’avoir que tardivement fait le nécessaire pour le renouvellement de cette carte, repoussant ainsi son retour de quelques jours. Il s’ajoute qu’il résulte des avis d’aptitude de la médecine du travail produits par l’employeur que le salarié avait bien déclaré tant des fonctions d’encadrant que de chauffeur.
S’agissant des autres ‘indélicatesses’ de l’employeur alléguées par M. [H], il semble qu’il évoque notamment le paiement tardif des prestations de prévoyance alors même que la société démontre qu’il s’agit d’une erreur de son service de paie qui n’était pas habitué à la démarche dès lors que M. [H] était le seul salarié dans sa catégorie. S’agissant de l’absence de renouvellement de sa carte conducteur préalablement à son retour en avril 2018 de son arrêt de travail prolongé, il convient de relever qu’il résulte de l’échange de courriels entre le salarié et l’employeur immédiatement avant la reprise supposée faisant suite à un arrêt de travail de près d’un an et demi, que l’employeur s’était préoccupé de savoir si le salarié avait fait le nécessaire pour ce renouvellement. Apprenant très peu de temps avant le retour supposé l’expiration de la validité de la carte, il est établi que l’employeur a fait immédiatement le nécessaire pour que M. [H] dispose du renouvellement nécessaire aux fins d’une reprise quelques jours seulement après. A ce titre, le salarié affirme sans le moindre élément à l’appui malgré les vives contestations adverses, que la société lui aurait fait ainsi un traitement différent de celui des autres salariés.
Ces éléments sont inopérants.
En revanche, alors même que M. [H] revenait d’un arrêt de travail prolongé de plus d’un an et qu’il a concrètement repris son poste de travail à compter du 11 avril 2018, la société Papin ne justifie pas d’un avis d’aptitude rendu par la médecine du travail permettant cette reprise, produisant au contraire un avis d’inaptitude du 24 avril 2018. Or, le salarié a de nouveau été placé en arrêt de travail à compter de cette date, après un arrêt de travail du 14 au 15 avril 2015 faisant suite à un incident qu’il allègue avec un collègue qui n’aurait pas voulu lui remettre les clés du camion qu’il devait conduire et à l’encontre duquel il a déposé une main courante le 13 avril.
Si aucun élément objectif ne permet de déterminer les circonstances exactes de cet incident, l’employeur mettant en avant un comportement inapproprié de M. [H], il demeure que la société ne justifie pas avoir mis en oeuvre des mesures propres à éviter toute aggravation de l’état de santé de M. [H] en lien direct ou indirect avec ses conditions de travail au retour du salarié absent depuis un temps extrêmement long, ou à la suite de cet événement immédiatement suivi d’un nouvel arrêt de travail qui même s’il est court est à tout le moins révélateur d’une extrême fragilité persistante du salarié qui a d’ailleurs par la suite été placé à nouveau en arrêt de travail prolongé par son médecin traitant immédiatement après sa visite à la médecine du travail. Le manquement allégué par M. [H] au titre de la dégradation de son état de santé est donc suffisamment démontré. Le préjudice du salarié qui a été une nouvelle fois placé en arrêt de travail à compter du 24 avril 2018 de façon prolongée, sera justement réparé par l’allocation d’une somme de 2 000 euros.
La décision déférée sera infirmée.
II – Sur le licenciement
Il résulte des dispositions de l’article L.1234-1 du code du travail que la faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle nécessite le départ immédiat du salarié, sans indemnité. La preuve de la faute grave incombe à l’employeur.
Si elle ne retient pas la faute grave, il appartient à la juridiction saisie d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement invoqués par l’employeur, conformément aux dispositions de l’article L.1232-1 du code du travail.
Pour apprécier la gravité de la faute, les juges doivent tenir compte des circonstances qui l’ont entourée et qui peuvent atténuer la faute et la transformer en faute légère. Si un doute subsiste sur la gravité de la faute reprochée, il doit profiter au salarié.
En l’espèce, le conseil de prud’hommes, dans la décision déférée, a dit la faute du salarié établie en ce qu’il est prouvé qu’il a endommagé le portal principal d’un client de la société Papin, mais a considéré qu’il s’agit d’une première faute de conduite après 32 ans d’ancienneté qui ne peut suffire à caractériser la faute grave. La juridiction prud’homale a dès lors retenu la cause réelle et sérieuse du licenciement.
A hauteur de cour, M. [H] fait valoir en substance que la faute reprochée est étrangère aux fonctions assumées contractuellement depuis 1997, les griefs reposant sur une erreur d’exécution de la tâche de chauffeur alors même qu’il n’était pas chauffeur mais responsable de carrière qualification cadre; que de plus, l’accrochage mineur et isolé d’un portail avec le camion conduit reproché à un salarié dont ce n’était pas la mission, ayant plus de 32 ans d’ancienneté, qui revenait de plus de deux ans d’arrêt de travail pour dépression nerveuse liée à son emploi, et qui en outre n’avait pas pu suivre la formation des chauffeurs contrairement à ses collègues alors que les camions étaient devenus plus imposants, n’est pas sérieux; que le licenciement est abusif ou tout au moins non fondé sur une faute grave; que plus de deux ans après le licenciement, il est toujours sans emploi et indemnisé par Pôle emploi, et la longue dépression qu’il a subi, ravivée par les conditions dans lesquelles il a été licencié, ne l’aide sans doute pas à retrouver la confiance nécessaire pour retrouver un emploi à son âge;
La société Papin réplique en substance que les fonctions du salarié impliquant des transports routiers sont demeurées inchangées et il n’y a jamais eu de modification contractuelle ou non de ses fonctions; que le licenciement pour faute grave de M. [H] fait suite à plusieurs sanctions ou rappels lui ayant été notifiés du fait notamment de son insubordination, celui-ci n’ayant pas entendu modifier son comportement, et est bien fondé au regard de la légèreté blâmable grave dont le salarié, professionnel de la route, a fait preuve à deux reprises, et qu’il tente vainement de minimiser; que le licenciement n’est aucunement lié à la demande du salarié opérée bien antérieurement quant à un rappel d’indemnité de prévoyance; que les brimades alléguées par le salarié sont contestées, alors par ailleurs qu’elle n’a pu renouvelé sa carte de conducteur avant le 10 avril dès lors que l’intéressé était en arrêt de travail pendant environ 16 mois et qu’elle ignorait sa date de retour, ce qui a repoussé la reprise du travail au 11 avril, date à laquelle il a reçu les clés du camion après réorganisation en urgence du service.
Or, la société Papin invoque dans ses conclusions un avertissement notifié à M. [H] le 13 décembre 2013 aux fins d’appuyer devant la cour le licenciement contesté. Cet avertissement est toutefois antérieur de plus de trois ans à l’engagement, le 16 novembre 2018, des poursuites disciplinaires litigieuses et ne sera donc pas retenu.
Les motifs du licenciement tels qu’énoncés dans la lettre qui fixe les limites du litige sont :
– le fait, le 8 novembre 2018, d’avoir plié et endommagé gravement le portail principal de l’accès à l’usine de la société Imerys, client important de la société
dont il connaissait parfaitement le site au sein duquel il était affecté depuis environ 30 ans, et ce du fait d’une absence de respect des règles de prudence élémentaires et d’une grave négligence lors de sa man’uvre, le salarié n’ayant alors pas respecté les directives de la société d’être extrêmement vigilant sur sa conduite ;
– le fait, quelques semaines auparavant, d’avoir déjà abîmé une trémie de cette même société lors d’un déchargement, répétition d’incidents qui a conduit l
e directeur du site à signifier son exclusion définitive de l’usine.
Les faits fautifs concernent donc la répétition d’accidents liés à la conduite d’un véhicule de la société.
Il convient de préciser que M. [H] avait repris son poste de travail le 8 octobre 2018 après un long arrêt de travail, et avait été déclaré apte le même jour.
La société Papin fait valoir qu’un avertissement a déjà été notifié à l’intéressé le 24 octobre 2018 en raison d’un refus d’accepter une mission et de problèmes de comportement nuisant au bon fonctionnement du service logistique, le salarié étant injoignable et ne permettant pas d’organiser son planning de travail. Cet avertissement n’a pas fait l’objet d’une contestation et il n’est pas demandé son annulation par M. [H] en la présente instance. Il sera toutefois souligné que ces faits ne sont pas similaires à ceux reprochés par l’employeur dans la lettre de licenciement et ne peuvent donc être considérés comme des circonstances de fait permettant de les justifier, alors que la lettre de licenciement ne fait en outre référence à aucun incident antérieur qui aurait donné lieu à des rappels à l’ordre ou à un avertissement.
M. [H] affirme quant à lui que la société lui a imposé des conduites alors que cela ne ressortait pas de ses fonctions de responsable de carrière.
La fonction occupée est un élément qui ressort de l’essence même du contrat de travail. Le salarié est embauché pour occuper un emploi déterminé et l’adjonction de nouvelles tâches, qui affectent la nature des fonctions occupées, constitue une modification du contrat de travail qui doit être expressément acceptée par le salarié. En l’espèce, M. [H] a été embauché en 1986 par la société BMP en qualité de chauffeur chargeur et placé sous les ordres directs du responsable de carrière. Aux termes du contrat de travail régularisé le 1er août 1997 à la suite de l’absorption de la société BMP par la société AGS, il était prévu qu’il exerce les fonctions de responsable de carrière. Il a été engagé en 2013 par la société Papin qui l’a maintenu au poste qu’il occupait alors de responsable de carrière, avec reprise d’ancienneté à la date du 1er juillet 1986. Les bulletins de salaire délivrés au moment des faits reprochés mentionnent cette qualification.
La société Papin définit les fonctions de responsable de carrière comme étant celles de conducteur encadrant, et produit l’attestation de M. [Z], responsable du personnel de la société, dont il ressort que lorsque M. [H] a été repris par la société ses fonctions à titre de responsable de carrière sont demeurées inchangées et consistaient à conduire l’ensemble routier articulé, à contrôler l’état de fonctionnement des véhicules, à organiser les chargements et les déchargements, à vérifier la conformité des documents de bord, à déclencher les mesures d’urgence en cas d’incident et à respecter les règles de sécurité. La mission de conduite de poids lourd est confirmée par le courrier adressé par l’employeur et la société Imerys à M. [H] le 29 mars 2013, faisant état de leurs engagements, et la fiche de poste produite. Le salarié ne produit pas d’élément pertinent contraire.
L’employeur produit également les documents de la médecine du travail (documents de suivi de M. [H] et avis d’aptitude) mentionnant, sur la base des informations données par le salarié lui-même, systématiquement la conduite de véhicule. Il sera souligné que dans le cadre du suivi individuel de l’état de santé du salarié, le médecin du travail a d’ailleurs, à l’issu de sa rencontre du 30 octobre 2018, indiqué “maintien des mêmes préconisations à savoir chauffeur poids lourd sur tournées en brouettage et chargement.”
De plus, au vu des développements qui précèdent, M. [H] reconnaît lui-même dans ses conclusions qu’il devait conduire des véhicules de la société Papin, a transmis sans aucune difficulté les documents liés au renouvellement de sa carte conducteur en avril 2018. Il sera encore souligné qu’il ne résulte d’aucun des documents produits qu’il aurait interpellé l’employeur à un moment quelconque sur une modification de ses missions.
Bien que la grille des emplois repères de la convention collective ne soit pas versée aux débats, la société Papin rapporte ainsi les éléments justifiant que la conduite faisait partie intégrante des fonctions de M. [H] et ce depuis une période antérieure à la reprise, ce que M. [H] ne conteste pas utilement dès lors qu’il ne produit pas d’éléments contraires opérants.
S’agissant de l’accident du 8 novembre 2018, M. [H] affirme néanmoins que les consignes de conduite ont changé puisqu’il fallait auparavant rentrer sur le site litigieux avec l’avant du camion et qu’il est désormais demandé de rentrer avec l’arrière du camion, la flotte de camion ayant en outre évolué pour passer de véhicules à deux essieux à des véhicules à trois essieux et les autres salariés ayant reçu une formation à laquelle il n’a pas eu accès puisqu’il était en congés payés au moment des deux formations données, l’employeur ne lui ayant pas permis de suivre cette formation ultérieurement.
Or, alors même que la société Papin ne conteste pas que le jour de l’accident M. [H] conduisait un camion à trois essieux, et qu’elle ne conteste pas que l’intéressé n’avait pas suivi la formation spécifique à la conduite de ce camion permettant la manoeuvre litigieuse (entrer en marche arrière sur le site du client) au contraire des autres salariés, elle se contente d’affirmer que M. [H] conduit ce type de benne depuis 2013, date du changement de la flotte de camion, et n’a jamais fait état de difficultés quelconque nécessitant une formation, alors qu’en outre du fait de ses fonctions d’encadrement il est parfaitement habilité à conduite ce type de benne, sans produire le moindre document à l’appui de ces allégations. De la même manière, elle affirme que la manoeuvre au moment de l’accident était facile et que l’accès était parfaitement adapté pour les ensembles routiers équipés de tracteurs Actros Mercedes et de bennes trois essieux, ce que la cour ne saurait déduire de la seule photographie des lieux non contextualisée qu’elle produit, en l’absence de tout élément technique.
De plus, aux termes de l’article L.6321-1 du code du travail, l’employeur assure l’adaptation des salariés à leur poste de travail. Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations. Relève ainsi de l’initiative de l’employeur, l’obligation de veiller au maintien de la capacité des salariés à occuper un emploi. Il est donc tenu à une obligation générale d’adaptation, qui l’oblige à envisager et proposer des formations à tout salarié, y compris en l’absence de toute évolution de poste, et ce afin de développer leur employabilité et leurs compétences. L’obligation de formation du salarié auquel il est reproché une faute de conduite dans le cadre d’une manoeuvre compliquée par un changement de consigne reposant sur l’employeur, il lui appartient de justifier du respect de cette obligation, ce que la société Papin ne fait pas.
Dans ces conditions, le comportement du salarié lié à la conduite d’un camion benne trois essieux le 8 novembre 2018 est dénué de caractère fautif.
Reste qu’il est également reproché à M. [H] d’avoir déjà abîmé une trémie lors d’un déchargement quelques semaines auparavant, ce dont il n’a pas alerté l’employeur qui a été informé par le directeur de la société cliente, les dégâts occasionnés ayant alors nécessité une journée de réparation, mobilisant 2 mécaniciens, ce qui est démontré par le courriel de M. [K] du 8 novembre 2018 produit par la société Papin.
Cette négligence fautive dans la conduite n’est pas utilement contestée par M. [H] qui conteste certes qu’il disposait des connaissances nécessaires pour réaliser la manoeuvre litigieuse le 8 novembre 2018, mais qui ne conteste pas qu’il conduisait bien les camions trois essieux depuis 2013, qu’il disposait des connaissances de base nécessaires pour conduire ce type de camion, qu’il se rendait sur le site de la société Imerys depuis de nombreuses années avec ce type de camions et avait donc une bonne connaissance des lieux, et qu’il était appelé à une vigilance dans la conduite par la société comme le mentionne notamment la mission de conduite de la société Imerys ci-dessus visée. Il est en tout état de cause évident que le chauffeur de poids lourd doit conduire son véhicule dans le strict respect du code de la route et des règles de sécurité qui s’imposent au regard de l’environnement dans le cadre duquel il exerce son métier, que M. [H] connaissait ici parfaitement puisqu’il se trouvait sur un site connu de longue date.
M. [H] ne produit pas le moindre élément contraire.
La société Papin justifie également que le directeur du site lui a signifié l’exclusion définitive de M. [H] de l’usine sans toutefois démontrer l’absence d’autres affectations possible de M. [H].
Si par leur nature, ces faits restants ainsi qu’ils viennent d’être restitués comme une erreur professionnelle dommageable pour l’entreprise, constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement, l’employeur ne démontre pas que cette faute a rendu impossible le maintien dans l’entreprise pendant la durée du préavis du salarié bénéficiant d’une ancienneté de plus de trente ans et qui n’avait jamais eu le moindre accident de conduite avant son retour d’un arrêt de travail prolongé en octobre 2018.
Par conséquent, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a requalifié le licenciement, et en ce qu’il a annulé la mise à pied à titre conservatoire, fait droit aux demandes corrélatives de rappel de salaire et d’indemnité de préavis ainsi que des congés payés afférents ainsi que d’indemnité de rupture qui doit s’analyser en une indemnité légale de licenciement. Il sera en outre confirmé en ce qu’il a débouté M. [H] de sa demande de dommages-intérêts.
III – Sur les autres demandes
Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement déféré en ses dispositions sur les dépens et les frais irrépétibles.
Il est équitable de condamner la société Papin qui succombe au principal, à payer à M. [H] la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Statuant dans les limites de l’appel,
Confirme le jugement déféré sauf en ses dispositions sur le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat, sur le “rappel de salaire pour la prévoyance”, sur le rappel de salaire sur la période du 8 au 11 et du 22 au 26 octobre 2018, sur les primes de paniers ;
L’infirme de ces seuls chefs ;
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
Condamne la société Papin à verser à M. [H] les sommes suivantes:
– 1 813,56 euros à titre de rappel de salaire sur la période du 8 au 11 et du 22 au 26 octobre 2018 outre 13,32 euros au titre des primes de panier sur cette même période;
– 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat;
Déboute M. [H] de sa demande de “rappel de salaire pour la prévoyance” ;
Condamne la société Papin à verser à M. [H] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en appel ;
Condamne la société Papin aux dépens d’appel.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.