Chauffeur Poids-Lourd : décision du 22 octobre 2020 Cour de cassation Pourvoi n° 19-21.918

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Chauffeur Poids-Lourd : décision du 22 octobre 2020 Cour de cassation Pourvoi n° 19-21.918
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CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 22 octobre 2020

Rejet non spécialement motivé

M. PRÉTOT, conseiller doyen
faisant fonction de président

Décision n° 10783 F

Pourvoi n° S 19-21.918

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 OCTOBRE 2020

La société Eiffage route Ile-de-France / Centre Ouest, société en nom collectif, dont le siège est […] , venant aux droits de la société Eiffage route Ouest, elle-même anciennement dénommée Eiffage travaux publics Ouest, a formé le pourvoi n° S 19-21.918 contre l’arrêt rendu le 4 juillet 2019 par la Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail (section : accident du travail (A)), dans le litige l’opposant à la caisse primaire d’assurance maladie du Morbihan, […] , défenderesse à la cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Gauthier, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Eiffage route Ile-de-France / Centre Ouest, de la SCP de Nervo et Poupet, avocat de la caisse primaire d’assurance maladie du Morbihan, et l’avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l’audience publique du 9 septembre 2020 où étaient présents M. Prétot, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Gauthier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller, et Mme Szirek, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.

1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l’encontre de la décision attaquée, n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

2. En application de l’article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.

EN CONSÉQUENCE, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Eiffage route Ile-de-France / Centre Ouest aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Eiffage route Ile-de-France / Centre Ouest et la condamne à payer à la caisse primaire d’assurance maladie du Morbihan la somme de 3 000 euros ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux octobre deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE à la présente décision

Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Eiffage route Ile-de-France / Centre Ouest

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir confirmé la décision de la CPAM du Morbihan et d’avoir dit que les séquelles présentées par M. Y… M…, à la date du 21 août 2009, avaient été correctement évaluées au taux de 16 % et d’avoir débouté la société Eiffage Route Ile-de-France Centre Ouest de toutes ses demandes ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur la demande d’inopposabilité de la décision attributive de rente considérant que si l’article R. 143-8 du code de la sécurité sociale impose à la caisse, dès le début de l’instance, de transmettre une copie des documents médicaux à l’employeur ou au médecin désigné par celui-ci, cette obligation ne peut porter que sur les documents qu’elle détient en vertu d’une dérogation au secret médical prévue par la loi ; qu’il y a lieu de rappeler que la caisse, toutefois, ne détient pas le rapport d’incapacité permanente établi, après examen de l’assuré, par le service du contrôle médical, non plus que les autres pièces médicales visées à l’article R. 442-2 présentées par le salarié-victime au service du contrôle médical ; considérant en l’espèce que la caisse primaire d’assurance maladie du Morbihan a produit le certificat médical initial ainsi que l’avis du médecin-conseil ; considérant qu’au regard des dispositions de l’article R. 143-8 du code de la sécurité sociale, l’audiogramme appartenant à l’assuré et présenté par ce dernier au médecin-conseil du contrôle médical ne fait pas partie des pièces détenues par la caisse ; que dès lors, la société Eiffage Route Ile de France Centre Ouest n’est pas fondée à invoquer le défaut de communication des audiogrammes pour solliciter l’inopposabilité de la décision attributive de rente ; que sur le taux médical, il convient tout d’abord de rappeler qu’il existe trois types de surdité : la surdité de transmission (ou conductive), résultant d’une atteinte à l’oreille externe ou moyenne, entravant la transmission du message sonore jusqu’à l’oreille interne ; que la surdité de perception (ou de réception, ou neurosensorielle) résultant d’une atteinte de l’oreille interne ou du nerf auditif ; que la surdité de perception la plus fréquente est la surdité cochléaire, liée à une atteinte de l’organe sensoriel cochléaire, et présentant la particularité de s’accompagner de distorsions sonores (la surdité rétrocochléaire, par compression du nerf auditif ou par atteinte des voies auditives centrales, étant quant à elle plus rare) ; que la surdité mixte, conjuguant la surdité de transmission et la surdité de perception ; qu’il convient ensuite de rappeler qu’un test audiométrique comporte plusieurs évaluations, dont : l’évaluation toanel en conduction aérienne (la personne étant coiffée d’écouteurs diffusant des sons purs), l’évaluation tonale en conduction osseuse (la personne étant coiffée d’un vibreur placé sur l’os mastoïdien, l’évaluation vocale (la personne devant distinguer des mots prononcés) ; que lorsque la courbe d’audiométrie en conduction aérienne et celle obtenue en conduction osseuse sont superposées, il s’agit d’une surdité de perception ; que lorsque la courbe d’audiométrie en conduction osseuse reste normale tandis que la courbe de conduction aérienne s’en écarte, il s’agit d’une surdité de transmission ; que l’audiométrie vocale permet quant à elle de mettre en évidence les distorsions du champ auditif (ainsi lorsque les sons d’intensité faible ne sont pas perçus et que les sons de forte intensité sont également mal perçus) : une courbe décalée vers la droite et plus inclinée sur l’horizontale que la courbe normale confirme une surdité de perception, et permet ainsi de contrôler l’examen tonal ; qu’en application des dispositions du tableau n° 42 du barème indicatif d’invalidité prévu à l’article R. 461-3 du code de la sécurité sociale : l’atteinte auditive provoquée par des bruits lésionnels constitutive de maladie professionnelle est une hypoacousie de perception par lésion cochléaire irréversible, accompagnée ou non d’acouphènes ; que le diagnostic de cette hypoacousie doit être établi par une audiométrie tonale liminaire et une audiométrie vocale (qui doivent être concordantes, à défaut de quoi il est procédé à une impédancemétrie et à une recherche du réflexe stapédien ou par l’étude du suivi audiométrique professionnel) ; que cette audiométrie doit faire apparaître sur la meilleure oreille un déficit d’au moins 35 dB (calculée selon la formule : DT = d (500 Hz) + d (1.000 Hz) + d (2.000 Hz) + 1 d (4.000 Hz) / 4) ; que par ailleurs, pour chiffrer le taux d’incapacité permanente résultant de l’hypoacousie, l’article 5-5 du barème indicatif d’invalidité stipule notamment que : le déficit moyen en audiométrie tonale est calculé sur quatre fréquences selon la formule : DT = 2 d (500 Hz) + 4 d (1.000 Hz) + 3 d (2.000 Hz) + 1 d (4.000 Hz) / 10 ; que lorsqu’il s’agit d’apprécier, dans une surdité mixte, la part qui revient à une surdité cochléaire, le calcul devra être fait d’après l’audiométrie tonale en conduction osseuse ; qu’il découle de l’ensemble de ces éléments que : pour apprécier si une hypoacousie relève du tableau n° 42 il convient de disposer des données issues de l’audiométrie tonale osseuse (dès lors que la surdité est qualifiée de cochléaire, les données de l’audiométrie tonale aérienne, en ce qu’elles concernent la surdité de conduction, ne sont pas en effet pas utiles, et les données de l’audiométrie vocale, requises pour confirmer l’existence de la surdité de perception, ne sont pas indispensables, étant ajouté que les fréquences 500, 1 000 et 2 000 hz relevées dans la courbe osseuse – et respectivement affectées des coefficients 2, 4 et 3 conformément à la formule de calcul prescrite – sont des fréquences conversationnelles, qui dont permettent de satisfaire au principe liminaire rappelé par l’article 5-5-2 selon lequel « l’IPP est fonction de la perception de la voie de conversation ») ; considérant que le rapport d’évaluation d’incapacité en date du 28 décembre 2009 émanant du praticien-conseil du contrôle médical fait, selon ce qui est rapporté, référence à un audiogramme du 4 août 2009 et procède à un calcul du déficit auditif pondéré à partir des mesures relevées pour chaque oreille aux divers seuils hertziens ; considérant que l’audiogramme réalisé le 4 août 2009 a été reconnu conforme aux exigences du tableau n° 42 des maladies professionnelles par arrêt définitif du 10 mars 2015 de la cour d’appel d’Angers ; considérant qu’aux termes du rapport du Docteur C…, il apparaît que les déficits moyens pondérés sont de 29,5 dB sur l’oreille droite et 36 dB sur l’oreille gauche, entraînant, en application du barème indicatif d’invalidité dans son 5.5 une incapacité permanente partielle de 12 % ; que s’ajoutent les acouphènes dont l’évaluation à 4 % doit être confirmée ; considérant ainsi, au vu des éléments soumis à l’appréciation de la cour, contradictoirement débattus et avec le médecin consultant dont elle adopte les conclusions, que les séquelles décrites ci-dessus justifiaient la reconnaissance d’un taux d’incapacité de 16 % à l’égard de la société Eiffage Route Ile-de-France Centre Ouest » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « sur la forme, la recevabilité du recours n’est pas contestée ; que les formalités prévues à l’article R. 413-8 ont bien été accomplies ; que les parties ne soulèvent aucune contestation sur ce point ; que la procédure d’instruction est régulière en la forme ; que les parties ont été régulièrement convoquées à l’audience de ce jour ; que le docteur U…, médecin-conseil de la société, assiste à l’audience et, en accord avec le médecin expert, a été autorisé par le tribunal à formuler des observations techniques ; que sur le fond, le médecin expert désigné par le tribunal observe : « Homme âgé de 56 ans, chauffeur poids-lourd et chantiers. MP042AAH8333 : déficit audiométrique bilatéral par lésion cochléaire irréversible du 21/08/2009. Consolidation le 21/08/2009. Parcours médical : – audiométrie tonale et vocale le 04/08/2009 nécessitant le port de prothèse bilatérale. – Description audiogramme (cf. dossier médical). Au total perte mesurée par l’examen audiométrique est de – 39 DB à droite, 44 DB à gauche. Le déficit pondéré moyen selon le barème est de 30 DB à droite et 36 DB à gauche. Au total d’après le barème : 12 % pour l’hypoacousie. D’après le barème : 4 % pour les acouphènes. Je confirme le taux de 16 % » ; qu’il conclut : « à la date du 21 août 2009, les séquelles de la maladie professionnelle du 21 août 2009 présentées par M. Y… M… justifiaient l’attribution d’un taux d’incapacité permanente de 16 % » ; qu’après cet exposé, le docteur U… maintient sa demande du fait de l’absence d’audiogramme joint au dossier ; qu’il n’est nullement établi en l’espèce que le taux d’incapacité ne puisse être régulièrement évalué en l’absence des éléments médicaux relevée par la société requérante ; que le tribunal révoque l’ordonnance de forclusion en date du 15 mai 2013 et statuant au fond, dit que le taux d’incapacité est fixé à 16 % » ;

1°) ALORS QU’en application de l’article R. 143-8 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, la caisse primaire d’assurance maladie doit, dès le début de l’instance, transmettre une copie des documents médicaux à l’employeur ou au médecin désigné par celui-ci ; que cette obligation de transmettre une copie des documents médicaux ne peut porter que sur les documents qu’elle détient en vertu d’une dérogation au secret médical prévue par la loi ; que l’audiogramme mentionné par le tableau n° 42 de maladies professionnelles est un élément nécessaire à la réunion des conditions de ce tableau et, comme tel, échappe au secret médical ; qu’en effet, lors de l’instruction d’une demande de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie désignée par le tableau n° 42, le dossier constitué par les services administratifs de la caisse, dont l’employeur peut demander la communication, doit comprendre les audiogrammes obtenus lors des audiométries qui doivent être réalisées dans les conditions et délais fixés par le tableau ; que dès lors, la CPAM, et notamment le médecin-conseil, disposent nécessairement des audiogrammes réalisés, documents expressément exigés par le tableau n° 42, de sorte que la copie des audiogrammes doit être transmise à l’employeur, ou au médecin désigné par celui-ci, dès le début de l’instance, sous peine d’inopposabilité à l’employeur de la décision attributive du taux d’IPP ; qu’au cas présent, il est constant que l’audiogramme réalisé n’a pas été communiqué au médecin désigné par l’employeur, ni au médecin-consultant désigné par la cour, alors même que la maladie prise en charge relevait du tableau n° 42 de maladies professionnelles ; que la société Eiffage faisait valoir qu’en l’absence de communication des audiogrammes réalisés, qui échappaient au secret médical, la décision d’accorder à M. M… un taux d’IPP de 16 % devait lui être déclarée inopposable ; qu’en énonçant sur ce point que « la caisse, toutefois, ne détient pas le rapport d’incapacité permanente établi, après examen de l’assuré, par le service du contrôle médical, non plus que les autres pièces médicales visées à l’article R. 442-2 présentées par le salarié-victime au service du contrôle médical » et « qu’au regard des dispositions de l’article R. 134-8 du code de la sécurité sociale, l’audiogramme appartenant à l’assuré et présenté par ce dernier au médecin-conseil ne fait pas partie des pièces détenues par la caisse », tandis que la caisse détenait nécessairement l’audiogramme ayant justifié la prise en charge de la maladie sur le fondement du tableau n° 42 de maladies professionnelles, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l’article R. 143-8 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige ;

2°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU’ il résulte des articles L. 143-10, R. 143-32 et R. 143-33 du code de la sécurité sociale que le service national du contrôle médical est tenu de transmettre au médecin consultant désigné par la juridiction technique et au médecin désigné par l’employeur l’entier rapport médical ayant contribué à la fixation du taux d’IPP ; que le rapport doit comprendre, aux termes de l’article R. 143-33 du code de la sécurité sociale, l’avis et les conclusions motivées données à la caisse d’assurance maladie sur le taux d’incapacité permanente à retenir et les constatations et l’ensemble des éléments d’appréciation sur lesquels le médecin conseil s’est fondé ; que les documents médicaux, dont l’audiogramme sur lequel s’est fondé le médecin conseil pour procéder à l’évaluation du taux d’IPP, doivent donc être communiqués afin notamment d’assurer à l’employeur un droit à un recours effectif pour contester le taux d’IPP ; qu’au cas présent, la CNITAAT a constaté que l’audiogramme réalisé n’avait pas été communiqué ; qu’en considérant cependant que l’audiogramme ne faisant pas partie des pièces détenues par la caisse, il n’avait pas à être communiqué (arrêt, p. 9), la CNITAAT n’a pas mis en mesure l’employeur d’exercer son droit à un recours effectif et a violé les articles L. 143-10, R. 143-32, R. 143-33 et L. 434-2 du code de la sécurité sociale ainsi que l’article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

 


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