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ARRÊT DU
27 Mai 2022
N° 760/22
N° RG 20/01091 – N° Portalis DBVT-V-B7E-S7C7
BR/AA
Jugement du
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VALENCIENNES
en date du
10 Février 2020
(RG 19/00281 -section )
GROSSE :
aux avocats
le 27 Mai 2022
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
– Prud’Hommes-
APPELANTE :
S.A.S. COLLECTES VALORISATION ENERGIE DECHETS
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Loïc LE ROY, avocat au barreau de DOUAI,
Assisté de Me Arnaud BLANC DE LA NAULTE, avocat au barreau de PARIS, Substitué par Me Julien DUFFOUR, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉ :
M. [R] [W]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représenté par Me Antoine BIGHINATTI, avocat au barreau de VALENCIENNES substitué par Me Pierre FONTUGNE, avocat au barreau de VALENCIENNES
DÉBATS :à l’audience publique du 03 Mai 2022
Tenue par Béatrice REGNIER
magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Séverine STIEVENARD
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Stéphane MEYER
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Béatrice REGNIER
: CONSEILLER
Frédéric BURNIER
: CONSEILLER
ARRÊT :Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 27 Mai 2022,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Stéphane MEYER, Président et par Serge LAWECKI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 12 Avril 2022
M. [R] [W] a été engagé dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée le 7 novembre 2005, avec reprise d’ancienneté au 1er septembre 2000, par la SA Collectes valorisation énergie déchets (COVED) en qualité de chauffeur poids-lourd collecte.
Dans le dernier état de la relation contractuelle, il occupait les fonctions de chef d’équipe.
Après avoir été convoqué le 20 septembre 2017 à un entretien préalable fixé au 5 octobre suivant, il a été licencié pour motif personnel le 17 octobre 2017.
Contestant le bien-fondé de cette mesure, il a saisi le 13 juin 2018 le conseil de prud’hommes de Valenciennes qui, par jugement du 10 février 2020, a dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et a condamné la SA COVED à payer au salarié les sommes de 27 757,52 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 12 mars 2020, la SA COVED a interjeté appel du jugement en visant expressément les dispositions attaquées.
Par conclusions transmises par voie électronique le 25 novembre 2020, la SA COVED demande à la cour d’infirmer le jugement déféré, de débouter M. [W] de l’ensemble de ses prétentions et de le condamner à lui régler la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient que :
– les faits reprochés à M. [W] sont établis et justifient son licenciement;
– les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail sont conformes aux normes internationales.
Par conclusions transmises par voie électronique le 10 septembre 2020, M. [W] demande à la cour de ‘Confirmer le jugement entrepris (…) en toutes ses dispositions / En conséquence, / Dire et juger que le licenciement notifié à Monsieur [R] [W] est dépourvu de cause réelle et sérieuse et de condamner la Société COVED à [lui] verser les sommes suivantes : / – 45.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement des dispositions de l’article 1240 du Code Civil, ou subsidiairement, la somme de 27752,52 € sur le fondement des dispositions de
l’article L.1235-3 du Code du Travail. / – 3.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile.’.
Il fait valoir que :
– le licenciement est sans cause réelle et sérieuse en ce que les faits reprochés ne lui sont pas imputables et ne justifiaient pas un licenciement ;
– les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail ne sont pas conformes à celles de l’article 24 de la Charte sociale européenne, des articles 4 et 10 de la Convention 158 de l’OIT et au droit au procès équitable ; que son préjudice doit donc être indemnisé sur le fondement de l’article 1231-1 du code civil.
SUR CE :
Attendu que, selon l’article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles ; que, si un doute subsiste, il profite au salarié ; qu’ainsi l’administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables;
Attendu que par ailleurs la lettre de licenciement fixe les limites du litige;
Attendu qu’en l’espèce M. [W] a été licencié par courrier recommandé du 17 octobre 2017 pour les motifs suivants :
‘Le 13 septembre 2017, vous avez contacté M. [E] [T], votre chargé de ressources humaines de proximité pour lui faire savoir que M. [Y] [S] avait passé sa visite médicale poids lourds le 26 août 2017 et qu’il n’avait qu’un récépissé provisoire à présenter à l’organisme de formation, l’AFTRAL pour sa formation FCO prévue du 18 septembre au 22 septembre 2017. Vous souhaitiez savoir si M. [Y] pouvait passer sa formation FCO avec ce document. / Pendant cet échange téléphonique, M. [E] vous a demandé la date de fin de validité du permis de conduire de M. [Y]. Vous lui avez indiqué que celui-ci avait expiré le 6 février 2017. M. [E] vous a alors prévenu qu’il ne pouvait pas conduire sans permis valable et vous a enjoint à le retirer du planning de l’après-midi. La visite médicale étant réalisée après la perte de validité du permis de conduire, M. [Y] ne devait plus conduire. / Concernant la formation FCO qui débutait le 18 septembre 2017 auprès de l’AFTRAL, M. [E] vous a informé qu’il allait se renseigner et qu’il allait vous recontacter en début d’après-midi pour vous indiquer si M. [Y] pouvait malgré tout participer au stage FCO. / En début d’après-midi, M. [E] a essayé de vous recontacter sur votre téléphone portable mais ayant terminé votre journée de travail, vous n’avez pas répondu. De ce fait, M. [E] a contacté l’exploitation de [Localité 5] et M. [I] [P], manager de proximité a indiqué que M. [Y] était en train de conduire. / M. [E] a aussitôt prévenu Mme [J] [F], Responsable d’exploitation qui a ordonné le remplacement immédiat de M. [Y] au poste de chauffeur. / Vous n’avez pas prévenu votre responsable hiérarchique de cet incident. / Lors de votre entretien, vous avez indiqué que M. [E] [T] devait vous recontacter concernant le déroulement de la FCO mais qu’il ne vous a pas dit de modifier l’affectation de M. [Y] au planning et de ne pas le faire conduire. [O] [X], présent sur [Localité 4] le 13 septembre 2017 avait été informé de cette situation par M. [E]. / Vous remettez donc en cause les dires de M. [E], son honnêteté et sa probité. / Vous avez accusé votre collègue, M. [I] [P] de ne pas avoir retiré
M. [Y] du planning. Vous l’auriez prévenu et ce serait de sa faute si M. [Y] a été mis au planning. Pourtant, vous avez signalé en début d’entretien ne pas savoir qu’il fallait retirer M. [Y] du planning car M. [E] vous aurait prévenu. Vos propos sont contradictoires. / Vous expliquez également que le contrôle des permis avait été fait en janvier 2017 et qu’à cette occasion, vous aviez averti M. [Y] de la fin de validité proche de son permis de conduire, vous étiez donc parfaitement informé de la fin de validité du permis de M. [Y] et vous n’avez pas jugé utile de procéder à un nouveau contrôle du document après le 6 février 2017. M. [Y] conteste cette version des faits. / Vous avez donc, en parfaite connaissance de cause, laisser un chauffeur conduire sans permis PL valable. Vous n’avez pas jugé utile de prévenir votre hiérarchie. Vous n’avez pas non plus informé votre collègue M. [I], de la situation. Vous vous êtes volontairement abstenu de signaler ces faits. / Votre comportement est irresponsable et constitue une faute professionnelle qui aurait pu avoir des conséquences graves pour notre entreprise. / En conséquence, dans la mesure où les faits fautifs sont établis à votre encontre, ces derniers ne peuvent demeurer impunis. / Les explications recueillies lors de votre entretien du 5 octobre 2017, ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits. / En conséquence, nous nous voyons dans l’obligation de vous notifier votre licenciement pour cause réelle et sérieuse.’ ;
Attendu que, s’agissant du grief portant sur l’absence de vérification du permis de conduire de M. [Y] et l’absence d’information donnée à la hiérarchie, il résulte des pièces du dossier d’une part qu’il revient au chef d’équipe de contrôler les permis des chauffeurs dont ils assurent les démarrages, d’autre part que c’est M. [W] qui assurait le démarrage de M.[Y] même si le premier était du matin dans la mesure où le départ du second avait lieu au cours du temps de travail du premier ; que la SA COVED verse en effet aux débats le document de contrôle des permis de conduite, la fiche de poste de M. [W] mentionnant qu’il appartient au chef d’équipe d’opérer les contrôles nécessaires à la bonne exécution dans le respect des consignes et des moyens notamment humains affectés, l’attestation de Mme [F], ancienne responsable d’exploitation des sites de [Localité 5] et [Localité 3], qui déclare que M. [W] avait notamment en charge le contrôle des permis des chauffeurs dont il assurait les démarrages le matin et l’après-midi, le témoignage de M. [E] indiquant que M. [W] l’a informé le 13 septembre 2017 que la date de fin de validité du permis de [Y] était le 3 février 2017 et l’attestation de M. [Y] qui précise que c’est M. [W] qui lui a demandé de partir en tournée ;
Attendu que, s’agissant du grief portant sur non-respect de la consigne de supprimer M. [Y] du planning de conduite le 13 septembre 2017, M. [E] affirme avoir prévenu M. [W] de retirer M. [Y] du planning tandis que M. [I] indique que c’est M. [E], et non M. [W], qui lui a signalé que M. [Y] ne pouvait plus conduire – demande à laquelle il a tout de suite obtempéré ; qu’enfin M. [Y] confirme pour sa part avoir pris le volant du camion benne le 13 septembre 2017 alors que M. [W] lui avait demandé de partir en tournée et sans aucun ordre contraire de sa part et ajoute que c’est M. [I] qui lui a demandé en urgence de cesser sa tournée ;
Attendu que la matérialité des faits reprochés à M. [W] est dès lors établie ; que, compte tenu de leur nature et de l’incidence qu’ils auraient pu avoir sur la responsabilité de l’entreprise en cas de sinistre à l’occasion de la conduite du poids-lours par M. [Y], ils justifiaient son licenciement ; que le salarié est dès lors débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
Attendu qu’il convient pour des raisons tenant à l’équité de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en cause d’appel ;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Infirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a débouté la SA COVED de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau sur les chefs réformés et ajoutant,
Dit que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse,
Déboute M. [R] [W] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Dit n’y avoir lieu à faire application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en cause d’appel,
Condamne M. [R] [W] aux dépens de première instance et d’appel,
LE GREFFIER
Serge LAWECKI
LE PRESIDENT
Stéphane MEYER