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SOC.
IK
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 19 mai 2021
Cassation partielle
M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 606 F-D
Pourvoi n° C 20-12.870
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 19 MAI 2021
M. [A] [M], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 20-12.870 contre l’arrêt rendu le 19 décembre 2019 par la cour d’appel de Bordeaux (chambre sociale, section B), dans le litige l’opposant à la société Dilmex, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Techer, conseiller référendaire, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de M. [M], de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Dilmex, après débats en l’audience publique du 24 mars 2021 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Techer, conseiller référendaire rapporteur, M. Rouchayrole, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Bordeaux, 19 décembre 2019), M. [M] a été engagé le 1er juillet 1983 par la société RosaRosa et fils, en qualité de chauffeur poids lourd. Le contrat de travail a été transféré à la société Dilmex (la société) à compter du 1er mai 1996. Dans le dernier état de la relation de travail, le salarié occupait le poste de conducteur d’engins.
2. Le salarié a saisi la juridiction prud’homale le 15 octobre 2014 afin de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail et d’obtenir le paiement de diverses sommes au titre de l’exécution et de la rupture dudit contrat.
3. Le 1er juillet 2017, il a fait valoir ses droits à retraite.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. Le salarié fait grief à l’arrêt de le débouter de sa demande de rappel de salaire sur heures supplémentaires, outre les congés payés afférents, alors « qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; que le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires applicables ; qu’après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant ; qu’en retenant, en l’espèce, pour débouter le salarié de sa demande au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents que le tableau relatif aux heures supplémentaires pour les mois de février et mars 2013, inséré dans le procès-verbal de l’inspectrice du travail daté du 13 août 2013, qui n’est accompagné d’aucun récapitulatif mensuel d’activité rempli par le salarié, était insuffisant pour justifier sa demande sur la période considérée, à savoir les années 2012 et 2013, la cour d’appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé l’article L. 3171-4 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l’article L. 3171-4 du code du travail :
5. Aux termes de l’article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l’article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l’employeur tient à la disposition de l’inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
6. Enfin, selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
7. Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
8. Pour débouter le salarié de sa demande de rappel de salaire sur heures supplémentaires, l’arrêt retient que l’intéressé communique le procès-verbal d’une inspectrice du travail daté du 13 août 2013, dans lequel est inséré un tableau indiquant, pour les mois de février et mars 2013, le nombre d’heures supplémentaires mentionnées sur le récapitulatif mensuel d’activité et le nombre d’heures supplémentaires figurant sur le bulletin de paie, selon l’analyse des données effectuées par l’inspectrice du travail, que, toutefois, d’une part, il ne produit aucun document mentionnant les horaires de travail quotidiens et, en particulier, les heures d’embauche et le temps de pause pour déjeuner sur la période litigieuse, d’autre part, il ressort du rapport d’expertise communiqué par l’employeur et relatif à un contentieux portant sur des demandes similaires en matière de temps de travail que l’inspectrice du travail n’a pas remis en question le décompte des heures mensuelles des salariés, y compris lorsqu’ils restaient une douzaine d’heures sans manger. Il en déduit que ce tableau, portant uniquement sur la période de février à mars 2013 et qui n’est accompagné d’aucun récapitulatif mensuel d’activité rempli par le salarié, ne peut suffire à lui seul à justifier la demande pour les années 2012 et 2013, dès lors qu’il n’est corroboré par aucun autre élément.
9. En statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses propres constatations que le salarié présentait à l’appui de sa demande des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétendait avoir accomplies afin de permettre à l’employeur d’y répondre, la cour d’appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé.