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RUL/CH
S.A.S. ESKA
C/
[P] [Z]
Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE DIJON
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 20 JUILLET 2023
MINUTE N°
N° RG 21/00857 – N° Portalis DBVF-V-B7F-F3BD
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CHALON SUR SAONE, section Commerce, décision attaquée en date du 23 Novembre 2021, enregistrée sous le n° 20/00056
APPELANTE :
S.A.S. ESKA
[Adresse 1]
[Adresse 5]
[Adresse 7]
[Localité 2]
représentée par Me Jean-Luc SERIOT de la SCP GALLAND ET ASSOCIES, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE
INTIMÉ :
[P] [Z]
[Adresse 4]
[Localité 3]
représenté par M. [G] [R] (Délégué syndical ouvrier), muni d’un pouvoir en date du 15 juin 2023
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 Juin 2023 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller chargé d’instruire l’affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :
Olivier MANSION, Président de chambre,
Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller,
Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller,
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Kheira BOURAGBA,
GREFFIER LORS DU PRONONCE : Frédérique FLORENTIN
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Frédérique FLORENTIN, Greffier lors du prononcé, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
M. [P] [Z] a été embauché par la société [I] le 9 juin 1982 par un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet en qualité de conducteur d’engins opérateur D3E.
Le contrat de travail a été transféré plusieurs fois et au dernier état de la relation de travail, il était employé par la société ESKA.
Le 7 janvier 2020, il a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 15 suivant.
Le 20 janvier 2020, il a été licencié pour faute grave.
Par requête du 10 mars 2020, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Chalon-sur-Saône afin de contester son licenciement et faire condamner l’employeur aux conséquences indemnitaires afférentes.
Par jugement du 23 novembre 2021, le conseil de prud’hommes de Chalon-sur-Saône a jugé que le licenciement n’est pas abusif et repose sur une cause réelle et sérieuse et condamné la société ESKA à notamment lui payer diverses sommes à titre d’indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, d’indemnité légale de licenciement.
Par déclaration formée le 28 décembre 2021, la société ESKA a relevé appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières écritures du 17 mars 2022, l’appelante demande de :
– infirmer partiellement le jugement déféré,
à titre principal,
– débouter M. [Z] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la cour écarterait la faute grave,
– limiter le montant des condamnations prononcées aux sommes suivantes :
* indemnité de préavis : 4 704,74 euros bruts, outre 470,47 euros bruts au titre des congés payés afférents,
* indemnité légale de licenciement : 27 640,34 euros,
– débouter M. [Z] du surplus de ses demandes,
en tout état de cause,
– le condamner à lui verser la somme nette de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières écritures du 25 mai 2022, M. [Z] demande de :
à titre principal,
– infirmer le jugement déféré en ce qu’il :
* l’a débouté de sa demande de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* condamné la société ESKA à lui payer :
– la somme de 48 520 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– la somme de 4 852 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 485,20 euros au titre des congés payés afférents,
– 28 506 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,
à titre subsidiaire,
– confirmer le jugement déféré en ce qu’il :
* dit que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,
* condamne la société ESKA à lui payer :
– la somme de 4 852 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 485,20 euros au titre des congés payés afférents,
– la somme de 28 506 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,
en tout état de cause,
– infirmer le jugement déféré en ce qu’il :
* l’a débouté de sa demande de dommages-intérêts pour procédure vexatoire à hauteur de 10 000 euros,
– condamner la société ESKA à lui payer la somme de 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,
– juger que les condamnations produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par la société ESKA de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes de Chalon-sur-Saône.
Pour l’exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, la cour relève que M. [Z] soutient dans ses écritures qu’il a été convoqué le 15 janvier 2020 à un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire sans déclenchement d’une mise à pied à titre conservatoire et qu’il a occupé son poste de travail et a été rémunéré après l’entretien, “alors que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié à son poste de travail dès la connaissance des faits et qu’il est dangereux de laisser travailler quelqu”un de soi disant violent”.
Néanmoins, au-delà du fait que l’employeur n’est aucunement tenu de procéder à une mise à pied conservatoire avant d’engager une procédure disciplinaire, le salarié ne tire aucune conséquence juridique du moyen qu’il soulève au titre de la procédure de licenciement.
Il en est de même du moyen qu’il développe dans ses écritures relatif à un prétendu manque de précision de la lettre de licenciement et du courrier de réponse de l’employeur à sa demande de précisions sur les motifs énoncés dans la lettre de rupture.
I – Sur le bien fondé du licenciement :
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.
Il appartient à l’employeur de rapporter la preuve de la faute grave commise par le salarié.
Il est constant que lorsque les juges considèrent que les faits invoqués par l’employeur ne caractérisent pas une faute grave, ils doivent rechercher si ces faits n’en constituent pas moins une cause réelle et sérieuse de licenciement.
En l’espèce, la lettre de licenciement, laquelle fixe les limites du litige, est rédigée dans les termes suivants :
“Au cours de l’enquête “RPS” qui a eu lieu les 10 et 11 décembre 2019 sur le site de [Localité 6], la commission d’audit (composée du Directeur Général, de la Responsable RH, du Secrétaire de la CSSCT et de la Chargée RH du siège parisien) a pu auditionner l’ensemble des salariés du site, dont vous, et ce qui a été entendu à votre sujet est affligeant et tout à fait intolérable.
En effet, ce qui ressort de nombreux entretiens, c’est votre régulière attitude violente et menaçante allant jusqu’aux altercations physique, générant des tensions et des craintes chez vos collègues :
– vous vous mettez en colère au moindre prétexte,
– vous avez des altercations avec les chauffeurs qui ont besoin de bacs pour repartir en tournée,
– vous avez tenté de mettre la pression sur certains de vos collègues pour influencer leur parole pendant ces entretiens,
– vous avez porté des coups sur un chauffeur et sur votre frère, qui n’ont pas osé se plaindre, préférant calmer les choses,
– vous avez décidé du jour au lendemain de faire de M [K] votre souffre douleur. Ainsi vous avez voulu le faire descendre de la pelle qu’il conduisait pour le frapper. Vous l’insultez régulièrement devant d’autres collègues. Vous claquez les portes des casiers ou poussez les chaises devant lui aux vestiaires, de sorte qu’il préfère ne plus y rentrer, ne plus y déjeuner. Vous l’avez menacé à plusieurs reprises […]” (pièces n° 2 et 4).
M. [Z] conteste la faute grave qui lui est reprochée aux motifs que :
– il n’est pas quelqu’un qui se met en colère facilement et il a juste dit aux chauffeurs qu’il n’avait pas de bac et donc qu’il ne pouvait pas leur en donner,
– il n’a jamais tenté de mettre la pression sur ses collègues de travail pour influencer leur parole pendant les entretiens ni porté de coups sur son frère ou sur qui que ce soit,
– des salariés de la société attestent qu’il n’est pas agressif et respecte les gens respectueux et honnêtes envers lui,
– l’enquête “RPS” démontre qu’une reprise en main du comportement managérial est nécessaire, M. [I] étant le fautif depuis plusieurs années,
– une enquête avait été demandée à un cabinet extérieur mais celui-ci s’est rétracté car la société ESKA faisait obstacle à ses demandes, mettant en cause le comportement de M. [I],
– “la direction de DERICHEBOURG a préféré sauvé le soldat [I] qui avait des actions dans la société malgré les choses accablantes contre lui et le sacrifier avec plus de 38,5 ans d’ancienneté et à 1 an et demi de la retraite sans que cela ne lui coûte cher”.
Au titre de la charge de la preuve qui lui incombe, l’employeur :
– rappelle que selon les articles 2 à 5 de l’accord national interprofessionnel du 26 mars 2010 étendu, aucun salarié ne doit subir des agressions ou des violences dans les circonstances liées au travail, qu’il s’agisse de violences internes, ou externes.
Les entreprises, quel que soit leur effectif ont donc l’obligation de prévenir les problèmes de violence au travail. Les modalités retenues doivent être adaptées à la taille de l’entreprise.
L’employeur, qui a l’obligation de prévenir toute forme de violence au travail, doit prendre des mesures à cet effet en concertation avec les salariés et/ou le comité social et économique, est invité à recenser les phénomènes de violence au travail pour rechercher les mesures de prévention adéquates et procède en concertation avec les salariés ou le comité social et économique à l ‘examen de telles situations lorsqu’elles sont constatées, y compris au regard de l’ensemble des éléments de l’environnement de travail : comportements individuels, modes de management, etc… S’il est établi qu ‘il y a eu violences, des mesures adaptées sont prises à l’égard du ou des auteurs. Il peut s’agir de sanctions disciplinaires pouvant aller jusqu’au licenciement,
– produit notamment les éléments suivants :
* un rapport d’enquête RPS dont il ressort les constatations suivantes : “Il existe un conflit ouvert entre deux salariés (Messieurs [Z] et [K]) qui relève du harcèlement” (page 2), “Cas de souffrances importantes au travail : M. [Z] reprocherait très vivement à M. [K] d ‘avoir retourné sa veste lors des dernières élections des IRP. Les altercations seraient vives, sembleraient régulières et se produiraient en tous points sur le chantier. M. [K] s’est déclaré victime du comportement harceleur de M. [Z] jusque dans les vestiaires, au point de ne plus y mettre les pieds. La plupart des salariés ont mentionné l’existence de vives tensions entre Messieurs [K] et [Z]” (page 3), “M. [S], salarié depuis 1979, chauffeur poids-lourd, considère que M [P] [Z] harcèle plusieurs salariés sur le chantier, dont principalement M. [K]” (page 4), “[X] [F], salarié depuis 2010, cariste manutentionnaire, dénonce la pression qu’aurait exercée sur lui M. [Z] pour charger M. [A] [I]” (page 4), “Situation de M. [P] [Z] : salarié depuis 1982, M. [Z] ne semble pas avoir accepté sa rétrogradation de chef de chantier tacite à conducteur d’engins en 2012. […] Il évoque des relations très difficiles avec [L] [K]. […] Son comportement susceptible d’être violent selon ses collègues pourrait en terroriser plusieurs sur le chantier. Il a été violent physiquement à plusieurs reprises (bagarres, portes claquées…). Plusieurs collègues l’ont décrit comme un meneur d’actions visant à charger [A] [I]. Messieurs [F], [K], [B], [S] ont indiqué que M. [Z] aurait mis la pression à certains pour ces entretiens afin qu’ils chargent encore plus [A] [I]” (page 5), “En conclusion, nous estimons que plusieurs points doivent être traités rapidement et avec discernement : – poursuite de la collaboration avec M. [Z] dont nous estimons qu’il ne peut pas rester sur le chantier” (page 9),
* une attestation de M. [X] [F] indiquant que “Cela fait 10 ans que je travaillais avec M. [P] [Z]. J’ai été sous son emprise à ne pas pouvoir m’en défaire. De plus, il a eu des termes inappropriés et même éc’urants. J’ai été témoin d’évènements qui se sont passés au sein de l’entreprise, comme agresser des collègues et leur taper dessus. En plus, il a plusieurs fois insulté les chefs du site, ainsi que des collègues de travail. Je ne préfère pas sa réintégration au sein de l’entreprise car je ne viens plus travailler avec la boule au ventre. L’ambiance est redevenue bien meilleure depuis qu’il n’est plus là” (pièce n° 9),
* une deuxième attestation de M. [X] [F] dénonçant le harcèlement dont il aurait été victime de la part de M. [Z] pour qu’il lui fasse une lettre et réitérant les propos tenus initialement (pièce n° 16),
* une attestation de M. [L] [K] indiquant que “Je témoigne ce jour à nouveau des faits qui sont reprochés à M. [Z] [P]. J’ai été moi-même victime de nombreux agissements tels que menaces, insultes, bagarres de sa part, humiliations auprès de mes collègues, alors que j’étais leur représentant du personnel. Pour ces faits, j’en ai informé deux fois ma Direction, M. [I], responsable du site, qui a pris ce problème au sérieux et nous a convoqués deux fois pour que cela cesse. Quelques jours passaient et tout recommençait. J’ai alors décidé d’alerter la Direction au siège (Monsieur le Directeur du groupe, Madame la RH, un membre du CHSCT). Ces personnes se sont déplacées, ont entendu tout le personnel, et ont pris la décision la meilleure, et selon moi c’est la bonne décision. Je peux aussi témoigner de sa violence ici citée (bagarres, insultes) auprès de plusieurs de mes collègues, eux-mêmes victimes de ses agissements inadmissibles. De ce fait je ne souhaite pas sa réintégration dans l’entreprise où l’ambiance de travail est redevenue normale. Nous ne souffrons plus au quotidien de ces faits qu’il nous a fait subir.” (pièce n° 9),
* une attestation de M. [O] [H] indiquant que “M. [Z] [P] m ‘a agressé pour que j’aille charger un camion alors que mon travail était assez conséquent sur le parc. M. [Z] n’étant pas débordé à ce moment-là aurait pu le faire lui-même. De plus il s ‘est permis de m’ordonner d’aller à la presse sur un ton agressif (ce n ‘est pas mon chef, je n’ai pas d’ordre à recevoir de sa part). Tous les collègues se sont aperçus de son comportement anormal ce jour-là” (pièce n° 11),
* une attestation de M. [W] [S], indiquant avoir été approché par M [Z] après que celui-ci ait pris connaissance de son témoignage et ajoutant “Cela fait des années que je travaille avec [P] [Z] et j’atteste que celui-ci a depuis très longtemps des réactions et des gestes violents vis-à-vis de ses collègues de travail, et aussi avec des personnes extérieures au chantier. En permanence il veut se battre. Il insulte les gens et les rabaisse. Depuis un bon moment il s’en prend à [L] [K] à longueur de journée. Entre insultes, humiliations, débuts de bagarres, menaces, c’est le quotidien […] Les clients étaient souvent mal reçus, il s’énervait tout seul sur son chariot élévateur et hurlait. Il me mettait la pression pour ne rien dire au responsable du site. Son départ est tout à fait justifié” (pièce n° 12),
* une lettre du 11 juillet 2014 émanant de l’agence START PEOPLE rapportant le témoignage d’un ouvrier intérimaire selon lequel “il y a une très mauvaise ambiance due à un certain [P]. Celui-ci dirigerait un peu tout le monde, mettrait la pression aux gens qui travaillent avec lui. Il volerait du matériel, notamment de chez BOULANGER et autres. Il chercherait à se battre avec tout le monde, et surtout menacerait le personnel de ne rien dire à son sujet, que ce soit sur son comportement ou sur ses actes. La personne avec qui j’ai échangé avait même peur de venir travailler le matin et ne voulait pas venir vous en parler de peur des représailles. Il me semble important que vous ayez connaissance de tous ces faits concernant cette personne” (pièce n° 13),
* un courrier électronique du 14 décembre 2016 émanant du responsable de la société ECOCYCLAGE 71 informant la société ESKA que “mon chauffeur a rencontré des soucis hier avec l’un de vos employés. Il a été agressé verbalement et a du faire preuve de diplomatie pour ne pas étre molesté. Il m’a rapporté d’avoir manqué d’être frappé par M. [Z]. Il semble que cette situation n’est pas une première. Il me rapporte avoir déjà connu des soucis avec ce Monsieur. Mon chauffeur a toute ma confiance, c’est une personne calme et posée. De plus, dans son accès de colère, M. [Z] a jeté des bacs dans le camion. Certains sont cassés et inutilisables” (pièce n° 14),
* un courrier électronique du 5 décembre 2019 de Mme [T] relatant un incident entre MM. [K] et [Z] dans les termes suivants : “Je pense qu’il faut vraiment faire quelque chose, [L] est à bout de nerfs.. Visiblement, l’entretien que tu avais eu avec [P] n’a pas suffi. Je crains que ça n’en vienne aux mains un de ces jours” (pièce n° 15)
Etant rappelé que les faits de 2014 et 2016 ne sauraient être reprochés au salarié puisque, indépendamment des règles de prescription applicables en matière disciplinaire, ils ne figurent pas au rang des griefs formulés par la lettre de licenciement, laquelle fixe les limite du litige, il résulte du rapport d’enquête interne et des attestations produites par l’employeur la démonstration suffisante du comportement généralement agressif et ponctuellement physiquement violent de M. [Z] à l’égard de plusieurs de ses collègues de travail, et en particulier M. [K].
M. [Z] conteste ces éléments soit en mettant en cause le propre comportement de M. [I], ce qui est sans conséquence sur la solution du litige, soit par voie d’affirmation, notamment lorsqu’il indique avoir en réalité été licencié pour avoir dénoncé oralement certaines pratiques qui ne lui semblaient pas conformes à la procédure normale de reconditionnement des déchets, sans apporter d’élément permettant d’étayer utilement ses déclarations.
En effet, les attestations qu’il produit – dont le contenu, pour le moins sommaire, et de surcroît sujet à caution eu égard à la démonstration faite par ailleurs de ses agissements vis-à-vis de certains autres salariés visant à les influencer – n’apportent à cet égard aucun élément utile pour contredire le bien fondé des accusations précises et concordantes portées contre lui par plusieurs autres salariés.
La cour considère donc, par infirmation du jugement déféré, que les griefs reprochés au salarié caractérisent une succession de faits qui lui sont imputables et qui constituent une violation des obligations résultant tant du contrat de travail que des stipulations de l’accord national interprofessionnel du 26 mars 2010 étendu, d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.
Le licenciement étant fondé sur une faute grave, les demandes de M. [Z] à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents et d’indemnité légale de licenciement seront rejetées.
II – Sur les dommages-intérêts pour licenciement brutal est vexatoire :
Au visa de l’article L.1222-1 du code du travail, M. [Z] soutient que le caractère vexatoire de son licenciement résulte d’un comportement fautif de l’employeur dans les circonstances de la rupture, à savoir l’avoir laissé travailler jusqu’à la notification de son licenciement, ce qui lui a causé un préjudice distinct de celui du licenciement.
Néanmoins, au-delà du fait que le salarié ne justifie pas du moindre élément de nature à établir un préjudice distinct, la cour rappelle comme indiqué précédemment que l’engagement d’une procédure de licenciement pour faute grave n’impose aucunement à l’employeur d’avoir recours à une mise à pied à titre conservatoire.
Il s’en déduit que M. [Z] ne saurait utilement soutenir que le fait d’avoir continué de travailler jusqu’à son licenciement caractérise un licenciement brutal et vexatoire.
La demande à ce titre sera donc rejetée, le jugement déféré étant confirmé sur ce point.
III – Sur les demandes accessoires :
– Sur les intérêts au taux légal :
Les demandes pécuniaires du salarié étant rejetées, cette demande est sans objet et sera donc rejetée, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.
– Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Le jugement déféré sera infirmé sur ces points.
M. [Z] sera condamné à payer à la société ESKA la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
La demande de M. [Z] au titre de l’article 700 du code de procédure civile sera rejetée.
M. [Z] succombant, il supportera les dépens de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
INFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Chalon-sur-Saône du 23 novembre 2021 sauf en ce qu’il a rejeté les demandes de M. [P] [Z] à titre de :
– dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– dommages-intérêts pour licenciement brutal et vexatoire,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
DIT que le licenciement repose sur une faute grave,
REJETTE les demandes de M. [P] [Z] à titre :
– d’indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents,
– d’indemnité légale de licenciement,
– des intérêts au taux légal,
– de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [P] [Z] à payer à la société ESKA la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [P] [Z] aux dépens de première instance et d’appel.
Le greffier Le président
Frédérique FLORENTIN Olivier MANSION