Chauffeur Poids-Lourd : décision du 17 mai 2022 Cour d’appel de Metz RG n° 19/01848

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Chauffeur Poids-Lourd : décision du 17 mai 2022 Cour d’appel de Metz RG n° 19/01848
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Arrêt n° 22/00293

17 Mai 2022

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N° RG 19/01848 – N° Portalis DBVS-V-B7D-FCOS

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Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de METZ

13 Juin 2019

F 18/00083

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

ARRÊT DU

dix sept Mai deux mille vingt deux

APPELANTE :

S.A.S.U. BETONS FEIDT FRANCE

[Adresse 3]

Représentée par Me Antoine FITTANTE, avocat au barreau de METZ

INTIMÉ :

M. [V] [L]

[Adresse 1]

Représenté par Me Bernard PETIT, avocat au barreau de METZ

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 Décembre 2021, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme Anne FABERT, Conseillère, chargée d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Anne-Marie WOLF, Présidente de Chambre

Mme Anne FABERT, Conseillère

Madame Laëtitia WELTER, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Catherine MALHERBE

ARRÊT :

Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Anne FABERT, Conseillère, pour le président régulièrement empêché, et par Mme Hélène BAJEUX, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS

M. [V] [L] a été embauché par la SASU Bétons Feidt France, selon contrat à durée indéterminée, à compter du 29 juin 2015, en qualité de chauffeur poids lourd-pompiste.

M. [L] percevait une rémunération mensuelle brute 1 964,14 €.

Suite à sa démission, son contrat de travail pris fin le 30 septembre 2017.

Par acte introductif enregistré au greffe le 30 janvier 2018, M. [L] a saisi le conseil de prud’hommes de Metz aux fins de :

– Condamner la SASU Bétons Feidt France à lui payer les sommes de :

’21 458,15 € bruts au titre des repos compensateurs, outre 2 145,15 € bruts au titre des congés payés y afférents, avec intérêts au taux légal à compter de jour de la demande ;

‘5 000,00 € nets de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail, avec intérêts au taux légal à compter du jour du jugement à intervenir ;

‘2 000,00 € au titre de 1’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamner la SASU Bétons Feidt France aux entiers frais et dépens.

La SASU Bétons Feidt France s’opposait aux demandes formées à son encontre et sollicitait 2000,00 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 13 juin 2019, le conseil de prud’hommes de Metz, section industrie, a statué ainsi qu’il suit :

– Juge que le contingent annuel qui doit être appliqué dans le cadre de ce litige est celui de 180 heures ;

– Condamne la SASU Bétons Feidt France, prise en la personne de son représentant légal, à payer à M. [L] les sommes de :

’21 458,15 € bruts au titre des repos compensateurs, outre 2 145,15 € bruts au titre des congés payés y afférents, avec intérêts au taux légal à compter du jour de la demande ;

‘1 000,00 € nets à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail avec intérêts au taux légal à compter du jour du jugement à intervenir ;

‘1 350,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Déboute la SASU Bétons Feidt France de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Déboute M. [L] du surplus de ses demandes ;

– Rappelle l’exécution provisoire de droit en application des dispositions de l’article R1454-28 du code du travail ;

– Rappelle le salaire mensuel brut moyen de M. [L] qui s’élève à 3 774, 79 € ;

– Ordonne d’office l’exécution provisoire sur l’intégralité du présent jugement en vertu des dispositions de l’article 515 du code de procédure civile ;

– Condamne la SASU Bétons Feidt France, prise en la personne de son représentant légal, aux entiers frais et dépens d’instance jugement en vertu des dispositions de l’artic1e 696 du code de procédure civile, y compris aux éventuels frais d’exécution du présent jugement.

Par déclaration formée par voie électronique le 17 juillet 2019, la SASU Bétons Feidt France a régulièrement interjeté appel du jugement.

Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 24 décembre 2019, la SASU Bétons Feidt France demande à la Cour de :

– Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Metz du 13 juin 2019,

En conséquence,

– Débouter M. [L] de toutes ses demandes, ‘ns et prétentions,

– Condamner M. [L] à payer à la SASU Bétons Feidt France la somme de 20 406,91 € avec intérêts de droit à compter du 11 juillet 2019 (restitution des sommes versées en exécution du jugement de première instance) ;

– Condamner M. [L] aux entiers frais et dépens ;

Le condamner à payer à la SASU Bétons Feidt France une indemnité de 2 000,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique 12 novembre 2019, M. [L] demande à la Cour de :

– Confirmer le jugement entrepris, en ce qu’il a condamné la SASU Bétons Feidt France à payer à M. [L] les sommes suivantes :

’21 458,15 € bruts au titre des repos compensateurs, outre 2 145,15 € bruts au titre des congés payés y afférents, avec intérêts au taux légal à compter du jour de la demande,

‘1000,00 € nets à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail, avec intérêts au taux légal à compter du jour du jugement,

‘1 350,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Y ajoutant,

. Condamner la SASU Bétons Feidt France à payer à M. [L] la somme de 2 000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

. La condamner aux entiers frais et dépens.

. Débouter la SASU Bétons Feidt France de l’ensemble de ses demandes.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 3 février 2021.

Il convient en application de l’article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions respectives des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS

Sur la demande au titre de la contrepartie obligatoire au repos

Selon l’article L 3121-28 du code du travail, toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent.

En outre, aux termes de l’article L 3121-30 du code du travail, des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d’un contingent annuel. Les heures effectuées au-delà de ce contingent annuel ouvrent droit à une contrepartie obligatoire sous forme de repos. Les heures prises en compte pour le calcul du contingent annuel d’heures supplémentaires sont celles accomplies au-delà de la durée légale.

Selon l’article L 3121-33 dans sa version applicable au litige, une convention ou un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche :

1° Prévoit le ou les taux de majoration des heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale ou de la durée considérée comme équivalente. Ce taux ne peut être inférieur à 10 % ;

2° Définit le contingent annuel prévu à l’article L 3121-30 ;

3° Fixe l’ensemble des conditions d’accomplissement d’heures supplémentaires au-delà du contingent annuel ainsi que la durée, les caractéristiques et les conditions de prise de la contrepartie obligatoire sous forme de repos prévue au même article L. 3121-30. Cette contrepartie obligatoire ne peut être inférieure à 50 % des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel mentionné audit article L. 3121-30 pour les entreprises de vingt salariés au plus, et à 100 % de ces mêmes heures pour les entreprises de plus de vingt salariés.

Enfin en application de l’article D 3121-23 du même code, le salarié dont le contrat de travail prend fin avant qu’il ait pu bénéficier de la contrepartie obligatoire en repos à laquelle il a droit ou avant qu’il ait acquis des droits suffisants pour pouvoir prendre ce repos reçoit une indemnité en espèces dont le montant correspond à ses droits acquis.

En l’espèce, la convention collective des carrières et matériaux ‘ industrie prévoit, dans son article 20 relatif aux heures supplémentaires, que :

« Contingent annuel : 145 heures, 180 heures dans le secteur du béton prêt à l’emploi. Pour les salariés dont l’horaire de travail n’est pas modulé sur l’année, ce contingent peut, après consultation du comité d’entreprise ou des délégués du personnel ou, à défaut, après information des salariés, être augmenté de 35 heures (soit 18 heures au total) et de 45 heures pour le secteur du béton prêt à l’emploi (soit 225 heures au total) ».

Il est constant en l’espèce que l’activité de la SASU Bétons Feidt France concerne le béton prêt à l’emploi et que l’horaire de travail de M. [L] n’est pas modulé sur l’année.

La SASU Bétons Feidt France ne justifie ni n’allègue avoir consulté le comité d’entreprise ou les délégués du personnel ou enfin avoir informé M. [L] de l’augmentation des heures du contingent annuel d’heures supplémentaires à 225 heures.

Dès lors, comme l’ont justement constaté les premiers juges, le contingent annuel applicable au litige est bien de 180 heures.

En ce qui concerne la détermination du nombre d’heures supplémentaires effectuées par M. [L] pouvant ouvrir un droit pour le salarié à prétendre à une indemnité au titre de la contrepartie en repos obligatoire, le salarié fournit un décompte montrant qu’il a exécuté 503,15 heures supplémentaires de juillet à décembre 2015, 1025 heures en 2016 et 668,45 heures en 2017 (de janvier à septembre inclus), soit au total 2197 heures supplémentaires.

La SASU Bétons Feidt France conteste le fait que ces heures correspondent toutes à du temps de travail effectif, invoquant des temps de pause et de décharge du béton qui ne peuvent être considérés comme tel, M. [L] étant libre de ses activités pendant son temps de pause et la décharge du béton ne relevant pas de son activité de pompiste.

Cependant, les annotations au niveau des pauses établies par l’employeur sur ses relevés d’activité ne démontrent pas que M. [L] n’était pas à disposition pendant ces laps de temps d’une courte durée (15 à 30mn pour l’essentiel), ni que la décharge de béton, par nature liée à son activité, ne correspondait pas à un temps de travail.

En outre, les heures supplémentaires revendiquées par M. [L] correspondent strictement à celles figurant sur ses bulletins de salaire, établis par l’employeur, et que celui-ci ne peut de bonne foi contester, les ayant reconnues pour leur paiement mais les contestant pour leur prise en compte au titre du contingent des heures supplémentaires.

Il convient donc de retenir les heures supplémentaires présentées dans le tableau récapitulatif établi par le salarié pour le calcul du droit à la contrepartie en repos et de l’indemnité que M. [V] [L] est en droit de bénéficier en l’absence de prise de tout repos compensateur pendant la durée de la relation de travail.

La SASU Bétons Feidt France indique qu’elle a plusieurs établissements et que son effectif est de moins de 20 salariés, ce que conteste M. [L], estimant que l’employeur dispose de plus de 25 salariés.

La SASU Bétons Feidt France verse aux débats la liste des effectifs de l’établissement d'[Localité 2] où figure M. [L], montrant que 27 salariés sont en cours de contrat.

Il convient de constater que la SASU Bétons Feidt France dispose donc de plus de 20 salariés, de sorte que la contrepartie obligatoire au repos ne pourra être inférieure à 100 % des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel mentionné audit article L. 3121-30 précité.

La somme réclamée par M. [L] tenant compte de la déduction pour chacune des 3 années du contingent annuel de 180 heures, et étant calculée sur le coût horaire de l’heure de travail pratiqué par l’employeur pour les salaires (12,95 €), il convient de faire droit à la demande formée par M.[L] au titre de la contrepartie obligatoire en repos et de confirmer le jugement de première instance en ce qu’il a condamné la SASU Bétons Feidt France à payer à M. [V] [L] la somme de 21 458,15 € brut à ce titre, outre 2 145,81 € pour les congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter du jour de la demande.

Sur la demande de dommages et intérêts

M. [L] demande la confirmation du jugement de première instance en ce qu’il a condamné la SASU Bétons Feidt France à lui verser la somme de 1 000,00 € net à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail.

La SASU Bétons Feidt France s’oppose à cette demande sans expliquer sa position.

Si le fait de ne pas faire bénéficier son salarié d’une contrepartie obligatoire en repos constitue un manquement par l’employeur à ses obligations, M. [L] ne précise pas ni n’allègue en quoi il a subi un préjudice distinct non compensé par la contrepartie obligatoire en repos.

Le jugement entrepris sera donc infirmé sur ce point et M. [L] sera débouté de sa demande de dommages et intérêts.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement entrepris sera confirmé sur ses dispositions sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

La SASU Bétons Feidt France, partie perdante à la procédure, sera condamnée aux dépens d’appel. La société appelante sera également condamnée à verser à M. [L] la somme de 2000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant contradictoirement, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a condamné la SASU Bétons Feidt France à verser à M. [V] [L] la somme de 1 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail ;

Statuant à nouveau et dans cette limite :

Déboute M. [V] [L] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail ;

Confirme le jugement pour le surplus ;

Y ajoutant,

Condamne la SASU Bétons Feidt France à verser à M. [V] [L] la somme de 2 000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

Condamne la SASU Bétons Feidt France aux dépens d’appel.

Le GreffierP/La Présidente régulièrement empêchée,

La Conseillère

 


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