Chauffeur Poids-Lourd : décision du 15 septembre 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/15752

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Chauffeur Poids-Lourd : décision du 15 septembre 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/15752
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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-6

ARRÊT AU FOND

DU 15 SEPTEMBRE 2023

N° 2023/ 234

Rôle N° RG 19/15752 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BFADO

[M] [N]

C/

S.A.S. TRANSPORTS JEAN-LOUIS

Copie exécutoire délivrée

le :15/09/2023

à :

Me Patrick CAGNOL de l’ASSOCIATION CM AVOCATS MARSEILLE

Me Laetitia LUNARDELLI, avocat au barreau de TOULON

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de DRAGUIGNAN en date du 19 Septembre 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F 15/00163.

APPELANT

Monsieur [M] [N], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Patrick CAGNOL de l’ASSOCIATION CM AVOCATS MARSEILLE, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

S.A.S. TRANSPORTS JEAN-LOUIS prise en la personne de son représentant légal en exercice., [Adresse 2]

représentée par Me Laetitia LUNARDELLI, avocat au barreau de TOULON substitué par Me Estelle VALENTI, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 Juin 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Philippe SILVAN, Président de chambre, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Philippe SILVAN, Président de chambre

Madame Dominique PODEVIN, Présidente de chambre

Madame Estelle de REVEL, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Suzie BRETER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Septembre 2023.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Septembre 2023

Signé par M. Philippe SILVAN, Président de chambre et Mme Suzie BRETER, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Selon contrat à durée indéterminée du 5 avril 1996, M.[M] [N] a été recruté par la société Transports Jean-Louis. Au dernier état de de la relation de travail, il exerçait les fonctions de chauffeur poids-lourd conducteur d’engin.

Le 16 mars 2015, la société Transports Jean-Louis a procédé au licenciement pour motif économique de plusieurs salariés exerçant ces fonctions, dont M.[N].

Le 18 mai 2015, il a saisi le conseil de prud’hommes de Draguignan d’une contestation de son licenciement.

Par jugement du 19 septembre 2019, le conseil de prud’hommes de Draguignan a débouté M.[N] de ses demandes.

Le 11 octobre 2019, M.[N] a fait appel de ce jugement.

A l’issue de ses conclusions du 23 janvier 2023, auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions, M.[N] demande de’:

– juger recevable en la forme son appel’;

– juger ses demandes recevables et bien fondées’;

– infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Draguignan le 19 septembre 2019 en ce qu’il a :

– l’a débouté de l’ensemble de ses demandes’;

– l’ a condamné aux entiers dépens’;

en conséquence, statuant à nouveau :

– fixer son salaire mensuel brut à la somme de 2.255 euros’;

– juger que son licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse’;

– condamner la société Transports Jean-Louis à lui verser la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse’;

– condamner la société Transports Jean-Louis à lui verser la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;

– condamner la société Transports Jean-Louis aux entiers dépens.

Selon ses conclusions du 5 mars 2020, auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions, la société Transports Jean-Louis demande de’:

– débouter M.[N] de son appel et le dire et juger comme particulièrement mal fondé’;

en conséquence’;

– confirmer le jugement du conseil des prud’hommes de draguignan en date du 19 septembre 2019′;

en conséquence’;

– constater, dire et juger que le licenciement de M.[N] repose bien sur un motif économique’;

– constater, dire et juger qu’elle a parfaitement respecté les critères de l’ordre des licenciements’;

en conséquence’;

– débouter M.[N] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions’;

– le condamner à la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 12 mai 2023. Pour un plus ample exposé de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère expressément à la décision déférée et aux dernières conclusions déposées par les parties.

A l’audience de plaidoiries du 15 juin 2016, la cour a mis dans les débats les principes dégagés par la jurisprudence selon lesquels si le juge du fond devait contrôler le caractère réel et sérieux du motif économique de licenciement, il ne devait pas se substituer à l’employeur quant aux choix qu’il effectuait pour faire face à la situation économique de l’entreprise et en vertu desquels, sauf certains comportements fautifs de l’employeur, ne constituant pas une simple erreur dans l’appréciation du risque inhérent à tout choix de gestion, pouvant priver de cause réelle et sérieuse un licenciement de nature économique, l’employeur ne pouvait être sanctionné pour ses choix de gestion, même lorsqu’ils résultent d’une erreur d’appréciation.

La cour a en outre sollicité les observations des parties sur la jurisprudence constante en vertu de laquelle l’inobservation des règles relatives à l’ordre des licenciements n’avait pas pour effet de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse mais qu’elle constituait pour le salarié une illégalité entraînant un préjudice pouvant aller jusqu’à la perte injustifiée de son emploi et devant être intégralement réparé selon son étendue.

Le 21 juin 2023, la cour a demandé aux parties de déposer une note en délibéré précisant le nombre de chauffeurs poids-lourd-conducteurs d’engin qu’elle a licencié concomitamment à M.[N] et de communiquer, chacune, un tableau récapitulant, pour les salariés dont elles estimaient qu’ils relevaient de la même catégorie professionnelle, les points obtenus en application des critères d’ordre invoqués par la société Transports Jean-Louis dans ses dernières conclusions en page 21.

Elles ont déféré à cette demande le 28 juin 2023.

SUR CE’:

sur le motif économique’:

moyens des parties’:

M.[N] affirme que la société Transports Jean-Louis ne pouvait invoquer la nécessité de se réorganiser afin de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise ou du secteur d’activité pour procéder à son licenciement pour motif économique aux motifs que, si le chiffre d’affaires de la société Transports Jean-Louis a baissé sur les trois derniers bilans, le résultat restait bénéficiaire, que la société Transports Jean-Louis a procédé au licenciement des salariés les plus âgés et les plus anciens, dont la rémunération était donc supérieure à celle des autres salariés, que les éléments comptables avancés par la société Transports Jean-Louis pour justifier de la baisse du chiffre d’affaires et du résultat ne sont pas sincères, que concomitamment à son licenciement, la société Transports Jean-Louis a eu recours à différents modes de travail alternatifs pour pallier la suppression de son poste de travail, notamment du travail intérimaire alors que l’article L1251-9 du code du travail interdit, dans les six mois suivant un licenciement pour motif économique, de faire appel à un salarié temporaire au titre d’un accroissement temporaire de l’activité, que dans les mois précédant son licenciement, il accomplissait tous les mois des heures supplémentaires et que, si la société Transports Jean-Louis avait réellement connu une baisse significative d’activité et de commandes, elle aurait commencé par envisager les conditions d’une réduction de son temps de travail à 35 heures hebdomadaires, que la société Transports Jean-Louis n’a pas cherché la moindre alternative à son licenciement, que la baisse d’activité invoquée par la société Transports Jean-Louis est mensongère puisque, deux semaines après son licenciement, elle lui a proposé de le réembaucher en contrat à durée déterminée au même poste avec une rémunération moindre, que les bilans pour les exercices 2014 et 2015 démontrent que la société Transports Jean-Louis a sous-traité une partie de son activité pour des montants considérables alors qu’il lui suffisait d’employer ses salariés pour les mêmes marchés et qu’à la même période, le gérant de la société Transports Jean-Louis a augmenté sa rémunération.

La société Transports Jean-Louis soutient qu’elle était fondée à procéder au licenciement pour motif économique de M.[N] en vue de sauvegarder sa compétitivité aux motifs que son secteur d’activités rencontrait de graves difficultés économiques, que son chiffre d’affaires, que son résultat d’exploitation et que son résultat étaient en baisse depuis l’exercice 2012, qu’elle avait vainement pris diverses mesures pour inverser cette tendance’: non-remplacement des salariés sortants, renonciation au projet de rénovation de son dépôt, que les prévisions étaient préoccupantes puisque peu de devis avaient été signés pour les mois de janvier et février 2015 et qu’elle n’avait pratiquement aucune visibilité pour les mois à venir, que M.[N] ne démontre pas que, peu après son licenciement, il aurait été remplacé par d’autres modes de production tels que la sous-traitance, les intérimaires et les autos entrepreneurs, que, tenue de proposer à M.[N] les postes disponibles en application de la priorité de réembauche de M.[N], elle lui a valablement proposé un contrat à durée déterminée de deux mois, que ses comptes sont sincères, qu’elle n’a pas fait appel à des intérimaires, que M.[N] n’a pas été remplacé, que les heures supplémentaires invoquées par M.[N] concernaient seulement les heures effectuées entre 151 heures mensuelles et 169 heures mensuelles et que M.[N], qui soutient qu’il convenait de lui proposer un horaire hebdomadaire, n’a pas à s’immiscer dans la gestion de l’entreprise.

réponse de la cour’:

L’article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi 2016-1088 du 8 août 2016, énonce que constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.

Le même article précise en outre que les dispositions du chapitre III du titre III du livre II de la première partie du code du travail relatives au licenciement pour motif économique sont applicables à toute rupture du contrat de travail à l’exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants, résultant de l’une des causes énoncées au premier alinéa.

Il est de jurisprudence constante qu’une réorganisation peut être une cause économique de licenciement si elle est nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise.

Par ailleurs, il est de principe que si les juges du fond doivent contrôler le caractère réel et sérieux du motif économique de licenciement au regard des critères posés par l’article L. 1233-3 du code du travail pour autant ils ne peuvent pas se substituer à l’employeur quant aux choix qu’il effectue pour faire face à la situation économique de l’entreprise. Ainsi, ils ne peuvent procéder à une appréciation des choix de gestion de l’employeur et, dès lors que l’employeur justifie de difficultés économiques réelles et sérieuses, de mutations technologiques, d’une réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise ou d’une cessation d’activité totale et définitive, il ne peut pas être sanctionné pour ses choix de gestion, même lorsqu’ils résultent d’une erreur d’appréciation. Cependant, certains comportements fautifs de l’employeur, ne constituant pas une simple erreur dans l’appréciation du risque inhérent à tout choix de gestion, peuvent priver de cause réelle et sérieuse un licenciement de nature économique.

En l’espèce, la lettre de licenciement adressée à M.[N] par la société Transports Jean-Louis le 16 mars 2015 est motivée dans les termes suivants pour caractériser l’existence d’un motif économique’:

«’Je me permets tout d’abord de vous préciser que notre exercice comptable s’entend du 1 er janvier au 31 décembre de l’année N.

Comme vous avez certainement pu le constater, l’activité de la SAS Transports Jean Louis ne cesse de régresser et ce depuis maintenant plusieurs années.

Cette situation est la conséquence directe d’une conjoncture économique et financière de plus en plus difficile. La société doit en effet faire face à la crise économique qui touche presque tous les secteurs d’activité et plus particulièrement celui du bâtiment.

C’est ainsi 4’000 emplois qui ont déjà été perdus ces trois dernières années dans les départements des Alpes-Maritimes et du Var.

En outre, le ralentissement des investissements publics ainsi que les difficultés rencontrées par les ménages pour obtenir des crédits ne permettent pas d’espérer une amélioration de la situation à court et/ou moyen terme

En effet, le nombre de mises en chantier ne cesse de diminuer. Il ressort des déclarations d’ouverture de chantiers (DOC) publiées par le Ministère de l’Ecologie, du développement durable et de l’Energie, que le nombre de mises en chantier de logements neufs enregistré sur l’année 2014 est en recul de 10,4’% par rapport à l’année 2013.

Dans le département du Var, le nombre de mises en chantier a quant à lui diminué de plus de 25’% en 2014

Dans ces conditions, le chiffre d’affaires de la SAS Transports Jean Louis est en constante baisse et s’établit, depuis quelques années, de la manière suivante’:

Au 31 décembre 2012, le chiffre d’affaires de la société était de 2’664’475’euros’;

Au 31 décembre 2013, le chiffre d’affaires de la société était de 2’492’479’euros’;

Au 31 décembre 2014, le chiffre d’affaires de la socjété était de 2’177’896’euros.

La SAS Transports Jean Louis enregistre ainsi une diminution de plus de 18’% de son chiffre d’affaires en l’espace de deux ans

Par ailleurs, l’évolution du rapport entre les produits d’exploitation et les charges d’exploitation est particulièrement inquiétante.

Entre l’année 2012 et l’année 2013, les produits ont ainsi diminué de 6,2’% alors que les charges n’ont baissé que de 4,6’%. Le résultat d’exploitation de la société est ainsi passé de 38’323 euros au 31 décembre 2012 à ‘ 4’458 euros au 31 décembre 2013 soit une diminution de 143’% en un an.

Quant au résultat de l’entreprise, il a chuté de 90’% entre 2011 et 2013, de la manière suivante Au 31 décembre 2011, le résultat s’élevait à 98’671 euros’; Au 31 décembre 2012, le résultat s’élevait â 30’420 euros’; Au 31 décembre 2013, le résultat s’élevait à 9’636 euros.

Eu égard à l’évolution accablante des résultats, il est inéluctable que l’exercice à venir ne permettra pas d’assurer la pérennité de l’entreprise.

En effet, au 31 janvier 2015 (1 mois d’exercice), la société enregistrait un chiffre d’affaires de 131’231 euros n’atteignant ainsi pas le seuil de rentabilité de l’entreprise qui est de 188’911 euros par mois.

La SAS Transports Jean Louis a pourtant tenté de pallier à ces difficultés en consentant un cettain nombre d’efforts, dans l’espoir d’inverser la tendance négative qui perdure de manière inquiétante.

Ainsi, il a été décidé que tout salarié sortant de l’entreprise, pour quelque motif que ce soit ne serait pas remplacé. C’est ainsi 5 salariés sortis entre 2012 et 2015, dont le poste a été définitivement supprimé, à savoir’:

1 poste de conducteur d’engins

1 poste de secrétaire comptable

1 poste de conducteur de pelle ‘ chauffeur poids lourd

1 poste d’adjoint de direction

1 poste de manutentionnaire.

En outre, suite aux sinistres de novembre 2011, la SAS Transports Jean Louis avait envisagé de restaurer son nouveau dépôt A cet effet, un permis de construire lui a été délivré le 20 octobre 2013 Cependant, eu égard à sa santé financière alarmante, la société a finalement renoncé à ce projet de construction.

Néanmoins, force est de constater que ces efforts n’ont pas permis d’endiguer les résultats alarmants enregistrés par la société.

En outre, les prévisions à venir sont préoccupantes puisque la société n’a établi, à ce jour, que 13 devis au cours du mois de janvier 2015, dont seulement 3 ont abouti, et 14 devis au cours du mois de février 2015 dont seulement 4 ont abouti. La société n’a donc pratiquement aucune visibilité pour les mois à venir.

Il est par conséquent manifeste que la SAS Transports Jean Louis ne pourra, à court et moyen terme, relancer de manière pérenne son activité.

C’est donc dans ce contexte économique difficile, lié principalement à la conjoncture économique actuelle et à la baisse notable de l’activité de la société qui la caractérise, qu’il s’avère indispensable de prendre les mesures de réorganisation nécessaires à la sauvegarde de la compétitivité de la SAS Transports Jean Louis.

Aussi, dans le cadre de cette réorganisation et afin de préserver au maximum l’emploi, je suis aujourd’hui contraint d’adapter les effectifs de la société à la charge de travail existante, qui a considérablement diminué’».

La société Transports Jean-Louis produit aux débats une note de la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur de février 2015 dont il ressort, pour l’année 2014, une baisse supérieure à 25’% concernant les logements autorisés/mis en chantier pour le département du Var par rapport à l’année antérieure.

Par ailleurs, il résulte des extraits de la liasse fiscale de la société Transports Jean-Louis que ses résultats comptables sur les exercices 2011 à 2014 peuvent se résumer comme suit’:

exercice clos au

31/12/11

exercice clos au

31/12/12

exercice clos au

31/12/13

exercice clos au

31/12/14

chiffre d’affaires

2 576 376 €

2 664 475 €

2 492 479 €

2 177 898 €

produits d’exploitation

2 712 387 €

2 706 519 €

2 539 188 €

2 237 226 €

salaires et traitements

517 902 €

565 192 €

546 033 €

486 648 €

charges sociales

206 168 €

251 356 €

227 276 €

193 233 €

charges d’exploitation

2 702 021 €

2 668 196 €

2 543 647 €

2 286 390 €

résultat d’exploitation

10 366 €

38 323 €

-4 458 €

-49 164 €

résultat financier

-1 797 €

5 713 €

842 €

134 €

résultat courant avant impôt

8 568 €

44 036 €

-3 615 €

-49 030 €

résultat exceptionnel

132 952 €

-4 534 €

12 851 €

33 225 €

bénéfice ou perte

98 671 €

30 420 €

9 636 €

-15 804 €

Il en ressort en conséquence que, à compter de l’exercice 2012, la société Transports Jean-Louis a subi une baisse notable de son chiffre d’affaires, dont les effets n’ont pu être compensés par la réduction, sur la même période, des salaires et traitements ainsi que des charges sociales, que le résultat de l’exercice 2013 a été bénéficiaire de 9 636’euros, soit une réduction substantielle par rapport aux deux exercices précédents, qu’en raison d’un résultat financier de 842’euros et d’un résultat exceptionnel de 12’851’euros et que, malgré un résultat financier de 134 euros et un résultat exceptionnel de 33’225’euros pour l’exercice 2014, cet exercice a néanmoins été déficitaire de 15’804’euros.

Il s’en déduit en conséquence que la compétitivité de la société Transports Jean-Louis était en péril, justifiant ainsi la réorganisation de l’entreprise.

Il ressort de la comparaison entre le carnet autocopiant de la société Les Milles et une Pierre, versé aux débats par M.[N], et les factures émises par cette société à l’encontre de la société Transports Jean-Louis que cette dernière société a procédé à la location auprès de la société Les Milles et une Pierre de divers matériels de chantier. M.[N] ne peut donc en conséquence prétendre qu’il a réalisé, avant son licenciement, des prestations réglées par le biais de factures émises au profit de la société Les Milles et une Pierre. De même, la décision du gérant de la société Transports Jean-Louis d’augmenter sa rémunération ou encore un recours plus accru à la sous-traitance de cette société pendant l’année 2015, qui relèvent du choix de gestion de l’employeur ne peuvent constituer, en l’absence de toute argumentation plus précise de ce chef, une faute de gestion ayant entrainé une baisse de compétitivité pour la société Transports Jean-Louis.

Enfin, il a été relevé qu’il n’entrait pas dans les pouvoirs du juge d’apprécier les choix de gestion de l’employeur. Dès lors, M.[N] ne peut reprocher à la société Transports Jean-Louis de ne pas avoir envisagé de réduire son temps de travail ou, de manière plus générale, de ne pas avoir envisagé d’autre alternatives à son licenciement.

Par ailleurs, si la violation de l’article L.’1251-9 du code du travail, selon lequel dans les six mois suivant un licenciement pour motif économique, il est interdit de faire appel à un salarié temporaire au titre d’un accroissement temporaire de l’activité, y compris pour l’exécution d’une tâche occasionnelle, précisément définie et non durable, ne relevant pas de l’activité normale de l’entreprise utilisatrice, est prévue et réprimée par l’article L.’1255-5 du même code, elle ne peut avoir pour effet de remettre en cause le bien fondé du motif économique invoqué par l’employeur. L’argument soulevé de ce chef par M.[N] est donc inopérant.

Le licenciement de M.[N] repose en conséquence sur un motif économique.

sur les critères d’ordre’:

moyens des parties’:

M.[N] déclare que, dans un courrier du 8 avril 2015, la société Transports Jean-Louis lui a exposé que les critères retenus pour l’ordre des licenciements résidaient dans les charges de famille, et plus particulièrement celle des parents isolés, l’ancienneté dans l’entreprise, les caractéristiques sociales rendant difficile la réinsertion professionnelle et les qualités professionnelles, que dans le cadre de la présente instance, elle fait état d’un nouveau critère, à savoir l’âge des salariés, que, cependant, des salariés relevant de la même catégorie professionnelle que la sienne, plus jeunes et dont l’embauche a été réalisée postérieurement à son recrutement n’ont pas été visés par la mesure de licenciement pour motif économique et que pour justifier son choix, la société Transports Jean-Louis a procédé à une distinction artificielle entre les catégories de personnels.

La société Transports Jean-Louis soutient qu’elle a valablement mis en ‘uvre les critères d’ordre pour désigner M.[N] aux motifs que ce salarié a recueilli le plus faible nombre de points parmi les salariés de la catégorie professionnelle à laquelle il appartenait et qu’il ne peut affirmer qu’elle aurait procéder à une distinction artificielle entre les différentes catégories.

réponse de la cour’:

Selon l’article L.’1233-5 du code du travail’; dans sa version issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, en vigueur lors du licenciement de M.[N], lorsque l’employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l’absence de convention ou accord collectif de travail applicable, il définit les critères retenus pour fixer l’ordre des licenciements, après consultation du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel.

Ces critères prennent notamment en compte’:

1° Les charges de famille, en particulier celles des parents isolés’;

2° L’ancienneté de service dans l’établissement ou l’entreprise’;

3° La situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés’;

4° Les qualités professionnelles appréciées par catégorie.

L’employeur peut privilégier un de ces critères, à condition de tenir compte de l’ensemble des autres critères prévus au présent article.

Il est de jurisprudence constante que l’inobservation des règles relatives à l’ordre des licenciements n’a pas pour effet de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse mais qu’elle constitue pour le salarié une illégalité entraînant un préjudice pouvant aller jusqu’à la perte injustifiée de son emploi et devant être intégralement réparé selon son étendue.

Enfin, il est de principe que la notion de catégories professionnelles, qui sert de base à l’établissement de l’ordre des licenciements, concerne l’ensemble des salariés qui exercent, au sein de l’entreprise, des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune.

M.[N] a été inclus dans un groupe de cinq salariés, exerçant tous les fonctions de conducteur poids-lourd et conducteur d’engins, au sein duquel trois salariés ont été licenciés. Il ne verse aux débats aucun élément de preuve suffisamment pertinent dont il ressort la démonstration que M.[D], chauffeur poids-lourd 1 seulement, M.[R], livreur, et M.[E], responsable de dépôt, et M.[H], chauffeur poids-lourd 2, exerçaient au sein de la société Transports Jean-Louis des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune que les salariés relevant de la catégorie professionnelle dans laquelle il avait été classé.

Dès lors, la catégorie professionnelle dans laquelle M.[N] avait été inclus pour déterminer l’ordre des licenciements se composait bien de MM.[T], [I], [N], [X] et [S].

Il ressort d’un courrier du 8 avril 2015 adressé par la société Transports Jean-Louis à M.[N], que l’employeur, répondant à sa demande de communication des critères retenus pour fixer l’ordre des licenciements lui a indiqué qu’ils résidaient dans les charges de famille, et plus particulièrement celles des parents isolés, l’ancienneté dans l’entreprise, les caractéristiques sociales rendant difficile la réinsertion professionnelle et les qualités professionnelles.

En revanche, il n’en résulte pas que la société Transports Jean-Louis, expressément sollicité par un salarié sur les critères d’ordre retenus, s’est référé à un critère tiré de l’âge des salariés, soit +5 points pour les salariés de plus de 50 ans. Ce critère ne peut donc être invoqué pour justifier le licenciement de M.[N].

Par ailleurs, il ne ressort ni des conclusions des parties ni des observations déposées par celles-ci dans les notes en délibéré remises à la demande de la cour qu’un ou plusieurs des salariés du groupe de comparaison présentaient des caractéristiques sociales rendant difficile la réinsertion professionnelle.

En conséquence, l’ordre des licenciements devra être apprécié en considération seulement de l’ancienneté des salariés dans l’entreprise, de leurs qualités professionnelles et de leurs charges de famille.

Leur situation respective se résume selon le tableau suivant’:

nom

M.[N]

M. [X]

M.[S]

M.[T]

M.[I]

date entrée dans l’entreprise

27. mars 1996

24. avr. 2006

10. sept. 2007

15. sept. 1998

1. oct. 2001

coefficient

225

210

210

225

210

marié/pacsé, célibataire, veuf

marié

célibataire

marié

marié

marié

enfants à charge

0

0

1

3

4

Ancienneté :
inférieure à 5 ans : 0 points
entre 5 et 10 ans : 2 points
entre 10 et 15 ans : 4 points
supérieure à 15 ans : 6 points

6

2

2

6

4

Qualités professionnelles :
coefficient 2010 : 1 point
coefficient 225 : 2 points
coefficient 240 : 3 points

2

1

1

2

1

charge de famille
marié/pacsé : 1 point
célibataire/veuf : 2 points
enfants à charges : 2 points par enfant

1

2

3

7

9

TOTAL DES POINTS

9

5

6

15

14

L’application des critères d’ordre de licenciement entrainait en conséquence nécessairement la désignation de M.[N]. Ce dernier ne peut en conséquence prétendre à une indemnisation au titre de la violation par la société Transports Jean-Louis des critères d’ordre.

Sur le surplus des demandes’:

Enfin M.[N], partie perdante qui sera condamnée aux dépens et déboutée de sa demande au titre de ses frais irrépétibles, devra payer à la société Transports Jean-Louis la somme de 1’000′ euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS’;

LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement’;

CONFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Draguignan du 19 septembre 2019′;

DEBOUTE M.[N] de l’intégralité de ses demandes’;

CONDAMNE M.[N] à payer à la société Transports Jean-Louis la somme de 1’000’euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;

CONDAMNE M.[N] aux dépens.

Le Greffier Le Président

 


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