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ARRÊT DU
17 Février 2023
N° 257/23
N° RG 21/00288 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TO7U
IF/NB
Jugement du
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VALENCIENNES
en date du
01 Février 2021
(RG 18/00177)
GROSSE :
aux avocats
le 17 Février 2023
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
– Prud’Hommes-
APPELANT :
M. [U] [T]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me Stephane DOMINGUEZ, avocat au barreau de VALENCIENNES
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 59178002202100 du 23/03/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de DOUAI)
INTIMÉE :
S.A.S. PERRENOT GASCOGNE VENANT AU DROIT DE LA SAS TRANSPORTS P. MENDY
[Adresse 5]
[Localité 2]
représentée par Me Antoine BIGHINATTI, avocat au barreau de VALENCIENNES assisté de Me Christelle LAFITTE, avocat au barreau de BAYONNE
DÉBATS : à l’audience publique du 03 Janvier 2023
Tenue par Isabelle FACON
magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Gaetan DELETTREZ
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Olivier BECUWE
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Frédéric BURNIER
: CONSEILLER
Isabelle FACON
: CONSEILLER
ARRÊT : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 17 Février 2023,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Olivier BECUWE, Président et par Nadine BERLY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 13 décembre 2022
EXPOSÉ DU LITIGE
La société Transports P. Mendy, aux droits de laquelle vient désormais la société Perrenot Gascogne, a engagé Monsieur [U] [T], en qualité de chauffeur poids-lourd, par trois contrats à durée déterminée successifs, le premier commençant le 4 juillet 2016 et le dernier devant se terminer le 30 juillet 2017, avec cette précision qu’il était mis à la disposition de l’entreprise Toyota à [Localité 4].
Son salaire mensuel brut s’élevait en dernier lieu à la somme de 1533.22 euros.
La relation de travail était régie par la convention collective nationale des transports.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 17 mai 2017, Monsieur [U] [T] a fait l’objet d’une mise à pied conservatoire à la suite d’une altercation avec un autre chauffeur, la veille, sur le parking de l’usine Toyota.
Par lettre recommandée avec accusé réception du 9 juin 2017, la société a notifié à Monsieur [U] [T] la rupture anticipée du contrat à durée déterminée pour faute grave.
Monsieur [U] [T] a saisi le conseil de prud’hommes de Valenciennes pour contester la rupture anticipée de son contrat de travail.
Par jugement du 1er février 2021, le conseil de prud’hommes de Valenciennes a jugé, dans son dispositif, que la rupture du contrat de travail de Monsieur [U] [T] n’était pas abusive et a condamné la société à lui payer la somme de 1480 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture anticipée du contrat de travail, outre une indemnité de procédure et la charge des dépens.
Monsieur [U] [T] a fait appel de ce jugement par déclaration du 2 mars 2021, en visant expressément les dispositions critiquées.
Aux termes de ses dernières conclusions, Monsieur [U] [T] demande l’infirmation du jugement, considérant que la rupture anticipée du contrat de travail était abusive, et la condamnation de la société à lui payer les sommes suivantes :
– indemnité pour rupture abusive : 20 000 euros
– indemnité compensatrice de préavis : 2 966.40 euros
– indemnité de congés payés afférente : 296.40 euros
– indemnité pour préjudice moral : 10 000 euros
– indemnité pour frais de procédure : 2 000 euros
Aux termes de ses dernières conclusions, la société, qui a formé appel incident, sollicite que les demandes fondées sur les dispositions légales relatives au licenciement soient déclarées irrecevables, puis la confirmation du jugement en ce qu’il a dit que la rupture du contrat de travail n’était pas abusive mais sa réformation sur les dommages et intérêts alloués, outre la condamnation de Monsieur [U] [T] à lui verser une indemnité pour frais de procédure de 1000 euros.
Il est référé aux conclusions des parties pour l’exposé de leurs moyens, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la fin de non recevoir
Aux termes de l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Rappelant qu’une demande mal fondée en droit ne prive pas le justiciable de son droit d’agir en justice, la cour ne relève pas d’irrecevabilité dans les demandes de Monsieur [U] [T].
Sur la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée
Aux termes de l’article L1243-1 du code du travail, ‘sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l’échéance du terme qu’en cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail.’
Aux termes de l’article L1243-4 du code du travail, ‘la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée qui intervient à l’initiative de l’employeur, en dehors des cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail, ouvre droit pour le salarié à des dommages et intérêts d’un montant au moins égal aux rémunérations qu’il aurait perçues jusqu’au terme du contrat, sans préjudice de l’indemnité de fin de contrat prévue à l’article L. 1243-8.’
Aux termes de l’article L1243-8 du code du travail, ‘lorsque, à l’issue d’un contrat de travail à durée déterminée, les relations contractuelles de travail ne se poursuivent pas par un contrat à durée indéterminée, le salarié a droit, à titre de complément de salaire, à une indemnité de fin de contrat destinée à compenser la précarité de sa situation. Cette indemnité est égale à 10 % de la rémunération totale brute versée au salarié.’
Aux termes de l’article L1242-16 du code du travail, ‘le salarié titulaire d’un contrat de travail à durée déterminée a droit à une indemnité compensatrice de congés payés au titre du travail effectivement accompli durant ce contrat, quelle qu’ait été sa durée, dès lors que le régime des congés applicable dans l’entreprise ne lui permet pas de les prendre effectivement. Le montant de l’indemnité, calculé en fonction de cette durée, ne peut être inférieur au dixième de la rémunération totale brute perçue par le salarié pendant la durée de son contrat.’
Il résulte de la lettre de rupture du 9 juin 2017 que la société reproche à Monsieur [U] [T] d’avoir eu une altercation, le 16 mai 2017, sur le parking de l’usine Toyota d'[Localité 4] avec un chauffeur de poids lourd d’une autre société, également mis à disposition de l’usine Toyota, d’avoir une part de responsabilité dans l’altercation puisqu’un témoin a déclaré qu’il avait commencé à agresser verbalement ce chauffeur qu’il connaissait depuis quelques années et qui a également été blessé au point de recevoir des points de suture, signe des échanges de coups de part et d’autre et enfin, de se trouver, par conséquent, interdit de se présenter sur le site par la société Toyota. L’employeur estime que ces faits constituent une faute grave qui a porté atteinte à l’intégrité de l’entreprise.
L’employeur indique, en outre, dans cette lettre que Monsieur [U] [T] a été emmené à l’hôpital par les pompiers et blessé à la machoire. Monsieur [U] [T] a été placé en arrêt de travail jusqu’au 25 juillet 2017.
Monsieur [U] [T] conteste toute faute grave, indiquant avoir été victime de violences volontaires et n’avoir, en aucun cas, provoqué l’altercation.
La société verse au débat :
– le mail de la représentante de l’usine Toyota interdisant à Monsieur [U] [T] l’accès au site
– l’attestation du témoin rédigée le 6 novembre 2018, également chauffeur de la société au moment des faits
– le refus de prise en charge des blessures de Monsieur [U] [T] au titre d’un accident du travail par la CPAM
Si la société n’expose pas comment elle a eu accès à des informations aussi précises sur les faits reprochés, force est de constater qu’elles correspondent en tous points avec les constatations de la chambre correctionnelle de la cour d’appel, laquelle, dans son arrêt du 18 décembre 2019, a condamné Monsieur [U] [T], malgré ses dénégations, pour violences volontaires sans ITT, considérant que les constatations médicales attestaient qu’il avait porté des coups au visage de l’autre chauffeur et que le témoin avait indiqué qu’il avait initié l’altercation.
Dès lors, peu importe que Monsieur [U] [T] ait été effectivement bien plus blessé dans la bagarre, notamment à la machoire, que l’autre protagoniste.
C’est à raison que la société a estimé que des coups et blessures au temps et au lieu du travail constituent une faute grave rendant impossible son maintien dans l’entreprise, et ce d’autant plus qu’engagé à durée déterminée pour être mis à disposition de l’usine Toyota, il ne pouvait plus, du fait de l’interdiction de site, exercer les missions pour lesquelles il avait été engagé.
Il s’ensuit que la rupture anticipée du contrat de travail de Monsieur [U] [T] n’était pas abusive.
Par conséquent, l’ensemble des demandes indemnitaires présentées par Monsieur [U] [T] seront rejetées.
Le jugement sera partiellement infirmé, comme précisé au dispositif.
Sur les dépens et l’indemnité pour frais de procédure
Bien que Monsieur [U] [T] soit la partie perdante de ce procès, il convient en application de l’article 696 du code de procédure civile et en considération de la disparité économique entre les parties, de dire que chacune conservera la charge de ses propres dépens.
En outre, la demande de la société aux fins d’indemnité pour frais de procédure sera, en équité, rejetée.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Rejette la demande de fin de non recevoir,
Infirme le jugement en ce qu’il a condamné la société Perrenot Gascogne à payer à Monsieur [U] [T] des dommages et intérêts pour rupture anticipée au contrat de travail et une indemnité pour frais de procédure,
Confirme le jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Déboute Monsieur [U] [T] de ses demandes,
Dit que les parties conserveront chacune la charge de leurs dépens de première instance et d’appel,
Déboute la société Perrenot Gascogne de sa demande d’indemnité pour frais de procédure formée en cause d’appel.
LE GREFFIER
Nadine BERLY
LE PRESIDENT
Olivier BECUWE