Chauffeur Poids-Lourd : décision du 24 juin 2022 Cour d’appel de Rennes RG n° 19/04612

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Chauffeur Poids-Lourd : décision du 24 juin 2022 Cour d’appel de Rennes RG n° 19/04612
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8ème Ch Prud’homale

ARRÊT N°329

N° RG 19/04612 –

N° Portalis DBVL-V-B7D-P5PP

SARL TRANSPORTS P. FLOCH ET FILS

C/

M. [Y] [Z]

Réformation partielle

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 24 JUIN 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Rémy LE DONGE L’HENORET, Président de chambre,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 18 Mars 2022

devant Monsieur Rémy LE DONGE L’HENORET, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

En présence de Madame Laurence APPEL, Médiatrice judiciaire

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 24 Juin 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTE et intimée à titre incident :

La SARL TRANSPORTS P. FLOCH ET FILS prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

ZI Keriel Sud

29800 PLOUEDERN

Ayant Me Christophe LHERMITTE de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Avocat au Barreau de RENNES, pour postulant et Me Céline GORTYCH, Avocat au Barreau de PARIS, pour conseil

INTIMÉ et appelant à titre incident :

Monsieur [Y] [Z]

né le 08 Décembre 1957 à COUVIN (Belgique)

demeurant 163 rue Pendille

44720 SAINT JOACHIM

Ayant Me Julie FAGE de la SCP AVOCATS DU PONANT, Avocat au Barreau de BREST, pour Avocat constitué

M. [Y] [Z] a été embauché le 16 mai 2017 par la SARL TRANSPORTS P. FLOCH ET FILS qui exerce une activité de transport routier, dans le cadre d’un contrat à durée déterminée à temps complet du 16 mai 2017 au 31 octobre 2017 en qualité de chauffeur routier, niveau GR07, coefficient 150 de la Convention collective des transports routiers.

Le 5 octobre 2017, la SARL TRANSPORTS P. FLOCH ET FILS a remis à M. [Y] [Z] un courrier intitulé “promesse d’embauche”.

Le 31 octobre 2017, au terme prévu du contrat à durée déterminée, l’employeur a remis au salarié ses documents de fin de contrat.

Le 30 novembre 2017, M. [Z] a mis en demeure la SARL TRANSPORTS P. FLOCH ET FILS, lui demandant de lui verser plusieurs sommes au titre d’un règlement amiable du litige, sans réponse de la société.

Le 21 mars 2018, M. [Z] a saisi le conseil de prud’hommes de Brest aux fins de :

‘ Dire que M. [Z] et la SARL TRANSPORTS P. FLOCH ET FILS étaient liés par un contrat de travail à durée indéterminée ayant pris effet le 05 septembre 2017,

‘ Dire que la rupture du contrat de travail de M. [Z] s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

‘ Condamner la SARL TRANSPORTS P. FLOCH ET FILS à verser à M. [Z] les sommes suivantes :

– 2.600 € à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement,

– 7.800 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 2.600 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 264 € au titre des congés payés sur préavis,

– 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La cour est saisie de l’appel formé le 10 juillet 2019 par la SARL TRANSPORTS P. FLOCH ET FILS contre le jugement du 17 mai 2019 notifié le 25 juin 2019 par lequel le conseil de prud’hommes de Brest a :

‘ En la forme, reçu M. [Z] en sa requête,

‘ Dit que M. [Z] et la SARL TRANSPORTS P. FLOCH ET FILS étaient liés par un contrat de travail à durée indéterminée ayant pris effet le 05 septembre 2017,

‘ Dit que la rupture du contrat de travail de M. [Z] s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

‘ Condamné la SARL TRANSPORTS P. FLOCH ET FILS à verser à M. [Z] les sommes suivantes, avec intérêts de droit :

– 2.600 € au titre de l’indemnité de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ,

– 3.500 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 2.600 € au titre du préavis,

– 260 € au titre des congés payés sur préavis,

– 1.200 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ Exécution provisoire de droit (article R.1454-28 du code du travail) assortissant le jugement,

‘ Débouté M. [Z] du surplus de ses demandes,

‘ Débouté la SARL TRANSPORTS P. FLOCH ET FILS de sa demande reconventionnelle,

‘ Condamné la SARL TRANSPORTS P. FLOCH ET FILS aux dépens, et y compris en cas d’exécution forcée, les éventuels honoraires et frais d’huissier (article 696 du code de procédure civile).

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 30 mars 2020, suivant lesquelles la SARL TRANSPORTS P. FLOCH ET FILS demande à la cour de :

‘ Recevoir son appel et l’y déclarer bien fondée,

‘ Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

– Dit que les parties étaient liées par un contrat à durée indéterminée et que la rupture du contrat de travail s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– Condamné la SARL TRANSPORTS P. FLOCH ET FILS au paiement de diverses sommes,

Et statuant de nouveau,

‘ Débouter M. [Z] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

‘ Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [Z] de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement,

‘ Condamner M. [Z] à payer à la SARL TRANSPORTS P. FLOCH & FILS la somme 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 28 février 2022, suivant lesquelles M. [Z] demande à la cour de :

‘ Dire la SARL TRANSPORTS P.FLOCH ET FILS recevable mais infondée en son appel,

‘ Confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions, sauf à faire droit à l’appel incident de M. [Z] en condamnant la SARL TRANSPORTS P.FLOCH ET FILS à lui régler la somme de 7.800 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

‘ Débouter la SARL TRANSPORTS P. FLOCH ET FILS de l’ensemble de ses demandes, fins et moyens contraires,

‘ Condamner la SARL TRANSPORTS P. FLOCH ET FILS à payer à M. [Z] la somme de 3.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre celle allouée à ce titre en première instance,

‘ Condamner la SARL TRANSPORTS P. FLOCH ET FILS aux entiers dépens de première instance et d’appel, dont distraction au profit de la SCP AVOCATS DU PONANT, représentée par Me Julie FAGE.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance 3 mars 2022

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions notifiées via le RPVA.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il convient de rappeler à titre liminaire que par application de l’article 954, alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statuera que sur les prétentions énoncées au dispositif des écritures des parties en cause d’appel, ce que ne sont pas au sens de ces dispositions des demandes visant seulement à ‘dire’ ou ‘constater’ un principe de droit ou une situation de fait, voire ‘juger’ quand ce verbe, utilisé comme synonyme des deux premiers, n’a pour effet que d’insérer dans le dispositif des écritures, des éléments qui en réalité constituent un rappel des moyens développés dans le corps de la discussion.

Sur la nature de la relation contractuelle et la demande de requalification :

Pour infirmation et débouté du salarié, la SARL TRANSPORTS P. FLOCH ET FILS fait valoir que la demande de requalification n’est pas fondée dès lors que le salarié n’a jamais manifesté la volonté de s’engager, qu’il n’a pas signé la proposition dans le délai d’acceptation, que si le document est signé, il ne comporte aucune date et il lui appartient de démontrer que ce document qui a été établi pour lui permettre d’obtenir un prêt a été signé avant le terme de son contrat à durée déterminée.

La SARL TRANSPORTS P. FLOCH ET FILS ajoute que le salarié n’a émis aucune protestation quand l’employeur lui a remis les documents de fin de contrat.

M. [Z] rétorque essentiellement que son contrat à durée déterminée s’est transformé en contrat à durée indéterminée par l’effet de son acceptation de la promesse d’embauche émise par l’employeur le 5 septembre 2017.

L’article 1114 du Code Civil dispose que ” L’offre, faite à personne déterminée ou indéterminée, comprend les éléments essentiels du contrat envisagé et exprime la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation. A défaut, il y a seulement invitation à entrer en négociation ”

L’article 1115 du même code ajoute que ” Elle peut être librement rétractée tant qu’elle n’est pas parvenue à son destinataire ”

En l’espèce, il est établi que le 5 septembre 2017, l’employeur a remis à M. [Y] [Z] qui était employé en qualité de chauffeur routier dans le cadre d’un contrat à durée déterminée qui avait pour terme le 31 octobre 2017, une promesse d’embauche ainsi rédigée « Suite à notre entretien de ce jour, nous avons le plaisir de vous informer de notre intention de vous engager comme conducteur routier au sein de notre société pour une durée indéterminée.

Nous vous proposons un contrat à durée indéterminée prévoyant un salaire horaire de 10.00 € brut hors frais de déplacement pour un cumul minimal de 186 heures mensuelles.

En cas d’accord de votre part, votre entrée en fonction débutera ce jour » afin par conséquent d’occuper un emploi identique dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée sous la seule réserve de son acceptation par le salarié, lequel a mentionné sur la promesse d’embauche “bon pour accord” ainsi que cela ressort du document produit par l’employeur comme de celui produit par le salarié, l’absence de mention de la date d’acceptation ne permettant pas en l’absence du moindre élément probant contraire, de présumer que l’acceptation par le salarié de la promesse d’embauche n’ait pas été immédiate.

En outre, l’argument selon lequel le salarié n’aurait pas élevé de protestation à la réception de son solde de tout compte est dénué de portée dès lors que non seulement ce solde de tout compte lui a été adressé avec retard mais qu’en outre le salarié a effectivement adressé à son employeur une mise en demeure de respecter sa promesse d’embauche, au regard notamment de la publication d’une annonce de recherche de chauffeur poids lourd international par la société, les développements de l’employeur concernant la distinction entre l’emploi occupé par le salarié et celui proposé dans le cadre de l’annonce étant à tout le moins confus et partant inopérant à justifier le motif allégué.

Par ailleurs, l’argument selon lequel la promesse d’embauche aurait été établie pour permettre l’obtention d’un prêt, est également inopérant dès lors que la perspective pour le salarié de s’inscrire dans une relation contractuelle stable, lui permettait d’envisager l’acquisition d’un bien immobilier et qu’il n’est produit par l’employeur aucun élément de nature à corroborer l’effet d’aubaine dont il fait état.

De surcroît, il n’est à aucun moment soutenu ou démontré que l’employeur ait remis en cause sa promesse d’embauche avant son acceptation par le salarié.

Il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a requalifié la relation contractuelle entre M. [Y] [Z] et la SARL TRANSPORTS P. FLOCH ET FILSen contrat à durée indéterminée et alloué à M. [Y] [Z] une indemnité de requalification pour le montant non autrement discuté.

Sur la rupture du contrat de travail :

En droit, l’employeur ne justifiant la rupture du contrat que par la seule échéance de son terme prétendu, cette rupture ne peut, en l’absence de lettre en énonçant les motifs, qu’être analysée en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En l’espèce, il est établi que le contrat de travail requalifié de M. [Y] [Z] a été rompu au terme du contrat à durée déterminée initial, de sorte que le licenciement qui en résulte est nécessairement dépourvu de cause réelle et sérieuse en l’absence de lettre en énonçant les motifs.

Il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement entrepris de ce chef .

Sur les conséquences de la rupture :

Sans pour autant reprendre ses arguments dans le cadre de la discussion, l’employeur indique dans le rappel des faits et de la procédure que le salarié étant soumis au barême “Macron”, il ne peut revendiquer une indemnité excédant un mois de salaire.

M. [Y] [Z] ne répond pas à l’argument évoqué par la SARL TRANSPORTS P. FLOCH ET FILS sur l’application à l’instance du barème de l’article L.1235-3 du Code du travail et fait état de la baisse de salaire consécutive à son licenciement et aux difficultés financières induites par la tardiveté de la remise des documents sociaux.

En application de l’article L.1235-3 du Code du travail dans sa version applicable à l’espèce, l’indemnité maximale pouvant être allouée à un salarié disposant d’une ancienneté inférieure à un an, ayant fait l’objet d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, est d’un mois de salaire.

Il y a lieu en conséquence de réformer le jugement entrepris de ce chef et de condamner la SARL TRANSPORTS P. FLOCH ET FILS à verser à M. [Y] [Z] la somme de 2.602 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, le salarié peut donc prétendre aux indemnités compensatrice de préavis et de congés afférents pour les sommes non autrement contestées, le jugement entrepris étant confirmé de ces chefs.

Il sera par ailleurs relevé que contrairement à ce que soutient l’employeur, M. [Y] [Z] ne formule en cause d’appel aucune demande concernant l’irrégularité de la procédure.

Sur l’article 700 du Code de procédure civile :

Les éléments de la cause et la situation économique respective des parties justifient qu’il soit fait application de l’article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif ; la société appelante qui succombe en appel, doit être déboutée de la demande formulée à ce titre et condamnée à indemniser le salarié intimé des frais irrépétibles qu’il a pu exposer pour assurer sa défense en cause d’appel.

***

*

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu’il a condamné la SARL TRANSPORTS P. FLOCH ET FILS à verser à M. [Y] [Z] la somme de 3.500 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

et statuant à nouveau,

CONDAMNE la SARL TRANSPORTS P. FLOCH ET FILS à payer à M. [Y] [Z] la somme de 2.602 € net à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

et y ajoutant,

CONDAMNE la SARL TRANSPORTS P. FLOCH ET FILS à payer à M. [Y] [Z] 2.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE la SARL TRANSPORTS P. FLOCH ET FILS de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SARL TRANSPORTS P. FLOCH ET FILS aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT.

 


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