Chauffeur Poids-Lourd : décision du 21 octobre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/06087

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Chauffeur Poids-Lourd : décision du 21 octobre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/06087
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 12

ARRÊT DU 21 Octobre 2022

(n° , 7 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 19/06087 – N° Portalis 35L7-V-B7D-B77OR

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Avril 2019 par le Tribunal de Grande Instance de MEAUX RG n° 17/00169

APPELANTE

SAS [10].

[Adresse 5]

[Localité 2]

représentée par Me Eric SEGOND, avocat au barreau de PARIS, toque : P0172 substitué par Me Anne FICHOT, avocat au barreau de PARIS, toque : P172

INTIMES

Monsieur [S] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Cécile ARVIN-BEROD, avocat au barreau de PARIS, toque : D1892

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LA SEINE ET MARNE

[Adresse 9]

[Localité 3],

représentée par Me Camille MACHELE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 22 Septembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Sophie BRINET, Présidente de chambre

M. Gilles REVELLES, Conseiller

M. Gilles BUFFET, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Claire BECCAVIN, lors des débats

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

-signé par Mme Sophie BRINET, Présidente de chambre et Mme Claire BECCAVIN, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l’appel interjeté par la société [10] d’un jugement rendu le 8 avril 2019 par le tribunal judiciaire de Meaux dans un litige l’opposant à M. [S] [Y] et la Caisse primaire d’assurance maladie de Seine et Marne.

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Les circonstances de la cause ont été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé.

Il est rappelé que M. [S] [Y] a été engagé le 23 mars 2012 par la société [6] en qualité de conducteur de véhicules poids lourd de plus de 19 tonnes de PTAC (poids total autorisé en charge).

Selon accord de transfert du 1er octobre 2014, il a été employé par la société [10] pour exercer les fonctions de responsable de l’activité de “réfection de surfaces”.

Le 14 septembre 2015, M. [S] [Y] a été victime d’un accident du travail déclaré par l’employeur le 18 septembre suivant, qui a décrit les circonstances suivantes : “La victime manipulait le bras d’un remorque-plateau. En voulant dételer la remorque, la victime a eu le pouce de sa main gauche coincé entre l’attache et le bras de la dite remorque. En se déplaçant, la victime a heurté avec le coude de son bras droit une pièce métallique de ladite remorque”.

Par courrier du 22 septembre 2015, la Caisse primaire d’assurance maladie de Seine et Marne a notifié sa décision de prendre en charge l’accident au titre de la législation sur les risques professionnels.

L’état de santé de M. [S] [Y] a été déclaré consolidé le 28 novembre 2016. Un taux d’incapacité permanente partielle de 15% à compter du 29 novembre 2016 a été fixé par la Caisse, réévalué à 18% par jugement du tribunal du contentieux de l’incapacité de Paris du 13 mars 2018.

Le 8 février 2017, M. [S] [Y] a été licencié par la société [10] pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Par courrier de son conseil du 7 mars 2017, M. [S] [Y] a demandé à la Caisse primaire d’assurance maladie de Seine et Marne le bénéfice des dispositions de l’article L.452-1 du code de la sécurité sociale, invoquant une faute inexcusable de l’employeur à l’origine de son accident de travail.

La procédure de conciliation n’ayant pas abouti, M. [S] [Y] a saisi, par courrier de son conseil du 9 mars 2017, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Meaux pour voir reconnaître la faute inexcusable de la société [10].

Le 1er janvier 2019, le contentieux du tribunal des affaires de sécurité sociale de Meaux a été transféré au pôle social du tribunal de grande instance de Meaux.

Par jugement du 8 avril 2019, ce tribunal a dit que l’accident de travail dont a été victime M. [S] [Y] le 14 septembre 2015 est dû à la faute inexcusable de son employeur, majoré au montant maximum la rente servie par la Caisse primaire d’assurance maladie de Seine et Marne, rappelé que cette caisse aura la faculté d’en récupérer le montant auprès de la société [10], ordonné une expertise médicale avant dire-droit afin d’évaluer les chefs de préjudices subis par la victime et condamné la société [10] à payer une provision de 1.000 euros à valoir sur l’indemnisation des préjudices, l’exécution provisoire étant ordonnée.

Par ordonnance du 25 juin 2019, le jugement du 8 avril 2009 a été rectifié en ce qu’il indique, par erreur, que la date de consolidation de l’état de santé de la victime a été fixée au 18 novembre 2016, au lieu du 28 novembre 2016.

Le jugement du 8 avril 2019 a été notifié à la société [10] le 10 mai 2019. Par déclaration du 21 mai 2019 notifiée au greffe de la cour par RPVA, elle a formé un appel total à l’encontre de cette décision.

A l’audience du 22 septembre 2022, la société [10] demande à la cour, aux termes des conclusions déposées par son conseil et développées oralement, d’infirmer le jugement du 8 avril 2019 en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de constater l’absence de démonstration et de caractérisation d’une quelconque faute inexcusable et débouter M. [S] [Y] de ses demandes, les dépens devant être laissés à sa charge.

Elle fait valoir en substance que :

– M. [S] [Y], qui supporte la charge de la preuve, ne démontre pas que l’employeur aurait eu conscience du danger et n’aurait pas pris les mesures pour l’en préserver,

– pour retenir la dangerosité des opérations de dételage et attelage de remorques, le tribunal a relevé d’office, en violant le principe de la contradiction, les dispositions d’un arrêté “n°0015 du 18 janvier 1276” et son annexe I obligeant les titulaires du permis de conduire B à suivre une formation spécifique en vue de la réalisation d’exercices d’attelage et dételage,

– M. [S] [Y] était titulaire du permis “EC” le rendant apte à la conduite des grands ensembles routiers, auxquels peut être attelée une remorque dont le PATC (poids total autorisé en charge) excède 750 kg et s’était donc vu dispenser une formation propre au dételage et attelage de remorques ou semi-remorques,

– dans le cadre de ses fonctions, il était amené à conduire un “camion bouille”, qui est un véhicule poids lourd avec remorque, et il était pleinement formé et habilité pour utiliser une remorque,

– les opérations d’attelage et dételage d’une remorque relevaient d’attributions ordinaires du salarié qui n’impliquaient pas de consignes particulières,

– M. [S] [Y] était encore conducteur de poids lourd au moment des faits et avait conservé ses compétences en matière de dételage et attalage de remorques,

– au surcroît, il était également titulaire du permis “BE”, lui permettant de conduire un véhicule automobile de catégorie B tractant une remorque de plus de 750 kilos,

– les salariés des sociétés [10] et [6] attestent que M. [S] [Y] était coutumier de la conduite de multiples véhicules, tout comme des opérations de manipulation, attelage et dételage de diverses remorques, celui-ci ayant suivi de très nombreuses formations,

– le document d’évaluation des risques qu’elle a établi exclut qu’elle avait connaissance du danger inhérent à la manipulation d’une remorque,

– il n’a été produit aucune pièce sur les circonstances de l’accident,

– la mission dans le cadre de laquelle l’accident est survenu ne dépassait en rien des fonctions de salarié, tandis que M. [S] [Y] s’était vu doter d’équipements de protection individuelle, les sociétés [10] et [6] appartenant au même groupe et mettant en commun leurs moyens.

Aux termes de ses conclusions déposées à l’audience et développées oralement par son conseil, M. [S] [Y] demande à la cour de confirmer le jugement du 8 avril 2019 en toutes ses dispositions et de condamner la société [10] à lui verser une indemnité de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

M. [S] [Y] fait essentiellement valoir que :

– la société [10] entretient une confusion entre le poste de chauffeur poids lourd qu’il occupait au sein de la société [6] et le poste de responsable de l’activité réfection de surfaces occupé en dernier lieu auprès de la société [10],

– il n’avait plus ni à conduire de camion poids lourd, ni à utiliser une remorque (de poids lourd ou utilitaire), ceci ne découlant d’aucune fiche de poste ni d’avenant au contrat de travail conclu avec la société [10],

– les attestations de salariés communiquées par la société [10] sont dénuées de pertinence,

– un employeur ne peut se prévaloir de prétendues aptitudes antérieures du salarié pour justifier d’attributions qui n’ont rien à voir avec ses missions contractuelles actuelles,

– la société [10] avait nécessairement conscience de la dangerosité intrinsèque des opérations d’attelage et dételage de remorque, qui est très réglementée, notamment par les arrêtés du 17 janvier 2013, et qu’il ne s’agissait pas d’une tâche de base à la portée du salarié en harmonie avec sa formation initiale,

– le tribunal n’a pas relevé un moyen d’office, ces arrêtés ayant été invoqués en première instance par M. [S] [Y],

– l’employeur n’a pas procédé convenablement à l’évaluation des risques professionnels dans le document unique qu’il a établi, de sorte qu’il ne peut contester avoir eu connaissance du danger, étant précisé que les opérations d’attelage et dételage de remorque exigent une formation spécifique et un permis particulier,

– la société [10] n’a manifestement pas mis en oeuvre les mesures de prévention propres à préserver la sécurité de M. [S] [Y], celui-ci n’ayant le jour de l’accident reçu aucune consigne alors que la mission confiée était sans rapport avec les tâches contractuellement dévolues au salarié, la remorque ayant bien été louée pour un week-end au nom de la société [6] et n’était pas rattachable à un chantier sur lequel M. [S] [Y] serait intervenu pour le compte de la société [10],

– la preuve n’est pas rapportée que M. [S] [Y] ait bénéficié d’une formation adéquate en matière d’attelage et dételage de remorque depuis son embauche par la société [10], l’employeur, qui ne peut s’en remettre à une hypothétique expertise passée du salarié, devant renouveler les formations chaque fois que nécessaire et ce d’autant que le dispositif en cause à l’origine de l’accident était particulier,

– de surcroit, M. [S] [Y] ne s’est vu remettre aucun équipement spécifique qui aurait permis le blocage de la remorque pendant les opérations de manipulation.

Aux termes de ses conclusions développées à l’audience et développées oralement, la Caisse primaire d’assurance maladie de Seine et Marne, qui s’en rapporte à l’appréciation de la Cour, demande de statuer ce que de droit sur les mérites de l’appel interjeté par la société [10] et de condamner tout succombant aux entiers dépens.

SUR CE, LA COUR

Il résulte des articles L. 452-1 du code de la sécurité sociale, L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail que le manquement à l’obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l’employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d’une faute inexcusable lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver (Cass. Civ. 2e, 8 octobre 2020, pourvoi n° 18-25.021 ; Cass. Civ. 2e, 8 octobre 2020, pourvoi n° 18-26.677).

Il n’est pas contesté que l’accident du travail dont M. [S] [Y] a été victime est survenu le 14 septembre 2015 alors qu’il se trouvait dans un établissement Kiloutou à [Localité 8], la déclaration d’accident indiquant qu’il s’agissait d’un lieu de travail occasionnel de M. [Y], lequel, alors qu’il manipulait le bras d’une remorque-plateau pour dételer la remorque, a eu le pouce de la main gauche coincé entre l’attache et le bras de la remorque. En se dégageant, il a heurté avec le coude de son bras droit une pièce métallique de la remorque.

Il est constant que l’accident a été pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels, cette prise en charge n’ayant pas été contestée par l’employeur.

Si M. [S] [Y] avait été initialement embauché par la société [6], qui fait partie du même groupe que la société [10], en qualité de conducteur de véhicules poids lourd de plus de 19 tonnes de PTAC, ce qui impliquait qu’il était titulaire du permis de conduire EC et qu’il avait suivi les formations initiales minimales obligatoires (FIMO) et les formations continues de sécurité (FCO) imposées par la règlementation en vigueur, la société [10] soutenant à cet égard que le salarié avait été formé aux manoeuvres de dételage et attelage de remorques ou semi-remorques, le tribunal relève, à juste titre, que son contrat de travail conclu avec la société [10] le 1er octobre 2014 portait sur un emploi de responsable de l’activité de “réfection de surfaces” et non de conducteur de véhicules.

Un tel contrat, impliquant des compétences pour le traitement de tous types de revêtements, amiantés ou non, prévoyait des missions en lien avec la direction et l’encadrement d’une équipe, les relations avec les clients et l’exécution de travaux manuels pour la réalisation de revêtements et de réfection dans le cadre de chantiers de réhabilitation.

Si son contrat de travail précisait que le salarié devait être titulaire d’un permis de conduire “correspondant aux véhicules qui lui étaient confiés”, ce contrat ne stipulait aucunement que M. [S] [Y] avait également pour mission de conduire un véhicule comportant une remorque ni, a fortiori, de manipuler une remorque,

S’il ressort effectivement du contrat de travail de la victime devait être titulaire d’un permis de conduire “correspondant aux véhicules qui lui étaient confiés”, ce document ne stipulait aucunement qu’il avait également pour mission de conduire un véhicule comportant une remorque ni, a fortiori, de manipuler une remorque et l’attestation de M. [D] [E], responsable ressources de la société [10], du 19 juin 2019 n’est pas de nature à emporter la conviction de la cour sur ce point.

Il est, à cet égard, ajouté que le contrat de travail ne prévoyait expressément que la mise à disposition par l’employeur d’un véhicule utilitaire Renault Clio pour l’exécution des missions du salarié, alors qu’il est établi que lors de l’accident de travail, M. [S] [Y] conduisait un véhicule utilitaire, ainsi que le reconnaît la société [10] dans sa lettre d’observations à la Caisse primaire d’assurance maladie de Seine et Marne du 25 mai 2017.

Or, il n’est pas sérieusement contestable que les opérations d’attelage et de dételage de remarque présentent une dangerosité évidente et sont assujetties à une réglementation contraignante.

Il est à cet égard, relevé que l’article R.221-4 du code de la route n’autorise, pour les titulaires d’un permis de conduire de catégorie B, que la conduite des véhicules automobiles ayant un poids total autorisé en charge (PTAC) n’excédant pas 3,5 tonnes, attelés d’une remorque lorsque le poids total autorisé en charge (PTAC) de la remorque est inférieur ou égal à 750 kilogrammes, et les mêmes véhicules attelés d’une remorque lorsque le poids total autorisé en charge (PTAC) de la remorque est supérieur à 750 kilogrammes, sous réserve que la somme des poids totaux autorisés en charge (PTAC) du véhicule tracteur et de la remorque de l’ensemble n’excède pas 4 250 kilogrammes, tandis que la conduite de véhicules relevant de la catégorie B auxquels est attelée une remorque ou une semi-remorque qui a un poids total autorisé en charge (PTAC) n’excédant pas 3 500 kilogrammes lorsque l’ensemble formé par le véhicule tracteur et la remorque ne relève pas de la catégorie B est réservée aux seuls titulaires de permis de conduire de la catégorie BE.

L’arrêté du 17 janvier 2013 publié au journal officiel n°15 du 18 janvier 2013 impose un programme de formation obligatoire pour la conduite d’un ensemble composé d’un véhicule tracteur relevant de la catégorie B du permis de conduire auquel est attelée une remorque dont le poids total autorisé en charge (PTAC) est supérieur à 750 kilogrammes, lorsque la somme des PTAC du véhicule tracteur et de la remorque est supérieure à 3 500 kilogrammes sans excéder 4 250 kilogrammes, ce programme étant fixé à l’annexe 1 dudit arrêté. Cette annexe prévoit que la formation porte notamment sur la connaissance et la réalisation des différentes étapes d’un attelage et d’un dételage dans de bonnes conditions de sécurité pour l’opérateur.

Il ne peut être sérieusement soutenu que le tribunal aurait d’office soulevé un moyen nouveau tiré du rappel des textes règlementaires en la matière, lesquels étaient invoqués par M. [S] [Y].

La société [10] ne peut donc faire valoir que les opérations d’attelage et dételage d’une remorque relevaient d’attributions ordinaires du salarié qui n’impliquaient pas de consignes particulières ni tirer argument du fait que le document unique sur l’évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs dressé en exécution de l’article R.4121-1 du code du travail qu’elle a imparfaitement établi, ne mentionnait aucun risque de blessures engendrée par la manipulation d’une remorque, alors qu’un tel risque est connu et réglementé, de sorte que la société [10], qui est une entreprise de travaux publics, ne peut sérieusement soutenir qu’elle n’avait pas conscience du danger auquel était exposé M. [S] [Y] concernant les risques relatifs aux opérations d’attelage et détalage de remorque.

Sur les mesures nécessaires que l’employeur aurait du prendre pour préserver son salarié, il n’est pas contesté que la société [10] n’a donné aucune directive à M. [S] [Y] pour la remise de la remorque au loueur, la société [7].

Par ailleurs,le tribunal relève à bon droit que les formations et certifications acquises par M. [S] [Y] du temps du contrat de travail avec la société [10] portant notamment sur l’utilisation d’engins et de matériels en toute sécurité, la prévention du risque amiante, le secourisme du travail, l’éco-conduite de véhicules poids lourd, étaient étrangères à la manipulation de remorques. Si M. [S] [Y] a attesté dans son contrat de travail qu’il a suivi les formations initiales minimales obligatoires (FIMP) et les formations continues de sécurité (FCO) prévues par la règlementation en vigueur, ces formations, dont il n’est pas établi que le salarié les aurait poursuivies, ne concernent que le transport des marchandises ou voyageurs.

La société [10] ne peut se retrancher derrière le fait que le salarié était titulaire au moment des faits du permis BE, qui lui a été délivré le 4 février 2008.

En effet, il est rappelé que, par application combinée des articles L.4121-1 du code du travail, dans sa version applicable au litige modifiée par la loi n°2010-1330 du 9 novembre 2010, et R.4142-2 dudit code, il appartient à l’employeur de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité de ses salariés, ces mesures comprenant notamment des actions de formation, et d’informer les travailleurs sur les risques pour leur santé et leur sécurité d’une manière compréhensible pour chacun, cette information ainsi que la formation à la sécurité étant dispensées lors de l’embauche et chaque fois que nécessaire.

Par ailleurs, l’obligation pour l’employeur de prendre les mesures propres à assurer la sécurité de ses salariés doit recevoir application, quelque soit leur expérience antérieure.

Par conséquent, dès lors qu’il demandait à la victime de procéder à des opérations de manipulation de remorques,et ce, d’autant qu’il lui confiait des tâches n’entrant pas dans le champ de leur contrat de travail, l’employeur était tenu de lui fournir une formation adaptée.

Il est constant qu’en l’espèce, M. [S] [Y] n’a pas bénéficié d’une telle formation avant l’accident du travail dont il a été victime.

Enfin, il n’est pas justifié de la remise par l’employeur de gants de protection pour la manipulation de la remorque.

Il s’ensuit que la société [10] n’a pas pris les mesures nécessaires pour protéger M. [S] [Y] de la survenance des risques lors du dételage de la remorque, de sorte que c’est à bon droit que le tribunal a retenu que la société [10] avait commis une faute inexcusable à l’origine de l’accident du travail subi par le salarié.

Il convient, dans ces conditions, de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions.

La société [10], qui succombe, sera condamnée aux dépens d’appel et à payer à M. [S] [Y] 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

DÉCLARE l’appel recevable,

CONFIRME le jugement déféré,

CONDAMNE la société [10] aux dépens d’appel,

CONDAMNE la société [10] à payer à M. [S] [Y] 1500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La greffièreLe président

 


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