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N° RG 21/04111 – N° Portalis DBV2-V-B7F-I5GG
N° RG 21/04216 – N° Portalis DBV2-V-B7F-I5M7
COUR D’APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 21 SEPTEMBRE 2023
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du CONSEIL DE PRUD’HOMMES DU HAVRE du 05 Octobre 2021
APPELANTE:
SELARL CATHERINE VINCENT en qualité de mandataire ad’hoc de la Société TRANS COOP HAVRAISE (TCH)
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Me Yannick ENAULT de la SELARL YANNICK ENAULT-CHRISTIAN HENRY, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Nicolas CHATAIGNIER, avocat au barreau du HAVRE
INTIMES :
Monsieur [H] [D]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par Me Nathalie VALLEE de la SCP VALLEE-LANGUIL, avocat au barreau de ROUEN
UNEDIC Délégation AGS CGEA DE ROUEN
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 3]
représentée par Me Xavier ONRAED de la SELARL ACTHEMIS, avocat au barreau de CAEN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 21 Juin 2023 sans opposition des parties devant Madame BIDEAULT, Présidente, magistrat chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame BIDEAULT, Présidente
Madame POUGET, Conseillère
Madame DE BRIER, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
M. GUYOT, Greffier
DEBATS :
A l’audience publique du 21 Juin 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 21 Septembre 2023
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 21 Septembre 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
La société Trans Coop Havraise (TCH) exerçait l’activité de transport routier de fret urbain.
M. [D] a été embauché par la société TCH en qualité de chauffeur poids lourd aux termes d’un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 12 mai 2014.
Par jugement du 1er avril 2016, le tribunal de commerce du Havre a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la société TCH.
M. [D], salarié de la société TCH, a saisi avec plusieurs autres salariés de la société le conseil de prud’hommes du Havre le 13 avril 2016 d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et a formé des demandes en lien avec l’exécution de son contrat.
Par jugement du 13 mai 2016, le tribunal de commerce du Havre a prononcé la liquidation judiciaire de la société TCH, désigné la Selarl Catherine Vincent en qualité de liquidateur judiciaire.
Le salarié a été licencié pour motif économique par lettre du 25 mai 2016.
Par jugement du 20 décembre 2019, le tribunal de commerce du Havre a prononcé la clôture de la procédure pour insuffisance d’actif et par jugement du 19 juin 2020, la Selarl Catherine Vincent a été désignée en qualité de mandataire ad hoc de la société.
Par jugement du 5 octobre 2021, le conseil de prud’hommes du Havre a :
– dit n’y avoir lieu à jonction,
– dit qu’il n’y a pas péremption de l’instance,
– prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail du salarié à la date du 25 mai 2016,
– fixé au passif de la société TCH diverses sommes dues à M. [D] à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et congés payés afférents, dommages et intérêts pour préjudice subi pour privation de la mutuelle santé, indemnité de procédure,
– ordonné l’exécution provisoire du jugement,
– dit le jugement opposable au Cgea et rappelé les termes de sa garantie,
– débouté le mandataire ad hoc ès qualités et le Cgea de Rouen de leurs demandes,
– dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage,
– dit qu’à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées et en cas d’exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l’huissier instrumentaire en application des dispositions de l’article 10 du décret du 8 mars 2001 seront supportées par la Selarl Catherine Vincent en sa qualité de mandataire ad hoc de la société TCH.
La Selarl Catherine Vincent, mandataire ad hoc de la société TCH a interjeté appel le 26 octobre 2021 à l’encontre de cette décision qui lui a été régulièrement notifiée.
L’Unédic délégation Ags Cgea de Rouen a interjeté appel le 4 novembre 2021 à l’encontre de cette décision qui lui a été régulièrement notifiée.
M. [D] a constitué avocat par voie électronique.
Par dernières conclusions enregistrées au greffe et notifiées par voie électronique le 27 avril 2022, le mandataire ad hoc ès qualités, sollicite l’infirmation du jugement entrepris et demande à la cour de:
– à titre principal :
– constater la péremption de l’instance et, en conséquence, son extinction,
– à titre subsidiaire :
– déclarer irrecevables et à défaut mal fondées les demandes formées par le salarié, et en conséquence, rejeter l’ensemble des demandes,
– à titre infiniment subsidiaire :
– réduire à de plus justes proportions le montant des demandes,
– en tout état de cause :
– débouter le demandeur de sa demande au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel et des dépens,
– condamner le salarié à lui verser la somme de 1 200 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner le salarié aux entiers dépens.
Par dernières conclusions enregistrées au greffe et notifiées par voie électronique le 9 février 2022, l’Unédic délégation Ags Cgea de Rouen sollicite également l’infirmation de la décision déférée, demande à la cour de dire et juger que la péremption d’instance est acquise, en conséquence, de déclarer irrecevables et mal fondées les demandes formées par le salarié, sollicite qu’il soit débouté de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions.
Par dernières conclusions enregistrées au greffe et notifiées par voie électronique le 17 avril 2022, le salarié intimé, réfutant les moyens et l’argumentation de la partie appelante, sollicite pour sa part la confirmation de la décision déférée en toutes ses dispositions, requiert que sa créance, en cause d’appel, relative à ses frais de défense soit fixée à la somme de 3 000 euros outre les entiers dépens.
L’ordonnance de clôture en date du 1er juin 2023 a renvoyé l’affaire pour être plaidée à l’audience du 21 juin 2023.
Il est expressément renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d’appel aux écritures des parties.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1/ Sur la jonction des procédures
Le mandataire ad hoc ès qualités et l’Unédic délégation Ags Cgea de Rouen ont tous deux interjeté appel du jugement rendu par le conseil de prud’hommes du Havre le 5 octobre 2021.
Dans un souci de bonne administration de la justice, il y a lieu d’ordonner la jonction des procédures enrôlées sur les numéros RG 21/4111 et RG 21/4216.
2/ Sur le moyen tiré de la péremption de l’instance
Le mandataire ad hoc soutient que la péremption de l’instance était acquise devant le conseil de prud’hommes à la date du 15 novembre 2018.
Il rappelle que le salarié a saisi le conseil par requête le 13 avril 2016, indique que lors de l’audience du bureau de jugement le 7 octobre 2016, un délai lui a été imparti jusqu’au 15 novembre 2016 pour communiquer ses pièces, expose que l’affaire a été renvoyée à l’audience du 17 mars 2017, date à laquelle le demandeur n’avait pas accompli les diligences imparties et audience à l’issue de laquelle le conseil a prononcé la radiation de l’affaire.
Le mandataire indique que des diligences précises ont été mises à la charge du demandeur le 7 octobre 2016, le salarié et son conseil en ayant eu expressément connaissance en signant le plumitif de l’audience, de sorte que le délai de péremption a commencé à courir à compter du 15 novembre 2016.
L’ordonnance de radiation n’ayant pas eu pour effet d’interrompre ou de suspendre le délai de péremption, le salarié n’ayant sollicité la réinscription de l’affaire par voie de conclusions que le 7 janvier 2020, le mandataire ad hoc soutient que la péremption d’instance était acquise au 15 novembre 2018.
A titre subsidiaire, il observe que l’ordonnance de radiation du 17 mars 2017 a constaté le défaut d’accomplissement des diligences mises à la charge du demandeur, a dit que l’affaire serait rétablie sur justification de l’accomplissement des diligences dont le défaut a entraîné la radiation, à savoir la communication des conclusions et des pièces, de sorte que s’il n’était pas considéré que le délai de péremption a couru à compter du 15 novembre 2016, ce délai a couru à compter de l’ordonnance de radiation du 17 mars 2017 notifiée aux parties le 23 mars 2017, de sorte que, le demandeur n’ayant pas accompli les diligences dans le délai de deux ans à compter de l’ordonnance de radiation, la péremption était acquise.
L’Unédic délégation Ags Cgea de Rouen s’associe aux observations formées par le mandataire ad hoc.
Le salarié conclut au rejet du moyen tiré de la péremption d’instance.
Il rappelle qu’au regard de la date de sa saisine du conseil, les dispositions de l’article R 1452-8 du code du travail s’appliquent.
Il soutient qu’aucune diligence n’a expressément été mise à sa charge, que la mention manuscrite sur le plumitif de l’audience du 15 novembre 2016 ne vaut pas diligence au sens de l’article R 1452-8 du code du travail.
Il considère que la décision de radiation du 17 mars 2017 ne met pas davantage de diligence à sa charge, ce dont il résulte que le délai de péremption n’a pas commencé à courir.
Sur ce ;
Aux termes de l’article R 1452-8 du code du travail dans sa version applicable, en matière prud’homale, l’instance n’est périmée que lorsque les parties s’abstiennent d’accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l’article 386 du code de procédure civile, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction.
Ces dispositions ont été abrogées par le décret n° 2016-660 du 20 mai 2016, soumettant ainsi la péremption de l’instance en matière prud’homale aux dispositions de droit commun prévues par l’article 386 du code de procédure civile. Cependant, il résulte des dispositions transitoires du décret du 20 mai 2016 que ces dispositions sont applicables aux instances introduites devant les conseils de prud’hommes à compter du 1er août 2016.
En l’espèce, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes le 13 avril 2016 soit antérieurement au 1er août 2016. La péremption de l’instance demeure en conséquence régie par l’article R. 1452-8 du code du travail.
Ainsi, pour que la péremption d’instance joue, il est nécessaire que des diligences soient imparties et qu’elles émanent de la juridiction elle-même.
Le délai de péremption ne court que lorsque les parties ont reçu notification d’une décision juridictionnelle mettant à leur charge des diligences.
En l’espèce, il ressort des pièces produites et plus spécifiquement du plumitif d’audience du bureau de jugement de l’audience du 7 octobre 2016, qui a manifestement fait office de note d’audience au regard du nombre de salariés demandeurs, que le conseil a imparti aux demandeurs un délai jusqu’au 15 novembre 2016 pour communiquer leurs pièces, la mention portée étant ‘délai dem 15/11/2016 pour pièces’.
Cependant, l’instance n’est périmée que lorsque les parties s’abstiennent d’accomplir, pendant le délai sus-évoqué, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction, plus précisément par un jugement de la juridiction ou par une ordonnance de son président, ce qui exclut une injonction faite à l’audience.
En conséquence, il ne peut être considéré que l’injonction faite à l’audience du 7 octobre 2016 et non formalisée par une décision judiciaire constitue le point de départ du délai de péremption.
La décision de radiation du 17 mars 2017 rendue par le conseil de prud’hommes a constaté le défaut des diligences prescrites lors de l’audience du 7 octobre 2016 mais n’a pas expressément mis à la charge des parties de nouvelles diligences, se contentant de préciser que l’affaire ne serait rétablie au rôle que lorsque les parties auront accompli les diligences nécessaires.
Dès lors, il ne peut être considéré que le délai de péremption a commencé à courir.
En conséquence, par confirmation du jugement entrepris, le moyen tiré de la péremption d’instance doit être rejeté.
3/ Sur la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et repos compensateurs
Le salarié soutient que depuis le 1er juillet 2014 il n’a pas été rémunéré au titre des heures supplémentaires effectuées.
Il indique avoir fourni un décompte précis à l’employeur qui ne lui a pas répondu.
Il sollicite la confirmation du jugement entrepris de ce chef.
Le mandataire ad hoc et l’AGS concluent au débouté de la demande observant que contrairement à ses allégations le salarié ne verse pas aux débats d’éléments suffisants, qu’il ne produit ni ses bulletins de salaire, ni de décompte précis, qu’il ne chiffre pas précisément ses demandes, observant qu’aucune infirmation du jugement précité n’est sollicitée au titre des repos compensateurs.
Sur ce ;
A titre liminaire, la cour rappelle qu’en application de l’article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des écritures.
En l’espèce, le salarié sollicite au dispositif de ses conclusions la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Le jugement du conseil de prud’hommes du Havre du 5 octobre 2021 n’ayant accordé au salarié aucune somme au titre des repos compensateurs, il y a lieu de constater que la cour n’est saisie d’aucune demande à ce titre.
Il résulte des dispositions de l’article L. 3171-2 al. 1, de l’article L. 3171-3 et de l’article L. 3171-4 précité, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
Au soutien de sa demande, le salarié verse aux débats un tableau pour les années 2014, 2015 et les trois premiers mois de l’année 2016 mentionnant par mois le total des heures supplémentaires prétendument effectuées.
La cour constate en premier lieu que le salarié ne verse pas aux débats l’intégralité de ses bulletins de salaire, ne mettant pas la cour en mesure d’apprécier si des heures supplémentaires ont été effectuées et rémunérées.
En outre, les éléments produits par le salarié sont imprécis en ce qu’ils ne mentionnent pas les jours travaillés.
Il ne présente pas un décompte précis des heures travaillées mais uniquement un récapitulatif forfaitaire des heures revendiquées.
Le tableau rempli par le salarié ne permet pas à l’intimé de répondre.
En l’absence d’éléments suffisamment précis versés aux débats par le salarié, il y a lieu de le débouter de sa demande.
Le jugement entrepris est infirmé de ce chef.
4/ Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice subi pour privation de la mutuelle santé
Le salarié soutient que l’employeur, qui retenait sur les salaires les cotisations destinées à la mutuelle santé, ne les reversait pas à l’organisme. Ainsi, il indique que les salariés n’ont pas obtenu les remboursements auxquels ils auraient pu prétendre au titre de leurs frais médicaux. En outre, il précise que le courtier d’assurance a procédé à la radiation du contrat groupe dès lors qu’il n’était pas payé.
Il sollicite la confirmation du jugement entrepris qui lui a accordé la somme de 150 euros à titre de dommages et intérêts.
Le mandataire ad hoc conclut au débouté de la demande.
Il constate que si certains salariés, dont l’intimé, versent aux débats une lettre de la société Gras Savoye en date d’avril 2016 intitulée ‘certificat de radiation’ certifiant qu’il a bénéficié de plein droit du régime complémentaire santé de la société TCH du 1er janvier 2015 au 31 janvier 2016, ce document ne mentionne pas le motif de cette radiation.
En outre, il observe que le salarié ne verse pas aux débats ses bulletins de salaire, de sorte qu’il n’est pas établi l’existence de prélèvements au titre de la couverture santé postérieurement au 31 janvier 2016.
Il rappelle qu’en raison de l’ouverture d’une procédure collective le 1er avril 2016, le liquidateur a informé la société Gras Savoye Santé des ruptures de contrat de travail intervenues et a informé le salarié du mécanisme de portabilité des couvertures complémentaires santé et prévoyance sans que l’appelant ne justifie avoir pris contact avec la dite société et se soit vu opposé une quelconque difficulté.
Sur ce ;
La cour rappelle que depuis le 1er janvier 2016, les entreprises doivent offrir à l’ensemble de leurs salariés une couverture complémentaire frais de santé obligatoire qui garantit un niveau minimal de remboursement des frais engagés par le salarié à l’occasion de la maladie, de la maternité ou de l’accident. Cette couverture minimale dénommée « panier de soins minimal » comprend la prise en charge totale ou partielle des dépenses énumérées par les dispositions des articles L.911-7 et D. 911-1 du code de la sécurité sociale. La couverture minimale frais de santé offerte aux salariés doit prendre en charge intégralement le ticket modérateur, soit la part restant à la charge des assurés sur toute dépense faisant l’objet d’un remboursement par la sécurité sociale, sur les consultations, actes et prestations remboursables par l’assurance-maladie obligatoire.
En application des dispositions de l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention, en particulier l’existence d’un fait générateur de responsabilité, du préjudice en découlant et donc d’un lien de causalité entre le préjudice et la faute.
En l’espèce, il y a lieu de constater que le salarié verse aux débats un certificat de radiation de la société de courtage d’assurance Gras Savoye mentionnant qu’il a été pris en charge du 1er janvier 2015 au 31 janvier 2016.
Ce certificat ne mentionne pas la cause de la radiation.
Si le salarié soutient que l’employeur a retenu sur ses salaires les cotisations destinées à la mutuelle santé sans les reverser à l’organisme, la cour constate d’une part que jusqu’au 31 janvier 2016 l’organisme de santé a pris en charge le salarié et, d’autre part que ce dernier ne verse pas aux débats l’intégralité de ses bulletins de salaire postérieurement au 31 janvier 2016 aux fins d’établir que des cotisations ont été prélevées sur sa rémunération.
Seul le bulletin de salaire de mars 2016 est versé au débats et mentionne un prélèvement à ce titre à hauteur de 49,04 euros.
Le salarié soutient ne pas avoir bénéficié de couverture mutuelle santé.
S’il ressort des éléments produits qu’il a bénéficié d’une couverture complémentaire frais de santé jusqu’au 31 janvier 2016, le mandataire ad hoc ne verse aux débats aucun élément permettant d’établir que conformément à ses obligations légales l’employeur a, postérieurement à cette date, offert à l’ensemble des salariés une telle couverture.
Ce non-respect par l’employeur des obligations mises à sa charge a créé un préjudice au salarié qui s’est trouvé dépourvu de protection santé.
En conséquence, par confirmation du jugement entrepris, il lui sera accordé la somme de 150 euros à titre de dommages et intérêts.
5/ Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail
Le salarié demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu’il a prononcé la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison des manquements de l’employeur.
Au titre des manquements reprochés, le salarié invoque l’absence de règlement de la mutuelle santé par l’employeur en dépit des prélèvements effectués ; le non règlement des heures supplémentaires ; la mise en danger des salariés en ce que la société mettait à leur disposition des véhicules présentant des défauts graves de sécurité.
Le mandataire ad hoc conclut au débouté de la demande.
Il indique qu’en application de l’article L 622-21 du code de commerce, le jugement d’ouverture de la sauvegarde judiciaire interrompt ou interdit toute action de la part des créanciers tendant notamment à la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent, de sorte que le salarié, qui n’a saisi la juridiction prud’homale que postérieurement à l’ouverture de la procédure collective, ne peut se prévaloir du défaut de paiement de ses heures supplémentaires ou du contrat de mutuelle santé aux fins d’obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail.
Il conteste la réalité du manquement allégué au titre de la mise en danger des salariés par la mise à disposition de véhicules inadaptés.
Sur ce ;
La voie de la résiliation judiciaire n’est ouverte qu’au salarié et à lui seul. Elle produit, lorsqu’elle est accueillie, tous les effets attachés à un licenciement prononcé sans cause réelle et sérieuse.
En cas d’action en résiliation judiciaire suivie en cours d’instance d’un licenciement, l’examen de la résiliation judiciaire revêt un caractère préalable, dans la mesure où si la résiliation du contrat est prononcée, le licenciement ultérieurement notifié par l’employeur se trouve privé d’effet. L’examen de la légitimité du licenciement n’a donc lieu d’être opéré qu’en cas de rejet de la demande de résiliation judiciaire.
En l’espèce, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail le 13 avril 2016 et a été licencié pour motif économique le 25 mai 2016, de sorte que l’examen de la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail revêt un caractère préalable.
Lorsque les manquements de l’employeur à ses obligations légales, conventionnelles ou contractuelles sont établis, ont revêtus une gravité suffisante et empêchent la poursuite du contrat de travail, la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail doit être accueillie.
Lorsqu’en cours d’instance de résiliation judiciaire le contrat de travail a été rompu, notamment par l’effet d’un licenciement, la date d’effet de la résiliation doit être fixée à la date de rupture effective du contrat, c’est à dire dans l’hypothèse considérée à la date du licenciement
Il appartient au salarié d’apporter la preuve des manquements invoqués.
En l’espèce, au titre des manquements invoqués, le salarié fait état de l’absence de paiement des heures supplémentaires.
Le salarié a été précédemment débouté de sa demande, de sorte que ce manquement n’est pas établi.
Le salarié invoque en outre le défaut d’affiliation par l’employeur au régime de mutuelle obligatoire.
La cour rappelle qu’il a été fait droit à la demande du salarié à ce titre.
Il y a lieu de constater que le salarié ne sollicite pas la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison du défaut de paiement d’une somme d’argent tel qu’allégué par le mandataire mais relève le manquement de l’employeur à son obligation de souscrire pour la période comprise entre le 1er février 2016 et la rupture du contrat de travail une couverture complémentaire frais de santé obligatoire.
Ce manquement est établi.
Le salarié reproche en outre à l’employeur de l’avoir mis en danger en mettant à sa disposition des véhicules présentant des défauts graves de sécurité.
Il verse aux débats :
– les procès verbaux de contrôle technique des véhicules attestant que ceux-ci sont munis de pneus lisses, qu’ils ont des problèmes d’éclairage, qu’ils n’ont pas d’ABS, alors même qu’il s’agit d’éléments de sécurité obligatoires, certains mentionnant une interdiction de circuler dans l’attente de la contre-visite, d’autres prévoyant une contre-visite obligatoire,
– les courriels de l’inspecteur du travail adressés à l’employeur les 11 et 12 avril 2016,
– les courriers des salariés alertant l’employeur en date des 24 février 2016 et 7 avril 2016,
– le compte-rendu de réunion en date du 4 décembre 2015 aux termes duquel le personnel routier exprimait des doléances concernant le mauvais état du matériel,
– un procès-verbal d’infractions,
– des photographies de véhicules.
Il précise que postérieurement à la saisine du conseil de prud’hommes par les salariés, l’employeur, le 18 avril 2016, a dispensé les salariés de leur présence dans l’entreprise.
Le mandataire ad hoc soutient que le salarié n’a pas été personnellement victime du manquement allégué, qu’il n’établit pas avoir été amené à conduire personnellement un véhicule endommagé ou dangereux pour sa sécurité.
Il conteste la valeur probante des pièces produites, considère que le salarié n’établit pas que les camions jugés défectueux étaient effectivement mis en circulation et confiés aux salariés.
Il constate que le contrôleur du travail indiquait dans son courriel qu’après discussions avec différents salariés, il apparaissait qu’on ne leur demandait pas pour l’instant de rouler avec ces véhicules, que les salariés n’avaient en conséquence aucun motif pour l’instant d’utiliser leur droit de retrait.
Le mandataire considère qu’il ressort de ce courrier qu’au jour de la saisine du conseil de prud’hommes il n’existait pas de mise en danger des salariés, de sorte que la situation ne rendait pas impossible la poursuite de l’exécution du contrat de travail.
Il résulte cependant des éléments produits par le salarié que le matériel mis à disposition était en mauvais état et pouvait se révéler dangereux dans son utilisation.
Les salariés ont exprimé leurs inquiétudes à l’employeur dès décembre 2015.
Le contrôleur du travail, en avril 2016 a également alerté l’employeur sur la défectuosité du matériel.
Il ne ressort pas des éléments versés par le mandataire que les ensembles routiers incriminés ne circulaient plus et que d’autres véhicules étaient mis à disposition des salariés.
Il ne résulte pas davantage des éléments du dossier que les salariés étaient affectés à un ensemble routier déterminé et qu’ils n’utilisaient pas l’ensemble du matériel mis à disposition, le tableau produit par certains salariés n’étant ni daté ni circonstancié.
L’employeur est tenu d’une obligation de sécurité à l’égard de ses salariés.
Il résulte des éléments produits que les ensembles routiers présentaient des défauts affectant la sécurité des conducteurs ainsi que celle des usagers de la route.
Au regard des éléments produits par le salarié, il y a lieu de juger ce manquement établi.
Le non-respect par l’employeur de son obligation en matière de couverture santé et la mise à disposition des salariés de matériels défectueux caractérisent des manquements d’une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail et justifier le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur.
En conséquence, par confirmation du jugement entrepris, il y a lieu de faire droit à la demande du salarié et de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail au 25 mai 2016, date du licenciement ultérieurement prononcé.
6/ Sur les conséquences financières de la rupture du contrat de travail
Produisant tous les effets d’un licenciement prononcé sans cause réelle et sérieuse, la résiliation judiciaire ouvre doit pour le salarié aux indemnités de rupture (indemnité compensatrice de préavis, indemnité de licenciement, indemnité compensatrice de congés payés) ainsi qu’à des dommages et intérêts.
Lorsque le juge prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail d’un salarié aux torts de l’employeur et que la rupture produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, les dispositions issues de l’ordonnance du 22 septembre 2017 relatives au montant de l’indemnité due à ce titre sont applicables dès lors que la résiliation judiciaire prend effet à une date postérieure à celle de la publication de l’ordonnance.
En l’espèce, la résiliation judiciaire prenant effet à une date antérieure à celle de la publication de l’ordonnance du 22 septembre 2017, il n’y a pas lieu de l’appliquer.
Le jugement entrepris est infirmé de ce chef.
Justifiant d’une ancienneté supérieure à deux ans dans une entreprise occupant habituellement au moins onze salariés, M. [D] peut prétendre à l’indemnisation de l’absence de cause réelle et sérieuse sur le fondement de l’article L.1235-3 du code du travail dans sa version applicable.
Le salarié justifie bénéficier d’une pension de retraite depuis le 1er janvier 2020.
Le montant de sa rémunération moyenne mensuelle telle que retenue par les premiers juges à la somme de 2 828,05 euros n’est pas spécifiquement contestée à hauteur de cour.
En considération de sa situation particulière et eu égard notamment à son âge, à l’ancienneté de ses services, à sa formation et à ses capacités à retrouver un nouvel emploi, la cour dispose des éléments nécessaires pour fixer la réparation qui lui est due à la somme précisée au dispositif.
Le salarié ayant plus de deux ans d’ancienneté et l’entreprise occupant habituellement au moins onze salariés, il convient de faire application des dispositions de l’article L.1235-4 du code du travail dans sa version applicable à l’espèce et d’ordonner à l’employeur de rembourser à l’antenne Pôle Emploi concernée les indemnités de chômage versées à l’intéressé depuis son licenciement dans la limite de trois mois de prestations.
Il sera ajouté au jugement en ce sens.
7/ Sur la garantie de l’AGS
Il convient de dire le présent arrêt opposable à l’Unédic délégation Ags Cgea de Rouen et de rappeler que la garantie de l’Ags n’est due, toutes créances avancées pour le compte du salarié que dans la limite des plafonds définis notamment aux articles L 3253-17, D 3253-2 et D 3253-5 du code du travail et dans la limite des textes légaux définissant l’étendue de sa garantie à savoir les articles L 3253-8 à L 3253-13, L 3253-15 et L 3253-19 à L 3253-24 du code du travail.
En outre, il sera rappelé que l’Unédic, délégation Ags Cgea de Rouen ne devra être amenée à garantir les éventuelles créances salariales que dans la mesure où l’employeur justifierait de l’impossibilité dans laquelle il se trouve de procéder lui-même au règlement des dites créances et ce en vertu du principe de subsidiarité de la garantie de l’Ags.
8/ Sur les frais irrépétibles et les dépens
Il serait inéquitable de laisser à la charge du salarié les frais non compris dans les dépens qu’il a pu exposer.
Il convient en l’espèce de condamner le mandataire ad hoc, succombant dans la présente instance, à lui verser la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour l’ensemble de la procédure et d’infirmer la décision entreprise en ce qu’elle a fixé au passif de la liquidation de la société une somme au titre des frais irrépétibles.
Il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la charge du mandataire ad hoc les frais irrépétibles exposés par lui.
Il y a également lieu de condamner le mandataire ad hoc aux dépens d’appel et de confirmer sa condamnation aux dépens de première instance.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant contradictoirement, en dernier ressort ;
Ordonne la jonction des procédures enrôlées sous les numéros RG 21/4111 et RG 21/4216 ;
Infirme le jugement du conseil de prud’hommes du Havre du 5 octobre 2021 en ce qu’il a accordé au salarié un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires ainsi qu’en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et au montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Le confirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant:
Déboute M. [H] [D] de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires ;
Fixe la créance de M. [H] [D] dans la procédure collective de la société Trans Coop Havraise (TCH) à la somme suivante qui sera inscrite sur l’état des créances déposé au greffe du tribunal de commerce :
17 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Fixe la créance de Pôle Emploi dans la procédure collective de la société Trans Coop Havraise (TCH) à une somme équivalente aux allocations de chômage versées au salarié dans la limite de 3 mois de prestations ;
Précise que le jugement d’ouverture de la procédure collective arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels ainsi que tous intérêts de retard et majorations ;
Déclare la présente décision opposable à l’Unédic délégation AGS Cgea de Rouen qui sera tenue à garantie dans les limites prévues aux articles L 3253-6 à L 3253-8, D 3253-5 et D 3253-2 du code du travail ;
Condamne la Selarl Catherine Vincent en qualité de mandataire ad hoc de la société Trans Coop Havraise (TCH) à verser à M. [H] [D] une somme de 800 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile pour l’ensemble de la procédure ;
Rejette toute autre demande ;
Condamne la Selarl Catherine Vincent en qualité de mandataire ad hoc de la société Trans Coop Havraise (TCH) aux dépens d’appel.
La greffière La présidente