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C3
N° RG 22/00210
N° Portalis DBVM-V-B7G-LGBF
N° Minute :
Notifié le :
Copie exécutoire délivrée le :
la CPAM DES YVELINES
la SELAS [4]
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE – PROTECTION SOCIALE
ARRÊT DU JEUDI 29 JUIN 2023
Appel d’une décision (N° RG 20/00323)
rendue par le pôle social du tribunal judiciaire de Chambery
en date du 29 novembre 2021
suivant déclaration d’appel du 11 janvier 2022
APPELANTE :
Organisme CPAM DES YVELINES, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 2]
comparante en la personne de M. [I] [X], régulièrement muni d’un pouvoir
INTIMEE :
Société [5], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 6]
[Localité 1]
représentée par Me Guy DE FORESTA de la SELAS DE FORESTA AVOCATS, avocat au barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président,
Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller,
M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,
Assistés lors des débats de Mme Chrystel ROHRER, Greffier,
DÉBATS :
A l’audience publique du 25 avril 2023,
M. Jean-Pierre DELAVENAY chargé du rapport, Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller et M. Pascal VERGUCHT, Conseiller ont entendu les représentants des parties en leurs conclusions et plaidoiries.
Et l’affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l’arrêt a été rendu.
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Le 28 juillet 2015, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) des Yvelines a reconnu le caractère professionnel de l’accident du travail dont a été victime M. [L] [N] le 1er juillet 2015 alors qu’il était employé en qualité de conducteur par la SAS [5]. En voulant ouvrir le rideau de son camion et en forçant pour le lever, il a ressenti une vive douleur au bras gauche.
Le certificat médical initial, établi le jour des faits, mentionne des « douleurs 1/3 moyen bras gauche à la mobilisation ».
L’état de santé de l’assuré a été déclaré consolidé à la date du 31 décembre 2019.
Suivant notification du 6 janvier 2020, adressée à l’employeur, un taux d’incapacité permanente partielle de 18 % a été attribué à M. [N] compte tenu de « séquelles d’un traumatisme de l’avant-bras gauche chez un droitier avec atteinte radiale ; diminution fonctionnelle de la main avec perte de force ».
Le 26 octobre 2020, la SAS [5] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Chambéry d’un recours à l’encontre du rejet implicite par la commission médicale de recours amiable de la caisse primaire, saisie le 7 févier 2020 de sa contestation du taux d’incapacité fixé à 18 %.
Suivant décision, notifiée à l’employeur le 17 septembre 2021, la commission a confirmé le taux de 18 % attribué à l’assuré en ces termes :
« Compte-tenu des constatations du médecin conseil, de l’examen clinique retrouvant une diminution fonctionnelle de la main et du poignet gauches avec amyotrophie et perte de force après compression de la branche motrice du nerf radial gauche multi opérée chez un assuré chauffeur poids lourd droitier, âgé de 57 ans et de l’ensemble des documents vus, la Commission décide de maintenir le taux à 18 %. Ce taux tient compte de l’incidence professionnelle ».
Par jugement du 29 novembre 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Chambéry a :
– fait droit au recours de la SAS [5],
– dit que les séquelles présentées à la date du 31 décembre 2019 par M. [N] justifient un taux d’incapacité permanente de 0 %,
– condamné la CPAM des Yvelines aux dépens.
Le tribunal, visant l’article R 142-16-3 du code de la sécurité sociale, a relevé que son médecin consultant désigné, le Dr [W], n’a pu rendre d’avis car la caisse ne lui avait transmis ni le rapport d’évaluation des séquelles, ni le rapport médical de la commission médicale de recours amiable.
Le 11 janvier 2022, la CPAM des Yvelines a interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée par lettre recommandée dont elle a accusé réception le 13 décembre 2021.
Les débats ont eu lieu à l’audience du 25 avril 2023 et les parties avisées de la mise à disposition au greffe de la présente décision le 29 juin 2023.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
La caisse primaire d’assurance maladie des Yvelines, selon ses conclusions d’appel parvenues au greffe le 22 décembre 2022, reprises à l’audience, demande à la cour de :
– infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Chambéry du 29 novembre 2021 ramenant à 0 % le taux d’incapacité permanente partielle de M. [N] opposable à la société [5],
– débouter la société [5] de toutes ses demandes.
La CPAM des Yvelines soutient qu’au vu du barème indicatif, des conclusions du médecin conseil et de la commission médicale de recours amiable, le taux de 18 % attribué à l’assuré, maintenu par cette commission, indemnise correctement les séquelles résultant de l’accident du travail du 1er juillet 2015 dont a été victime M. [N]. Elle rappelle que, selon le médecin conseil « le taux de 18 % maintenu par la CMRA, a été évalué conformément au barème indicatif chapitre 4.2.5 séquelles portant sur le système nerveux périphérique : membre supérieur : paralysie du nerf radial au-dessous du coude côté non dominant : 35 » et qu’au vu de l’importance de la gêne fonctionnelle avec limitation des mouvements du poignet, atteinte de la mobilité des doigts longs avec perte de force de préhension et amyotrophie du membre supérieur gauche, le taux correspond à la fourchette haute du barème avec prise en compte de l’incidence professionnelle.
Elle s’appuie également sur les observations complémentaires du service médical dont il ressort l’absence d’état antérieur symptomatique connu avant l’accident du travail et que « dans le cas d’un état antérieur muet, la totalité de l’aggravation de cet état pathologique doit être indemnisée ».
S’agissant de l’incidence professionnelle, elle expose qu’au regard des séquelles de l’assuré, de son âge (57 ans à la date de consolidation), de ses qualifications et aptitudes professionnelles, l’intéressé aurait des difficultés à retrouver un emploi et que d’ailleurs, à ce jour, il n’a toujours pas retrouvé d’emploi.
La SAS [5], au terme de ses conclusions d’appel, parvenues au greffe le 31 mars 2023, reprises à l’audience, demande à la cour de :
– déclarer sa constitution recevable,
Vu l’article L.434-2 du code de la sécurité sociale,
Vu l’avis médical du docteur [U],
– juger que le taux d’IPP attribué à M. [N] est de 0 % au titre de son accident du travail du 1er juillet 2015,
– confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Chambéry rendu le 29 novembre 2021 dans toutes ses dispositions.
A titre liminaire, la SAS [5] s’en rapporte à la cour sur la recevabilité de l’appel de la caisse primaire.
Au fond, elle fait valoir qu’en l’état des pièces, transmises par la CPAM, les pathologies décrites n’ont aucune origine traumatique mais sont tout à fait caractéristiques d’un état pathologique indépendant, que le médecin conseil de la CPAM ne mentionne pas dans ses analyses. Elle estime que la caisse primaire ne rapporte pas la preuve du défaut d’antériorité de cet état médical incontestable et non imputable à l’accident. Elle reprend les conclusions de son consultant médical, le docteur [U], selon lequel aucun taux d’IPP n’est justifié au titre des seules séquelles de l’accident du 1er juillet 2015 déclaré par M. [N] et reproche à la commission médicale de recours amiable de ne pas avoir tenu compte de cet avis, adressé le 02 mars 2020.
Selon les conclusions du docteur [U], le salarié souffrait d’une lésion nerveuse non imputable à l’accident déclaré, mais qui caractérise un état pathologique indépendant. Il s’agit : « …d’une souffrance du nerf radial gauche initialement rapportée un syndrome du nerf interosseuxpostérieur (ou syndrome de Froshe) traitée initialement par neurolyse au coude puis mis en relation avec une lésion tumorale du nerf radial de type schwannome, responsable d’une paralysieradiale basse qui a justifié un transfert tendineux le 11/05/2017….».
Oralement, elle a relevé à l’audience que la caisse avait fait obstacle à la mesure d’instruction.
Pour le surplus de l’exposé des moyens des parties au soutien de leurs prétentions, il est renvoyé à leurs conclusions visées ci-dessus par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION
L’appel de la caisse, formé le 11 janvier 2022, est recevable puisque les pièces du dossier de première instance établissent que le jugement du 29 novembre 2021 lui a été notifié le 13 décembre 2021 selon l’accusé de réception.
M. [N], salarié de la SAS [5], s’est vu reconnaître la prise en charge d’un accident survenu le 1er juillet 2015, au titre de la législation professionnelle, ayant affecté son bras gauche dont il a été déclaré consolidé avec séquelles indemnisables en date du 31 décembre 2019.
La contestation élevée devant la commission médicale de recours amiable, puis le tribunal, porte sur la notification par la caisse (pièce 5) le 6 janvier 2020 d’un taux d’incapacité permanente de 18 % en découlant.
Le litige relève donc des dispositions de l’article L 142-1-5° du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable (antérieure au 16 décembre 2020) prévoyant :
‘Le contentieux de la sécurité sociale comprend les litiges relatifs (…)
5° A l’état d’incapacité permanente de travail, notamment au taux de cette incapacité, en cas d’accident du travail ou de maladie applicable’.
L’article R 142-16 prévoit que ‘la juridiction peut ordonner toute mesure d’instruction, qui peut prendre la forme d’une consultation clinique ou sur pièces exécutée à l’audience, par un consultant avisé de sa mission pour tous moyens, dans des conditions assurant la confidentialité, en cas d’examen de la personne intéressée’.
L’article R 142-16-3 dispose également que :
‘Le greffe demande par tous moyens, selon le cas à l’organisme de sécurité sociale, au président du conseil départemental ou la maison départementale des personnes handicapées, de transmettre à l’expert ou au consultant désigné l’intégralité du rapport médical mentionné à l’article L. 142-6 et du rapport mentionné au premier alinéa de l’article L. 142-10 ou l’ensemble des éléments ou informations à caractère secret au sens du deuxième alinéa de l’article L. 142-10 ayant fondé sa décision.
Dans le délai de dix jours à compter de la notification, à l’employeur de la victime de l’accident du travail ou de la maladie professionnelle, lorsque ce dernier est partie à l’instance, de la décision désignant l’expert, celui-ci peut demander, par tous moyens conférant date certaine, à l’organisme de sécurité sociale, de notifier au médecin, qu’il mandate à cet effet, l’intégralité des rapports précités. S’il n’a pas déjà notifié ces rapports au médecin ainsi mandaté, l’organisme de sécurité sociale procède à cette notification, dans le délai de vingt jours à compter de la réception de la demande de l’employeur. Dans le même délai, l’organisme de sécurité sociale informe la victime de l’accident du travail ou de la maladie professionnelle de la notification de l’intégralité de ces rapports au médecin mandaté par l’employeur’.
Enfin, l’article 11 du code de procédure civile énonce que ‘les parties sont tenues d’apporter leur concours aux mesures d’instruction sauf au juge à tirer toutes conséquences d’une abstention ou d’un refus’.
En l’espèce, la juridiction de première instance, saisie d’une contestation, a ordonné une consultation à l’audience et le médecin qu’elle a désigné n’a pu rendre d’avis le 18 octobre 2021, faute d’avoir reçu le rapport d’évaluation des séquelles établi par le médecin conseil de la caisse ni le rapport médical de la commission médicale de recours amiable, pièces qui font toujours défaut en appel et que la caisse primaire d’assurance maladie des Yvelines n’offre même pas de produire au cas où il serait fait recours par la présente juridiction à une nouvelle mesure d’instruction, mesure que la caisse n’a pas sollicitée même à titre subsidiaire, s’appuyant uniquement sur l’avis de son service médical en réponse aux observations du médecin conseil de l’employeur au soutien de son appel (pièce caisse n° 8).
Dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu’il a fait droit au recours de la société [5] et seulement partiellement infirmé en ce qu’il a dit que les séquelles présentées à la date du 31/12/2019 par M. [L] [N] justifient un taux d’incapacité permanente de 0 %, formulation qui sera remplacé par ‘déclare inopposable à la société [5] le taux notifié le 6 janvier 2020 de 18 % consécutif à l’accident du travail du 1er juillet 2015 dont a été victime M. [L] [N].
La caisse succombant supportera les dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant contradictoirement et publiquement, après en avoir délibéré conformément à la loi
Confirme le jugement RG n° 20/00323 rendu le 29 novembre 2021 par le pôle social du tribunal judiciaire de Chambéry, sauf en ce qu’il a ‘dit que les séquelles présentées à la date du 31/12/2019 par M. [L] [N] justifient un taux d’incapacité permanente de 0 %’.
Statuant à nouveau,
Déclare inopposable à la société [5] le taux notifié le 6 janvier 2020 de 18 % consécutif à l’accident du travail du 1er juillet 2015 dont a été victime son salarié, M. [L] [N].
Y ajoutant,
Condamne la caisse primaire d’assurance maladie des Yvelines aux dépens d’appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par M. Jean-Pierre Delavenay, président et par Mme Kristina Yancheva, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier Le président